IIIe Conférence Générale de l'épiscopat Latino-Américain

Puebla, 1979

 

Les Instituts séculiers

774. "Concernant plus particulièrement les Instituts séculiers, il est important de se rappeler que leur charisme spécifique cherche à répondre de façon directe au grand défi que les changements culturels actuels posent à l'Église: percevoir les formes de vie sécularisée que le monde urbano-industriel exige, en évitant toutefois que la sécularité ne se convertisse en sécularisme".

775. "L'Esprit a suscité dans notre temps cette nouvelle forme de vie consacrée représentée par les Instituts séculiers, pour aider d'une certaine façon à résoudre, grâce à eux, la tension entre l'ouverture réelle aux valeurs du monde moderne (authentique sécularité chrétienne) et le don plein et total du coeur à Dieu (esprit de la consécration). En se mettant exactement au centre du conflit, ces Instituts peuvent constituer une aide pastorale valide pour l'avenir, et aider à ouvrir de nouvelles voies, valides pour tous. au Peuple de Dieu".

776. "D'autre part, à cause de la problématique même qu'ils veulent affronter et à cause du manque de racines habituellement fournies par une longue tradition, ils sont plus exposés que les autres formes de vie consacrée aux crises de notre temps et à la contagion du sécularisme. L'espérance et les risques que leur façon de vivre comportent, devront pousser l'Épiscopat latino-américain à promouvoir et à appuyer leur développement avec une sollicitude particulière".

 

Message au II Congres Latino-Americain des Instituts Séculiers

Card. Eduardo Pironio
12 juillet 1979

 

Chers frères et amis,

l. Bienvenus à cette rencontre de grâce ! Le Seigneur est présent car vous avez été convoqués comme Église en son Nom (Mt 18,20). L'Esprit de Dieu - qui renouvelle toutes choses - agira en profondeur dans le coeur de chacun de vous, à l'intérieur de chacun des Instituts séculiers représentés ici. Vous repartirez renouvelés et recréés: "confirmés dans la Foi, animés par l'Espérance et fortifiés par l'Amour, pour accomplir notre mission évangélisatrice dans notre Continent latino-américain". Permettez-moi de vous saluer avec le souhait de Paul aux Romains: "Que le Dieu de l'espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi la joie et la paix, afin que l'espérance surabonde en vous par la vertu de l'Esprit Saint" (Rm 15,13).

2. Le Dieu vivant de l'espérance! C'est de cela que l'Amérique latine a besoin aujourd'hui. C'est cela que vous annoncerez par la force du témoignage qui naît de la contemplation et de la croix et qui se réalise "dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale" (L.G., 31), et se concrétise dans la manifestation et la communication du Christ pascal. Vous n'êtes pas les témoins d'un Dieu éloigné, mais d'un Dieu qui est ressuscité, qui vit et qui chemine avec les hommes. Vous n'êtes pas non plus des témoins désincarnés qui montrent aux autres le chemin du salut en restant sur la rive; vous êtes des témoins engagés dans les difficultés et les risques de l'histoire, radicalement submergés dans le Christ mort et ressuscité, évangéliquement insérés dans le monde pour le transformer, le sanctifier, l'offrir à Dieu, construisant ainsi la nouvelle civilisation de l'amour. Comme tout laïc - mais encore davantage par la force de la consécration qui vous anime - "vous devez être, devant le monde, un témoin de la résurrection et de la vie du Seigneur Jésus, un signe du Dieu vivant" (L.G. 38).

3. Vous vous réunissez pour réfléchir - à la lumière du Magistère et face aux exigences d'un Continent en pleine ébullition, marqué par la pauvreté et la croix mais rempli d'espérance sur l'identité des Instituts séculiers en cette heure providentielle de l'Amérique Latine en vue d'une évangélisation pleine, d'une promotion humaine intégrale, d'une transformation de la culture vers la civilisation de l'amour.

4. Je voudrais simplement vous rappeler trois choses: votre identité, votre actualité comme "façon propre" d'être Église, vos exigences profondes et radicales.

5. 1. - Votre identité. Elle s'exprime par une phrase toute simple: "sécularité consacrée". Ce sont deux aspects d'une même réalité, d'une même vocation divine. Les deux aspects sont essentiels. Paul VI l'a dit clairement: "Aucun des deux aspects de votre physionomie spirituelle ne peut être surestimé au détriment de l'autre. L'un et l'autre sont coessentiels" (20.9.72).

6. En cette heure privilégiée de l'histoire et de l'Église, le Seigneur appelle à vivre la consécration dans le monde, à partir du monde et pour le monde. Et le monde ne peut pas avilir ni appauvrir la richesse et la fécondité de la consécration, ni la consécration peut vous priver de l'engagement et de la responsabilité de la tâche quotidienne. Radicalement engagés avec le Christ, ouverts à l'éternel, témoins de l'Absolu, mais dans la vie temporelle. I1 est nécessaire de bien souligner et d'unir indissolublement ces deux termes: "consacrés séculiers".

7. "Consacrés", c'est-à-dire sanctifiés par l'Unique Saint de manière plus profonde dans le Christ, par l'Esprit, en vue d'une appartenance totale et exclusive à l'Amour. "Vous avez reçu l'onction venant du Saint et tous vous possédez la science" (1 Jn 2,20). Cette consécration - qui approfondit et porte à la plénitude la consécration baptismale et la confirmation - pénètre toute la vie et les activités quotidiennes, en créant une disponibilité totale au plan du Père qui vous veut dans le monde et pour le monde. Elle vous caractérise comme hommes et femmes de l'Absolu et de l'espérance, exclusivement ouverts à l'unique Amour, pauvres et détachés, capables de comprendre ceux qui souffrent et de vous engager évangéliquement à les racheter et à transformer le monde de l'intérieur. Paul V1 a dit de façon admirable: "Votre vie consacrée dans l'esprit des conseils évangéliques est l'expression de votre appartenance indivisible au Christ et à l'Église, de la tension permanente et radicale vers la sainteté et de la conscience que, en dernière analyse, c'est le Christ seul qui par sa grâce réalise l'œuvre de rédemption et de transformation du monde. C'est dans l'intime de vos cœurs que le monde est consacré à Dieu" (Paul VI, 2.2.72).

8. "Séculiers". Mais cette consécration spéciale - cette appartenance particulière à Jésus-Christ dans la virginité, la pauvreté et l'obéissance - ne retire pas du monde les membres d'un Institut séculier, ni ne paralyse leur activité temporelle; mais elle la vivifie et la dynamise, lui confère un plus grand réalisme et une plus grande efficacité, les libère des satisfactions des intérêts et des recherches qui sont reliés à l'égoïsme d'une façon ou de l'autre. La "consécration séculière", en ouvrant à l'homme ou à la femme le radicalisme absolu de l'Amour de Dieu, les dispose à une incarnation plus profonde dans le monde, par une sécularité pure et libre, purificatrice et libératrice.

9. Vous n'êtes pas du monde, mais vous êtes dans le monde et pour le monde. Le spécifique de ce "nouveau mode" d'être Église c'est de vivre précisément le radicalisme des Béatitudes à partir de l'intérieur du monde, comme la lumière, le sel et le levain de Dieu. Cette sécularité - qui est bien loin d'être un naturalisme ou un sécularisme superficiel - indique "le lieu propre où doit s'exercer votre responsabilité chrétienne", la façon unique de sanctification et d'apostolat, le lieu privilégié d'une vocation spécifique pour la gloire de Dieu et le service envers les frères. Cela exige de vivre dans le monde, en contact avec les frères du monde, insérés comme eux dans les vicissitudes humaines, responsables comme eux des possibilités et des risques de la cité terrestre, semblables à eux dans le poids d'une vie quotidienne engagée à la construction de la société, impliqués avec eux dans les professions les plus variées au service de l'homme, de la famille et de l'organisation des peuples. Engagés, surtout, à construire un monde nouveau selon le plan de Dieu, dans la justice, l'amour et la paix, comme expression d'une authentique "civilisation de l'amour". Ce n'est pas une tâche facile. Cela exige du discernement, de la générosité, du courage. Paul VI les appelle les "alpinistes de l'esprit"

10. 2. - Votre actualité.

Paul VI, d'inoubliable mémoire et d'intuition prophétique, parlait des Instituts séculiers comme d'un "phénomène caractéristique et très consolant dans l'Église contemporaine" (26.9.70). Vous exprimez et vous réalisez de façon originale et particulière la présence de l'Église dans le monde. Vous êtes un signe courageux des nouvelles relations de l'Église avec le monde: confiance et amour, incarnation et présence, dialogue et transformation. Le Concile nous a ouvert un chemin évangélique qui illumina le magistère successif des Papes, de Paul VI à Jean-Paul II. L'Église a été maintes fois définie comme "le sacrement du salut universel". Pour l'Amérique Latine, l'Esprit de Dieu inspira deux événements ecclésiaux qui marquèrent fortement la présence salvifique de l'Église dans le Continent: MEDELLIN et PUEBLA. Grâce à eux nous comprenons mieux la responsabilité des chrétiens dans l'évangélisation et la transformation du monde. C'est une exigence des temps et une invitation pressante de l'Esprit. C'est un défi de l'histoire à l'engagement de l'Église, plus spécifiquement des laïcs, à s'insérer dans le monde pour le transformer de l'intérieur. "En un moment tel que celui où nous vivons - disait Paul VI - les Instituts séculiers, en vertu de leur charisme de sécularité consacrée, apparaissent comme des instruments providentiels pour incarner cet esprit et le transmettre à l'Église tout entière. Si dès avant le Concile, ils ont en quelque sorte anticipé existentiellement cet aspect, à plus forte raison doivent-ils actuellement être les témoins spécialisés et exemplaires de la disposition et de la mission de l'Église dans le monde" (2.2.72). Et il ajoute immédiatement après, comme une exhortation et un défi: "Pour l'aggiornamento de l'Église aujourd'hui, il ne suffit pas d'avoir des directives claires et des documents fréquents: il faut des personnalités et des communautés conscientes de leur responsabilité d'incarner et de transmettre l'esprit voulu par le Concile. A vous, cette mission exaltante: donner inlassablement l'impulsion à la relation nouvelle que l'Église cherche à incarner dans le monde et au service du monde".

11. Les Instituts séculiers - s'ils sont vraiment fidèles à leur charisme de sécularité consacrée - ont un mot important à dire aujourd'hui dans l'Église. Leur mission est, aujourd'hui plus que jamais, providentielle. Ils seront un mode privilégié d'évangélisation, d'annonce explicite de l'Amour du Père manifesté dans le Christ, d'une promotion humaine authentique et profonde et d'une véritable libération évangélique accomplie dans l'esprit des Béatitudes. Ils seront une façon concrète de dépasser le dualisme tragique entre la foi et la vie, l'Église et le monde, Dieu et les hommes.

12. 3. - Vos exigences. I1 faut être fidèle au Seigneur qui, aujourd'hui, nous appelle à nouveau et nous demande tout. Je ne doute pas que ce soit actuellement un moment de grâce pour les Instituts séculiers de l'Amérique Latine. Par conséquent c'est un moment de recréation et d'espérance. Il faut "recréer" dans l'Esprit nos Instituts séculiers, en écoutant la Parole de Dieu et en lisant constamment les signes des temps.

13. Je désire indiquer trois exigences qui me paraissent fondamentales: le sens de l'Église, l'existence théologale, la dimension contemplative.

14. Le sens de l'Église: vivre la joie d'être Église aujourd'hui, en ce moment privilégié de l'histoire, dans ce Continent de possibilités et d'espérance, avec une manière originale et spécifique de répondre à l'appel divin. Etre pleinement Église d'une façon nouvelle (comme "consacrés séculiers"), en communion profonde avec les Pasteurs et en participant fraternellement à la mission évangélisatrice de tout le Peuple de Dieu. Radicalement centrés en Dieu et évangéliquement insérés dans le monde. Etre Église dans une ligne d'authentique communion et participation.

15. Existence théologale. Il est nécessaire de vivre dans le monde une existence théologale claire et inébranlable. Vivre normalement le surnaturel: respirer dans la foi, marcher en bâtissant dans l'espérance, changer le monde en vivant la folie de l'amour. C'est ce que vous exprimez dans la magnifique prière du Congrès: "confirmés dans la Foi, animés par l'espérance et fortifiés par 1'Amour".

16. La vision de foi vous aidera à découvrir à chaque instant le plan du Père, le passage du Christ dans l'histoire, la forte invitation de l'Esprit de l'Amour. L'espérance empêchera que vous paralysent le découragement ou la tristesse, elle vous appuiera sur le Christ de Pâques, elle vous engagera activement dans la construction du monde. La charité vous conduira à vivre avec joie les exigences radicales de la consécration, à centrer votre vie sur Jésus-Christ et à embrasser sa croix, à vous insérer sereinement dans le monde - sans superficialité et sans peur - et à servir généreusement vos frères.

17. Dimension contemplative. Pour lire en Dieu les choses qui se passent dans le monde, pour découvrir les inquiétudes des hommes et les exigences de Dieu, il faut être contemplatif. C'est-à-dire, des hommes et des femmes de prière qui s'arrêtent, dans le rythme de leurs tâches, pour écouter Dieu, qui osent de temps en temps se rendre au désert pour être seuls avec Lui, qui savent surtout installer en eux une zone profonde et inaltérable de silence actif. Des personnes qui font l'expérience de Dieu dans le travail et dans le repos, dans la croix et dans la joie, dans la prière et dans l'activité temporelle. "La prière séculière" n'est pas facile, mais elle est indispensable. Elle est l'unique moyen de vivre pour un membre d'Institut séculier: respirer sans interruption en Dieu tout en suivant le rythme de la profession et la souffrance confiante de l'humanité. C'est difficile, mais il faut avoir le courage de se séparer parfois de tout (pour revenir ensuite au monde) et chercher un moment et un espace de prière. Par-dessus tout, il faut le demander au Seigneur avec une simplicité de pauvres.

18. Ce Message est trop long. Il se justifie, en partie, par l'amour ecclésial que je porte aux Instituts séculiers: leur existence providentielle, leur efficacité actuelle comme signe d'une Église en espérance, leur responsabilité spéciale en cette heure d'évangélisation de notre Continent latino-américain. Il se justifie en partie aussi parce qu'il veut suppléer à mon absence physique et à ce que j'aurais voulu vous dire personnellement si j'avais pu participer à votre Congrès. Dieu en a disposé autrement, qu'il soit béni!

19. Mais - plus que mes paroles écrites - sont présents parmi vous deux chers amis et deux témoins des Instituts séculiers: Mons. Mario Albertini et Mons. Juan José Dorronsoro. Ils sont "ma lettre" personnelle, comme dirait saint Paul. Parlez avec eux, consultez-les avec confiance, écoutez-les. Ils vous diront peut-être la même chose que moi mais ils vous le diront mieux, plus brièvement et avec plus d'autorité. La mienne est une autorité de service dans le Christ et d'affection.

20. Je ne pourrais conclure sans adresser un regard à "Marie, modèle de sécularité consacrée, qui évangélisa par sa présence et sa parole" comme le dit si bien la prière du IIe Congrès.

21. Totalement consacrée au Seigneur - par sa pauvreté, sa virginité et son obéissance au Père - Marie a vécu dans le monde: pleinement insérée dans l'histoire de son peuple, partageant son attente et son espérance, vivant sa pauvreté et désirant sa libération. Elle crut en la Parole qui lui fut dite par le Seigneur et fut heureuse. Elle fut une femme contemplative: elle vécut toujours "à l'écoute" de la parole du Seigneur. Elle fut la Vierge fidèle, la mère de la sainte espérance et du bel amour: la Vierge qui engendra le Christ et le livra dans le silence de la contemplation et la croix. Elle fut la figure et le principe de l'Église: elle s'est faite présence du Christ, signe de communion et de salut.

A Marie, "l'étoile de l'évangélisation", nous confions maintenant les travaux de ce IIe Congrès Latino-américain des Instituts séculiers. En Elle nous avons confiance et nous espérons. Nous laissons tout dans le coeur silencieux et fidèle de "Marie, de laquelle naquit Jésus, appelé Christ" (Mt 1,16).

En toute affection et espérance je vous bénis dans le Christ et la Vierge Marie.

12 juillet 1979

Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers (CRIS)

La Formation dans les Instituts Séculiers

6 avril 1980

 

PRÉSENTATION

1. Il importe de préciser que ces pages sur la formation n'entendent nullement donner un recueil de normes, mais offrir simplement une aide aux Instituts séculiers.

2. En décembre 1978, la Sacrée Congrégation pour les Religieux et Instituts séculiers a envoyé à tous les Instituts séculiers, en l'accompagnant d'un questionnaire, le résultat d'une "étude sur la formation" réalisée d'après divers textes constitutionnels. Les réponses à ce questionnaire ont été étudiées à leur tour: la majorité d'entre elles recevaient comme valable l'étude proposée; c'est pourquoi, le travail actuellement présenté, en garde la structure et la substance, même s'il a été corrigé, élargi et précisé par ces nombreux apports. Quant aux réponses qui s'éloignaient davantage de la ligne d'ensemble, on en a pris tout ce qui pouvait s'y intégrer, laissant seulement ce qui aurait nécessité une refonte radicale: et cela, soit parce que ces réponses reconnaissaient elles-mêmes la validité de la précédente étude, soit parce qu'il aurait fallu publier un matériel trop volumineux.

3. De même, on n'a pas repris certains traits, soulignés par tel ou tel Institut qui, les basant sur sa propre expérience ou son charisme, les retenait de ce fait comme essentiels, alors qu'il s'agit, en réalité, de caractères susceptibles de varier d'un Institut à l'autre.

4. Un tel préambule permet déjà d'entrevoir les limites de cette synthèse. On peut remarquer en particulier que le sujet ainsi traité porte encore avant tout sur les principes; ceux-ci néanmoins sont proposés une fois de plus parce que, tirés d'expériences et d'exigences concrètes, ils méritent qu'on s'emploie à les traduire également de manière concrète. D'où l'espérance nourrie à travers ces pages que les Instituts se sentent stimulés non seulement à soigner la formation comme il convient, mais aussi à recueillir et à communiquer leurs expériences positives pour qu'elles deviennent leçon pratique et patrimoine commun.

 

I.—VIE CHRÉTIENNE ET VOCATIONS SPÉCIFIQUES

5. La vie chrétienne, qui est vie théologale, exige de tous les baptisés un effort pour atteindre la perfection de la charité, selon la vocation particulière de chacun, dans la communauté ecclésiale.

6. Le fondement et le but d'une telle croissance, c'est Jésus-Christ: "... jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous" (Ga 4,19) afin que ce "grand amour (que) nous a donné le Père" parvienne "en nous à sa perfection" (1 Jn 3,1; 4,17); l'agent principal et le guide en est l'Esprit Saint: "... c'est lui qui vous conduira à la vérité tout entière" (Jn 16,13); le milieu normal, c'est l'Église, Corps du Christ; l'aliment et le soutien essentiels, ce sont les sacrements et la Parole de Dieu.

7. A l'intérieur de ce tableau, valable pour tous et toujours très exigeant, il faut parler de croissance selon les différentes vocations, donc avec des spécificités propres à chacune d'elles.

8. La vocation à une consécration séculière demande précisément que l'on tienne compte de son contenu théologique, de la situation - au sein du Peuple de Dieu et de la société civile - des personnes appelées à cette vie, comme aussi de l'organisation des Instituts.

II. - LES PRINCIPAUX PROBLEMES

9. Dans l'expérience des Instituts séculiers, l'activité de formation est confrontée à une série de problèmes que l'on peut résumer ainsi:

 

A. - Problèmes de caractère général

Ils résultent:

l. - du rythme accéléré des changements dans la société à tous ses niveaux, du rythme de vie qui s'ensuit, et du climat où prédomine le caractère superficiel: d'où les difficultés pour lire les signes des temps et discerner les priorités dans l'échelle des valeurs;

10. 2. - de la crise d'identité qui a secoué le monde catholique au cours des dernières années: tendances vers la sécularisation et l'horizontalisme; émergence d'une multiplicité de cultures et de modèles de vie; une certaine confusion dans le domaine de la recherche théologique; diminution du "sensus Ecclesiae" et influence de courants opposés au sein même de l'Église; l'absence d'une formation chrétienne et doctrinale suffisamment solide chez les jeunes, non sans rapport d'ailleurs avec la crise des structures éducatives traditionnelles.

B. - Problèmes plus spécifiques aux Instituts séculiers

Ils concernent:

11. 1. - la nature même de la vocation de ces Instituts, qui exige un effort constant de synthèse entre foi, consécration et vie séculière: une synthèse qui permette d'effectuer une mission vraiment séculière, en accueillant dans leur totalité les exigences évangéliques de la consécration à Dieu;

12. 2. - la situation des personnes qui sont normalement engagées dans des tâches et activités séculières: d'où les problèmes de temps, de déplacements, d'équilibre entre les diverses activités ... Ces difficultés sont encore amplifiées du fait qu'elles touchent même les "formateurs", eux aussi fréquemment absorbés par une profession;13. 3. - le climat ecclésial dans lequel vivent les Instituts séculiers: cette vocation n'est généralement pas comprise par la communauté, ni les prêtres eux-mêmes (si bien qu'une direction spirituelle adaptée fait souvent défaut); quant au plan de l'action, si important pour la formation, il n'est pas rare que le charisme spécifique de ces Instituts ne soit pas mis en valeur dans la complémentarité et la co-responsabilité avec les autres dons de l'Église.

14. Cette énumération des problèmes pourrait être plus détaillée, et, pour des motifs particuliers, ils revêtent certainement des aspects plus aigus dans certains Instituts. Par exemple, ceux dont l'extension est internationale se trouvent, non sans difficultés, dans l'obligation de respecter et assumer les valeurs propres aux cultures dans lesquelles le charisme de l'Institut doit s'incarner.

15. Ce résumé suffit néanmoins à rappeler, si nécessaire, toute l'attention que demande le devoir de la formation dans les Instituts séculiers.

III.—PRINCIPES DE BASE

A. - Objectif final

16. Pour aider vraiment une personne à répondre à sa propre vocation et mission dans le monde, en conformité avec le dessein de Dieu, la formation dans un Institut séculier doit favoriser le développement intégral et unitaire de la personne elle-même, selon ses capacités et ses conditions.

17. Cette formation n'est pas facile, à cause d'un certain penchant à séparer les réalités naturelles et surnaturelles, alors que les unes et les autres doivent être considérées pareillement. Elle demande donc - de la part du sujet lui-même comme du formateur - une connaissance véritable de la personne en formation, et cela, non seulement en ce qui concerne ses dons spirituels et son cheminement de foi, mais aussi quant aux aspects humains d'intelligence, ouverture, sensibilité, équilibre, maturité affective et morale, capacité d'autonomie et d'engagement, etc.

18. Mais, de fait, les valeurs surnaturelles, celles qui précisément doivent assurer l'unité désirée, échappent en grande partie à notre action. En conséquence, la formation exige avant tout une éducation fondamentale à la foi et à la prière; on entend par là, ce rapport très personnel avec Dieu qui sait se traduire en fidèle adhésion à Lui à tout moment de la journée, et qui est riche en même temps de la présence des frères et de tout le créé. Ce rapport vivant et constant suppose que l'on soit formé aux "temps forts" de prière, et à une vie de communion avec Dieu dans l'effort même d'union avec les hommes. Alors, la prière aide à l'acceptation patiente de soi et des propres conditions de vie; elle aide donc à trouver l'équilibre et à s'assurer une solide croissance.

19. Ainsi la formation devient effectivement ce qu'elle doit être: une contribution humaine au travail invisible de la grâce, pour conduire la personne intéressée à la collaboration indispensable avec l'Agent principal qui est l'Esprit Saint.

20. Même à cet égard, la Vierge Marie est exemplaire, et devient "modèle à suivre" (Paul VI): elle qui adhéra constamment à la Parole et à la volonté divine et "se livra elle-même intégralement à la personne et à l'œuvre de son Fils", elle qui "avança dans son pèlerinage de foi, gardant fidèlement l'union avec son Fils jusqu'à la croix" ( LG 56 et 58).

B. - Caractéristique fondamentale

21. La vocation commune de ceux qui adhèrent au même Institut requiert, pour leur formation, des éléments relatifs au contenu et à la méthode, communs à tous. Mais Dieu appelle chacun par son nom: la formation, elle aussi, est nécessairement personnelle sous les aspects suivants:

22. 1. - elle doit être voulue et assumée par la personne en formation, qui en sentira la responsabilité en cherchant constamment à se réaliser elle-même à la lumière de Dieu. Une formation dans laquelle l'intéressé se limiterait à recevoir serait sans effet;

23. 2. - elle doit tenir compte de la personnalité de chacun, c'est-à-dire de l'ensemble de ses qualités et de ses limites, ainsi que du stade de développement auquel il est parvenu, par suite de la formation antérieurement reçue ou non;

24. 3. - enfin, elle doit tenir compte du "lieu" de formation, c'est-à-dire de la situation concrète de la personne à former: il importe en effet que celle-ci soit aidée à réaliser sa vocation personnelle, expression de la vocation spécifique de l'Institut, dans son contexte de vie et, partant, dans ses relations avec les autres.

25. En conséquence, la formation sera personnelle en s'intégrant dans un tout communautaire; la croissance de la personne dépend aussi bien de la capacité de se tenir en rapport avec les autres dans les différents secteurs de la vie; et elle dépend du sens plus ou moins développé de fraternité et de réelle communion à l'intérieur de l'Institut, communauté rassemblée par le Christ.

C. - Étendue de la formation

26. La formation doit embrasser tous les domaines de la vie, même si l'Institut n'a pas à donner une égale contribution dans chacun de ces domaines. En effet: d'une part, certains d'entre eux échappent, techniquement parlant, à sa compétence directe (domaine professionnel, politique, syndical, etc.); d'autre part, il faut considérer que, même sous des aspects moins techniques, les séculiers ont différentes possibilités de formation en dehors de l'Institut.

27. On peut se demander si la compétence de l'Institut, quant à la formation, se réduit à transmettre la connaissance de sa propre vocation et tout ce qui touche son charisme spécifique. Ou bien s'il lui appartient, avant tout, d'assurer une solide formation de base, pour suppléer aux manques trop souvent déplorés chez les candidats.

28. Même en donnant la préférence à ces deux aspects, il faut aider les membres, directement ou indirectement, à acquérir toute la formation dont ils ont besoin personnellement pour répondre à leur appel dans l'Institut et pour réaliser leur propre mission. L'un des devoirs du formateur sera de discerner dans quels domaines la formation reste nécessaire, quelles lacunes sont à combler, en quels points la mise à jour est urgente et vitale. En attendant, prendre chacun dans sa réalité concrète: sa formation de base personnelle, ses devoirs professionnels et sociaux, les possibilités offertes par son milieu de vie; l'aider en lui présentant d'abord ce qui est spécifique à l'Institut et en lui indiquant les moyens de formation à l'extérieur, mais aussi en suppléant éventuellement à ceux qu'il ne pourrait trouver, et en veillant à la coordination des divers éléments pour favoriser en chaque sujet l'unité désirée.

 

D. - Aspects particuliers

29. Les aspects et les domaines de la formation peuvent s'étudier en les distinguant, mais cela ne signifie pas en les séparant, car ils s'entrecoupent et parfois se superposent. Si l'on traite de chacun d'eux successivement, c'est pour en illustrer les contenus essentiels.

l. - Formation spirituelle

30. Dans ce domaine, il faut comprendre les exigences fondamentales de la vie de la grâce, ou de la vie de foi, pour des personnes consacrées à Dieu dans le monde. Ce sont des exigences que chacun doit faire siennes pour se renouveler de l'intérieur, pour vivre concrètement selon les conseils de l'Évangile, pour se donner totalement à Dieu et aux hommes, dans la fidélité à la vocation de consécration séculière au sein du propre Institut.

31. Vu le manque général de formation spirituelle chez les jeunes qui demandent à entrer dans un Institut, leur formation à cet égard doit être très concrète: elle doit leur apprendre à vivre les conseils évangéliques à travers des gestes et des attitudes de don à Dieu dans le service des hommes; les aider à saisir la présence de Dieu dans l'histoire de notre temps et dans l'histoire de chacun; les éduquer à vivre en acceptant la croix.

32. Ainsi la formation spirituelle générale s'insère et prend sa spécificité dans la formation spirituelle selon le charisme et la spiritualité de l'Institut. Les éléments qui reviennent dans tous les Instituts, même si l'accent peut varier de l'un à l'autre sont:

- formation à la prière et à la vie en présence de Dieu;
- approfondissement de la vie baptismale dans la consécration spéciale, exercice des vertus théologales et d'une foi adulte afin que tout l'être appartienne au Seigneur;
- écoute de la parole de Dieu, de manière individuelle ou communautaire, dans une méditation fidèle;- approfondissement du "sensus Ecclesiae", avec la prise de conscience que, par la consécration, toute la vie personnelle est donnée à l'Église et prend part à sa mission;
- formation adéquate pour rendre la personne capable de porter les valeurs spirituelles au sein de toutes les situations humaines.

2. - Formation doctrinale: biblique et théologique

33. La formation spirituelle exige un soutien doctrinal, celui offert par l'étude aussi bien de la Bible que de l'enseignement de l'Église.

34. Certes, la Sainte Écriture n'est pas réservée aux savants; toutefois, il n'est pas possible de la lire comme Parole de Dieu, si on ne l'étudie sérieusement, de manière à la saisir avec ses propres capacités. L'œuvre de l'Esprit Saint en nous est valorisée, et non empêchée, par 1'effort diligent accompli pour mettre le plus possible notre intelligence et notre coeur en attitude d'écoute. La formation doctrinale biblique devrait s'étendre à toute la Sainte Écriture, mais elle doit concerner au moins le Nouveau Testament, surtout l'Évangile.

35. De telles remarques valent pour l'enseignement de l'Église: il faut connaître et comprendre le Concile, le magistère du Pape, de l'Épiscopat... pour vivre sa foi de manière plus consciente et pour mieux s'insérer dans la communauté ecclésiale.

36. De nos jours, plus facilement que dans le passé, se présentent des occasions d'études bibliques et théologiques dans les différents diocèses. L'Institut doit faire en sorte que ces occasions soient mises à profit, tout en gardant l'obligation de les compléter éventuellement lui-même, par l'étude de la partie du magistère qui est propre aux Instituts séculiers.

3. - Formation psychologique, morale et ascétique

37. Cet aspect de la formation n'a pas tellement pour but une connaissance théorique de la psychologie et de la morale, mais plutôt la nécessité pour la personne en formation de se comprendre elle-même, de comprendre le milieu dans lequel elle vit, de prévoir les contrecoups qu'elle peut en recevoir. La recherche des facteurs d'équilibre, de maîtrise de soi, d'ouverture aux autres, s'impose pour former une personnalité mûre, responsable, riche de qualités humaines: tout cela, pour mieux correspondre au don de la grâce, moyennant un effort constant de conversion personnelle et une révision permanente de son propre témoignage de vie.

38. A l'aspect de connaissance doit donc correspondre un travail d'autoformation, dans lequel trouvent place les vertus d'abnégation et de mortification pour suivre le Christ en portant sa propre croix.

4. - Formation à l'apostolat séculier

39. Le travail et l'activité professionnelle, de même que toute présence dans la société, doivent devenir moyens de sanctification personnelle et moyens de sanctifier le monde de l'intérieur, en sachant y insérer les valeurs chrétiennes et tout d'abord la charité.

40. D'où l'importance de faire cheminer les membres de l'Institut au pas du monde et de l'Église, de les ouvrir à de vastes horizons, de les conduire à assumer courageusement leurs propres responsabilités; d'où l'importance de les former à accueillir "la transformation des mentalités et des structures" actuellement en cours, et à pénétrer "les façons de penser et de sentir" des hommes d'aujourd'hui, pour pouvoir "apprécier et interpréter toutes choses avec une sensibilité authentiquement chrétienne" (GS 7 et 62).

41. En conséquence, l'Institut a le devoir de favoriser une formation à la sécularité (au caractère séculier), comprise non seulement comme condition sociale, mais aussi comme valeur qui informe le style de vie, la pratique des conseils évangéliques, la mise en acte de l'engagement apostolique.

42. C'est une formation à la mission, en tant que participation à la mission évangélisatrice et sanctificatrice de l'Église dans le monde: et cela, par un apostolat de présence et de témoignage dans le milieu de vie et dans le cadre professionnel; par ce même apostolat de témoignage lorsque, pour des motifs divers (la maladie, l'âge, etc.), on n'a qu'une vie tout ordinaire pour participer à l'édification du Royaume; ou encore par un apostolat sous forme visible et directe, comme cela est demandé au chrétien conscient et engagé qui, par vocation spéciale, ressent l'urgence d'annoncer le Christ et l'amour du Père, et qui sait se mettre à la disposition de la communauté ecclésiale pour atteindre ce but.

43. En bref: formation à la sécularité comme façon de vivre sa vocation spécifique dans le monde et pour le monde; mais aussi formation au courage, à l'audace apostolique, à la volonté d'une meilleure préparation, au dépassement du respect humain.

5. - Formation professionnelle

44. Il a déjà été rappelé que l'Institut en soi n'est pas compétent pour intervenir directement sur le plan professionnel. Toutefois, il doit veiller à ce que la formation soit assurée en ce domaine, car la valeur du témoignage en dépend aussi.

45. I1 importe donc de sensibiliser les membres au devoir qui leur incombe d'acquérir la meilleure compétence possible pour leur profession, d'avoir des rapports convenables dans leur milieu de travail, de se préparer à des choix valables dans les secteurs culturel, social, politique, syndical. Ce sont là des conditions indispensables pour avoir un impact dans un monde où la culture et la technique tiennent la première place et où, trop souvent, la conscience professionnelle fait défaut.

46. L'exigence de la formation professionnelle doit être accueillie comme un service authentique au monde, en accord avec la vocation spécifique des Instituts séculiers.

E. - Dans une ligne d'unité

47. Ces différents aspects de la formation, en particulier celui de la formation spirituelle et à l'apostolat, trouvent leur orientation unitaire dans les constitutions de chaque Institut: celles-ci en effet constituent la proposition concrète de la vocation particulière et elles contiennent les lignes radicales de la physionomie spirituelle de quiconque est appelé à la vivre.

48. Les constitutions rénovées après le Concile Vatican II sont riches d'inspiration théologique, biblique et doctrinale, ainsi que d'exhortations stimulant à l'ascèse. Si un membre d'Institut séculier est formé sur de telles bases, sa formation sera essentiellement complète, en même temps que garantie - quant à sa validité - par l'approbation de l'Église.

49. Il est essentiel qu'entre la personne et les constitutions s'établisse une relation adulte, libre de la liberté des enfants de Dieu: il faut connaître et comprendre ce qu'elles expriment; il faut se mettre dans une attitude de disponibilité pour y lire la vérité qui appelle à un engagement généreux.

50. Ce rapport, évidemment, ne concerne pas exclusivement la période de première formation, où il importe de bien connaître ce que l'Institut offre et ce qu'il demande. Les constitutions, lues à la lumière de l'Évangile et des documents de l'Église, fournissent une matière d'étude, de réflexion et de révision qui reste toujours valable pour progresser dans la maturité chrétienne.

 

F. - Temps de formation

51. La formation devra présenter un caractère systématique dans la première période de vie dans l'Institut, mais elle ne peut se limiter à cela; bien plus, elle prend sa configuration parfaite à mesure que les choix se précisent, donc durant toute la vie.

52. Tous les éléments décrits ci-dessus valent aussi bien pour la formation permanente que pour la première formation, mais les accentuations seront différentes. Même la formation à la spiritualité et au charisme spécifique de l'Institut, si importante dans les débuts, devra se poursuivre continuellement, car le mode concret de vivre ces réalités évolue selon le temps, les lieux, les directives de l'Église, les besoins du monde. I1 s'agit d'une évolution intelligente qui nécessite donc une formation continue.

53. Les objectifs propres de la formation permanente sont multiples: elle supplée aux inévitables lacunes des premières périodes, elle constitue une aide indispensable pour une mise à jour continuelle, dans le discernement des vraies valeurs et dans une lecture éclairée des signes des temps; elle permet de surmonter les moments de fatigue dus à une vie intense, à l'isolement, l'âge, ou à d'autres circonstances; elle soutient l'effort constant de renouvellement spirituel en vue d'une fidélité totale et croissante, même si viennent à manquer l'élan et l'enthousiasme des débuts; elle stimule l'attention aux exigences nouvelles d'une présence apostolique.

54. Entre la période de première formation et celle qui suit, il peut surgir un danger de fracture susceptible de provoquer une crise. En effet, dans les débuts, la personne est normalement guidée avec assiduité par un responsable qui consacre du temps aux rapports interpersonnels et aux rencontres de formation; par la suite au contraire, ces moyens font défaut ou sont très réduits, et l'on ne peut parler d'une communauté physique qui en tiendrait lieu. I1 faut préparer les membres à une telle solitude, à travers une expérience d'autonomie et de responsabilité personnelle.

G. - Les formateurs

55. En conséquence, le choix d'un formateur qui ait les qualités voulues, demande une particulière vigilance. On doit faire attention à ses dons spirituels, à sa solidité comme membre de l'Institut, à son équilibre, son discernement, à sa capacité d'écoute, de respect, de compréhension des personnes.

56. La nécessaire formation des formateurs se présente aussi, une formation spécifique qui, d'une part, n'est pas différente de celle donnée à tous les membres de l'Institut, et d'autre part en est distincte. Par exemple, le formateur doit non seulement connaître l'Évangile, mais aussi la clef pédagogique qui lui en permet la transmission. I1 doit connaître et vivre les constitutions de l'Institut de manière à en communiquer toute la richesse, mais connaître aussi et savoir trouver les différents modes possibles pour quiconque de les vivre. Et encore: outre les éléments de psychologie indispensables pour savoir réagir face aux réalités de la vie, le responsable de la formation doit acquérir la capacité de juger de toute situation, celle d'indiquer les antidotes que la consécration séculière et la vocation de l'Institut exigent de telle personne dans une situation particulière donnée.

 

IV.—MOYENS DE FORMATION

A. - Plan de formation

57. Un programme de formation s'avère nécessaire, même s'il doit être suffisamment souple pour pouvoir s'adapter aux exigences réelles des personnes et aux circonstances de temps et de lieu; un programme fondé sur la Parole de Dieu, le magistère de l'Église, les constitutions de l'Institut et dont le projet, bénéficiant de l'apport de plusieurs personnes, soit le fruit de réflexion et d'expérience.

58. Échelonné selon les étapes de formation, ce plan doit être clair dans ses finalités, mais très ouvert en ce qui concerne les modalités d'application, pour être en fonction des personnes. Dans les Instituts de grande diffusion, il est souhaitable qu'il existe plusieurs programmes de formation pour tenir compte des cultures des différents milieux, pourvu que les grandes lignes de la formation assurent l'unité d'esprit et de vocation spécifique de tout l'Institut. I1 apparaît encore une fois évident que, dans un tel programme, l'utilisation et l'approfondissement des constitutions occupent une place essentielle.

B. - Moyens de formation spirituelle

59. Étant donnée l'importance capitale de la formation spirituelle, les moyens appropriés doivent être étudiés et présentés explicitement.

60. Une énumération pourrait comprendre: les exercices spirituels, les retraites périodiques, la liturgie et les sacrements, l'écoute personnelle et communautaire de la Parole de Dieu, la méditation quotidienne, l'échange d'expériences de foi, la réflexion - ensemble et isolément - sur les constitutions.

61. Face aux divers moyens de formation spirituelle, qu'ils soient directement utilisés par l'Institut ou qu'ils viennent du milieu où l'on vit, il faut souligner de nouveau que chacun doit se sentir personnellement et activement responsable de la manière dont il les fait siens.

C. - Contacts avec l'Institut

62. Les contacts avec l'Institut, orientés vers une formation intégrale et unitaire, peuvent être multiples: échanges de personne à personne, échanges entre personne et groupe, communications "à distance".

63. 1. - Parmi les contacts de personne à personne, il faut donner une place prioritaire aux rapports réguliers que le membre en formation doit avoir avec le formateur: ces rapports aident les personnes à assumer les divers éléments de la vocation avec responsabilité et selon leur propre don, et à en faire une synthèse harmonieuse dans leur vie.

64. Il peut s'agir de colloques périodiques, de relations écrites, de correspondance régulière. Il est pourtant très utile que le formateur ne se limite pas à cela, mais qu'il cherche à rencontrer la personne en formation dans sa vie ordinaire; qu'il en connaisse le milieu d'origine, pour mieux saisir certains aspects de sa personnalité ainsi que son comportement face aux réalités et vis-à-vis des autres. Ce sont des occasions qui permettent de mieux individualiser les lignes pédagogiques en vue d'aider la personne à découvrir, développer, renforcer le sens qu'elle a de l'engagement et de sa responsabilité personnelle.

65. Outre les contacts avec le responsable de formation, le contact fraternel avec tout autre membre de l'Institut présente aussi une grande importance.

66. 2. - Mais le contact individuel ne suffit pas; il faut le compléter par des temps de vie communautaire, c'est-à-dire par ces rencontres fraternelles, indispensables pour la formation spécifique dans l'Institut, pour le contrôle et le soutien mutuels.

67. Ces temps de vie fraternelle peuvent varier notablement d'un Institut à l'autre, mais leur efficacité sur la formation est indiscutable. De telles rencontres, qui ne comportent pas seulement l'aspect d'amitié humaine, doivent constituer avant tout, des moments de confrontation avec la Parole de Dieu, afin de l'incarner dans les situations concrètes, différentes pour chacun mais mises en partage dans la communion. En effet, au niveau bilatéral aussi bien qu'au niveau du groupe, la valeur du dialogue réside dans la recherche commune de la volonté de Dieu, à travers la communication réciproque.68. Dans le cadre de ces rencontres, se situent également la transmission de l'histoire de l'Institut (charisme, fondation, premières démarches, développements ...), dont la connaissance est fondamentale pour comprendre sa vocation propre et son insertion dans la mission de l'Église.

69. 3. - La possibilité des rencontres fraternelles se heurte fréquemment à de grosses difficultés: d'où la nécessité de prendre en considération les moyens écrits, même si la formation orale est plus efficace.

70. Parmi ces instruments de formation, il faut rappeler tous les écrits élaborés par l'Institut: lettres, circulaires, bulletins, questionnaires, revues, etc.; ils sont utilisés selon les traditions de chaque Institut - mais tous les membres, en fonction de leur capacité, devraient apporter leur contribution - et surtout ils doivent être reçus comme soutien du lien fraternel.

D. - Complémentarité des moyens de formation

71. Peut-on établir une hiérarchie d'efficacité dans les moyens de formation susceptibles d'être utilisés par les Instituts?

72. Pratiquement, les Instituts sont appelés à employer l'un ou l'autre de façon complémentaire, compte tenu des personnes à former et des possibilités réelles. En ce sens, on peut affirmer que tous les moyens sont nécessaires et se complètent réciproquement, devant l'exigence essentielle et permanente qui consiste toujours à assurer le développement de la personne.

73. Quelques suggestions peuvent être retenues en vue de surmonter des difficultés particulières:

74.

- le remède à l'isolement est la constitution de groupes: l'aide mutuelle garantit l'existence d'une stimulation qui permet de progresser même dans l'autoformation;
- on peut rechercher fort utilement des occasions de formation entre Instituts, sur des exigences et des points communs;
- on peut aussi penser à une aide fraternelle de la part de certains Instituts, offrant plus de capacités par le nombre de leurs membres ou leurs qualifications, à l'égard d'autres Instituts.

CONCLUSION

74. Les réflexions exposées, comme les suggestions faites dans ces pages, veulent être - nous l'avons dit - une aide pour les Instituts séculiers.

75. I1 est possible qu'elles suscitent une certaine crainte en quelque responsable d'Institut ou de formation: la tâche est trop lourde!

76. Certes, c'est une lourde tâche, mais elle doit être soutenue par la certitude en chacun que, même en se reconnaissant "serviteur inutile" (Lc 17,10), si l'on a fait toute sa part, le Seigneur intervient et arrive là même où ne peuvent ni se savent parvenir les formateurs: "qu'il accomplisse en vous avec puissance tout désir de bien" (2 Th 1,11).

Rome, en la fête de la Résurrection 1980

 

Discours d'Ouverture au IIe Congres Mondial des Instituts Séculiers

Card. Eduardo Pironio
25 août 1980

 

Chers amis,

1. Ceci veut être une simple parole d'espérance dite par quelqu'un qui essaie de bien vous connaître et qui vous aime profondément. Cela est dit aussi par celui qui - au nom du Pape Jean-Paul II - a le privilège et la responsabilité de vous servir. Permettez-moi de vous saluer avec les paroles que saint Paul adressait aux Philippiens: "A vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ. Je rends grâce à mon Dieu chaque fois que je fais mémoire de vous dans mes prières car je me rappelle la part que vous avez prise à l'Évangile, depuis le premier jour jusqu'à maintenant" (1,2-5).

2. Votre Congrès s'ouvre sous l'inspiration de l'Esprit Saint et la protection de Marie, modèle de consécration séculière, précisément en un moment tout à fait privilégié pour la mission de l'Église: annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus aux pauvres. Le temps que nous vivons se caractérise par un monde qui a faim de la Parole de Dieu, qui a besoin de la présence transformatrice de l'Église, qui demande à l'Église quelle est la raison de son espérance, qui interroge l'Église sur la vérité et l'amour, sur la justice et la paix, sur la liberté et la communion. Le monde met au défi l'Église dans ce qui est sa vie et son essence: la claire transmission de la Bonne Nouvelle de Jésus pour la conversion des cœurs et la construction d'une société nouvelle.

3. C'est ici précisément que s'insère dans le mystère de l'Église-communion, le ministère providentiel laïc des Instituts séculiers. L'ambition de l'Église n'est pas comme le dit si bien "Gaudium et spes" (3) une ambition terrestre; elle veut seulement continuer, sous l'impulsion de l'Esprit Saint, l'œuvre du Christ qui est venu dans le monde pour rendre témoignage de la vérité, pour sauver et non pas pour juger, pour servir et non pas être servi.

4. Permettez-moi, au commencement de ce congrès, que je juge d'importance fondamentale pour le futur des Instituts séculiers (pour leur vitalité intérieure, pour l'efficacité de leur mission et pour l'indispensable éveil de nouvelles vocations), de vous rappeler trois choses:

• la fidélité à votre propre identité de laïcs consacrés;
• le sens ecclésial de votre vie et votre mission d'évangélisation;
• l'urgence d'une vie profonde dans le Christ, l'Envoyé du Père et le Sauveur des hommes.

I - Fidélité à votre propre identité

5. Soyez pleinement vous-mêmes: ne craignez pas de perdre votre véritable identité de laïcs si vous vivez radicalement dans le monde la liberté intérieure et la plénitude de l'amour que vous donnent les conseils évangéliques.

6. La consécration ne vous retire pas du monde, elle vous y insère plus profondément d'une manière nouvelle, dans le Christ du mystère pascal, vivant avec une plus grande maturité et totalement la consécration essentielle du baptême. Vivre à fond le baptême, pour un laïc consacré, c'est se compromettre d'une nouvelle manière à être, dans le monde d'aujourd'hui, une "lettre du Christ" "écrite non pas avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre mais dans la chair, c'est-à-dire dans les cœurs" (2 Co 3,3).

7. Soyez fidèles à votre sécularité consacrée, c'est-à-dire vivez la parfaite unité de cette vocation originale et unique dans l'Église. Ne vous croyez pas des laïcs diminués ou de seconde catégorie, des laïcs cléricalisés - mélange étrange et ambigu de laïcs et religieux. Non! Soyez pleinement laïcs, engagés directement dans la construction du monde dans un don radical à Jésus-Christ. Pour ce travail d'évangélisation étroitement lié à la promotion humaine intégrale et à la pleine libération dans le Christ, il est absolument indispensable que vous viviez avec générosité et d'une façon normale dans la vie quotidienne les deux moyens de cette unique et indivisible vocation: la consécration séculière. Pour cela vous avez été appelés et choisis, consacrés et envoyés.

 

II - Sens ecclésial de votre vie et de votre mission d'évangélisation

8. C'est l'Église entière qui a reçu, au cours de ces dernières années, le don fait par l'Esprit Saint, des Instituts séculiers, depuis Pie XII jusqu'à Jean-Paul II. Souvenez-vous tout spécialement des messages de Paul VI, messages de lumière, de chaleur humaine et d'un profond sens ecclésial.

9. La "consécration séculière" est une manière privilégiée d'être Église. Vous êtes le milieu privilégié de l'Église, spécialement dans l'Église conçue comme sacrement universel de salut. Les Instituts séculiers participent certainement à la sainteté de l'Église, pas à sa structure juridique mais à la vie essentielle de l'Église.

10. Il est nécessaire que les membres des Instituts séculiers vivent intensément le mystère de l'Église tant au niveau universel qu'au niveau particulier. I1 s'agit d'accueillir, d'aimer et d'assumer tous les problèmes, les espoirs, les urgences missionnaires des diverses Églises locales. La vitalité évangélisatrice d'un Institut séculier dépend de son sens profond et concret de l'Eglise.

11. D'où la nécessité de marcher - pour une fidèle transmission de la Bonne Nouvelle aux pauvres - en union avec vos pasteurs, en communion avec leurs directives et avec les exigences et les espérances de tout le peuple de Dieu.

12. Les Instituts séculiers constituent une manière providentielle d'être Église, ce qui suppose deux choses: qu'ils reconnaissent et respectent leur identité spécifique, et que leur mission se réalise de l'intérieur de l'Église - essentiellement communion et participation - envoyée par Jésus-Christ dans le monde pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres.

III - Vie profonde dans le Christ, l'Envoyé du Père

"Je suis crucifié avec le Christ; ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi" (Ga 2, 19-20).

13. La vie et la croissance d'un Institut séculier dépend surtout de deux choses: de sa réalité historique (i.e. de son engagement réel dans la vie de la société: famille, travail, culture, société et politique) et de sa profonde union à Jésus-Christ, ce qui, pour un membre d'Institut séculier, suppose de suivre totalement et radicalement le Christ par les conseils évangéliques (sans quitter pour cela le contexte historique du monde), et une progressive configuration au Christ qui se fait par l'oraison, la participation à la Croix et l'accomplissement quotidien de la volonté du Père.

14. L'oraison se fait toujours dans le contexte "séculier", et non religieux ni monacal, mais authentique et toujours dans la communion concrète et parfaite avec la volonté du Père. Cela se fait de l'intérieur du monde et dans les conditions normales de la vie. Cela suppose des moments difficiles et austères de séparation et de désert. Un laïc engagé ne peut vivre dans un climat permanent de contemplation qu'à partir de temps forts d'oraison profonde.

15. Vivre dans le Christ pour la transformation du monde. Vivre du Christ par la claire et forte prophétie de l'homme: Jésus, notre "joyeuse espérance" est né.

Conclusion

16. Mes chers amis: en commençant vos travaux, regardez le monde dans lequel vous êtes intégrés - comme lumière, sel, ferment - et qui vous interpelle. Regardez ce monde avec réalisme et espérance.

17. Écoutez et recevez le Christ qui vous a choisis, consacrés et envoyés. Écoutez le Christ en esprit de pauvreté et avec disponibilité. Aimez l'Église et faites connaître au monde sa présence.

18. Soyez sincères dans l'amour, joyeux dans l'espérance, forts dans les difficultés, persévérants dans la prière (Rm 12. 9. 12).

19. "Que le Dieu de la paix vous consacre pleinement" (1 Th 5,23) et que vous accompagne toujours Marie, la Vierge de la route et de l'espérance, de la fidélité et du service, du don total au Père par le Christ dans le coeur de l'histoire.

Rome, le 25 août 1980

 

Pour changer le monde "de l'intérieur"

Jean Paul II
28 août 1980

Chers Frères et Sœurs dans le Seigneur,

1. 1. "A vous, la grâce et la paix de la part de Dieu notre Père, et du Seigneur Jésus-Christ". Ces paroles, familières à l'Apôtre saint Paul (cf. Rm 1,7; l Co 1,3; 2 Co 1,2 etc.) montent spontanément à mes lèvres pour vous souhaiter la bienvenue, et pour vous exprimer ma reconnaissance pour la visite que vous me rendez à l'occasion de votre Congrès, qui réunit les représentants des Instituts séculiers du monde entier.

2. Cette rencontre me procure une joie profonde. En effet, votre état de vie consacrée constitue un don particulier de l'Esprit Saint fait à notre temps pour l'aider, comme l'ont dit mes confrères latino-américains réunis à Puebla, "à résoudre la tension entre l'ouverture objective aux valeurs du monde moderne (état séculier chrétien authentique) et le don plénier du coeur à Dieu (esprit de la consécration) (cf. Document final de l'Assemblée de Puebla, n. 775). En effet, vous vous trouvez pour ainsi dire au centre du conflit qui agite et divise l'âme moderne, c'est pourquoi vous pouvez offrir "un apport pastoral efficace pour l'avenir et ouvrir des voies nouvelles et de valeur universelle pour le peuple de Dieu" (ibid).

3. Je porte donc un grand intérêt à votre Congrès, et je prie le Seigneur de vous donner sa lumière et sa grâce afin que les travaux de votre Assemblée vous permettent d'analyser lucidement les possibilités et les risques que votre manière de vivre comporte, de prendre ensuite les décisions capables d'assurer à votre choix de vie, dont l'Église attend beaucoup aujourd'hui, les développements opportuns.

4. En choisissant le thème de votre Congrès: "L'évangélisation et les Instituts séculiers à la lumière de l'exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi", vous avez suivi une suggestion contenue dans une allocution de mon vénéré prédécesseur, le Pape Paul VI auquel va certainement votre gratitude pour l'attention qu'il vous a toujours réservée et pour l'efficacité avec laquelle il sut faire accueillir par l'Église la consécration dans la vie séculière. S'adressant le 25 août 1976 aux Responsables généraux de vos Instituts, il remarquait: "S'ils demeurent fidèles à leur vocation propre, les Instituts séculiers deviendront comme "le laboratoire d'expériences" dans lequel l'Église vérifie les modalités concrètes de ses rapports avec le monde. C'est pourquoi ils doivent écouter comme leur étant adressé surtout à eux, l'appel de l'Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi: 'Leur tâche première... est la mise en œuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives dans les choses du monde. Le champ propre de leur activité évangélisatrice c'est le monde vaste et compliqué de la politique, du social, de l'économie, mais également de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass media' (n. 70)".

5. Dans ces paroles, l'accent mis sur la réalité ecclésiale des Instituts séculiers dans leur être et dans leur agir n'aura certainement échappé à personne. Il est d'ailleurs développé aussi dans d'autres discours. Il y a là un élément que je désire souligner. En effet, comment ne pas se rendre compte combien il est important que votre expérience de vie, caractérisée et unifiée par la consécration, l'apostolat et la vie séculière, se déroule, à travers certes un sain pluralisme: dans une communion authentique avec les Pasteurs de l'Église et dans la participation à la mission évangélisatrice de tout le peuple de Dieu.

6. Ceci ne porte pas préjudice, d'ailleurs, à ce qui distingue essentiellement le mode de consécration au Christ qui vous est propre. Mon prédécesseur le précisait dans l'allocution que j'ai déjà citée, et il rappelait à cette occasion une distinction de grande importance méthodologique: "Cela ne signifie pas, évidemment, - disait-il - que les Instituts séculiers, en tant que tels, doivent se charger de ces tâches. Cela revient normalement à chacun de leurs membres. C'est donc le devoir des Instituts eux-mêmes de former la conscience de leurs membres à une maturité et à une ouverture qui les poussent à se préparer avec beaucoup de zèle à la profession choisie, afin d'affronter ensuite avec compétence, et en esprit de détachement évangélique, les poids et la joie des responsabilités sociales vers lesquelles la Providence les orientera".

7. Conformément à ces indications du Pape Paul VI, vos Instituts ont approfondi de diverses manières, ces dernières années, au niveau national ou continental, le thème de l'évangélisation. Votre Congrès actuel veut faire le point sur les résultats acquis et en vérifier la valeur, afin d'orienter toujours mieux les efforts de chacun en accord avec la vie de l'Église, qui cherche par tous les moyens "à étudier comment faire arriver à l'homme moderne le message chrétien dans lequel il peut trouver la réponse à ses interrogations et la force pour son engagement de solidarité humaine" (Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, n. 3).

8. Je suis heureux de prendre acte du bon travail accompli, et j'exhorte tous les membres, prêtres et laïcs, à persévérer dans la recherche d'une meilleure compréhension des réalités et des valeurs temporelles par rapport à l'évangélisation elle-même: le prêtre, pour se rendre toujours plus attentif à la situation des laïcs et pour porter au presbyterium diocésain non seulement une expérience de vie selon les conseils évangéliques et une aide communautaire, mais aussi une sensibilité exacte du rapport de l'Église au monde; le laïc, pour accueillir le rôle particulier dévolu à celui qui est consacré dans la vie laïque au service de 1'évangélisation.

9. Que les laïcs aient, en ce domaine, une charge spécifique, j'ai eu l'occasion de le souligner à maintes reprises, en accord étroit d'ailleurs avec les indications données par le Concile. "En tant que peuple saint de Dieu, disais-je par exemple à Limerick, au cours de mon pèlerinage en Irlande, vous êtes appelés à remplir votre rôle dans l'évangélisation du monde". Oui, les laïcs sont "une race élue, un sacerdoce saint". Eux aussi sont appelés à être "le sel de la terre" et "la lumière du monde". C'est leur vocation et leur mission spécifique de manifester l'Évangile dans leur vie et de l'insérer ainsi comme un levain dans la réalité du monde où ils vivent et travaillent. Les grandes forces qui régissent le monde politique, mass media, science, technologie, culture, éducation, industrie et travail - sont précisément les domaines où les laïcs ont spécifiquement compétence pour y exercer leur mission. Si ces forces sont dirigées par des personnes qui sont de véritables disciples du Christ et qui, en même temps, par leurs connaissances et leur talents, sont compétentes dans leur domaine spécifique, alors le monde sera vraiment changé du dedans par la puissance rédemptrice du Christ" (Homélie prononcée à Limerick, le ler octobre 1979, cf. Doc. Cath. 1979, p. 867).

10. En reprenant maintenant ce discours et en l'approfondissant, j'éprouve le besoin d'attirer votre attention sur trois conditions d'une importance fondamentale pour l'efficacité de votre mission:

11. Vous devez être, avant tout, de vrais disciples du Christ. En tant que membres d'un Institut séculier, vous voulez être tels par le radicalisme de votre engagement à suivre les conseils évangéliques d'une manière telle que, non seulement elle ne change pas votre condition, - vous êtes et vous demeurez des laïcs! - mais qu'elle la renforce, en ce sens que votre état séculier soit consacré, qu'il soit plus exigeant et que l'engagement dans le monde et pour le monde, impliqué par cet état séculier, soit permanent et fidèle.

12. Rendez-vous bien compte de ce que cela signifie: la consécration spéciale, qui conduit à sa plénitude la consécration du baptême et de la confirmation, doit imprégner toute votre vie et toutes vos activités quotidiennes, en créant en vous une disponibilité totale à la volonté du Père qui vous a placés dans le monde et pour le monde. De cette manière, la consécration en viendra à constituer comme l'élément de discernement de l'état séculier, et vous ne courrez pas le risque d'accepter cet état simplement comme tel, avec un optimisme facile, mais vous l'assumerez en gardant conscience de l'ambiguïté permanente qui l'accompagne, et vous vous sentirez logiquement engagés à en discerner les éléments positifs et ceux qui sont négatifs afin de privilégier les uns, précisément par l'exercice du discernement, et pour éliminer au contraire progressivement les autres.

13. La seconde condition est que vous soyez, au niveau du savoir et de l'expérience, vraiment compétents dans votre domaine spécifique pour y exercer, grâce à votre présence, cet apostolat de témoignage et d'engagement envers les autres que votre consécration et votre vie dans l'Église vous imposent. En effet, c'est seulement grâce à cette compétence que vous pourrez mettre en pratique la recommandation adressée par le Concile aux membres des Instituts séculiers: "Il faut qu'ils tendent avant tout à se donner entièrement à Dieu dans la charité parfaite et que leurs Instituts gardent le caractère séculier qui leur est propre et spécifique afin de pouvoir exercer partout et efficacement l'apostolat dans le monde et comme au sein du monde, apostolat pour lequel ils ont été créés" (Décret Perfectae Caritatis, n. 11).

14. La troisième condition sur laquelle je veux vous inviter à réfléchir est constituée par cette résolution qui vous est propre: à savoir de changer le monde de l'intérieur. Vous êtes, en effet, insérés dans le monde à part entière et non seulement de par votre condition sociologique; vous êtes tenus à cette insertion avant tout comme à une attitude intérieure. Vous devez donc vous considérer comme "partie" du monde, comme engagés à le sanctifier en acceptant totalement les exigences qui découlent de la légitime autonomie des réalités du monde, de ses valeurs et de ses lois.

15. Ceci veut dire que vous devez prendre au sérieux l'ordre naturel et son "épaisseur ontologique", en essayant de lire en lui le dessein librement poursuivi par Dieu, et en offrant votre collaboration afin qu'il s'actualise progressivement dans l'histoire. La foi vous donne des lumières sur le destin supérieur auquel cette histoire est ouverte grâce à l'initiative salvatrice du Christ; dans la révélation divine, cependant, vous ne trouvez pas de réponses toutes faites aux nombreuses questions que l'engagement concret vous pose. C'est votre devoir de chercher, à la lumière de la foi, les solutions adéquates aux problèmes pratiques qui émergent peu à peu, et que vous ne pourrez souvent obtenir qu'en prenant le risque de solutions seulement probables.

16. Il y a donc un engagement à promouvoir les réalités de l'ordre naturel et il y a un engagement à faire intervenir les valeurs de la foi, qui doivent s'unir et s'intégrer harmonieusement à votre vie, en constituant son orientation de fond et sa constante inspiration. De cette façon, vous pouvez contribuer à changer le monde "du dedans", en devenant son ferment vivifiant et en obéissant à la consigne qui vous a été donnée dans le Motu Proprio Primo feliciter: être "le ferment, modeste mais efficace, qui agissant partout et toujours, et mêlé à toutes les classes de citoyens, des plus modestes aux plus élevées, s'efforce de les atteindre et de les imprégner toutes et chacune par l'exemple et de toutes façons jusqu'à informer la masse tout entière de telle sorte qu'elle soit toute levée et transformée dans le Christ" (Introduction).

17. La mise en évidence de l'apport spécifique de votre style de vie ne doit pas, cependant, conduire à sous-évaluer les autres formes de consécration à la cause du Royaume auxquelles vous pouvez aussi être appelés. Je veux faire allusion ici à ce qui est dit au numéro 73 de l'exhortation Evangelii Nuntiandi, qui rappelle que: "les laïcs peuvent aussi se sentir appelés ou être appelés à collaborer avec les Pasteurs au service de la communauté ecclésiale, pour la croissance et la vie de celle-ci, exerçant ministères très diversifiés, selon la grâce et les charismes que le Seigneur voudra bien déposer en eux".

18. Cet aspect n'est certainement pas nouveau mais correspond au contraire dans l'Église à de très vieilles traditions; il concerne aussi un certain nombre de membres des Instituts séculiers et principalement, mais non exclusivement, ceux qui vivent dans les communautés d'Amérique latine ou d'autres pays du tiers monde.

19. Chers Fils et Filles, votre champ d'action, comme vous le voyez, est très vaste. L'Église attend beaucoup de vous. Elle a besoin de votre témoignage pour apporter au monde, affamé de la Parole de Dieu même s'il n'en a pas conscience, la "joyeuse annonce" que toute aspiration authentiquement humaine peut trouver dans le Christ son accomplissement. Sachez être à la hauteur des grandes possibilités que la Providence divine vous offre en cette fin du second millénaire du christianisme.

20. Pour ma part, je renouvelle ma prière au Seigneur, par l'intercession maternelle de la Vierge Marie, afin qu'il vous accorde en abondance ses dons de lumière, de sagesse, de détermination dans la recherche des voies les meilleures pour être, parmi vos frères et vos sœurs qui sont dans le monde, un témoignage vivant rendu au Christ et un appel direct mais convaincant à accueillir sa nouveauté dans la vie personnelle et dans les structures sociales.

21. Que la charité du Seigneur guide vos réflexions et vos échanges durant ce Congrès. Vous pourrez alors marcher avec confiance. Je vous y encourage en vous donnant la Bénédiction Apostolique, pour vous ainsi que pour ceux et celles que vous représentez aujourd'hui.

Castel Gandolfo, 28 août 1980

 

Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers (CRIS)

Les instituts séculiers et les conseils évangéliques
Réflexion sur les données du magistère ecclésial

15 mai 1981

 

 

L'activité la plus importante, pour la Section Instituts séculiers, consiste dans l'examen des constitutions ou statuts, tâche accomplie en collaboration avec des Consulteurs et des Commissaires, sous la responsabilité ultime du Cardinal Préfet et du Prélat Secrétaire.

I1 ne s'agit pas d'un travail purement technique, dans lequel il suffirait d'appliquer un schéma préétabli pour approuver ou corriger les différentes règles.

Et la Section elle-même ne constitue nullement un groupe anonyme: ceux qui la composent, ainsi que les Consulteurs et Commissaires, sont appelés à un service ecclésial qu'ils veulent accomplir dans l'amour pour le Christ, l'Église, les personnes. Cela comporte de leur part un effort de compréhension et une exigence de fidélité constamment renouvelés.

A partir de la documentation reçue, et autant que possible par un dialogue direct, la Section tâche de saisir, au moins dans l'essence sinon dans les nuances, la spiritualité, l'histoire, les éléments caractéristiques de chaque Institut. En même temps, pour accomplir son devoir d'organe exécutif, elle prend comme norme la doctrine ecclésiale sur les Instituts séculiers qu'elle doit interpréter, perfectionner et appliquer, sans la trahir (cf. Provida Mater, art. 11§ 2).

C'est dans cet esprit que, face à des difficultés toujours plus marquées relativement à l'engagement des conseils évangéliques, la Section a procédé à une réflexion, en vue d'une plus grande clarté pour agir à ce niveau, c'est-à-dire pour l'examen ci-dessus mentionné. A la suite d'un premier contact avec ses Consulteurs elle a mis cette réflexion par écrit, convaincue de son utilité: non pas à cause de quelque nouveauté dans son contenu, mais parce qu'elle peut servir de contrôle pour la rédaction ou la révision des constitutions, et elle peut offrir la base d'un langage commun dans la poursuite du dialogue amorcé entre les Instituts et la Section.

1. La nouveauté et la particularité des Instituts séculiers dans l'Église, ce fut et c'est: la reconnaissance ecclésiale d'une vraie consécration dans la sécularité.
Le magistère de l'Église, usant de son autorité, a reconnu comme Instituts de vie consacrée, outre les Instituts religieux, même ces associations qui appelées à un apostolat "in saeculo et ex saeculo", proposent à leurs membres comme voie vers la plénitude de la charité (ou bien - selon des expressions équivalentes - vers la perfection de la vie chrétienne, vers une vie pleinement et authentiquement évangélique) l'engagement explicite, avec lien sacré, à observer les conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance, dans le monde, dans la vie séculière. Ces associations ont été dénommées "Instituts séculiers".

Il suffit de voir la Constitution apostolique Provida Mater (1947), le Motu proprio Primo feliciter (1948), et la confirmation contenue dans le n° 11 du décret conciliaire Perfectae Caritatis (1965). Ces textes doivent être lus aujourd'hui à la lumière de l'enseignement donné par Paul VI et Jean-Paul II dans leurs discours aux Instituts séculiers.

La reconnaissance d'une vraie consécration dans la sécularité est reprise, en termes substantiellement identiques, dans le schéma du futur code de droit canonique.

2. La réalité de cette consécration spéciale comprend trois composantes: l'action de Dieu qui appelle à un engagement et à une mission spécifiques, la réponse de la personne par un don total, la reconnaissance de l'Église.

Cette consécration ne s'identifie pas avec la consécration du baptême, mais elle trouve en celle-ci son origine et sa valeur et elle en est un développement en profondeur selon la vocation spécifique: "in baptismatis consecratione intime radicatur eamque plenius exprimit" (P.C. 5; cf. L.G. 44 "intimius consecratur").

3. En vertu de la reconnaissance de la part du magistère, la communauté de l'Institut appartient à un titre spécial à l'Église.

A chacun des membres, cette reconnaissance de l'Église donne la garantie que la voie présentée par l'Institut est une voie évangélique qui, embrassée avec fidélité et générosité, conduit à la plénitude de la charité. Le fait que, en raison de cette reconnaissance, le don total et définitif des personnes au Christ est reçu par le responsable de l'Institut au nom même de l'Église, ce fait constitue aussi une garantie du nouveau don de grâce qu'est la consécration spéciale.

Il s'agit d'une reconnaissance positive. Autrement dit, elle n'exclut pas évidemment que d'autres voies conduisent vers la plénitude de la charité dans la vie séculière: "tous les fidèles, quels que soient leur état ou leur rang, sont appelés à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité" (L.G. 40). Le sacrement du mariage, par exemple, est donné dans ce but. Mais le magistère reconnaît comme Instituts séculiers ceux qui proposent, toujours dans la sécularité, la voie de l'engagement explicite à observer les trois conseils évangéliques.

4. La voie offerte par les Instituts séculiers est une voie propre, caractéristique. C'est une voie laïque (pour les Instituts séculiers de laïcs), spécifiée par une consécration particulière. En effet, le caractère séculier "propre et particulier des laïcs" (L.G. 31), c'est aussi "le caractère propre et spécifique de ces Instituts, dans lequel se trouve toute leur raison d'être" (P.F. II).
La consécration qui spécifie cette voie laïque comporte l'engagement explicite à observer les conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance, avec des contenus et un style propres. Les multiples conseils évangéliques sont donnés à l'ensemble des chrétiens; la voie présentée par les Instituts séculiers exige que tous les conseils soient accueillis à travers l'engagement explicite à observer ces trois-là selon des déterminations particulières.

Car toute voie vers la plénitude de la charité demande qu'on embrasse l'Évangile dans son intégralité exprimée par les Béatitudes. Les trois conseils typiques dans la doctrine de l'Église sont l'ultime conséquence et la synthèse-programme de tous les conseils évangéliques et des Béatitudes: ils manifestent cette radicalité avec laquelle on doit vivre l'Évangile pour "suivre plus librement le Christ et l'imiter de plus près (= pressius)" (P.C. 1). C'est pour la valeur de cette radicalité que le magistère demande aux Instituts séculiers l'engagement explicite aux conseils évangéliques "don divin que l'Église a reçu de son Seigneur et que, par grâce, elle conserve fidèlement" (L.G. 43).

Pour les Instituts séculiers sacerdotaux, il faut parler aussi d'une consécration particulière qui, à son tour, spécifie la vie sacerdotale, et comporte le même engagement explicite à observer les conseils évangéliques.

5. Une expression éminente du don total à Dieu est le vœu de chasteté parfaite dans le célibat pour le Royaume: "don précieux de grâce fait par le Père à certains" (L.G. 42).
Parfois l'Eglise s'en tient à exiger cet unique vœu pour concéder la reconnaissance de la consécration: c'est le cas de la consecratio virginum. Mais pour les formes institutionnelles de la vie consacrée, et en pratique pour les Instituts séculiers, elle exige que la donation s'exprime en outre avec l'engagement explicite de pauvreté et d'obéissance selon des modes déterminés.

 

6. Le magistère ecclésial, auquel il appartient "d'instituer les lois qui régleront sagement la pratique des conseils évangéliques, instrument singulier au service de la charité parfaite envers Dieu et envers le prochain" (L.G. 45), renvoie aux constitutions de chaque Institut pour les précisions nécessaires.

Voici les conditions exigées:

a) qu'il y ait, à côté d'un rappel et d'une exhortation à vivre intégralement l'esprit des conseils évangéliques, des déterminations concrètes et précises de réalisation, dans le style de la sécularité et selon les caractéristiques de l'Institut; ces déterminations deviennent en quelque sorte moyen et garantie pour vivre les vertus évangéliques correspondantes;

b) que ces mêmes déterminations soient assumées avec un lien sacré, c'est-à-dire un lien qui exprime l'engagement pris devant Dieu et devant l'Église (cf. P.M. art 111§ 2);

c) que les constitutions rédigées avec ces contenus soient présentées au contrôle et à l'approbation de l'Autorité ecclésiastique.

* * *

En effectuant cette réflexion, la Section a considéré ce que le magistère ecclésial affirme aujourd'hui pour les Instituts séculiers, sur le thème en question. Elle n'a pas voulu définir la nature de ces Instituts en sa totalité, ni s'arrêter à la vie consacrée en général, ni envisager pour l'avenir l'éventualité de formes de consécration en plein monde autres que celle des Instituts séculiers.

La Section se rend compte qu'un point important reste ouvert: à savoir, illustrer par des exemples les déterminations concrètes relatives aux conseils évangéliques, selon des modes correspondants aux exigences de la sécularité. On projette, à ce sujet, une nouvelle réflexion, mais il appartient aux Instituts séculiers, avec leur expérience, d'y contribuer par un apport décisif. La Section exprime dès a présent sa reconnaissance aux Instituts qui voudront bien envoyer leur participation.

Rome, le 15 mai 1981

 

Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers
(Assemblée Plénière)

Les instituts séculiers: leur identité, leur mission

"Document pour Information" préparé par la Section lnstituts Séculiers
pour l'Assemblée plénière de la Congrégation
qui eut lieu à Rome du 3 au 6 mai 1983

SOMMAIRE

INTRODUCTION

Partie I - PRÉSENTATION HISTORIQUE
1. Avant "Provida Mater" (1947)
2. De "Provida Mater" au Concile Vatican II
3. L'enseignement du Concile Vatican II
4. Après le Concile Vatican II

A) Rencontres entre Instituts
B) Discours des Papes
C) Interventions de la Sacrée Congrégation

5. Le nouveau Code de droit canonique (1983)

Partie II - FONDEMENTS THÉOLOGIQUES
1. Le monde comme "siècle"
2. Nouveau rapport du baptisé avec le monde
3. Divers modes de vivre concrètement le rapport avec le monde
4. A la suite du Christ par la pratique des conseils évangélique
5. Ecclésialité de la profession des conseils évangéliques - la consécration
6. La "sécularité" des Instituts séculiers

Partie III - NORMES JURIDIQUES
1. Instituts de vie consacrée
2. Une vocation originale: le caractère séculier
3. Les conseils évangéliques
4. L'apostolat
5. La vie fraternelle
6. La formation
7. Pluralité des Instituts
8. Autres normes du Code

CONCLUSION


 

INTRODUCTION

Depuis 1947, ils ont pris leur place dans l'Église, ces Instituts de vie consacrée qui, en raison de leur marque distinctive, ont été appelés séculiers: reconnus et approuvés par elle, ils participent activement, selon leur propre vocation, à sa mission de sacrement universel de salut.

Tenant compte de la doctrine conciliaire, Paul VI a dit que l'Église

"a une dimension conciliaire, inhérente à sa nature intime et à sa mission, dont la racine plonge dans le mystère du Verbe incarné" (2 février 1972).

Eh bien: à l'intérieur de cette Église, immergée et dispersée parmi les peuples, présente dans le monde et au monde, les Instituts séculiers

"apparaissent comme des instruments providentiels pour incarner cet esprit et le transmettre à l'Église tout entière" (ibid.).

Par le caractère radical de la sequela Christi, qui exige que l'on vive et professe les conseils évangéliques, "la sécularité consacrée exprime et réalise d'une façon privilégiée, l'union harmonieuse entre l'édification du Royaume de Dieu et la construction de la cité temporelle, entre l'annonce explicite de Jésus dans l'évangélisation et les exigences chrétiennes de la promotion humaine intégrale" (E. Pironio, 23 août 1976).

A travers la physionomie particulière de chaque Institut, c'est ce trait caractéristique commun - union de la consécration et de la sécularité - qui définit les Instituts séculiers dans l'Église.

Pour offrir une information suffisante à leur sujet, voici exposés dans ces pages, quelques données historiques, une réflexion théologique et les éléments juridiques essentiels.

Ière PARTIE

PRÉSENTATION HISTORIQUE

Les Instituts séculiers répondent à une vision ecclésiale mise en valeur par le Concile Vatican II. Le Pape Paul VI l'affirme avec autorité:

"Les Instituts séculiers doivent être encadrés dans la perspective en laquelle le IIe Concile du Vatican a présenté l'Église comme une réalité vivante, visible et spirituelle tout ensemble (cf. LG 8), qui vit et se développe dans l'histoire (cf. ibid.)....

"On ne peut pas ne pas voir une coïncidence profonde et providentielle entre le charisme des Instituts séculiers et ce qui a été une des lignes les plus importantes et les plus nettes du Concile: la présence de l'Église dans le monde. En effet, l'Église a fortement accentué les divers aspects de sa relation au monde: elle a répété clairement qu'elle fait partie du monde, qu'elle est destinée à le servir, qu'elle doit en être l'âme et le ferment, car elle est appelée à le sanctifier, à le consacrer et à refléter sur lui les valeurs suprêmes de la justice, de l'amour et de la paix" (2 février 1972).

Non seulement ces paroles constituent une reconnaissance autorisée et un programme pour les Instituts séculiers, mais elles offrent aussi une clé pour la lecture de leur histoire, présentée ici sous forme synthétique.

1. Avant "Provida Mater" (1947)

Il existe une pré-histoire des Instituts séculiers, en ce sens que dans le passé on a tenté d'instituer des associations semblables aux Instituts séculiers actuels; une certaine approbation de ces associations a été conférée par décret Ecclesia Catholica (11 août 1889), lequel toutefois admettait seulement une consécration privée pour elles.

Ce fut surtout dans la période de 1920 à 1943 que, en diverses parties du monde, l'action de l'Esprit suscita des groupes variés de personnes ayant comme idéal de se donner totalement à Dieu en restant dans le monde pour œuvrer du-dedans à l'avènement du Royaume du Christ.

Le Magistère de l'Église a été sensible à la diffusion de cet idéal qui, vers 1940, trouva les moyens de se préciser, même dans des rencontres entre quelques-uns de ces groupements.

Le Pape Pie XII fit approfondir le problème dans son ensemble, et en conclusion d'une vaste étude il promulgua la constitution apostolique Provida Mater

2. De "Provida Mater" au Concile Vatican II

Les documents qui reconnurent les associations dénommées en 1947 "Instituts séculiers" sont:

- Provida Mater: constitution apostolique qui contient une "lex peculiaris", 2 février 1947;
- Primo Feliciter: lettre "motu proprio", 12 mars 1948;
- Cum Sanctissimus: instruction de la Sacrée Congrégation des Religieux, 19 mars 1948.

Complémentaires entre eux, ces documents contiennent soit des réflexions doctrinales, soit des normes juridiques, comprenant des éléments déjà clairs et suffisants pour définir les nouveaux Instituts.

Ceux-ci, d'ailleurs, présentaient entre eux des différences non négligeables, en particulier en raison d'une finalité apostolique diverse:

Pour les uns, il s'agissait de présence dans le milieu social en vue d'un témoignage personnel, d'un engagement personnel à orienter les réalités terrestres vers Dieu (Instituts de "pénétration");

Pour les autres, c'était un apostolat plus explicite et n'excluant pas l'aspect communautaire, même par un engagement direct dans une œuvre d'Église ou d'assistance (Instituts de "collaboration").

Toutefois, la distinction n'était pas toujours aussi nette, c'est tellement vrai qu'un même Institut pouvait unir les deux finalités.

3. L'enseignement du Concile Vatican II

a) Dans les documents conciliaires, les Instituts séculiers sont rarement mentionnés de manière explicite, et l'unique texte qui leur soit dédié ex professo, c'est le no. 11 de Perfectae Caritatis.

Ce texte rappelle, sous forme synthétique, leurs caractéristiques essentielles, afin de les confirmer avec l'autorité du Concile. Il dit en effet:

- les Instituts séculiers ne sont pas des Instituts religieux: cette définition négative impose d'éviter une confusion entre les uns et les autres: les Instituts séculiers ne sont pas une forme moderne de vie religieuse, mais ils constituent une vocation et une forme de vie originales;

- ils exigent "veram et completam consiliorum evangelicorum professionem": on ne peut donc les réduire à des associations ou des mouvements dont les membres, en réponse à leur grâce baptismale, même s'ils vivent dans l'esprit des conseils évangéliques, ne les professent pas selon un mode reconnu par l'Église;

- dans cette profession, l'Église marque les membres des Instituts séculiers de la consécration qui vient de Dieu, Lui à qui ils veulent se donner totalement dans la charité parfaite;

- cette même profession a lieu in saeculo, dans le monde, dans la vie séculière: cet élément qualifie intimement le contenu des conseils évangéliques et en détermine les modalités de réalisation; pour ce motif, le "caractère propre et particulier" de ces Instituts est le caractère séculier;

- enfin et en conséquence, seule la fidélité à cette physionomie pourra leur permettre d'exercer cet apostolat "ad quem exercendum orta sunt", c'est-à-dire l'apostolat qui les qualifie par sa finalité, et qui doit être in saeculo ac veluti ex saeculo: dans le monde, dans la vie séculière, et de l'intérieur du monde (cf. Primo feliciter II: par des professions, des activités, des formes, dans des lieux, en des circonstances répondant à cette condition séculière).

Dans ce numéro 11 de Perfectae Caritatis, la recommandation d'une formation soignée "in rebus divinis et humanis" mérite une particulière attention, parce que cette vocation est en réalité très exigeante.

b) Dans la Doctrine du Concile Vatican II, les Instituts séculiers ont trouvé plusieurs confirmations à leur intuition fondamentale, et de nombreuses directives de programme spécifiques.

Parmi les confirmations: les affirmations concernant la vocation universelle à la sainteté, la dignité et la responsabilité des laïcs dans l'Église, et surtout l'affirmation que "laicis indoles saecularis propria et peculiaris est" (LG 31: le second paragraphe de ce numéro paraît reprendre non seulement la doctrine, mais aussi certaines expressions du motu proprio Primo feliciter).

Parmi les directives de programme spécifiques: l'enseignement de Gaudium et Spes sur le rapport de l'Église avec le monde contemporain, et le devoir d'être présent dans les réalités terrestres, avec respect et sincérité, œuvrant du dedans pour leur orientation vers Dieu.

c) En résumé: du Concile Vatican II, les Instituts séculiers ont reçu des éléments leur permettant soit d'approfondir leur réalité théologique (consécration dans la sécularité et de la sécularité), soit d'éclaircir leur ligne d'action (la sanctification de leurs membres et leur présence transformatrice dans le monde).

Avec la constitution apostolique Regimini Ecclesiae Universae (15 août 1967), en application du Concile, la Sacrée Congrégation change de dénomination: "pro Religiosis et Institutis saecularibus". C'est une nouvelle reconnaissance de la dignité des Instituts séculiers et de leur nette distinction par rapport aux Instituts religieux. Cela a entraîné, au sein de la Sacrée Congrégation, la constitution de deux Sections (alors que précédemment les Instituts séculiers étaient confiés à un simple bureau), avec deux Sous-secrétaires ayant des compétences distinctes et autonomes, sous la conduite d'un seul Préfet et d'un seul Secrétaire.

4. Après le Concile Vatican II

La réflexion sur les Instituts séculiers s'est enrichie grâce aux apports venus de deux sortes d'occasions qui, en un certain sens se complètent: la première occasion, de type existentiel, est donnée par les rencontres périodiques entre les Instituts eux-mêmes; la seconde, de type doctrinal, est constituée surtout par les discours que les Papes leur ont adressés. De son côté, la Sacrée Congrégation est intervenue, apportant ses éclaircissements et ses réflexions.

A) Rencontre entre Instituts

Des Congrès d'étude avaient déjà été organisés auparavant, mais en 1970 fut convoqué le premier Congrès international, avec la participation de presque tous les Instituts séculiers légitimement érigés.

Ce Congrès mit en place une commission qui devait étudier et proposer le statut d'une Conférence Mondiale des Instituts séculiers (C.M.I.S.); ce statut fut approuvé par la Sacrée Congrégation qui reconnut officiellement la Conférence par décret spécial (23 mai 1974).

Après 1970, les Responsables des Instituts séculiers se sont trouvés réunis en assemblée en 1972, et successivement tous les quatre ans, en 1976 et 1980. L'assemblée de 1984 est déjà au programme.

Ces rencontres ont eu le mérite de traiter des sujets intéressant directement les Instituts séculiers, comme: les conseils évangéliques, la prière séculière, l'évangélisation comme participation à "changer le monde de l'intérieur".

Mais elles ont eu aussi et surtout le mérite de rassembler les Instituts entre eux, soit pour une mise en commun de leur expérience, soit pour une confrontation ouverte et sincère.

La confrontation s'avérait très opportune parce que:

- à côté d'Instituts à finalité apostolique tout à fait séculière (agissant "in saeculo et ex saeculo"), il en existait d'autres avec des activités institutionnelles, même intra-ecclésiales (par. ex. la catéchèse);

- des Instituts prévoyaient l'engagement apostolique à travers un témoignage personnel, d'autres assumaient des œuvres et des tâches avec un engagement communautaire;

- auprès d'une majorité d'Instituts laïcs, qui définissaient la sécularité comme la caractéristique propre des laïcs, se trouvaient des Instituts cléricaux ou mixtes qui mettaient en relief la sécularité de l'Église dans son ensemble;

- des Instituts cléricaux considéraient comme nécessaire à la sécularité leur présence dans le presbyterium local, et, partant, leur incardination dans le diocèse, tandis que d'autres avaient obtenu leur incardination en propre.

Grâce aux rencontres successives qui se sont renouvelées aussi au niveau national et, en Amérique Latine et en Asie, au niveau continental, leur connaissance mutuelle a conduit les Instituts à accepter les diversités (ce qu'on appelle le "pluralisme"), mais avec l 'exigence d 'en éclaircir les limites.

Donc, ces rencontres ont aidé les Instituts à mieux se comprendre eux-mêmes (comme catégorie, et comme Instituts ayant chacun ses particularités), à corriger certaines incertitudes, et à favoriser la recherche commune.

B) Discours des Papes

Déjà Pie XII s'était adressé en particulier à des Instituts séculiers et il avait parlé d'eux dans des discours sur la vie de la perfection. Mais, quand les Instituts commencèrent à se réunir en congrès ou assemblées mondiales, à chacune de ces rencontres ils purent écouter la parole du Pape: Paul VI en 1970, 1972, 1976; Jean-Paul II en 1980. A ces allocutions s'ajoutent celles prononcées par Paul VI à l'occasion des XXVe et XXXe anniversaires de Provida Mater (2 février 1972 et 1977).

Autant de discours denses de doctrine, qui aident à mieux définir 1'identité des Instituts séculiers. Parmi leurs nombreux enseignements, il suffit de rappeler ici quelques affirmations:

a) Il y a coïncidence entre le charisme des Instituts séculiers et la ligne conciliaire de la présence de l'Église dans le monde: ces Instituts doivent être "les témoins spécialisés et exemplaires de la disposition et de la mission de l'Église dans le monde" (Paul VI, 2 février 1972).

Cela exige une forte orientation vers la sainteté, et une présence dans le monde qui prenne au sérieux l'ordre naturel, afin de travailler à son perfectionnement et à sa sanctification.

b) La vie de consécration à Dieu, et pratiquement la vie selon les conseils évangéliques, doit être certes un témoignage de l'au-delà, mais en devenant un mode de vie exemplaire proposé à tous: "Les conseils évangéliques acquièrent une signification nouvelle, d'une actualité spéciale pour le temps présent" (Paul VI, 2 février 1972), et leur force est introduite "au milieu des valeurs humaines et temporelles" (id., 20 septembre 1972).

c) I1 s'ensuit que la sécularité, qui indique l'insertion de ces Instituts dans le monde "ne représente pas seulement une condition sociologique, un fait extérieur, mais bien une attitude" (Paul VI, 2 février 1972), une prise de conscience: "votre condition existentielle et sociologique devient votre réalité théologique et votre voie pour réaliser le salut et en témoigner" (id., 20 septembre).

d) En même temps, la consécration dans les Instituts séculiers doit être tellement authentique qu'elle rende vraie cette parole: "c'est dans l'intime de vos cœurs que le monde est consacré à Dieu" (Paul VI, 2 février 1972); qu'elle rende possible la tâche "d'orienter explicitement les choses humaines dans le sens des Béatitudes de l'Évangile" (id., 20 septembre 1972). Cette consécration "doit imprégner toute la vie et toutes les activités quotidiennes" (Jean-Paul II, 28 août 1980).

Par conséquent, il ne s'agit pas d'une voie facile: "c'est une marche difficile, pour des alpinistes spirituels" (Paul VI, 26 septembre 1970).

e) Les Instituts séculiers appartiennent à l'Église "au titre spécial de consacrés séculiers" (Paul VI, 26 septembre 1970) et "l'Église a besoin de leur témoignage" (id., 2 février 1972), et elle "attend beaucoup d'eux" (Jean-Paul II, 28 août 1980). Ils doivent "entretenir, développer et avoir à coeur, toujours et partout, la communion ecclésiale" (Paul VI, 20 septembre 1972).

f) La mission à laquelle sont appelés les Instituts séculiers est celle de "changer le monde du-dedans" (Jean-Paul II, 28 août 1980), en y devenant le ferment qui vivifie.

C) Interventions de la Sacrée Congrégation

En cette même période, la Sacrée Congrégation aussi, par ses interventions, s'est rendue présente à l'ensemble des Instituts séculiers.

Leurs Éminences le Card. Antoniutti et le Card. Pironio, Préfets, leur ont adressé des discours et messages en diverses occasions; et le Dicastère leur a fait parvenir des documents de réflexion, en particulier les quatre suivants:

a) Réflexions sur les Instituts séculiers (1976). C'est le résultat d'une étude élaborée par la Commission spéciale que Paul VI a constituée en 1970. On peut le définir "document de travail" du fait qu'il offre de nombreux éléments éclairants, mais sans vouloir dire le dernier mot sur la question.

Il comprend deux sections. La première, plus synthétique, contient quelques affirmations théologiques de base, destinées à faire comprendre la valeur de la sécurité consacrée. La seconde section, plus développée, décrit les Instituts séculiers à partir de leur expérience, et touche aussi des aspects juridiques.

b) Les personnes mariées et les Instituts séculiers (1976). On donne connaissance aux Instituts de la réflexion faite à ce sujet, à l'intérieur de la Sacrée Congrégation. On confirme que le conseil évangélique de la chasteté dans le célibat est un élément essentiel de la vie consacrée dans un Institut séculier; on montre la possibilité pour des personnes mariées d'une appartenance comme membres au sens large, et l'on souhaite la naissance d'associations spéciales.

c) La formation dans les Instituts séculiers (1980). C'est pour offrir une aide en vue du grave devoir de formation des membres des Instituts séculiers, que ce document a été préparé. I1 contient des principes de base connus, mais il suggère aussi des lignes concrètes tirées de l'expérience.

d) Les Instituts séculiers et les conseils évangéliques (1980). Il s'agit d'une lettre circulaire, par laquelle on rappelle le magistère de l'Église quant au caractère essentiel des trois conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance, et quant à la nécessité de déterminer le lien sacré avec lequel ils sont professés, leur contenu et leurs modalités de réalisation, pour qu'ils soient adaptés à la condition séculière.

5. Le nouveau Code de droit canonique (1983)

Une phase nouvelle s'ouvre avec la promulgation du nouveau Code de droit canonique qui comprend une législation systématique et mise à jour, même pour les Instituts séculiers. On en traite au livre II, dans la Section dédiée aux Instituts de vie consacrée.

L'essentiel des normes juridiques données par le Code seront présentées ci-dessous, après un rappel des fondements théologiques qui se sont progressivement dégagés ou précisés durant la courte histoire des Instituts séculiers.

IIème PARTIE

FONDEMENTS THÉOLOGIQUES

La théologie des Instituts séculiers trouvait déjà dans les documents pontificaux Provida Mater et Primo feliciter des indications importantes, qui ont été ensuite élargies et approfondies par la doctrine conciliaire et l'enseignement des Souverains Pontifes.

Différentes études s'y sont ajoutées, venant aussi de la part de spécialistes; et pourtant, on doit reconnaître que la recherche théologique n'est pas épuisée.

En conséquence, c'est un simple rappel des aspects fondamentaux de cette théologie que nous donnons ici, reportant en substance l'étude élaborée par la Commission spéciale, et rendue publique en 1976 avec le consentement de Paul VI.

1. Le monde comme "siècle"

Dieu a créé le monde par amour, avec l'homme à son centre et sommet, et sur les réalités créées il a prononcé son jugement: "valde bona" (Gn 1,31). C'est à l'homme, créé dans le Verbe à l'image et à la ressemblance de Dieu, et appelé à vivre dans le Christ dans la vie intime de Dieu, qu'appartient la tâche de conduire toutes les réalités, à travers la sagesse et l'action, vers l'accomplissement de sa fin ultime. Le sort du monde est donc lié à celui de l'homme; ainsi, le terme monde sert à désigner "la famille humaine tout entière avec l'univers au sein duquel elle vit" (GS 2), et autour duquel elle opère.

En conséquence, le monde est entraîné dans la chute initiale de l'homme et "assujetti à la vanité" (Rm 8,20); mais il participe de même à sa Rédemption accomplie par le Christ, Sauveur de l'homme, lequel a été fait par Lui fils de Dieu, par grâce, et rendu à nouveau capable - de par sa participation à Sa Passion et Résurrection - de vivre et d'opérer dans le monde selon le dessein de Dieu, à la louange de sa gloire (cf. Eph 1,6 et 12-14).

C'est à la lumière de la Révélation que le monde apparaît comme "saeculum". Le siècle, c'est le monde présent résultant de la chute initiale de l'homme, "ce monde" (cf. I Co 7,31) assujetti au règne du péché et de la mort, qui doit prendre fin, et qui est en opposition avec la "nouvelle ère" (aion), avec la vie éternelle inaugurée par la Mort et la Résurrection du Christ. Ce monde conserve sa bonté, sa vérité et son ordre essentiel, découlant de sa condition de créature (cf. GS 36); toutefois, déformé par le péché, il ne peut se sauver par lui-même, mais il est appelé au salut apporté par le Christ (cf. GS 2,13,37,39), qui s'accomplit dans la participation au Mystère Pascal des hommes régénérés dans la foi et le baptême et incorporés dans l'Église.

Ce salut se réalise dans l'histoire humaine et la pénètre elle-même de sa lumière et de sa force; il s'étend à toutes les valeurs de la création, pour la soumettre au discernement et les soustraire à l'ambiguïté qui leur est propre après le péché (cf. GS 4), en vue de les élever à la nouvelle liberté des enfants de Dieu (cf. Rm 8,21).

2. Nouveau rapport du baptisé avec le monde

L'Église donc, société des hommes régénérés dans le Christ pour la vie éternelle, est de ce fait le sacrement du renouveau du monde qui sera définitivement accompli par la puissance du Seigneur dans la consommation du "siècle", avec la destruction de toute puissance du démon, du péché et de la mort et l'assujettissement de toute chose à Lui et au Père (cf. I Co 1 5,20-28). Par le Christ, dans l'Église, les hommes marqués et animés par l'Esprit Saint sont constitués en "sacerdoce royal" (I P 2,9) s'offrant eux-mêmes, avec leur activité et leur monde, à la gloire du Père (cf. LG 34).

Le baptême comporte donc pour tout chrétien un nouveau rapport avec le monde. Le chrétien, de même que tous les hommes de bonne volonté, est engagé dans la tâche d'édifier le monde et de contribuer au bien de l'humanité, opérant selon l'autonomie légitime des réalités terrestres (cf. GS 34 et 36). En effet, ce rapport nouveau avec le monde n'enlève rien à l'ordre naturel: il entraîne une rupture à l'égard du monde en tant que réalité opposée à la vie de la grâce et à l'attente du Royaume éternel; mais il comporte en même temps la volonté d'opérer dans la charité du Christ pour le salut du monde, c'est-à-dire pour conduire les hommes à la vie de la foi et pour réordonner autant que possible les réalités temporelles selon le dessein de Dieu, afin qu'elles servent à la croissance des hommes dans la grâce pour la vie éternelle (cf. AA 7).

C'est en vivant ce rapport nouveau avec le monde que les baptisés coopèrent à sa rédemption dans le Christ. Donc, la sécularité d'un baptisé, prise dans sa signification la plus générale en tant qu'existence dans ce monde et participation à ses multiples activités, ne peut être vue que dans le cadre de ce rapport essentiel, quelle que soit sa forme concrète.

3. Divers modes de vivre concrètement le rapport avec le monde

Tous vivent ce rapport essentiel avec le monde et doivent tendre à la sainteté, qui est participation à la vie divine dans la charité (cf. LG 40). Mais Dieu distribue ses dons à chacun "selon que le Christ a mesuré ses dons" (Eph 4,7).

En effet, Dieu est souverainement libre dans la distribution de ses dons. L'Esprit de Dieu, dans sa libre initiative, les distribue "à chacun comme il l'entend" (I Co 12,11), en vue du bien de chaque personne mais, en même temps, du bien général de l'Église et de l'humanité tout entière.
C'est justement en raison de cette richesse de dons que l'unité fondamentale du Corps Mystique, qui est l'Église, se manifeste dans la diversité complémentaire de ses membres, vivant et opérant sous l'action de l'Esprit du Christ, pour l'édification de son Corps.

La vocation universelle à la sainteté dans l'Église est cultivée en effet, dans les différents genres de vie et dans les différentes fonctions (cf. LG 41), selon les multiples vocations spécifiques. Le Seigneur assortit ces différentes vocations avec les dons qui rendent les hommes capables de les vivre, et ces vocations, en rencontrant la libre réponse des personnes, suscitent des modes divers de réalisation. Alors se diversifient également les modes selon lesquels les chrétiens concrétisent leur rapport baptismal avec le monde.

4. A la suite du Christ dans la pratique des conseils évangéliques.

Pour tout chrétien, suivre le Christ comporte une préférence absolue pour Lui, s'il le faut jusqu'au martyre (cf. LG 42). Cependant le Christ invite certains de ses fidèles à "Le suivre" inconditionnellement pour se vouer totalement à Lui et à la venue du Royaume des Cieux. C'est un appel à un acte irrévocable, qui comporte le don total de soi à la personne du Christ pour partager sa vie, sa mission, son sort, et qui exige comme condition le renoncement à soi-même, à la vie conjugale et aux biens matériels.

Un tel renoncement est vécu par ces "appelés" comme une condition pour adhérer sans obstacle à l'Amour absolu qui les rencontre dans le Christ, de manière à leur permettre d'entrer plus intimement dans le mouvement de cet Amour vers la création: "Dieu a tant aimé le monde qu'II a donné son Fils unique" (Jn 3,16) afin que le monde soit sauvé par Lui. Une pareille décision, en raison de son caractère total et définitif, répondant aux exigences de l'amour, prend le caractère d'un vœu de fidélité absolue au Christ. Elle suppose évidemment la prémisse baptismale de vivre comme un fidèle du Christ, mais elle s'en distingue en la perfectionnant.

Cette décision, par son contenu, radicalise le rapport du baptisé à l'égard du monde: en renonçant à la façon commune de "se servir de ce monde", on en atteste la valeur relative et provisoire et on annonce la venue du Royaume eschatologique (I Co 8,31).

Dans l'Église, le contenu de ce don s'est explicité dans la pratique des conseils évangéliques (chasteté consacrée, pauvreté, obéissance), vécue à travers des formes concrètes variées, spontanées ou institutionnelles. La diversité de ces formes est due aux diverses modalités d'œuvrer avec le Christ au salut du monde: une gamme qui peut aller de la séparation effective, propre à certaines formes de vie religieuse, jusqu'à cette forme de présence typique qu'est celle des membres des Instituts séculiers.

La présence de ces derniers dans le monde signifie vocation spéciale à une présence de salut qui s'exerce dans le témoignage rendu au Christ et dans une activité visant à réordonner les choses temporelles selon le dessein de Dieu. Au sujet de cette activité, la profession des conseils évangéliques prend une signification particulière de libération des obstacles (orgueil, avidité) qui empêchent de voir et de réaliser l'ordre voulu par Dieu.

5. Ecclésialité de la profession des conseils évangéliques - Consécration

Tout appel à suivre le Christ est un appel à la communion de vie en Lui et dans l'Église.

Aussi, la pratique et la profession des conseils évangéliques dans l'Église s'effectuent non seulement de façon individuelle, mais par insertion dans des communautés suscitées par l'Esprit au moyen des charismes des fondateurs.

Ces communautés sont intimement liées à la vie de l'Église animée par l'Esprit Saint; elles sont donc confiées au discernement et au jugement de la Hiérarchie qui en vérifie le charisme, les admet, les approuve et les envoie, reconnaissant leur mission de coopérer à l'édification du Royaume de Dieu.

Le don total et définitif au Christ fait par les membres de ces Instituts est donc reçu au nom de l'Église, représentante du Christ, et dans la forme qu'elle a approuvée, par les autorités constituées dans les Instituts, de manière à créer un lien sacré (cf. LG 44). En effet, en acceptant le don d'une personne, l'Église la marque, au nom de Dieu, d'une consécration spéciale, comme appartenant exclusivement au Christ et à son œuvre de salut.

Le baptême comporte la consécration sacramentelle et fondamentale de l'homme, mais celle-ci peut être vécue ensuite de façon plus ou moins "profonde et intime". C'est la décision ferme de répondre à l'appel spécial du Christ, lui remettant totalement son existence libre et renonçant à tout ce qui, dans le monde, peut faire obstacle à cette donation exclusive, c'est cette décision qui offre la manière de la susdite nouvelle consécration (cf. LG 44), laquelle "enracinée dans la consécration baptismale, l'exprime plus pleinement" (PC 5). Elle est l'œuvre de Dieu qui appelle la personne, la réserve à soi par le truchement du ministère de l'Église, et l'assiste par des grâces particulières pour 1'aider à être fidèle.

La consécration des membres des Instituts séculiers n'a pas le caractère d'une mise à part rendue visible par des signes extérieurs; elle possède toutefois le caractère essentiel d'un engagement total pour le Christ dans une communauté ecclésiale déterminée, avec laquelle un lien mutuel et stable est établi, et dont on partage le charisme. I1 en découle une conséquence particulière quant à la façon de concevoir l'obéissance dans les Instituts séculiers: l'obéissance comporte non seulement la recherche personnelle, ou en groupe, de la volonté de Dieu à l'égard des engagements propres d'une vie séculière, mais aussi la libre acceptation de la médiation de l'Église et de la communauté par l'intermédiaire de ses Responsables, dans le cadre des normes constitutives de chaque Institut.

6. La “sécularité” des Instituts séculiers

La sequela Christi dans la pratique des conseils évangéliques a fait en sorte qu'il s'est constitué dans l'Église un état de vie (sous différentes formes) caractérisé par un certain "abandon du siècle": la vie religieuse. Cet état s'est donc distingué de celui des fidèles restant dans les conditions et les activités du monde, lesquels sont appelés de ce fait séculiers.

L'Église a reconnu ensuite de nouveaux Instituts au sein desquels les conseils évangéliques sont pleinement professés par des fidèles qui restent dans le monde et s'engagent dans ses activités à opérer de l'intérieur ("in saeculo ac veluti ex saeculo") pour le salut du monde: elle les a appelés Instituts séculiers.
L'adjectif qualificatif séculier attribué à ces Instituts, contient un sens que l'on pourrait dire "négatif": ils ne sont pas religieux (cf. PC 11), et on ne doit pas leur appliquer la législation ou la procédure propre des Instituts religieux.

Mais le sens qui importe vraiment et qui les définit dans leur vocation spécifique, c'est le sens "positif": la sécularité consiste à indiquer soit une condition sociologique - le fait de rester dans le monde - soit une attitude d'engagement apostolique attentive aux valeurs des réalités terrestres et en partant d'elles, dans le but de les pénétrer d'esprit évangélique.

Cet engagement est vécu selon des modalités diverses par les laïcs et les prêtres. Les premiers en effet ont comme note particulière, qui caractérise leur évangélisation et leur témoignage de foi dans leurs paroles et dans leurs œuvres, celle de "chercher le Royaume de Dieu en traitant des choses temporelles et en les ordonnant selon Dieu" (LG 31). Les prêtres, par contre, - sauf certains cas exceptionnels (cf. LG 31, PO 8) - n'exercent pas cette responsabilité envers le monde par une action directe et immédiate dans l'ordre temporel, mais par leur action ministérielle et grâce à leur rôle d'éducateurs de la foi (cf. PO 6): c'est là le moyen le plus élevé pour contribuer à ce que le monde se perfectionne constamment, selon l'ordre et le sens de la création (cf. Discours Paul VI, 2 février 1972) et pour donner aux laïcs "les soutiens moraux et spirituels afin que l'ordre temporel soit instauré dans le Christ" (AA 7).

Eh bien si, en raison de la consécration, les Instituts séculiers sont rangés parmi les Instituts de vie consacrée, c'est cette caractéristique de la sécularité qui les distingue de toute autre forme d'Instituts.

La fusion en une même vocation de la consécration et de l'engagement séculier attribue à ces deux éléments un caractère original.

Grâce à la pleine profession des conseils évangéliques, l'union plus intime avec le Christ rend particulièrement fécond l'apostolat dans le monde. L'engagement séculier donne une modalité spéciale à la profession même des conseils, et la stimule vers une authenticité évangélique toujours plus grande.

IIIème PARTIE

NORMES JURIDIQUES

Les normes juridiques relatives aux Instituts séculiers étaient contenues dans la constitution apostolique Provida Mater, dans le motu proprio Primo feliciter; dans l'instruction de la Sacrée Congrégation des Religieux Cum Sanctissimus. La même Sacrée Congrégation était autorisée à promulguer de nouvelles normes pour ces Instituts "selon que la nécessité le demande et que l'expérience le conseille" (PM II, § 2-2°).

Le nouveau Code, en même temps qu'il les abroge, reprend et met à jour les normes précédentes, et offre un cadre de lois systématique et complet, fruit aussi de l'expérience de ces dernières années et de la doctrine du Concile Vatican II.

Ce sont ces normes codifiées sur les Instituts séculiers, que nous présentons ici dans leurs éléments essentiels.

1. Instituts de vie consacrée (Liber II, Pars III, Sectio I)

La collocation des Instituts séculiers dans le Code est en soi significative et importante, car elle démontre qu'il fait siennes deux affirmations du Concile (PC 11), déjà contenues dans les documents précédents:

a) les Instituts séculiers sont vraiment et pleinement des Instituts de vie consacrée: et le Code en parle dans la Section De institutis vitae consecratae;

b) mais ils ne sont pas religieux, et le Code place les deux types d'Instituts sous deux titres distincts: II - De Institutis religiosis, III - De Institutis saecularibus.

Il s'ensuit qu'on ne doive plus faire l'identification, malheureusement assez généralisée jusqu'ici, entre "vie consacrée" et "vie religieuse". Le titre I - Normae communes donne bien dans les canons 573 -578 une description de la vie consacrée, mais: d'une part, elle ne suffit pas à définir la vie religieuse qui comporte d'autres éléments (cf. c. 607); et d'autre part, elle la déborde parce que la consécration qui scelle le don total à Dieu, avec sa sequela Christi et sa dimension ecclésiale, appartient aussi aux Instituts séculiers.

De même, la définition des trois conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance (cf. canons 599-601) convient tout à fait aux Instituts séculiers, même si les applications concrètes doivent être conformes à leur nature propre (cf. c. 598).

Quant aux autres points traités sous le titre 1, ils touchent surtout des aspects de procédure. On peut remarquer, entre autres choses, que l'érection diocésaine d'un Institut séculier requiert aussi l'intervention du Siège Apostolique (c. 579; cf. canons 583-584). Cela parce que l'Institut séculier ne constitue pas un état transitoire en vue d'autres formes canoniques, comme pouvaient l'être les Pieuses Unions ou Associations du code précédent; mais, c'est un Institut de vie consacrée au sens vrai et propre, et on ne peut l'ériger comme tel s'il n'en a pas toutes les caractéristiques, et s'il n'offre pas déjà des garanties suffisantes de solidité spirituelle, apostolique et même numérique.

Pour en revenir à l'affirmation de base: les Instituts séculiers ont donc, eux aussi, une vie de consécration vraie et propre. De plus, le fait qu'un titre à part leur soit dédié, avec des normes fixées spécialement pour eux, prouve leur nette distinction de tout autre genre d'Instituts.

2. Vocation originale: caractère séculier (canons 710-711)

La vocation dans un Institut séculier demande que l'on recherche la sanctification ou perfection de la charité, en vivant les exigences évangéliques "in saeculo" (c. 710), "in ordinariis mundi condicionibus" (c. 714); que l'engagement à coopérer au salut du monde se produise "praesertim ab intus" (c. 710), "ad instar fermenti" et, pour les laïcs, non seulement "in saeculo" mais aussi "ex saeculo" (c. 713, §§1-2).

Ces insistantes précisions sur le mode spécifique de vivre les exigences évangéliques montrent que la vie consacrée de ces Instituts est véritablement marquée du caractère séculier, si bien que les aspects co-essentiels et inséparables de sécularité et consécration font de cette vocation, une forme originale et typique de sequela Christi.

"Votre forme de consécration, nouvelle et originale, est suggérée par l'Esprit Saint" (Paul VI, 20 septembre 1972).
"Aucun des deux aspects de votre physionomie spirituelle ne peut être surestimé au détriment de l'autre. L'un et l'autre sont coessentiels... vous êtes réellement consacrés et réellement dans le monde" (id. ibid.).
"...que votre état séculier soit consacré" (Jean-Paul II, 28 août 1980).

En vertu de cette originalité, le c. 711 donne une affirmation de grande portée juridique: étant sauves les exigences de la vie consacrée, les laïcs des Instituts séculiers sont laïcs à tous les effets (de sorte que les canons 224-231 relatifs aux droits et devoirs des fidèles laïcs leur sont appliqués); et les prêtres des Instituts séculiers, à leur tour, sont régis selon les normes du droit commun pour les clercs séculiers.

Pour cette même raison, à savoir ne pas se distinguer formellement des autres fidèles, quelques Instituts exigent de leurs membres une certaine réserve au sujet de leur appartenance à tel Institut.

"Vous demeurez laïcs, engagés dans les valeurs séculières propres et particulières au laïcat" (Paul VI, 20 septembre 1972).
"Elle ne change pas votre condition: vous êtes et vous demeurez des laïcs" (Jean-Paul II, 28 août 1980).
"En s'agrégeant à un Institut séculier, le prêtre en tant que séculier justement, reste lié en intime union d'obéissance et de collaboration à l'Évêque" (Paul VI, 2 février 1972).

En divers canons, le Code confirme que ce caractère séculier doit s'entendre, certes, comme situation (in saeculo), mais aussi de l'aspect théologique et dynamique, au sens indiqué par Evangelii nuntiandi, à savoir comme "la mise en œuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives dans les choses du monde" (no. 70). Paul VI a dit explicitement (25 août 1976) que les Instituts séculiers doivent considérer comme leur étant également adressé ce paragraphe d'Evangelii nuntiandi.

3. Les conseils évangéliques (c. 712)

Pour reconnaître un Institut de vie consacrée, l'Église requiert un engagement libre et explicite dans la voie des trois conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance, "donum divinum quod Ecclesia a Domino accepit" (c. 575, § 1); et elle revendique sa propre compétence sur leur interprétation et leurs normes d'application (cf. c. 576). Le code (canons 599-600-601) énonce le contenu des trois conseils évangéliques, mais il renvoie au droit propre de chaque Institut pour les applications relatives à la pauvreté et à l'obéissance; pour la chasteté, il réaffirme l'obligation de la continence parfaite dans le célibat. Donc, les personnes mariées ne peuvent être membres au sens strict d'un Institut séculier; le c. 721, §1-3° le confirme en déclarant invalide l'admission d'un "coniux durante matrimonio".

Il appartient aux constitutions de chaque Institut de définir les obligations dérivant de la profession des conseils évangéliques, de telle sorte que le style de vie des personnes ("in vitae ratione") assure une possibilité de témoignage selon le caractère séculier.

"Les conseils évangéliques, bien qu'étant communs à toutes les formes de vie consacrée, acquièrent une signification nouvelle, d'une actualité spéciale pour le temps présent" (Paul VI, 2 février 1972).

Les constitutions doivent définir aussi le lien sacré par lequel on s'engage aux conseils évangéliques. Le code ne précise pas quels liens sont considérés comme sacrés, mais à la lumière de la Lex peculiaris jointe à la constitution apostolique Provida Mater (art. II,2), ce sont: le voeu, le jurement ou la consécration, pour la chasteté dans le célibat; le vœu ou la promesse, pour l'obéissance et la pauvreté.

4. L'apostolat (c. 713)

Tous les fidèles, en vertu de leur baptême, sont appelés à participer à la mission ecclésiale de: témoigner et proclamer que Dieu "dans son Fils a aimé le monde", que le Créateur est Père et tous les hommes sont frères (cf. EN 26); travailler de différentes façons à l'édification du Royaume du Christ, Royaume de Dieu.

A l'intérieur de cette mission, les Instituts séculiers ont une tâche spécifique. Le code consacre les trois paragraphes du c. 713 à définir l'activité apostolique pour laquelle ces Instituts sont envoyés.

Le premier paragraphe, dédié à tous les membres des Instituts séculiers, souligne le rapport entre consécration et mission: la consécration est un don de Dieu qui a comme but la participation à la mission salvifique de l'Église (cf. c. 574, § 2). Celui qui est appelé est aussi envoyé.

"La consécration spéciale doit imprégner toute votre vie et toutes vos activités quotidiennes" (Jean-Paul II, 28 août 1980).

Il affirme ensuite que l'activité apostolique est un "dynamisme de l'être" tendu vers la réalisation généreuse du dessein de salut du Père; c'est une présence évangélique dans le milieu où l'on se situe, c'est vivre les exigences radicales de l'Évangile de telle sorte que la vie elle-même devienne ferment. Un ferment que les membres des Instituts séculiers sont appelés à introduire dans la trame de l'histoire humaine, dans le travail, la vie familiale et professionnelle, dans la solidarité avec les frères, en collaboration avec ceux qui œuvrent dans les diverses formes d'évangélisation. Ici le code reprend pour tous les Instituts séculiers ce que le Concile dit pour les laïcs: "suum proprium munus exercendo, spiritu evangelico ducti, fermenti instar" (LG 31).

"Cette résolution vous est propre: changer le monde de l'intérieur" (Jean-Paul II, 28 août 1980).

Le second paragraphe est destiné aux membres laïcs. Il commence par mettre en évidence ce qui est spécifique aux Instituts séculiers de laïcs: la présence et l'action transformatrice à l'intérieur du monde en vue de l'accomplissement du dessein salvifique de Dieu. Ici aussi, le code applique aux membres d'Instituts séculiers ce que le Concile affirme être la mission propre de tous les laïcs: "Laicorum est, ex vocatione propria, res temporales gerendo et secundum Deum ordinando, regnum Dei quaerere" (LG 31; cf. aussi 18-19).

C'est là, en effet, la finalité apostolique pour laquelle sont nés les Instituts séculiers, comme le rappelle encore le Concile, en évoquant à son tour Provida Mater et Primo feliciter "Ipsa instituta propriam ac peculiarem indolem, saecularem scilicet, servent, ut apostolatum in saeculo ac veluti ex saeculo, ad quem exercendum orta sunt, efficaciter et ubique adimplere valeant" (PC 11).

Le même paragraphe affirme ensuite que les membres des Instituts séculiers, comme tous les laïcs, peuvent aussi effectuer un service interne à la communauté ecclésiale comme la catéchèse, l'animation des communautés, etc. Certains Instituts ont pris ces activités apostoliques comme finalité propre, surtout dans des pays où un service de ce genre de la part des laïcs est ressenti comme plus urgent. Le code sanctionne législativement ce choix, avec une précision importante: "juxta propriam vitae rationem saecularem".

"La mise en relief de l'apport spécifique de votre style de vie ne doit pas, cependant conduire à sous-évaluer les autres formes de consécration à la cause du Royaume auxquelles vous pouvez être aussi appelés. Je veux faire allusion ici à ce qui est dit au no. 73 de l'exhortation Evangelii Nuntiandi, qui rappelle que: les laïcs peuvent aussi se sentir appelés ou être appelés à collaborer avec les Pasteurs au service de la communauté ecclésiale, pour la croissance et la vie de celle-ci, exerçant ministères très diversifiés, selon la grâce et les charismes que le Seigneur voudra bien déposer en eux" (Jean-Paul II, 28 août 1980).

Le troisième paragraphe concerne les membres clercs, pour lesquels vaut aussi ce qui a été dit au § 1. Pour ces membres, on énonce un rapport particulier avec le presbyterium: si les Instituts séculiers sont appelés à une présence évangélique dans leur milieu, on peut parler alors d'une mission de témoignage même parmi les autres prêtres.

"...porter au presbyterium diocésain, non seulement une expérience de vie selon les conseils évangéliques et une aide communautaire mais aussi une sensibilité exacte du rapport de l'Église au monde" (Jean-Paul II, 28 août 1980).

Ce paragraphe dit en outre, que la relation de l'Église avec le monde, dont les Instituts séculiers doivent être les témoins spécialisés, impose également aux prêtres membres de ces Instituts une attention particulière et une actualisation: soit par une éducation des laïcs à vivre cette relation de façon exacte, soit par une œuvre spécifique en tant que prêtres.

"Le prêtre en tant que tel a lui aussi, une relation au monde essentielle" (Paul VI, 2 février 1972). "Le prêtre, pour se rendre toujours plus attentif à la situation des laïcs..." (Jean-Paul II, 28 août 1980).

Outre ce paragraphe, pour les Instituts séculiers de clercs, il faut voir aussi le c. 715 qui concerne l'incardination, celle-ci pouvant se faire au diocèse ou dans l'Institut. Pour l'incardination dans l'Institut, on renvoie au c. 266, § 3 qui la présente comme possible "vi concessionis Sedis Apostolicae".

Les seuls cas où, sous le titre III, les Instituts séculiers de clercs ont des normes distinctes de celles des laïcs, sont les deux canons cités (713 et 715), la précision contenue dans le c. 711 déjà rappelé, et celle du c. 727, § 2 relative à la sortie de l'Institut. Pour tous les autres aspects, le code n'introduit pas de distinctions.

5. La vie fraternelle (c. 716)

Une vocation à laquelle on répond dans des Instituts, et qui de ce fait n'est pas celle de personnes prises isolément, comporte une vie fraternelle "qua sodales omnes in peculiarem veluti familiam in Christo coadunantur" (c. 602).

La communion entre membres du même Institut est essentielle, et elle se réalise dans l'unité du même esprit, dans la participation au même charisme de vie consacrée séculière, dans l'identité de leur mission spécifique, dans la fraternité des rapports mutuels, dans la collaboration active à la vie de l'Institut (c. 716; cf. c. 717, § 3).

La vie fraternelle est cultivée à travers des rencontres et échanges de types divers: de prière (et, parmi ceux-ci, les exercices spirituels annuels, les retraites périodiques), de confrontation des expériences, de dialogue, de formation, d'information, etc.

Cette profonde communion et les différents moyens de la développer sont d'autant plus importants que les formes concrètes de la vie peuvent être variées: "vel soli, vel in sua quisque familia vel in vitae fraternae coetu" (c. 714), étant entendu que la vie fraternelle du groupe ne doit pas équivaloir à une vie communautaire du type communauté religieuse.

6. La formation

La nature de cette vocation de consécration séculière, qui exige un effort constant de synthèse entre foi, consécration et vie séculière, et la situation même des personnes, qui sont habituellement engagées dans des tâches et activités séculières en vivant souvent très isolées, imposent que la formation des membres des Instituts soit solide et adaptée.

Une telle nécessité est rappelée opportunément en divers canons, en particulier au c. 719 où sont indiqués les principaux engagements spirituels de chacun des membres: l'assiduité à la prière, la lecture et la méditation de la Parole de Dieu, les temps de retraite, la participation à l'Eucharistie et au sacrement de Pénitence.

Le c. 722 donne quelques directives pour la formation initiale, orientée surtout vers une vie selon les conseils évangéliques et d'apostolat; le c.724 traite de la formation continue "in rebus divinis et humanis, pari gressu".

Il s'ensuit que la formation doit être adaptée aux exigences fondamentales de la vie de la grâce, pour des personnes consacrées à Dieu dans le monde; et elle doit être très concrète, enseignant à vivre les conseils évangéliques à travers des gestes et des comportements de don à Dieu dans le service des frères, aidant à saisir la présence de Dieu dans l'histoire, éduquant à vivre dans l'acceptation de la croix à travers les vertus d'abnégation et de mortification.

On doit reconnaître que tous les Instituts sont très conscients de l'importance de cette formation. Ils cherchent aussi à s'aider entre eux, au niveau des Conférences nationales et de la Conférence mondiale.

7. Pluralité d'Instituts

Les canons 577 et 578 s'appliquent aussi aux Instituts séculiers. En effet, il se présente, parmi eux, une grande variété de dons qui permet un pluralisme positif dans les modes de vivre la consécration séculière commune, en conformité avec les intentions et le projet des fondateurs qui ont été approuvés par l'autorité ecclésiastique.

C'est donc à raison que le c. 722 insiste sur la nécessité de faire bien connaître aux candidats "la vocation spécifique de l'Institut", et de les former selon l'esprit et le caractère qui lui sont propres. Par ailleurs, cette pluralité est une donnée de fait:

"Les nécessités du monde étant très variées, de même que les possibilités d'action dans le monde et avec les instruments du monde, il est naturel que surgissent diverses formes d'actualisation de cet idéal: formes individuelles ou associées, cachées ou publiques, selon les indications du Concile (cf. AA 15-22). Toutes ces formes sont également possibles aux Instituts séculiers et à leurs membres" (Paul VI, 2 février 1972).

8. Autres normes du code

Les autres canons sous le titre des Instituts séculiers concernent des aspects, pourrions-nous dire, plus techniques. Mais de nombreuses déterminations sont laissées au droit propre: il en résulte une structure simple et une organisation très souple.

Les aspects touchés par ces canons sont les suivants:

717: le régime interne;
718: l'administration;
720-721: l'admission dans l'Institut;
723:l'incorporation à l'Institut;
725:la possibilité d'avoir des membres associés;
726-729: l'éventuelle séparation de l'Institut;
730: le passage à un autre Institut.

Le fait que des canons parlent d'incorporation perpétuelle et d'incorporation définitive (cf. notamment le c. 723) mérite une particulière attention. En effet, certaines constitutions approuvées établissent que le lien sacré (vœu ou promesses) soit toujours temporaire, naturellement avec le ferme propos de le renouveler à son échéance. Au contraire, d'autres constitutions, et c'est la majorité, prévoient que, à une certaine échéance, le lien sacré soit ou puisse être contracté pour toujours.

Lorsque le lien sacré est ainsi assumé pour toujours, l'incorporation à l'Institut est dite perpétuelle, avec tous les effets juridiques que cela comporte.

Si, au contraire, le lien sacré demeure toujours temporaire, les constitutions doivent prévoir qu'après un temps (non inférieur à cinq ans), l'incorporation à l'Institut soit considérée comme définitive. L'effet juridique le plus important consiste en ce que, à partir de ce moment, la personne obtient la plénitude des droits et devoirs dans l'Institut. D'autres effets peuvent être déterminés dans les constitutions.

CONCLUSION

L'histoire des Instituts séculiers est bien courte encore: c'est pour cela, et en raison même de leur nature, qu'ils demeurent très ouverts aux adaptations de temps et de lieux.

Mais leur physionomie étant bien définie désormais, ils doivent la réaliser dans la fidélité aux éléments nouveaux suscités par l'Esprit; le nouveau code de droit canonique constitue, à cet effet, un point de référence nécessaire et sûr.

Le fait est, pourtant, que ces Instituts ne sont pas assez connus et compris: cela pour des motifs dérivant peut-être de leur identité (qui unit consécration et sécularité), peut-être de leurs modes d'agir avec réserve, ou encore d'une insuffisante attention à leur égard, mais aussi à cause des aspects problématiques existants et non encore résolus.

Les renseignements offerts par ce document au sujet de leur histoire, leur théologie, leurs normes juridiques peuvent servir à surmonter ce manque de connaissance, et à "favoriser chez les fidèles une compréhension" des Instituts séculiers "qui ne soit ni approximative, ni conciliante, mais strictement exacte et respectant les caractéristiques qui les qualifient" (Jean-Paul II, 6 mai 1983).

Alors il sera plus facile, même au niveau pastoral, de soutenir et protéger cette vocation spécifique, pour qu'elle reste fidèle à son identité, à ses exigences et à sa mission.

 

Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers
(Assemblée plénière)

Message aux Instituts Séculiers

6 mai 1983

Très chers frères et sœurs,

Empruntant les paroles de l'Apôtre Paul, nous vous souhaitons "grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ" (Ga 1,3).

En qualité de Membres de la Sacrée Congrégation qui a compétence sur les Instituts de vie consacrée, réunis à Rome en Assemblée Plénière du 3 au 6 mai, nous vous envoyons ce message, à vous tous consacrés des Instituts séculiers.

La Plenaria, comme vous le savez certainement, est l'assemblée la plus importante du Dicastère qui collabore de manière immédiate au ministère spirituel et pastoral du Saint-Père, à travers le service privilégié donné à la vie consacrée dans l'Église universelle.

Le thème central de cette réunion a été: "Les Instituts séculiers: leur identité et leur mission", thème que nous avons choisi nous-mêmes et qui a été approuvé par le Saint-Père. Notre intention était de mieux connaître cette consolante réalité que vous constituez dans l'Église, afin de favoriser pareillement une meilleure connaissance dans tout le Peuple de Dieu.

Au terme de notre réunion, nous désirons nous adresser à vous, en toute simplicité et responsabilité, pour "réconforter vos cœurs" (Eph 6,22) et rendre grâce à Dieu pour les nouvelles reçues de "votre foi dans le Christ Jésus et la charité que vous avez à l'égard de tous, en raison de l'espérance qui vous est réservée dans les cieux" (Col 1,4-5).

La réflexion menée entre nous et le fait d'avoir écouté les témoignages de quelques représentants de vos Instituts, spécialement invités, nous ont confirmés dans la conviction que les Instituts séculiers sont un grand don de l'Esprit Saint à l'Église et au monde de notre temps.

Au sein du Peuple de Dieu, ils sont en forte syntonie avec la préoccupation pastorale qui, au Concile Vatican II, s'est exprimée surtout dans la Constitution "Gaudium et Spes", où l'on affirme que "l'Église fait route avec toute l'humanité et partage le sort terrestre du monde; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l'âme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu " (GS 40).

Votre charisme se trouve "en coïncidence profonde et providentielle" - comme s'exprimait Paul VI (2 février 1972) - avec cette exigence de la présence de l'Église au monde, de sorte que vous constituez un mode spécifique d'être Église: vous êtes appelés à assumer et promouvoir chrétiennement dans le siècle les engagements et les dynamismes de l'histoire de l'homme.

Convaincus de tout cela, nous tenons à vous adjoindre une exhortation. Soyez jalousement fidèles à votre vocation, croissez dans la sainteté, cette sainteté à laquelle sont appelés tous les fidèles (cf. LG ch. V) et dont vous devez être les témoins privilégiés.

Puisse l'enseignement que vous avez reçu, d'abord de Pie XII par les documents qu'il a promulgués à votre intention, puis notamment de Paul VI et Jean-Paul II, être pour vous le point de référence continuel en vue de répondre à ce que le Seigneur vous demande: vous trouvez là une grande richesse spirituelle. De même la nouvelle législation canonique vous aidera et vous éclairera, non seulement parce qu'elle reflète ce que vous êtes réellement, mais aussi parce qu'elle se fonde sur la doctrine du Concile Vatican II et sur l'enseignement des Souverains Pontifes. Puisiez-vous être attentifs à l'appliquer fidèlement: soit en ce qui concerne les caractéristiques auxquelles vous ne pouvez renoncer, soit pour les engagements de consécration dans votre vie séculière, soit pour l'apostolat qui vous est propre et même pour ce qui touche vos structures.

Continuez votre chemin avec grande joie et grande confiance: l'Église attend beaucoup de vous. Et le monde attend beaucoup, ce monde qui doit être sauvé dans le Christ. C'est Jésus-Christ, en effet, qui vous a appelés et qui vous envoie au monde d'aujourd'hui, afin que tous sachent lui ouvrir les portes, à Lui le Rédempteur (cf. Bulle d'indication de l'Année Sainte de la Rédemption).

Vous devez trouver le moyen de vous faire connaître, et, d'après les caractéristiques de chaque Institut, sans manquer à la discrétion et à la prudence. La possibilité de diffusion et de croissance de vos Instituts dépend beaucoup de vous aussi, afin que bien d'autres personnes se sentent appelées à cette vocation spéciale de consécration dans la sécularité, et y répondent. Tâchez d'avoir un rapport assidu et filial avec les Évêques de vos Églises particulières, soit pour donner votre apport à la vie pastorale selon le caractère qui vous est propre, soit pour vous faire aider par eux. Une conclusion de la réunion plénière a été, en effet, qu'on recommande aux Conférences Épiscopales d'encourager chez les fidèles, et les prêtres en particulier, une connaissance approfondie et un appui diligent pour le développement des Instituts séculiers.

Nous voulons ajouter un dernier mot: prenez bien soin de la formation. Pour agir en correspondance avec la grâce de notre Dieu, Lui qui " mène à bonne fin par sa puissance toute volonté de bien" (2 Thess 1,11), l'exigence de la formation "dans les choses divines et humaines" (PC 11) doit être vraiment votre préoccupation: c'est votre vocation qui impose une telle priorité.

Que la Vierge Marie qui "se consacra totalement à la personne et à l'œuvre de son Fils" (LG 56) soit "le modèle qui vous inspire" (Paul VI) et la Mère qui est toujours là.

Avec notre fraternel attachement, en union avec le Saint-Père Jean-Paul II, nous invoquons sur vous tous la bénédiction divine.

Donné à Rome, le 6 mai 1983.

 

Les Instituts Séculiers,
expression fidele de l'Ecclésiologie du Concile

Discours de S.S. Jean-Paul II aux participants
à l'Assemblée Plénière de la SCRIS, le 6 mai 1983

Vénérables Frères et très chers Fils!

1. Je vous remercie pour votre présence et vous exprime ma joie pour cette rencontre, ma reconnaissance pour vos travaux tendus vers l'animation et la promotion de la vie consacrée. Les conseils évangéliques sont, en effet, "un don divin que l'Église a reçu de son Seigneur et que par sa grâce elle conserve toujours" (Lumen gentium, 43); par conséquent tout ce que fait votre Dicastère en faveur de la profession de ces conseils est extrêmement valide et précieux.

C'est sur ce plan d'animation et de promotion que s'est également placée l'Assemblée plénière qui se conclut aujourd'hui et au cours de laquelle vous avez accordé une attention toute spéciale à l'identité et à la mission des Instituts dénommés "Instituts séculiers" en raison de leur mission particulière "in saeculo et ex saeculo" (canon 713, parag. 2, du nouveau Code).

C'est la première fois que votre Assemblée plénière traite directement de ces Instituts: ce fut donc un choix opportun qu'a favorisé la promulgation du nouveau Code. Les Instituts séculiers que l'Église reconnut en 1947 avec la Constitution apostolique Provida Mater de mon Prédécesseur Pie XII, ont trouvé maintenant leur place exacte, basée sur la doctrine du Concile Vatican II. Ces Instituts veulent être, en effet, l'expression fidèle de cette ecclésiologie que le Concile a reconfirmée lorsqu'il a mis en évidence la vocation universelle à la sainteté (cf. Lumen gentium, chap. V), les tâches innées des baptisés (cf. ibid. chap. IV; A.A.); la présence de l'Église dans le monde où elle doit agir comme ferment et être "sacrement universel de salut" (Lumen gentium, 48; cf. Gaudium et spes); la variété et la dignité des diverses vocations, et la "continence parfaite pour le Royaume des Cieux" qui a toujours été "tenue en particulier honneur" dans l'Église (cf. Lumen gentium, 42) ainsi que le témoignage de la pauvreté et de l'obéissance évangéliques (cf. ibid.).

2. Vous avez très justement fixé votre réflexion sur les éléments constitutifs, théologiques et juridiques, des Instituts séculiers, en tenant compte de la formulation des canons que leur dédie le Code récemment promulgué et en les examinant à la lumière de l'enseignement que le Pape Paul VI, et moi-même durant l'allocution du 28 août 1980, avons rappelé et confirmé lors des audiences qui furent accordées à ces Instituts.

Nous devons remercier profondément le Père à la miséricorde infinie qui eut à coeur les besoins de l'humanité et qui, avec la force vivifiante de l'Esprit, a pris au cours de ce siècle de nouvelles initiatives pour sa rédemption. Au Dieu Trine, gloire et honneur pour cette irruption de grâce que sont les Instituts séculiers par lesquels I1 manifeste la bonté inépuisable de l'Église elle-même aimant le monde au nom de son Dieu et Seigneur!

La nouveauté du don que l'Esprit a fait à la permanente fécondité de l'Église pour répondre aux besoins de notre temps ne peut se constater que si l'on comprend les éléments qui le constituent de manière inséparable: la consécration et la sécularité; et, conséquence qui en découle, l'apostolat de témoignage, d'engagement chrétien dans la vie sociale et d'évangélisation; la fraternité qui, sans être déterminée par une communauté de vie, est véritablement communion; la forme extérieure elle-même de la vie qui ne se distingue pas du milieu dans lequel elle est présente.

3. Maintenant, il importe de connaître et faire connaître cette vocation si actuelle et, je dirais, si urgente, de personnes qui se consacrent à Dieu en pratiquant les conseils évangéliques et, dans cette consécration spéciale, s'efforcent d'immerger toute leur vie et toutes leurs activités, créant en elles-mêmes une disponibilité totale à la volonté du Père et œuvrant pour changer le monde à partir de l'intérieur (cf. Allocution du 28 août 1980).

La promulgation du nouveau Code permettra certainement cette meilleure connaissance, mais elle doit pousser les Pasteurs à favoriser chez les fidèles une compréhension qui ne soit ni approximative ni conciliante mais strictement exacte et respectant les caractéristiques qui la qualifient.

De cette manière il sera possible de susciter des réponses généreuses à cette difficile mais belle vocation de "pleine consécration à Dieu et aux âmes" (Perfectae caritatis, 5): vocation exigeante parce qu'on y répond en portant les engagements du baptême aux plus parfaites conséquences des exigences évangé¬liques et aussi parce que cette vie évangélique doit s'incarner dans le plus diverses situations.

En effet, la variété des dons confiés aux Instituts séculiers exprime la variété des fins apostoliques qui embrassent tous les domaines de la vie humaine et chrétienne. Cette richesse pluraliste se manifeste également dans les nombreuses spiritualités qui animent les Instituts séculiers, par la diversité des liens sacrés qui caractérisent diverses modalités de pratique des conseils évangéliques, et dans les grandes possibilités d'insertion dans tous les milieux de la vie sociale. Mon prédécesseur le Pape Paul VI qui démontra tant d'affection pour les Instituts séculiers disait avec raison que “ s'ils restent fidèles à leur propre vocation, ils seront comme le 'laboratoire d'expériences' dans lequel l'Église vérifie les modalités concrètes de ses rapports avec le monde " (Paul VI, Discours au Congrès International des Instituts séculiers, 25.8.1976). Prêtez donc votre appui à ces Instituts pour qu'ils soient fidèles à l'originalité de leurs charismes de fondation reconnus par la hiérarchie, et veillez à découvrir dans leurs fruits l'enseignement que Dieu veut nous donner pour la vie et l'action de toute l'Église.

4. S'il se produit un développement et un renforcement des Instituts séculiers, les Églises locales en tireront elles-mêmes avantage.

Dans votre Assemblée plénière il a été tenu compte de cet aspect, notamment parce que différents Épiscopats, vous envoyant des suggestions en vue de votre réunion, vous ont fait savoir qu'à leur avis les rapports entre Instituts séculiers et Églises locales méritaient d'être étudiés attentivement.

Tout en agissant dans le respect de leurs caractéristiques, les Instituts séculiers doivent comprendre et assumer les besoins pastoraux urgents des Églises particulières et aider leurs membres à vivre, avec une participation attentive, leurs espérances et leurs peines, leurs projets et leurs inquiétudes, leurs richesses spirituelles et leurs limites soit, en un mot, être en communion avec leur Église concrète. Ceci doit être un sujet de réflexion intense pour les Instituts séculiers, de même que les Pasteurs doivent avoir soin de reconnaître et de solliciter leur apport, suivant la nature qui leur est propre.

En particulier, il incombe une autre responsabilité aux pasteurs: ils doivent offrir aux Instituts séculiers toute la richesse doctrinale dont ils ont besoin. Ceux-ci veulent faire partie du monde et ennoblir les réalités temporelles, les ordonnant et les élevant pour "ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ" (Eph 1,10). Aussi, que l'on munisse ces Instituts de toute la richesse de la doctrine catholique sur la création, l'incarnation et la rédemption afin qu'ils puissent faire leurs les sages et mystérieux desseins de Dieu sur l'homme, sur l'histoire et sur le monde.

5. Très chers Frères et Fils ! C'est avec un sentiment de véritable estime pour les Instituts séculiers et pour les encourager vivement que j'ai saisi l'occasion que m'offre cette rencontre pour souligner quelques-uns des aspects que vous avez examinés ces jours derniers.

Je souhaite que votre Assemblée plénière réussisse pleinement dans son intention d'offrir à l'Église une meilleure information sur les Instituts séculiers, et d'aider ceux-ci à vivre leur vocation en toute conscience et fidélité.

Que cette Année Jubilaire de la Rédemption qui appelle chacun "à une nouvelle découverte de l'amour de Dieu qui se donne" (cf. Aperite portas Redemptori, 8), à une nouvelle rencontre avec la bonté miséricordieuse de Dieu, puisse être également pour les personnes consacrées une nouvelle et pressante invitation à suivre "avec une plus grande liberté" et "de plus près" (Perfectae caritatis, 1) le Maître qui les appelle sur les voies de l'Évangile.

Et que la Vierge Marie soit pour elles un constant et sublime modèle, et les guide toujours sous sa protection maternelle.

Avec ces sentiments, je vous donne bien volontiers, à vous ici présents et aux membres des Instituts séculiers du monde entier, la Bénédiction Apostolique.

 

Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers

Communication sur le Code

18 janvier 1984

 

Le 27 novembre 1983, le nouveau Code de droit canonique est entré en vigueur, abrogeant ainsi les précédentes lois ecclésiastiques universelles, et de même celles relatives aux Instituts séculiers.

Ceux-ci sont régis par les canons 573-602 et 606 (normes communes à tous les Instituts de vie consacrée), et par les canons 710-730.

La présente communication ne veut être ni un commentaire, ni une explication de ces canons, mais veut seulement répondre à la question: comment revoir les constitutions propres à chaque Institut à la lumière du Code?

I. PRINCIPES ÉCLAIRANTS

1. - Dans la matière qui intéresse directement les Instituts séculiers, le Code n'introduit pas d'innovations substantielles. Leur nature, telle qu'elle est définie par Provida Mater, Primo Feliciter, les documents conciliaires et les discours des Papes, est théologiquement et juridiquement confirmée: consécration avec engagements aux conseils évangéliques - situation et apostolat séculiers - souplesse d'organisation.

2. - Les traductions du Code dans les différentes langues, même si elles sont autorisées par les Conférences Épiscopales, ne sont pas le texte officiel, mais celui-ci est constitué par l'édition en latin.

3. - Les commentaires, généralement très utiles pour bien comprendre le texte, n'en constituent pas toutefois l'interprétation authentique: celle-ci peut être donnée seulement par le Siège Apostolique.

Il demeure toujours très important de se référer aux sources (c'est-à-dire aux documents précédents et au magistère ecclésial dont le Code tient compte), ainsi qu'à la praxis de la Sacrée Congrégation.

4. - Quand les canons parlent de "constitutions", il s'agit du texte fondamental de chaque Institut, même s'il est désigné par un nom différent comme: statut, règle de vie ou autre. C'est le texte approuvé par l'autorité compétente de l'Église.

Par contre, lorsqu'ils parlent de "droit propre", cela comprend aussi, outre les constitutions, d'autres textes normatifs des Instituts, comme: le directoire, les normes d'application, les normes complémentaires, le règlement.
Voir à ce sujet tout le canon 587.

II . PRÉCISIONS JURIDIQUES

Le Code donne des normes obligatoires pour tous les Instituts: ces normes sont effectives même si les constitutions ne les reprennent pas. Par exemple: les conditions d'admission, can. 721 § 1.

Les constitutions peuvent être plus exigeantes que les règles du Code; tandis qu'elle ne peuvent exiger moins, ni proposer des prescriptions contraires à celles du Code.

Souvent le Code déclare qu'il appartient à chaque Institut de fixer des normes précises sur les points particuliers. En les relevant, on peut faire la distinction suivante:

1 - Les points que doivent prescrire les constitutions:

Une claire présentation de l'institut: nature, fin, spiritualité, traits caractéristiques (can. 578, auquel renvoie le can. 587 § 1); donc tout ce qui est essentiel à la définition d'un Institut séculier, et spécialement d'un Institut déterminé.

Les engagements sacrés par lesquels sont assumés les conseils évangéliques de chasteté, pauvreté, obéissance, et les obligations qu'ils comportent en un style de vie séculier (can. 712; celui-ci renvoie aux canons 598-601, et reprend en substance l'exigence finale du can. 587 § 1 et surtout celle du can. 598 § 1). Pour les engagements, on peut choisir entre ceux qui étaient prévus par la Lex peculiaris jointe à Provida Mater: le vœu, ou le serment, ou la consécration pour la chasteté; le vœu ou la promesse pour la pauvreté et l'obéissance.

Les règles fondamentales relatives au gouvernement (can. 587 § 1), en particulier: l'autorité des responsables et des assemblées (can. 596 § 1); la forme et le mode de gouvernement, le mode de désigner les responsables, la durée des charges (can. 717 § 1).

(Note: "moderator supremus" indique le responsable général; "moderatores majores" désigne soit le responsable général, soit les responsables des plus importantes subdivisions de l'Institut, lorsque celles-ci sont prévues par les constitutions).

Si les constitutions prévoient la subdivision de l'Institut en d'autres parties, comme: zones, régions, nations... alors, qui a compétence pour les ériger, les déterminer, les supprimer (can. 581 et can. 585).

Les règles fondamentales relatives aux différentes obligations assumées par les membres (can. 587 § 1; voir par exemple can. 719 sur la prière).

Les règles fondamentales relatives à l'incorporation et à la formation (can. 587 § 1) et en particulier: quel Supérieur avec son Conseil (et les Constitutions doivent préciser si le vote du Conseil doit être délibératif ou consultatif) a le droit d'admettre: dans l'Institut, à la formation, à l'incorporation aussi bien temporaire que perpétuelle ou définitive (can. 720); quelle est la durée du temps de formation, et elle ne doit pas être inférieure à deux ans (can. 722 § 3); quelle est la durée d'incorporation temporaire, et elle ne doit pas être inférieure à cinq ans (can. 723 § 2); quels sont les effets de l'incorporation définitive (can. 723 § 4: à ce sujet, voir ci-dessous le titre IV); comment assurer la formation continue (can. 724 § 1); quels éventuels empêchements à l'admission, l'Institut veut ajouter à ceux prévus par le Code (can. 721 § 2).

Le style de vie dans les situations ordinaires (can. 714), et l'engagement de vie fraternelle (can. 602; voir can. 716).

Si l'Institut a des membres associés, quel est leur lien avec l'Institut (can. 725).

Pour concéder la dispense des engagements perpétuels contractés dans un Institut de droit diocésain, quel est l'Évêque compétent: celui du siège de l'Institut, ou celui du lieu où réside l'intéressé (can. 727 § 1). Dans un Institut de droit pontifical, est seul compétent le Siège Apostolique.

Pour le renvoi, quelles causes l'Institut croit devoir ajouter à celles prévues par le Code (can. 729).

(Canons cités ci-dessus, dans leur ordre numérique: 578,581,585,587 § 1,596 § 1,598 § 1;602,712,714,717 § 1,720,721 § 2,722 § 3,723 §§ 2 et 4, 724 § 1,725,727 § 1,729).

2 - Les points que doit exprimer le droit propre (donc: soit les constitutions, soit le directoire ou un autre texte):

Pour l'admission: les qualités éventuelles requises par l'Institut, outre celles prévues par le Code (can. 597 § 1).

Pour le conseil évangélique de pauvreté: les normes concrètes quant à la limitation dans l'usage et dans la disposition des biens (can. 600); le mode d'administration des biens de l'Institut, et les éventuelles obligations d'ordre économique entre l'Institut et les membres (can. 718). En ce qui concerne les biens de l'Institut, le canon renvoie au livre V du Code, parce que les biens appartenant à une personne publique dans l'Église, comme le sont les Instituts séculiers, sont des "biens ecclésiastiques" sujets à des normes particulières (can. 1257 § 1).

Comment doit s'entendre la participation à la vie de l'Institut (can. 716 § 1) et les précisions concernant les retraites, exercices spirituels, etc. (can. 719).

(Canons cités ci-dessus, dans leur ordre numérique: 597 § 1, 600, 716 § 1,718,719; voir aussi 598 § 2).

III. SUGGESTIONS POUR LA MISE EN APPLICATION

A la lumière de tout ce qu'on vient de dire, les Instituts séculiers n'ont pas à se préoccuper de refaire leurs constitutions, si celles-ci ont été approuvées récemment.

Mais voici ce qu'on leur demande de faire:

1. - Le gouvernement central, directement ou par l'intermédiaire d'une commission qui travaille sous sa responsabilité, doit contrôler si les constitutions (et le directoire) expriment tout ce que requiert le Code. Une vérification s'impose en particulier pour les précisions qui n'étaient pas exigées jusqu'à présent, c'est-à-dire: que la durée de la première formation ne soit pas inférieure à deux ans, et que la durée de l'incorporation temporaire ne soit pas inférieure à cinq ans.

2. - Après avoir repéré les points à préciser dans les constitutions (et dans le directoire), le gouvernement central procède aux modifications. Il n'est pas nécessaire de les soumettre au préalable à l'Assemblée générale: on le fera à la première occasion. Naturellement, on doit en informer tous les membres, et en donner communication à la Sacrée Congrégation ainsi qu'à l'Évêque si l'Institut est de droit diocésain.

3. - Ce travail doit être fait aussitôt que possible. Mais tout élément nouveau introduit dans les constitutions est valable seulement pour l'avenir, non pour le passé (les lois ne sont pas "rétroactives").

IV. L'INCORPORATION DÉFINITIVE

(Note: ce point concerne directement les seuls Instituts dans lesquels l'engagement sacré est ou peut être toujours temporaire).

Après la période de formation, un membre est incorporé à l'Institut de manière temporaire. Puis, quand il assume pour toujours ses engagements sacrés en vue d'une consécration à Dieu perpétuelle, l'incorporation à l'Institut est aussi perpétuelle.

Toutefois, certains Instituts prévoient dans leurs constitutions que la consécration à Dieu perpétuelle dans l'intention, soit ou puisse être toujours renouvelée par un engagement temporaire (habituellement annuel).

Dans ce cas où les engagements sont toujours renouvelés à échéance, le Code précise que, à partir d'un certain moment fixé par les constitutions - et qui ne peut se situer à moins de cinq ans depuis la première incorporation - l'incorporation à l'Institut devient définitive (Can. 723 § 3), assimilée à celle perpétuelle (ivi § 4) pour les effets juridiques suivants:

1. - Selon le droit commun:

- Au moment où l'incorporation devient définitive, un acte formel d'admission doit être accompli par le supérieur compétent (un "supérieur majeur" déterminé), avec le vote de son Conseil;

- après que l'incorporation est devenue définitive les supérieurs ne peuvent, à moins de motifs très graves, décider la non admission d'un membre à renouveler ses vœux: dans ce cas, en effet, la non admission équivaut à un renvoi;

- toutefois, la personne elle-même demeure toujours libre de quitter l'Institut sans demander de dispense particulière, lorsqu'elle ne renouvelle pas ses engagements à l'échéance de la période pour laquelle elle les avait contractés.

2. - Selon les propres constitutions:

- par l'incorporation définitive, le membre obtient la plénitude des droits dans l'Institut, comme celui d'être élu aux différentes charges. Mais les constitutions peuvent ajouter des conditions particulières pour assumer certaines de ces charges (un âge minimum, par exemple); ou bien elles peuvent prévoir d'admettre aussi, à d'autres charges déterminées, des membres qui n'ont pas l'incorporation définitive.

Rome, le 18 janvier 1984

par les soins de la Section Instituts séculiers

 

Discours d'ouverture au 3e Congrès Mondial des Instituts Séculiers

Card. Jean Jérôme Hamer
27 août 1984

 

Je suis très heureux d'être ici et d'avoir l'occasion de prendre contact avec vous, comme Pro-Préfet de la Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers, fonction que j'assure depuis quatre mois et demi.

Eh bien, avant d'aborder le thème des Instituts séculiers et surtout de la formation, je dois vous dire, que pour moi, il n'y a pas à Rome fonction plus intéressante que celle que j'occupe maintenant: être le porte-parole du Saint-Père pour la vie consacrée dans l'Église. Étant le porte-parole du Saint-Père, je suis en même temps à votre service car si le Saint-Père est "Servus servorum Dei", cela vaut a fortiori pour ses collaborateurs.

Je voudrais faire une introduction au thème de la formation en montrant qu'elle doit être nécessairement conditionnée par la nature et les exigences propres des Instituts séculiers. Le Droit Canon récemment promulgué et mis en application, a encore mieux mis en valeur la situation, le niveau si je puis dire, des Instituts séculiers dans l'Église. Ils sont une forme de vie consacrée qui, comme telle, se trouve au rang de la vie religieuse.

La définition de la vie consacrée se vérifie dans la vie religieuse et dans celle des Instituts séculiers. I1 s'agit de part et d'autre d'une forme stable de vie marquée par la profession des conseils. Une forme de vie qui cherche à suivre le Christ de plus près et conçue pour tendre à la perfection. Et d'ailleurs, la structure même du livre du Droit Canon qui traite de la vie consacrée, donne une égale valeur à la vie religieuse et aux Instituts séculiers. Ce sont en effet deux "titres", donc deux parties d'égale dignité à l'intérieur de la section dédiée aux Instituts de vie consacrée.

Les Instituts séculiers ont quatre caractéristiques et chacune d'elles agit sur la formation:

1° La consécration par la profession des conseils évangéliques;
2° La sécularité ou condition séculière;
3° L'apostolat;4° La vie fraternelle.

I) La consécration dans les Instituts séculiers est totale. Elle comprend donc:

- La chasteté pour le règne de Dieu: la continence dans le célibat et la renonciation à l'exercice légitime de la sexualité génitale.
- La pauvreté: la limitation et la dépendance dans l'usage et la disposition des biens et cela dans le cadre d'une vie réellement pauvre.
- L'obéissance: l'obligation de soumettre la volonté aux supérieurs légitimes en tant que représentants de Dieu.

Cette consécration est sanctionnée par les liens qui sont: soit des vœux, soit des serments, soit des consécrations, soit des promesses. Parmi les trois conseils évangéliques, la chasteté reçoit une attention particulière parce qu'elle doit être assumée soit par un vœu, un serment ou par une consécration alors que la promesse peut suffire pour les deux autres conseils.

2) Le point important et déterminant, celui qui a constamment été mis en valeur même s'il n'est pas toujours bien compris, c'est la sécularité. Les membres d'un Institut séculier vivent dans le monde. Ils œuvrent à la sanctification du monde et spécialement à partir du monde. I1 est assez difficile de traduire en français l'expression latine "ab intus", "qui vient de l'intérieur". Sur ce point de la sécularité, j'aime à reproduire quelques paroles du document de Pie XII - Primo feliciter - "le caractère séculier en qui se trouve leur raison d'être, doit paraître en toutes choses". "La perfection de la vie consacrée vécue dans les Instituts séculiers, doit être réalisée et professée dans le siècle". La consécration dans les Instituts séculiers ne modifie pas la condition canonique des membres, sauf les dispositions propres du droit à propos des Instituts séculiers. Le membre reste laïc ou clerc et s'appliquent à lui tous les droits et toutes les obligations de la condition dans laquelle il se trouve. Ceci met encore en évidence un aspect de la sécularité.

Un autre aspect est le mode de vivre. Les membres des Instituts séculiers vivent dans les conditions ordinaires du monde. Il y a trois possibilités: ils vivent seuls, dans leurs propres familles ou en groupes de vie fraternelle, selon les Constitutions, mais dans le plein respect de leur sécularité. De même des laïcs peuvent spontanément prendre l'initiative de vivre ensemble ne fussent que pour des raisons pratiques. Ce point est très important pour voir la différence entre les Instituts séculiers et les Instituts religieux, car la vie commune est de soi essentielle et inséparable de l'état religieux: essentiel et inséparable de vivre sous un même toit, sous les mêmes supérieurs et d'avoir des activités communes qui appartiennent à cette "vie ensemble". Cette différence est à souligner car elle marquera considérablement tout le processus de la formation.

Je rappelle donc que les membres des Instituts séculiers vivent dans les conditions ordinaires du monde.

3) L'autre caractéristique est l'apostolat. L'apostolat résulte de la consécration même. Pour reprendre les termes de Primo feliciter, "la vie tout entière des membres des Instituts séculiers doit être convertie en apostolat". Et cet apostolat doit non seulement être exercé dans le siècle - et ici je reprends Primo feliciter qui dit plus explicitement que le Droit Canon ce qui suit - "mais aussi pour ainsi dire par le moyen du siècle et par conséquent par des professions, des activités, des formes, dans des lieux et dans des circonstances répondant à cette condition séculière".

Le Droit Canon reprend ici l'image suggestive utilisée par le Concile (LG 31; cf. PC 11) pour montrer comment cet apostolat agit dans le monde, dans la condition séculière, "ad instar fermenti", à la manière d'un ferment. L'apostolat sera, bien entendu, différent suivant qu'il s'agit de membres laïcs ou de membres clercs.

Pour les laïcs ce sera le témoignage de la vie chrétienne et de la fidélité à leur propre consécration. Ce sera une contribution à ce que les réalités temporelles soient comprises et vécues selon Dieu et que le monde soit vivifié par l'Évangile. Il ne faudrait pas cependant que les laïcs membres d'Instituts séculiers soient plus laïcs que les laïcs. Comme tous les laïcs, ils collaboreront à leur communauté ecclésiale dans le style qui leur est propre, ils participeront à la préparation du culte; ils seront catéchètes; ils seront éventuellement ministres extraordinaires de l'Eucharistie, parce que ce sont des fonctions accessibles aux laïcs, même s'il s'agit parfois de fonctions de suppléance du clergé, comme c'est le cas dans le ministère extraordinaire de l'Eucharistie.

Donc l'apostolat des membres laïcs est surtout autour des réalités temporelles dans lesquelles ils doivent faire entrer une anticipation du règne de Dieu.

L'apostolat des membres clercs, des prêtres, ce sera la charité apostolique dans l'aide à leurs confrères: je pense ici en premier lieu à leurs confrères des Instituts séculiers. Ce sera le témoignage de la vie consacrée selon les constitutions de leurs Instituts; ce sera la sanctification du monde par leur propre ministère sacré. En devenant membre d'un Institut séculier le prêtre reste ministre sacré. C'est ce ministère qu'il met au service de la sanctification du monde.

4) Dernière caractéristique: la vie fraternelle. Nous avons vu que la vie commune sous un même toit n'appartient pas, de soi, à la nature d'un Institut séculier, mais la vie fraternelle lui appartient. I1 y a entre les membres d'un Institut séculier une communion spéciale. Leur consécration dans un Institut déterminé crée des liens réciproques spécifiques qui se manifestent de diverses façons. Une solidarité propre à l'Institut séculier qui se manifeste dans les relations aux supérieurs: ce sont les mêmes supérieurs pour tous; dans la vie: ce sont les mêmes normes, ce qui crée une similitude; dans les rencontres: qui seront reconnues nécessaires par les constitutions, précisément pour sauvegarder cette vie fraternelle et certains temps forts à passer ensemble. I1 y a aussi l'entraide sous ses différentes formes car il n'y a pas de communion fraternelle sans elle.

Ces quatre caractéristiques conditionnent la formation. I1 appartient donc à votre Congrès, rassemblé ici, de donner des informations, des suggestions et ainsi, collaborer à l'émulation.

Le Droit Canon a prévu pour vous des étapes dans la formation. Je dirais, les étapes dans tout le développement d'une vie consacrée dans un Institut séculier. Vous les connaissez, c'est la probation initiale, la première incorporation et puis l'incorporation perpétuelle ou éventuellement, définitive.

Cette formation portera, semble-t-il, sur trois choses:

a) elle doit porter sur la vie consacrée. La vie consacrée dans sa substance ne change pas. Elle est le résultat d'une longue tradition spirituelle dans l'Église de qui elle a reçu son cadre, sa légitimité et les conditions de sa reconnaissance canonique. Donc la formation à la vie consacrée est d'une grande importance.
b) Il y a la formation aux activités professionnelles sur laquelle le Saint-Père a attiré votre attention lors de votre dernière rencontre avec lui. Si vous vivez dans les réalités temporelles en vue du règne de Dieu, ces réalités imposent leurs exigences, elles demandent une préparation technique.
c) Il y a enfin une préparation à l'apostolat.

Ce sont les trois champs, me semble-t-il, de la formation.

Qui va faire cette formation? Vous direz, à ce sujet, votre expérience. I1 est clair que pour la formation professionnelle, le membre d'un Institut séculier ne viendra pas la demander à ses supérieurs. I1 la demandera à des organismes, à des personnes compétentes, aux universités, aux ateliers, aux écoles professionnelles. Mais il est important que les supérieurs sachent - et un article du Droit Canon y revient - qu'ils ont une responsabilité particulière pour la formation spirituelle. Quand il s'agit de la formation à la vie consacrée dans un Institut déterminé, c'est ici que le supérieur et ses collaborateurs sont irremplaçables.

Je termine en reprenant une parole déjà connue: la vie consacrée dans un Institut séculier "est un choix extrêmement difficile mais c'est aussi un choix important et de grande générosité".

Rome, le 27 août 1984

 

Animer l'ordre des réalites temporelles par l'esprit de l'Évangile

Le 28 août 1984 Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II
a reçu en audience à Castel Gandolfo les 350 participants
au IIIe Congrès Mondial des Instituts séculiers qui avait lieu à Rome.

Nous présentons le texte de l'Allocution que le Saint-Père a adressée
aux congressistes en langue italienne.

La traduction française est de L'Osservatore Romano.

Frères et Sœurs,

1. Je suis vraiment heureux de me retrouver avec vous à l'occasion du Congrès mondial des Instituts séculiers, réunis autour du thème: "Les objectifs et les contenus de la formation des membres des Instituts séculiers".

C'est la deuxième rencontre que j'ai avec vous et pendant les quatre ans qui se sont écoulés depuis la précédente, j'ai eu bien des occasions de m'adresser à tel ou tel Institut.

Mais il y a une circonstance particulière où j'ai parlé de vous et pour vous. L'année dernière, à la clôture de la réunion plénière pendant laquelle la Congrégation des Religieux et des Instituts Séculiers a traité de l'identité et de la mission de vos Instituts, j'ai recommandé, entre autres, aux Pasteurs de l'Église de "favoriser parmi les fidèles une compréhension qui ne soit pas approximative ou subjective mais qui soit exacte et respectueuse des caractéristiques propres" aux Instituts séculiers (AAS LXXV, n. 9, p. 687). Et j'ai aussi touché un point qui fait partie de la formation et que vous avez étudié ces jours-ci: d'une part j'exhortais les Instituts séculiers à intensifier leur communion ecclésiale; d'autre part je rappelais aux évêques qu'ils portent la responsabilité "d'offrir aux Instituts séculiers toute la richesse doctrinale dont ils ont besoin" (ibid. p. 688).

Je tiens aujourd'hui à m'adresser directement à vous, qui êtes responsables des Instituts et chargés de la formation, pour vous confirmer l'importance et la grandeur de la formation. C'est un devoir primordial, aussi bien par rapport à la formation personnelle que par rapport à la responsabilité que vous avez de contribuer à la formation de tous les membres de l'Institut, avec un soin tout particulier au cours des premières années mais avec une attention prudente également dans la suite et toujours.

2. En premier lieu et surtout je vous exhorte à tourner vos regards vers le Maître divin pour puiser la lumière nécessaire à votre charge.

On peut lire l'Évangile également comme le compte rendu du travail de Jésus sur ses disciples. Jésus proclame dès le début la "bonne nouvelle" de l'amour paternel de Dieu mais ensuite il enseigne progressivement toute la profondeur de la richesse de ce message, il se révèle progressivement lui-même ainsi que le Père, avec une infinie patience, en recommençant quand c'est nécessaire: "Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas encore?" (Jn 14,9). On pourrait aussi lire l'Évangile pour y découvrir la pédagogie de Jésus et comment il donne à ses disciples une formation de base, la première formation. La "formation permanente" - comme on dit - viendra plus tard et ce sera l'Esprit Saint qui la donnera en amenant les apôtres à la pleine compréhension de ce que Jésus leur avait enseigné, en les aidant à arriver à la vérité tout entière, à l'approfondir dans leur vie, au long de leur cheminement vers la liberté des enfants de Dieu (cf. Jn 14,26; Rm 8,14 ss).

Ce regard sur Jésus et sur son école nous donne confirmation d'une expérience que nous faisons tous: aucun de nous n'a atteint la perfection à laquelle il est appelé, chacun de nous est toujours en formation, est toujours en chemin.

Saint Paul écrit que le Christ doit être formé en nous (cf. Ga 4,19) et que nous avons la possibilité de "connaître l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance" (Ep 3,19). Mais cette compréhension ne sera totale que lorsque nous serons dans la gloire du Père (cf. I Co 13,12).

C'est un acte d'humilité, de courage et de confiance que de se savoir toujours en chemin; bien des pages de l'Écriture en parlent et l'enseignent. Par exemple la route parcourue par Abraham depuis sa terre jusqu'au but inconnu de lui auquel Dieu l'appelle (cf. Gn 12,1 ss); la marche du peuple d'Israël depuis l'Égypte jusqu'à la terre promise, de l'esclavage à la liberté (cf. Exode); la montée de Jésus lui-même vers le lieu et le moment où, élevé de terre, il attirera tout à lui (cf. Jn 12,32).

3. Je disais que c'était un acte d'humilité qui nous fait reconnaître notre imperfection; de courage pour affronter les difficultés, les déceptions, les désillusions, la monotonie de la répétition et la nouveauté de la reprise; un acte surtout de confiance, parce que c'est Dieu qui marche avec nous, car le chemin, c'est le Christ (cf. Jn 14,6), et l'artisan premier et principal de toute formation est et ne peut être que Lui. C'est Dieu le vrai formateur, même s'il se sert d'événements humains: "Seigneur, c'est toi notre Père, nous sommes l'argile et tu es celui qui nous donne forme, nous sommes tous l'œuvre de tes mains" (Is 64,7).

C'est cette conviction fondamentale qui doit guider notre effort, soit pour notre propre formation, soit pour la contribution que l'on peut être appelé à apporter pour la formation des autres. Pour se mettre dans l'attitude juste par rapport à la formation, il faut savoir que c'est Dieu qui forme, et pas nous. Nous pouvons et nous devons nous prêter à Lui et devenir son instrument, mais toujours dans le respect de l'action mystérieuse de la grâce.

Par conséquent, le travail de formation sur nous-mêmes comme sur ceux qui nous sont confiés est toujours orienté, à l'exemple de Jésus, vers la recherche de la volonté du Père: "Je ne cherche pas ma volonté mais la volonté de celui qui m'a envoyé" (Jn 5,30). Car la formation, en dernier ressort, consiste à grandir dans la capacité de nous mettre à la disposition du projet de Dieu sur chacun et sur l'histoire, à collaborer consciemment à son plan de rédemption des hommes et de la création, à réussir à découvrir et à vivre la valeur de salut dont chaque instant est porteur: "Notre Père, que ta volonté soit faite" (Mt 6,9-10).

4. Cette allusion à la volonté divine m'entraîne à vous rappeler quelque chose que je vous ai déjà dit au cours de notre rencontre de 1980: à chaque instant de votre vie et dans toutes vos activités quotidiennes, il vous faut être "totalement disponibles à la volonté du Père qui vous a placés dans le monde et pour le monde" (AAS LXXII, n. 7, p. 1021). Et ceci - avais-je ajouté - signifie pour vous: avoir une attention particulière à trois aspects qui se retrouvent dans ce qui fait la spécificité de votre vocation de membres d'Instituts séculiers.

Le premier aspect regarde le fait de se mettre plus près, à la suite du Christ, sur la voie des conseils évangéliques, par une donation totale de soi à la personne du Sauveur, pour partager sa vie et sa mission. Cette donation que l'Église reconnaît être une consécration spéciale est aussi une contestation des sécurités humaines dans 1n mesure où celles-ci sont le fruit de l'orgueil; et elle est un signe explicite du "monde nouveau" voulu par Dieu et inauguré par Jésus (cf. LG 42; PC 11).

Le deuxième aspect est celui de votre compétence dans le champ spécifique qui est le vôtre, aussi modeste et commun soit-il, avec cette "pleine conscience de votre responsabilité propre dans la vie de la société" (AA 13), qui est nécessaire pour "servir avec une générosité toujours plus grande et plus efficace" vos frères (GS 93). Votre témoignage sera ainsi plus crédible: "A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l'amour les uns pour les autres" (Jn 13,35).

Le troisième aspect a trait à votre présence transformatrice dans le monde, c'est-à-dire à "votre apport personnel à la réalisation du plan providentiel de Dieu dans l'histoire" (GS 34), en animant et en perfectionnant l'ordre des réalités temporelles par l'esprit évangélique, en agissant de l'intérieur même de ces réalités (cf. LG 3l; AA 7,16,19).

Je vous souhaite, comme fruit de ce congrès, d'approfondir votre réflexion, surtout en préparant et en mettant en pratique le matériel nécessaire pour que, dans la formation, l'accent soit mis sur ces trois aspects ainsi que sur tous les autres éléments essentiels, comme par exemple l'éducation à la foi, à la communion ecclésiale, à l'action évangélisatrice: et en unifiant le tout dans une synthèse de vie, propre à vous faire grandir dans la fidélité à votre vocation et à votre mission que l'Église estime et vous confie, parce qu'elle y reconnaît ce qui correspond à son attente et à celle de l'humanité.

5. Avant de conclure, je voudrais encore souligner un point fondamental, à savoir que votre réalité dernière, votre plénitude, c'est la charité. "Celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui" (1 Jn 4,16). La fin ultime de toute vocation chrétienne est bien d'ailleurs la charité; dans les Instituts de vie consacrée, la profession des conseils évangéliques est la route royale qui mène à Dieu aimé par-dessus tout et aux frères qui sont tous appelés à devenir les enfants de Dieu.

Or, à l'intérieur de la formation, la charité trouve son expression, son soutien et sa croissance dans la communion fraternelle, afin de devenir témoignage et action.

En raison des exigences de l'insertion dans le monde requise par votre vocation, l'Église ne demande pas à vos Instituts de mener la vie commune propre au contraire aux Instituts religieux. Cependant elle vous demande une "communion fraternelle enracinée et fondée dans la charité" qui fasse de tous les membres "une seule famille spéciale" (can. 602); elle demande que les membres d'un même Institut séculier "conservent la communion entre eux en entretenant l'unité des esprits et la vraie fraternité" (can. 716,2).

Si l'on respire cette atmosphère spirituelle qui suppose une communion ecclésiale plus large, la formation dans toute sa dimension atteindra son but.

6. Au moment de conclure, notre regard se tourne vers Jésus. Toute formation chrétienne s'ouvre sur la plénitude de la vie des enfants de Dieu, si bien que celui qui agit par notre activité, c'est, au fond, Jésus lui-même: "Ce n'est plus moi qui vis, mais c'est le Christ qui vit en moi" (Ga 2,20). Mais cela n'est vrai que si chacun de nous peut dire: "Je suis crucifié avec le Christ", ce Christ "qui s'est livré pour moi" (ibid.).

C'est la loi sublime de la sequela Christi: embrasser la Croix. Le chemin de la formation ne saurait en faire abstraction.

Que la Vierge Marie vous serve d'exemple aussi sur ce point. Elle qui - comme le rappelle le Concile Vatican II - "tandis qu'elle menait sur terre une vie semblable à celle de tous, remplie par les soins et les labeurs familiaux" (AA 4), "progressa sur le chemin de la foi, et resta fidèlement unie à son Fils jusqu'à la croix" (LG 58).

Et que la Bénédiction Apostolique que je vous donne à tous, de tout coeur, à vous et à tous les membres de vos Instituts, vous soit un gage de la protection divine.

 

Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers

Lettre aux Responsables Généraux des Instituts Séculier

2 janvier 1988

CRITERES

pour le rapport sur la situation et la vie des Instituts séculiers à envoyer périodiquement au Siège Apostolique

Le Siège Apostolique prend très à coeur la vie séculière consacrée des Instituts, leur croissante fécondité aussi bien spirituelle qu'apostolique, et il suit avec une réelle sollicitude leurs multiples nécessités.

Or, il est d'une grande importance que la communion des Instituts avec le même Siège Apostolique, selon la prescription du can. 592 §1, soit constamment favorisée grâce à des informations opportunes sur leur situa¬tion et sur leur vie. Il pourra, de cette façon, prendre part dans le Seigneur aux circonstances heureuses ou pénibles qui les touchent (cf. Rom. 12,15) et, selon les cas et les possibilités, leur offrir son aide pastorale.

A cette fin, la Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers désire proposer quelques critères pour les rapports que les Responsables généraux doivent transmettre au Siège Apostolique.

1.—Le rapport que le Modérateur suprême doit présenter à cette Congrégation, pourra être le même que celui proposé à l'Assemblée générale de l'Institut, mais de manière plus brève; on pourra y joindre les Actes de cette Assemblée. Les Responsables généraux sont priés d'envoyer ce rapport pour la première fois, après la célébration de la prochaine Assemblée générale ordinaire.

2.—De toute façon, le rapport devra comprendre les points suivants:

a) une synthèse statistique des membres;
b) l'activité déployée pour les vocations, et les espérances sur le futur accroissement de l'Institut;
c) comment se réalise l'engagement apostolique de chacun des membres;

- leur formation initiale et permanente;

- la communion fraternelle selon l'esprit de l'Institut, et les re¬lations entre Responsables et membres;

d) le sens ecclésial dans les relations avec le Siège Apostolique et avec les Evêques diocésains; la participation aux Conférences, aussi bien mondiale que celles nationales;
e) au cas où l'Institut comme tel déploie une activité, des informa¬tions sur son action apostolique, sociale, d'assistance;
f) la situation économique de l'Institut, en notant de manière gé¬nérale s'il existe des difficultés en ce domaine;
g) d'éventuelles difficultés plus urgentes concernant la vie de l'Institut;
h) tous autres aspects qui décrivent le mieux la situation réelle de l'Institut

La Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers, en de¬mandant ces informations, invoque sur tous les Instituts séculiers et leurs membres respectifs “paix, amour et foi de la part de Dieu le Père et du Seigneur Jésus Christ” (Eph. 6, 23).

Rome, le 2 janvier de l'Année mariale 1988.

fr. Hieronymus M. Card. Hamer, O.P.
Praef.

+ Vincentius Fagiolo
Archiep. em. Theat. Vasten.
Secr.

Les conclusions du synode et ses conséquences pour les instituts séculiers

Card. Jean Jerôme Hamer
24 août 1988

Information et réflexionsJe traite volontiers ce thème qui me permettra d'insister sur l'importance des Instituts séculiers pour l'avenir de l'Église. Je le ferai en tenant compte de la situation dans laquelle nous nous trouvons, car le processus du Synode n'est pas terminé tant que le Saint-Père ne nous aura pas donné son document sur "La vocation et la mission des laïcs dans l'Église et dans le monde", ce qui sera en réalité la conclusion du Synode. Mais en outre je voudrais pousser plus loin et analyser avec attention la situation du laïc consacré.

Le Synode

Parlant récemment (le 17 juin dernier) aux membres du Conseil du Secrétariat général du Synode des Évêques, Jean-Paul II a rappelé: "Les pères de la septième assemblée générale ont exprimé le désir que, sur la base du travail synodal, c'est-à-dire des Lineamenta, de 1'1nstrumentum laboris, des relations après les discussions en assemblée plénière, des rapports des 'cercles mineurs' et des Propositiones que le Synode m'a remises, je puisse offrir à l'Église un document pontifical" sur le thème du Synode.

Ce document n'est pas encore prêt mais je pense qu'il ne tardera pas. Pour ma part, je voudrais me limiter dans mon présent exposé à utiliser deux pièces importantes du travail synodal, 1'1nstrumentum laboris et les Propositiones.

L'Instrumentum laboris est, comme le nom l'indique, un instrument de travail, qui a recueilli les suggestions et les réflexions des évêques sur le thème proposé et les a présentées sous une forme logique. C'est en quelque sorte le fruit des réflexions et des expériences des évêques dispersés dans le monde, avant de venir à Rome pour l'assemblée du synode. Pour étendre à l'ensemble du peuple chrétien l'intérêt suscité par ce thème, le Saint-Père a permis que l'Instrumentum laboris soit mis à la disposition de tous. C'est donc un document que beaucoup d'entre vous connaissent et qu'ils ont sans doute lu avant l'ouverture du synode en octobre 1987. Voici ce que l'Instrumentum laboris dit sur le sujet que nous abordons:

"La contribution originale des Instituts séculiers à la mission de l'Église mérite une attention particulière. Leurs membres, tout en restant laïcs, sont appelés à se consacrer à Dieu en s'engageant dans la voie des conseils évangéliques; cela les établit, au sein du monde, comme des témoins du "radicalisme évangélique". Chaque Institut, selon sa manière propre, montre, par sa façon de vivre et sa présence chrétienne dans le monde d'aujourd'hui, comment des fidèles laïcs peuvent répondre généreusement à la vocation de charité parfaite adressée à tous. Vivant dans le monde leur consécration totale à Dieu, les laïcs qui appartiennent à des Instituts séculiers s'efforcent de vivre, de façon exemplaire, la dimension eschatologique de la vocation chrétienne. Ils portent ainsi témoignage à la nouveauté que le Christ a introduite en ce monde et encouragent les autres fidèles laïcs à reconnaître et à laisser agir en eux la vocation chrétienne à vivre "dans le monde" sans être "du monde". Grâce à leur disponibilité personnelle, résultant de leur type de vie, grâce à la formation spirituelle qu'ils ont reçue, bon nombre de membres des Instituts séculiers aident ainsi fortement les autres fidèles laïcs à accomplir leur propre tâche en hommes et en chrétiens, ils assument avec eux d'importantes responsabilités au sein de la communauté humaine. Ce thème mériterait d'être approfondi.

Par ailleurs on ne peut oublier qu'ils sont de plus en plus nombreux les fidèles laïcs qui, sans se sentir appelés à fonder ou à rejoindre un Institut séculier, se consacrent néanmoins à la pratique radicale des conseils évangéliques. La vie actuelle de l'Église est riche en nouvelles formes de vie laïque consacrée, don que l'Esprit Saint fait à l'Église et au monde de notre temps" (no. 61).

Je crois que ce texte a bien saisi les différents aspects de l'Institut séculier dans son unité profonde: présence vivifiante dans le monde, référence eschatologique, action dans l'Église. Il signale aussi l'existence de plus en plus manifeste, dans le monde laïc, d'autres formes d'engagement à la pratique des conseils évangéliques. Nous y reviendrons. Notons dès à présent que les membres des Instituts séculiers ne revendiquent aucun monopole mais souhaitent simplement que leur spécificité soit reconnue. Pour le reste, ils se réjouissent de découvrir de nouvelles formes d'une commune recherche. J'ajoute que dans son ensemble l'Instrumentum laboris a été très bien reçu par les pères synodaux et le texte que nous venons de citer n'a été, à ma connaissance, contesté par personne.

Au terme du synode on trouvera la même orientation dans les Propositiones qui - au nombre de cinquante-quatre - rassemblent les points les plus importants qui ont retenu l'attention des pères synodaux, au cours des débats qui ont duré près d'un mois. Voici le texte de la sixième proposition qui traite des Instituts séculiers et des autres formes du don de soi:

"Les Instituts séculiers ont une place dans la structure canonique de l'Église par la Constitution Provida Mater depuis 1947. Ainsi est donnée aux prêtres et aux laïcs une nouvelle possibilité pour professer les conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, par des vœux ou des promesses, en conservant pleinement leur statut clérical ou laïc. Ainsi le laïc peut pleinement participer au statut de vie consacrée, au milieu du monde (cf. can. 573). L'Esprit Saint continue de susciter d'autres formes de don de soi, auxquelles se consacrent des personnes qui demeurent pleinement dans la vie laïque".

Ce paragraphe dit l'essentiel. I1 est un bon point de départ pour tout développement ultérieur. Les Propositiones en effet n'entendaient pas tout dire, mais dégager simplement quelques grandes orientations du synode.

Certains diront peut-être: comment se fait-il que sur cinquante-quatre propositions il n'y en ait qu'une seule sur les Instituts séculiers? Voir les choses de cette façon serait déformer la réalité. Tout le synode intéresse et concerne les Instituts séculiers. Les membres de ces Instituts sont d'authentiques laïcs. Tout ce que le synode a dit et tout ce que le document post-synodale dira a de l'importance pour eux. C'est comme cela qu'il faut interpréter le synode par rapport aux Instituts séculiers. Cette considération est à mon avis primordiale pour une juste valorisation de ses travaux. Pour justifier cette affirmation, laissez-moi simplement citer quelques points: l'identité du laïc chrétien, l'appel à la sainteté, la multiplicité des charismes, les ministères et les services, la femme dans l'Église et dans le monde, la présence du laïc dans la paroisse, l'engagement socio-politique, un processus de formation intégrale... C'est bien dans cette perspective que je me situe pour la suite de cet exposé.
L'Institut séculierI1 est important de souligner que le membre laïc de l'Institut séculier est laïc au plein sens du terme. Mais pour ce faire, il faut d'abord placer cette question dans un cadre plus vaste.

Lorsque les associations, dont les membres font profession de pratiquer dans le monde les conseils évangéliques, trouvèrent une reconnaissance officielle et un statut canonique dans la constitution apostolique Provida Mater Ecclesia, sous le nom d'Instituts séculiers, il s'agissait à la fois d'associations de clercs et d'associations de laïcs.

Si les Instituts séculiers de laïcs sont beaucoup plus nombreux que les Instituts séculiers de clercs, il ne faut pas oublier que le statut s'applique aux uns et aux autres.

Les Instituts séculiers de prêtres et les Instituts séculiers de laïcs ont en commun, outre l'obligation de se livrer totalement à l'apostolat, celle de tendre à la perfection chrétienne par ces moyens privilégiés que sont les conseils de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, et cela dans le monde, c'est-à-dire en restant dans le monde, en agissant dans le monde.

Si les membres des Instituts séculiers se rapprochent des religieux par la profession des conseils évangéliques, ils s'en distinguent nettement par le fait que la séparation du monde est propre à l'état religieux, ainsi que la vie commune ou la vie sous le même toit.

C'est cette vie dans le monde ("in saeculo viventes", dit le can. 710) qui constitue la "sécularité", la note commune à tous les Instituts séculiers mais qui sera reçue différemment par les divers Instituts, notamment par ceux des clercs et des laïcs. Le prêtre séculier et le laïc sont l'un et l'autre dans le monde, mais leur rapport au monde est différent précisément en raison de ce qui les distingue: l'exercice de l'Ordre sacré. L'un et l'autre cependant, dans la logique de leur vie dans le monde, contribuent pour leur part à la sanctification du monde surtout de l'intérieur ("praesertim ab intus").

I1 faut bien mesurer l'innovation que représente Provida Mater Ecclesia. Jusque là, les groupes de ce genre étaient régis par un décret, Ecclesia catholica, publié le 11 août 1889, qui louait leur but - "de pratiquer fidèlement dans le siècle les conseils évangéliques et de s'acquitter avec une plus grande liberté des offices que le malheur des temps défend ou rend difficile aux familles religieuses" - mais décidait en même temps qu'ils seraient uniquement de pieuses associations (piae sodalitates). En 1947, la Constitution apostolique confère à ces groupes un statut canonique. N'oublions pas que le Code de 1917 les ignorait encore totalement. Après Provida Mater Ecclesia, les Instituts séculiers seront considérés comme "état de perfection" c'est-à-dire comme forme institutionnelle et stable de la recherche de la perfection de la charité. Cette terminologie sera encore en usage pendant la première partie de Vatican II.

Le nouveau Code, promulgué en 1983, emploie un autre vocabulaire, mais exprime la même réalité: les Instituts séculiers sont d'authentiques Instituts de vie consacrée, auxquels il ne manque rien pour appartenir à la "vie consacrée" telle que l'Église la définit dans son droit:

"La vie consacrée par la profession des conseils évangéliques est la forme de vie stable par laquelle des fidèles, suivant le Christ de plus près, sous l'action de l'Esprit Saint, se donnent totalement à Dieu aimé par-dessus tout, pour que dédiés à un titre nouveau et particulier pour l'honneur de Dieu, pour la construction de l'Église et le salut du monde, ils parviennent à la perfection de la charité dans le service du Royaume de Dieu et, devenus signe lumineux dans l'Église, ils annoncent déjà la gloire céleste" (can. 573, par. 1).

Cet état de vie consacrée n'est ni clérical ni laïque. Mais les Instituts qui le composent se distinguent en cléricaux et laïques, suivant qu'ils assument ou non l'exercice du sacrement de l'Ordre, en raison du but pour lequel ils ont été fondés. C'est ainsi qu'il y a deux grandes classes d'Instituts séculiers: les Instituts cléricaux et les Instituts laïcs. En raison du sujet que nous entendons traiter, nous parlerons des Instituts séculiers laïques, ou plutôt de leurs membres.

Les laïcs consacrés

Les laïcs consacrés sont donc bien des laïcs authentiques. Ils partagent avec les autres laïcs le fait de n'appartenir ni à l'état sacerdotal ni à l'état religieux, mais d'appartenir au contraire à ce laïcat auquel est confié particulièrement la gestion des réalités temporelles avec la mission de les ordonner selon Dieu.

Tout membre d'un Institut séculier laïc appartient à l'état laïc, sans restriction. Le fait de renoncer au droit de se marier ne le soustrait pas à cette condition, car aucun laïc n'est obligé de contracter mariage. Dans le monde laïc, on trouve des gens mariés mais aussi des célibataires. Si la plupart des laïcs se marient, on ne peut en déduire qu'il faut se marier pour être un vrai laïc. Ce serait absurde.

Mais ces laïcs, membres d'Instituts séculiers, sont également des personnes consacrées par la profession des conseils évangéliques. Ils adoptent sans réserve la vie consacrée comme leur forme de vie stable. La vie consacrée constitue ainsi pour eux un état de vie.

Alors n'y a-t-il pas contradiction à affirmer que le laïc consacré appartient également et sans restriction à deux états de vie différents, l'état laïc et l'état de vie consacrée? En aucune façon, et je tiens à l'affirmer avec vigueur pour écarter toute tentation de résoudre cette apparente opposition par un compromis.

Il y aurait opposition entre ces deux états s'ils se définissaient par rapport à la même obligation. Mais ce n'est pas le cas. Par exemple, l'état de vie de l'homme marié et celui du célibataire s'opposent et s'excluent, car ils se définissent par rapport au sacrement du mariage. L'homme marié en assume les obligations; le célibataire en est exempt.

Or, l'état laïc et l'état de vie consacrée se définissent en fonction d'obligations différentes. Le premier en fonction des obligations de la vie sacerdotale (exercice de l'Ordre sacré) et de celles de la vie religieuse (séparation du monde et vie commune), dont les laïcs sont exempts. Le second en fonction des devoirs librement contractés par la profession des conseils évangéliques. Les points de référence sont donc différents. Les deux états, loin de s'opposer, sont compatibles et le sont pleinement.

On peut citer d'autres exemples d'appartenance à deux états dans l'unité d'une même personne et d'une même vocation. Le religieux-prêtre appartient à la fois à l'état religieux et à l'état clérical, sans aucune tension mais au contraire dans une parfaite harmonie, comme la vie de tant de saints l'a démontré.

Cette même harmonie se trouve dans le statut propre des Instituts séculiers. Sans quitter leur état laïc, les personnes consacrées qui en sont membres, sauront vivre leur vie séculière selon des modalités conformes à leur totale donation au Seigneur. Cela se remarquera notamment dans leur vie de prière et leur ascèse personnelle. D'autre part, ils vivront les trois conseils évangéliques selon la situation de personnes qui demeurent dans les conditions ordinaires du monde.

Le droit canon ne dit-il pas que "chaque Institut, en tenant compte de son caractère et de ses fins propres, définira dans ses constitutions la manière d'observer les conseils évangéliques de chasteté, de pauvreté et d'obéissance selon son genre de vie" (can. 598, par. 1). Et encore: "Les constitutions détermineront les liens sacrés par lesquels sont assumés les conseils évangéliques dans l'Institut et définiront les obligations que comportent ces liens, en respectant toujours dans le mode de vie la sécularité propre de l'Institut" (can. 712).

L'apostolat

Consacrés et laïcs, les membres des Instituts séculiers sont totalement et inséparablement, l'un et l'autre. Mais ils sont consacrés pour une mission. En effet, ils font profession de pratiquer les conseils évangéliques pour "se livrer totalement à l'apostolat" (PME, art. 1); "ils expriment et exercent leur consécration dans l'activité apostolique" (can. 713, par. 1).

Comme ils sont laïcs, leur apostolat sera celui des laïcs et aura la même extension. Ils sont tenus par l'obligation générale "de travailler à ce que le message divin du salut soit connu et reçu par tous les hommes". Ils sont tenus également, chacun selon sa condition, "au devoir particulier d'imprégner d'esprit évangélique et de parfaire l'ordre temporel, et de rendre ainsi témoignage au Christ" (can. 235, par. 1.2). Cet enseignement de l'Église est repris dans la partie du Code de droit canonique qui traite des Instituts séculiers (can. 713, par. 2): "Les membres laïcs (des Instituts séculiers) participent à la tâche d'évangélisation de l'Église, dans le monde et à partir du monde". On aura remarqué que ce canon reprend, à propos de l'apostolat des Instituts séculiers laïcs, une formule ("dans le monde et à partir du monde", in saeculo et ex saeculo) tirée de la lettre Motu proprio Primo feliciter, publiée par Pie XII un an après Provida Mater Ecclesia. Voici la phrase complète: "Cet apostolat des Instituts séculiers doit être fidèlement exercé non seulement dans le siècle, mais aussi pour ainsi dire par le moyen du siècle, et par conséquent par des professions, des activités, des formes, dans des lieux, des circonstances répondant à cette condition séculière" (PF, II, 6).

Si tout Institut séculier participe à la mission apostolique de l'Église, il n'est pas nécessaire pour autant qu'il ait un apostolat propre, déterminé par ses constitutions, et encore moins des œuvres apostoliques propres. Il est important de le noter, car nombre d'Instituts séculiers forment à juste raison leurs membres à l'apostolat, sans qu'il soient dédiés à un secteur d'apostolat particulier.

La pratique des conseils évangéliques

Les membres des Instituts séculiers sont consacrés à Dieu, cela veut dire comme nous l'avons vu, qu'ils se sont donnés totalement à lui, aimé par-dessus tout, pour son honneur et son service, par la profession des conseils évangéliques (cf. LG, 44), au sein d'un Institut déterminé, érigé par l'Église. Aucun de ces éléments ne peut faire défaut et notamment les conseils évangéliques doivent être vécus conformément à la doctrine traditionnelle de l'Église. Nous avons vu que la manière d'observer ces conseils sera différente selon les Instituts et elle devra en particulier tenir compte de la sécularité propre à chacun d'eux. Mais il n'en demeure pas moins que tous les membres des Instituts de vie consacrée doivent observer fidèlement et intégralement ces conseils (fideliter integreque servare: can. 598, par. 2).

Ainsi, par exemple, le conseil évangélique de pauvreté ne postule pas seulement une vie pauvre en fait et en esprit, mais aussi "la dépendance et la limitation dans l'usage et la disposition des biens, selon le droit propre de chaque Institut" (can. 600).

Le conseil évangélique d'obéissance va au-delà de la pratique de cette vertu telle qu'elle est attendue de tout chrétien: il oblige "à la soumission de la volonté aux supérieurs légitimes qui tiennent la place de Dieu lorsqu'ils commandent suivant leurs propres constitutions" (can. 601). L'imitation du Christ obéissant jusqu'à la mort se fait donc à travers une médiation déterminée: sous la dépendance et la conduite moralement continue des supérieurs ou responsables. Pour les membres des Instituts séculiers, la pratique de l'obéissance postule même une recherche de cette médiation. Leur obéissance sera donc particulièrement active. Pourquoi? En raison de leur dispersion dans le monde et de leur immersion dans des professions séculières, leurs responsables ont une grande difficulté à discerner le moment opportun et les meilleurs circonstances d'une intervention. L'initiative de chacun des membres sera donc nécessaire pour faire connaître les situations concrètes.

L'exercice de l'autorité, nécessaire pour la pratique des conseils évangéliques, sera donc différent dans la vie religieuse et dans les Instituts séculiers. Dans le premier cas, il peut toujours s'appuyer sur les structures de la vie commune; il n'en est pas de même dans le second. Aussi, dans les Instituts séculiers, le service de l'autorité, pour être réel, sera plus difficile, plus exigeant et réclamera de la part des responsables un engagement souvent plus grand et plus généreux.

La prière

Pourquoi la législation sur les Instituts séculiers (cf. can. 719) accorde-t-elle tant d'importance à la prière et à la vie spirituelle en général? La prière n'est-elle pas un devoir de tout chrétien? Pourquoi alors cette insistance et ces prescriptions spéciales? La réponse à cette question est dans la consécration: il s'agit de cette "consécration particulière qui s'enracine intimement dans la consécration du baptême et l'exprime avec plus de plénitude" (PC 5).

Il y a entre consécration et prière, un rapport étroit, une relation réciproque. Le don total de soi par la profession des trois conseils évangéliques est tout entier en vue d'un plus grand amour de Dieu. Or la prière est à la fois l'expression et le stimulant de notre désir de Dieu. Il est donc normal qu'à l'engagement fondamental que nous avons pris sur le plan de la chasteté, de la pauvreté et de l'obéissance correspondent des exigences semblables au niveau des exercices de la vie spirituelle.

Si la prière n'est pas le privilège des personnes consacrées, mais le comportement normal - je dirais la respiration - de tous ceux qui sont fils de Dieu par grâce, elle occupe cependant une place beaucoup plus importante dans la vie de ceux qui ont fait le pas décisif de suivre le Christ de plus près (pressius, dit le can. 573, par. I ).

Jésus en effet se dérobait fréquemment à la foule pour prier et se retirait dans le désert ou sur la montagne, seul ou avec quelques disciples. La vie de Jésus est liée à sa prière. Elle en découlait. Elle anime son ministère messianique, spécialement à l'agonie et sur la croix.

"Je voudrais que vous soyez sans soucis, nous dit saint Paul. Celui qui n'est pas marié a souci des affaires du Seigneur: il cherche comment plaire au Seigneur" (1 Cor 7,32). C'est dans une volonté de plaire au Seigneur- une volonté radicale qui n'hésite pas devant le choix des moyens - que nous trouvons l'explication profonde de l'option pour la vie consacrée. Nous voulons nous donner aux "affaires du Seigneur". C'est pour cela que nous adoptons le célibat pour le règne de Dieu mais aussi une vie de pauvreté et d'obéissance. Les "affaires du Seigneur" (littéralement: "ce qui est du Seigneur") ne se limitent certes pas à la prière mais couvrent tout le champ du service du Seigneur; toutefois, il est évident que la prière y occupe une place privilégiée. Celui qui a choisi de ne pas se marier veut être entièrement au Seigneur. Et c'est pour être au Seigneur qu'il a pris cette décision. La volonté d'être au Seigneur est donc première. Il veut ne pas être "divisé" (v. 33). La vie consacrée devient ainsi un espace de disponibilité pour la prière.

L'Église y insiste dans son droit canonique et demande une attention spéciale à l'oraison, la lecture de l'Écriture Sainte, une retraite annuelle et d'autres exercices spirituels; la participation, si possible quotidienne, à l'Eucharistie, la réception fréquente du sacrement de pénitence et la direction spirituelle.

Pour illustrer ce que nous venons de dire sur le rapport entre la consécration et les exercices de vie spirituelle, je voudrais attirer l'attention sur la prescription concernant le sacrement de pénitence. A tout fidèle, il est simplement recommandé de confesser les péchés véniels (can. 988, par. 2). Aux membres des Instituts séculiers, la confession fréquente est prescrite (can. 719, par. 3).

I1 est clair aussi que les pratiques de la vie spirituelle tiendront compte des conditions d'une existence dans le monde. Toutefois, ce ne sera jamais pour en réduire l'importance, mais seulement les adapter aux personnes, aux lieux et aux circonstances. Les horaires et les lieux de prière du laïc ne seront pas nécessairement ceux des religieux qui vivent en communauté avec un oratoire propre. Les textes de prière pourront être différents. Le membre d'un Institut séculier portera tout spontanément dans sa prière les intentions du monde dans lequel il vit. Mais la prière ne changera pas de nature. La consécration particulière à Dieu gardera toutes ses exigences.

Perspectives d'avenir

Le synode sur les laïcs nous a conduit à rappeler avec clarté et avec force que les membres des Instituts séculiers sont de vrais laïcs. Mais aussi que ces laïcs sont en même temps et indissolublement des consacrés.

Ces Instituts ne sont pas une nouvelle variété, plus discrète et comme souterraine, de la vie religieuse, mais une réalité distincte, une véritable élévation de la condition des laïcs par la profession des conseils évangéliques.

Nous avons peu parlé des Instituts séculiers de prêtres. Mais beaucoup de choses que nous avons dites s'appliquent également à eux. En effet, l'appartenance à un Institut séculier ne change pas la condition canonique dans le peuple de Dieu. Cela ne vaut pas seulement pour les laïcs, mais aussi les prêtres séculiers (et les diacres).

Aujourd'hui dans l'Église se propagent des groupes spirituels et apostoliques désignés en Italie par le nom de movimenti ecclesiali (mouvements ecclésiaux) et en France de "communautés nouvelles". Certains d'entre eux ont déjà adopté les structures de la vie religieuse ou des Instituts séculiers; d'autres s'orientent dans le même sens. Mais il est probable que tous ne suivront pas cette direction. Plusieurs de ces groupes ont une forte affirmation publique et communautaire. Cela les distingue des Instituts séculiers. N'est-ce pas le moment de rappeler que l'Esprit souffle où il veut et que l'unité du Corps mystique est faite d'une diversité de charismes et de fonctions? Par ailleurs, nous savons que l'Église est prête à accueillir de nouvelles formes de vie consacrée (can. 605) mais aussi, plus généralement, de nouvelles formes d'engagement chrétien.

De toute façon cette floraison ne diminue en rien le rôle propre des Instituts séculiers dans l'Église d'aujourd'hui et de demain:

- "Ils redisent que l'appel à la sainteté est inscrit dans la logique du baptême";
- "Ils multiplient la présence de chrétiens authentiques capables d'être partout des apôtres";
- "Ils répondent à la situation contemporaine en donnant la possibilité à de vrais chrétiens d'être présents dans les structures profanes du monde moderne".

J'ai emprunté ces trois phrases au Père J.M. Perrin, o.p. (DS, t. V, col. 1783). Elles sont de nature à vous donner pleine confiance en une forme de vie consacrée, que vous avez librement choisie le jour de votre incorporation dans votre Institut, et qui est manifestement une œuvre de l'Esprit.

Pour résumer et conclure: vous êtes des laïcs consacrés; vous êtes l'un et l'autre totalement et inséparablement. Je le répète ici encore une fois car il n'y a pas de compréhension profonde des Instituts séculiers en dehors de cela. Dans la constitution apostolique Provida Mater Ecclesia l'Église a voulu donner plein accès à la vie consacrée par les trois conseils évangéliques, à des laïcs qui demeurent et opèrent en plein monde. Tout Institut séculier est donc une école de sainteté, qui a reçu la garantie de l'Église. C'est là l'essentiel qu'il faut dire et redire, et qu'il faudra méditer toujours plus.

Rome, le 24 août 1988

 

Le sacrifice du Christ constitue la force et l'espérance de l'Église

Le Saint-Père recevait, vendredi le 26 août 1988,
les 350 participants au IVème Congrès Mondial des Instituts séculiers,
dans la cour du Palais pontifical de Castel Gandolfo.

Les congressistes, provenant de nombreux pays,
représentaient environ 130 Instituts, et étaient accompagnés par le Cardinal Jean Jérôme Hamer,
Préfet de la Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers.

Très chers Frères et Sœurs des Instituts séculiers!

1. C'est avec une grande joie que je vous accueille à l'occasion de votre IVème Congrès Mondial et je vous remercie d'être venus si nombreux. Vous êtes les représentants qualifiés d'une réalité ecclésiale qui a été, tout particulièrement au cours de ce siècle, le signe d'une "manifestation" spéciale de l'Esprit Saint au sein de l'Église de Dieu. Les Instituts séculiers ont mis clairement en lumière la valeur de la consécration pour tous ceux qui œuvrent "dans le siècle", c'est-à-dire pour ceux qui s'insèrent dans les activités terrestres comme prêtres et surtout comme laïcs. Pour le laïcat, en particulier, l'histoire des Instituts séculiers marque une étape précieuse dans le développement de la doctrine concernant la nature particulière de l'apostolat laïc et la reconnaissance de la vocation universelle des fidèles à la sainteté et au service du Christ.

Votre mission se situe aujourd'hui dans la perspective renforcée d'une tradition théologique: il s'agit de la "consecratio mundi", qui consiste à ramener toutes choses vers le Christ, comme vers une Tête unique (cf. Ep 1,10), opérant de l'intérieur, dans la réalité terrestre.

Je me réjouis du thème choisi pour la présente Assemblée: "La mission des Instituts séculiers dans le monde de l'an 2000". C'est en réalité un argument complexe qui correspond aux espoirs et aux attentes de l'Église dans un futur proche.

Un tel programme est d'autant plus stimulant pour vous qu'il ouvre à votre vocation spécifique et à votre expérience spirituelle les horizons du troisième millénaire du Christ, pour vous aider à réaliser de manière toujours plus consciente votre appel à la sainteté vécu dans le siècle, et à collaborer, à travers la consécration vécue intérieurement et de façon authentique, à 1'œuvre de salut et d'évangélisation de tout le Peuple de Dieu.

2. Je salue le Cardinal Jean Jérôme Hamer, Préfet de la Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers qui vous a entretenus des conclusions du récent Synode des Évêques et des conséquences que ces conclusions comportent pour votre communauté. Je salue tous les collaborateurs, les organisateurs et vous tous ici présents avec les Frères et les Sœurs des Instituts que vous représentez et j'adresse à tous ce souhait très cordial: que la présente Assemblée soit l'occasion de vivre une expérience profonde de communion ecclésiale, de solidarité, de grâce et de réconfort pour votre cheminement, qu'elle illumine d'une lumière particulière votre vocation spécifique.

3. L'impact du troisième millénaire de l'ère chrétienne est indubitablement stimulant pour tous ceux qui entendent dédier leur vie au bien et au progrès de l'humanité. Nous voudrions tous que l'ère nouvelle corresponde à l'image que le Créateur a voulu donner à l'humanité C'est Lui qui construit et fait avancer l'histoire en tant qu'histoire du salut pour les hommes de toutes les époques. C'est pourquoi chacun est appelé à s'engager pour qu'un nouveau chapitre de l'histoire de la Rédemption s'inscrive dans le nouveau millénaire.

Vous entendez contribuer à la sanctification du monde, de l'intérieur, "in saeculo viventes", agissant au plus intime des réalités terrestres, "praesertim ab intus", selon la loi de l'Église (cf. C.I.C., 710).

Bien qu'étant dans le siècle, vous êtes des consacrés. D'où l'originalité de votre tâche: vous êtes, de plein droit, des laïcs; mais vous êtes consacrés, vous êtes liés au Christ par une vocation spéciale, afin de le suivre de plus près, pour imiter sa condition de "Serviteur de Dieu", dans l'humilité des vœux de chasteté, pauvreté et obéissance.

4. Vous êtes conscients de partager avec tous les chrétiens la dignité d'être des fils de Dieu, membres vivants du Christ, incorporés à l'Église, investis par le Baptême du sacerdoce commun des fidèles. Mais vous avez aussi accueilli le message intrinsèquement connexe à cette dignité: celui de l'engagement à la sainteté, à la perfection de la charité; celui de répondre à l'appel des conseils évangéliques, dans lesquels s'accomplit le don de soi à Dieu et au Christ, d'un coeur sans réserve et dans un total abandon à la volonté et aux directives de l'Esprit. Vous réalisez cet engagement, non pas en vous séparant du monde, mais au sein des réalités complexes du travail, de la culture, des professions, des services sociaux de toute sorte. Ce qui signifie que vos activités professionnelles et les conditions dans lesquelles vous partagez le soin des réalités temporelles avec les autres laïcs seront le champ des épreuves, des défis, la croix mais aussi l'appel, la mission et le moment de grâce et de communion avec le Christ dans lequel se construit et se développe votre spiritualité.

Cela exige, comme vous le savez, un continuel progrès spirituel dans vos comportements vis-à-vis des hommes, des réalités et de l'histoire. Cela vous demande la capacité de ressentir, dans les petites comme dans les grandes vicissitudes du monde une présence, celle du Christ Sauveur qui chemine toujours près de l'homme, même quand celui-ci l'ignore ou le nie. Cela demande aussi une attention permanente pour ce qui est du domaine du salut dans la vie quotidienne afin de pouvoir les interpréter à la lumière de la foi et des principes chrétiens.

Par conséquent, cela exige de vous une union profonde avec l'Église, la fidélité à son ministère. Cela vous demande une adhésion totale, fidèle à sa pensée et à son message, résultant du lien spécial qui vous lie à elle.

Tout ceci ne signifie pas une diminution de la juste autonomie des laïcs dans l'ordre de la consécration au monde; il s'agit plutôt de la replacer dans sa lumière propre afin qu'elle ne s'affaiblisse pas en agissant isolément. La dynamique de votre mission, telle que vous l'entendez, loin d'être étrangère à la vie de l'Église, s'accomplit en union de charité avec elle.

5. Une autre exigence fondamentale est l'acceptation généreuse et consciente du mystère de la Croix. Chaque action ecclésiale est objectivement enracinée dans l'œuvre du salut, dans l'action rédemptrice du Christ et reçoit sa force du sacrifice du Seigneur, de son sang répandu sur la Croix. Le sacrifice du Christ, toujours présent dans la vie de l'Église, constitue sa force et son expérience, son don de grâce le plus mystérieux et le plus grand. L'Église sait bien que son histoire est une histoire d'abnégation et d'immolation.

Votre condition de laïcs consacrés vous fait expérimenter chaque jour combien cela est vrai dans le domaine des activités et de la mission que chacun de vous accomplit. Vous savez tout le dévouement qu'il faut pour lutter contre soi-même, contre le monde et ses concupiscences; mais c'est la seule façon d'atteindre cette vraie paix intérieure que le Christ seul peut et sait donner.

Cette vie évangélique, précisément parce qu'elle est souvent parcourue dans des conditions de solitude et de souffrance, est la voie qui vous donne l'espérance puisque, dans la Croix, vous êtes certains d'être en communion avec notre Rédempteur et Seigneur.

6. Que le contexte de la Croix ne vous décourage pas. I1 vous aidera et vous soutiendra pour propager l'œuvre de rédemption et porter la présence sanctificatrice du Christ parmi vos frères. Votre attitude en ce sens manifestera l'action providentielle de l'Esprit Saint qui "souffle où il veut" (Jn 3,8). Lui seul peut susciter les forces, les initiatives, les signes puissants par lesquels l'œuvre du Christ est réalisée.

La tâche d'étendre à toutes les œuvres de l'homme le don de la Rédemption est la mission que l'Esprit vous a donnée. C'est une mission sublime, elle exige du courage mais elle est toujours un motif de béatitude pour vous, si vous vivez en communion de charité avec le Christ et avec vos frères.

L'Église de l'an 2000 attend donc de vous une collaboration efficace tout au long du parcours difficile qui mène à la sanctification du monde.

Je souhaite que la rencontre présente fortifie profondément vos résolutions et illumine toujours plus vos cœurs.

Avec ces vœux, je vous donne à tous ma bénédiction apostolique, en l'étendant aux personnes et aux initiatives confiées à votre service ecclésial.

 

Christifideles laici

Exhortation apostolique de Sa Sainteté Jean-Paul II

30 décembre 1988

Les diverses vocations laïques

56. La riche variété de l'Église trouve sa dernière manifestation à l'intérieur de chacun des états de vie. Ainsi à l'intérieur de l'état de vie laïque se trouvent différentes "vocations", en d'autres termes, des chemins spirituels et apostoliques différents qui concernent chacun des fidèles laïcs. Dans le sillon d'une vocation laïque "commune", fleurissent des vocations laïques "particulières". A ce propos, nous pouvons mentionner ici l'expérience spirituelle qui a mûri récemment dans l'Église et a produit une floraison de différentes formes d'Instituts séculiers: aux fidèles laïcs, mais aussi aux prêtres eux-mêmes, s'est ouverte la possibilité de pratiquer les conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d'obéissance par le moyen de vœux ou de promesses, en conservant pleinement leur condition propre de laïcs et de clercs". Comme l'ont noté les Pères du Synode: "L'Esprit suscite encore d'autres formes d'offrande de soi-même auxquelles se consacrent des personnes qui restent entièrement dans la vie laïque".

Nous pouvons conclure en relisant une belle page de saint François de Sales, qui a tant promu la spiritualité des laïcs. Parlant de la "dévotion", c'est-à-dire de la perfection chrétienne ou de "la vie selon l'Esprit", il présente d'une manière simple et splendide la vocation de tous les chrétiens à la sainteté et, en même temps, la forme spécifique dans laquelle la réalise chaque chrétien: "Dieu commanda à la création, aux plantes, de porter leurs fruits, chacune selon son genre (Gn 1,11): ainsi commande-t-il aux chrétiens, qui sont les plantes vivantes de son Église, qu'ils produisent des fruits de dévotion, un chacun selon sa qualité et vocation. La dévotion doit être différemment exercée par le gentilhomme, par l'artisan, par le valet, par le prince, par la veuve, par la fille, par la mariée; et non seulement cela, mais il faut accommoder la pratique de la dévotion aux forces, aux affaires et aux devoirs de chaque particulier... C'est une erreur, même une hérésie, de vouloir bannir la vie dévote de la compagnie des soldats, de la boutique des artisans, de la cour des princes, du ménage des gens mariés. I1 est vrai, Philothée, que la dévotion purement contemplative, monastique et religieuse, ne peut être exercée en ces vocations-là; mais aussi, outre ces trois sortes de dévotion, il y en a plusieurs autres, propres à perfectionner ceux qui vivent en états séculiers... Où que nous soyons, nous pouvons et devons aspirer à vie parfaite".

Se situant dans la même ligne, le Concile Vatican II écrit: "Cette spiritualité des laïcs doit revêtir des caractéristiques particulières suivant les conditions de vie de chacun: vie conjugale et familiale, célibat et veuvage, état de maladie, activité professionnelle et sociale. Chacun doit donc développer sans cesse les qualités et les dons reçus et en particulier ceux qui sont adaptés à ses conditions de vie et se servir des dons personnels de l'Esprit Saint". Ce qui vaut des vocations spirituelles vaut aussi, et en un certain sens à plus forte raison, de l'infinie variété des modalités selon lesquelles tous les membres de l'Église, et chacun d'eux, sont des ouvriers qui travaillent dans la Vigne du Seigneur, édifiant le Corps mystique du Christ. En vérité, chacun est appelé personnellement, dans l'unicité de son histoire personnelle, à apporter sa propre contribution pour l'avènement du Royaume de Dieu. Aucun talent, fût-ce le plus petit, ne peut rester caché et inutilisé (cf. Mt 25,24-27).

L'apôtre Pierre nous adresse cet avertissement: "Ce que chacun de vous a reçu comme don de la grâce, mettez-le au service des autres, comme de bons gérants de la grâce de Dieu sous toutes ses formes" (1 P 4,10).

Rome, le 30 décembre 1988

 

Artisans de la culture de la solidarité chrétienne

A l'occasion du Vème Congrès Mondial des Instituts séculiers, S.Em. le Card. Angelo Sodano, Secrétaire d'État,
a envoyé, au nom du Saint-Père, un message à S.Em. le Card. Eduardo Martinez Somalo, Préfet de la Congrégation
pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique.
Donné le 24 juillet 1992.
(De L'Osservatore Romano du 25.8.92)

 

 

Le Saint-Père, ayant pris connaissance du déroulement du Vème Congrès mondial des Instituts séculiers, m'a chargé de faire parvenir ses salutations cordiales aux organisateurs et à tous les participants à la rencontre.

Sa Sainteté exprime avant tout son appréciation pour le choix du thème, "Les Instituts séculiers et l'évangélisation aujourd'hui", qui s'intègre de manière opportune dans le cadre du plus ample engagement de l'Église pour la promotion de la nouvelle évangélisation. Il s'agit d'un processus de grâce, qui atteint le sommet dans la conversion du coeur, toujours nécessaire, entendue comme un retour à Dieu, Père charitable et miséricordieux, et de disponibilité envers nos frères, qui attendent notre compréhension, notre amour et l'annonce solidaire de la Parole révélée.

Aujourd'hui la mission évangélisatrice de l'Église doit tenir compte des profondes transformations culturelles et sociales de notre temps, qui peuvent souvent constituer un obstacle à l'action missionnaire au lieu de la favoriser. Les membres des Instituts séculiers sont bien conscients de ces défis, auxquels ils sont appelés à faire face, parce qu'ils ont reçu le don d'une "forme de consécration nouvelle et originale, suggérée par l'Esprit Saint pour être vécue au milieu des réalités temporelles, et pour introduire la force des conseils évangéliques - c'est-à-dire des valeurs divines et éternelles - au milieu des valeurs humaines et temporelles" (cf. Insegnamenti di Paolo VI, X, 1972, p. 943).

L'Esprit Saint leur a accordé la grâce de se conformer de manière plus radicale à Jésus sur le chemin qu'il a parcouru pour réconcilier les hommes, pour abattre la barrière de haine (cf. Eph 2,14) et pour recréer la Nouvelle Humanité. Pour réaliser pleinement tout ceci, il faut une "nouvelle ardeur": l'on demande que les Instituts séculiers s'engagent de manière extraordinaire dans le témoignage de la nouveauté de l'Évangile. Sans une réponse plus ardente à l'appel à la sainteté pour communiquer l'Évangile de la Paix au monde qui va entrer dans le nouveau millénaire, tout effort se réduirait à une tentative sans aucune efficacité apostolique. Les méthodes pour communiquer la nouveauté de l'Évangile au monde doivent être également nouvelles. A cette fin les membres des Instituts séculiers doivent s'ouvrir aux nouvelles formes de communication qui leur sont offertes par le progrès de la technique. Mais il ne faut pas oublier que la communication doit s'adapter aussi à la nouveauté qu'elle est appelée à diffuser. Elle doit se distinguer par sa simplicité évangélique et par sa proposition gratuite (cf. Mt 10,8), afin de favoriser une réponse libre, responsable et joyeuse.

L'expérience de la recherche et de la rencontre personnelle avec le Dieu vivant est ce que nous avons de plus précieux à offrir aux hommes. Il ne fait aucun doute que l'appel à la sainteté est à l'origine de l'appel à la nouvelle évangélisation. Celle-ci requiert une profonde communion ecclésiale, qui commence au sein de chaque Institut et s'accroît en une communion affective et effective avec tout le peuple de Dieu. La relation étroite qui existe entre la construction de la communauté chrétienne et le service au monde a été clairement exprimée par le Saint-Père, Jean-Paul II, dans l'Exhortation apostolique Christifideles laici, où il affirme qu'il "est urgent de refaire partout le tissu chrétien de la société humaine. Mais il faut refaire le tissu chrétien des communautés ecclésiales elles-mêmes" (n. 34).

Mais la nouvelle évangélisation requiert aussi un service au monde. Les modalités de réalisation, selon les vocations particulières et les nécessités concrètes, sont nombreuses: le témoignage de vie, le dialogue et la participation active, le contact personnel, le service caché, la présence individuelle et communautaire, l'annonce et la dénonciation prophétique, la défense de la vérité et le témoignage de 1'amour. Il est important que dans un monde marqué par la "culture de la mort", mais qui aspire également aux valeurs de l'Esprit, les Instituts séculiers soient capables d'être des signes du Dieu vivant et des bâtisseurs de la "culture de la solidarité chrétienne".

Le Saint-Père exhorte donc tout le monde à continuer de suivre ce chemin, à étendre les nombreuses initiatives d'animation chrétienne et à ne pas craindre d'être présents dans les différents "aréopages modernes" pour y proclamer en paroles et en actes la bonne nouvelle de l'Évangile. L'engagement pour la paix et le développement des peuples, la défense des droits de l'homme, la promotion de la femme et l'éducation des jeunes sont quelques-uns de ces "aréopages" du monde moderne, dans lesquels les Instituts séculiers doivent se sentir engagés.

Avec ces vœux, en invoquant sur tous les participants au Congrès et sur tous les membres des Instituts séculiers la protection de la Très Sainte Vierge Marie, Reine des Apôtres et Étoile de l'évangélisation, le Souverain Pontife accorde volontiers sa bénédiction apostolique, propitiatoire des plus abondantes faveurs célestes.

Je saisis volontiers cette occasion pour vous renouveler, avec mes plus profonds respects, l'expression de mon fraternel dévouement.

Angelo Cardinal Sodano
Secrétaire d'État

 

Vita Consecrata

Exhortation apostolique de Sa Sainteté Jean-Paul II
25 mars 1996

Les Instituts séculiers 10. L'Esprit Saint, admirable artisan de la variété des charismes, a suscité en notre temps de nouvelles expressions de la vie consacrée; cela paraît répondre, selon un dessein providentiel, aux besoins nouveaux que rencontre aujourd'hui l'Église pour accomplir sa mission dans le monde.

On pense d'abord aux Instituts séculiers, dont les membres entendent vivre la consécration à Dieu dans le monde par la profession des conseils évangéliques dans le cadre des structures temporelles, pour être ainsi levain de la sagesse et témoins de la grâce à l'intérieur de la vie culturelle, économique et politique. Par la synthèse de la vie séculière et de la consécration qui leur est propre, ils entendent introduire dans la société les énergies nouvelles du Règne du Christ, en cherchant à transfigurer le monde de l'intérieur par la force des Béatitudes. De cette façon, tandis que leur totale appartenance à Dieu les consacre pleinement à son service, leur activité dans les conditions laïques ordinaires aide, sous l'action de l'Esprit, à donner une âme évangélique aux réalités séculières. Les Instituts séculiers contribuent ainsi à assurer à l'Église, selon le caractère propre de chaque Institut, une présence efficace dans la société. Les Instituts séculiers cléricaux exercent eux aussi une fonction très utile: des prêtres appartenant au presbytérium diocésain, même lorsque certains d'entre eux sont autorisés à être incardinés dans leur Institut, s'y consacrent au Christ par la pratique des conseils évangéliques selon un charisme spécifique. Ils trouvent dans les richesses spirituelles de l'Institut dont ils font partie une aide importante pour vivre intensément la spiritualité propre au sacerdoce et être ainsi des ferments de communion et de générosité apostolique parmi leurs confrères.

Un dialogue constant animé par la charité

50. Pour promouvoir la connaissance mutuelle, condition nécessaire d'une coopération efficace, surtout dans le domaine pastoral, il est des plus opportuns que les Supérieurs et Supérieures des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique restent en dialogue constant avec les Évêques. Grâce à ces contacts habituels, les Supérieurs et les Supérieures pourront informer les Évêques des initiatives apostoliques qu'ils envisagent de prendre dans leurs diocèses, pour parvenir avec eux aux accords nécessaires à leur mise en œuvre. De la même façon, il convient que des personnes déléguées par les Conférences des Supérieurs et des Supérieures majeurs soient invitées à assister aux assemblées des Conférences des Évêques et, inversement, que des délégués des Conférences épiscopales soient invités aux Conférences des Supérieurs et des Supérieures majeurs, selon des modalités à déterminer. Dans cette perspective, on pourra tirer un grand avantage, là où elles n'existeraient pas encore, de la constitution et des travaux, au niveau national, de commissions mixtes d'Évêques et de Supérieurs et Supérieures majeurs, qui examineront ensemble les questions d'intérêt commun. Introduire la théologie et la spiritualité de la vie consacrée dans le programme des études théologiques des prêtres diocésains, de même que prévoir, dans la formation des personnes consacrées, de traiter suffisamment la théologie de l'Église particulière et la spiritualité du clergé diocésain […].

Communion entre les divers Instituts

52. Les relations spirituelles fraternelles et la collaboration mutuelle entre les divers Instituts de vie consacrée et les diverses Sociétés de vie apostolique sont renforcées et nourries par le sens ecclésial de la communion. Des personnes unies par un engagement commun dans la sequela Christi et animées par le même Esprit Saint ne peuvent que manifester visiblement la plénitude de l'Évangile de l'amour, comme des sarments de l'unique Vigne. Se souvenant de l'amitié spirituelle qui a souvent lié sur la terre les divers fondateurs et fondatrices, tout en “ restant fidèles à la nature de leur Institut, ces personnes sont appelées à vivre une fraternité exemplaire qui soit stimulante pour les autres composantes de l'Église, dans l'engagement quotidien à témoigner de l'Évangile. […]

Organismes de coordination

53. Les Conférences des Supérieurs et Supérieures majeurs et les Conférences des Instituts séculiers peuvent apporter une contribution notable à la communion. Encouragés et dotés de normes par le Concile Vatican II et par des documents ultérieurs, ces organismes ont pour but principal la promotion de la vie consacrée intégrée dans l'ensemble de la mission ecclésiale.

Par leur intermédiaire, les Instituts expriment leur communion et cherchent les moyens de la renforcer, dans le respect et la mise en valeur des particularités des différents charismes où se reflètent le mystère de l'Église et la sagesse multiforme de Dieu. J'encourage les Instituts de vie consacrée à collaborer entre eux, surtout dans les pays où, en raison de difficultés particulières, la tentation du repli sur soi peut être forte, au détriment de la vie consacrée elle-même et de l'Église. I1 faut au contraire qu'ils s'aident mutuellement à chercher à comprendre le dessein de Dieu dans les vicissitudes actuelles de l'histoire pour mieux y répondre par des initiative apostoliques appropriées. Dans cette perspective de communion et d'ouverture aux défis de notre temps, les Supérieurs et les Supérieures, "œuvrant en harmonie avec l'épiscopat ", chercheront à “ recourir aux services des meilleurs collaborateurs de chaque Institut et à proposer des contributions qui n'aident pas seulement à surmonter d'éventuelles limites, mais créent un style valable de formation à la vie consacrée ”. J'invite les Conférences des Supérieurs et Supérieures majeurs à prendre des contacts fréquents et réguliers avec la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, afin de manifester leur communion avec le Saint-Siège. I1 faudra aussi entretenir des relations actives et confiantes avec les Conférences épiscopales de chaque pays. Dans l'esprit du document Mutuœ relationes, il conviendra que ces relations prennent une forme stable, pour rendre possible une coordination constante et opportune, au fur et à mesure des initiatives. Si tout cela est mis en œuvre avec persévérance et dans un esprit de fidèle adhésion aux directives du Magistère, les organismes de coordination et de communion se révèleront particulièrement utiles pour des solutions qui évitent les incompréhensions et les tensions aussi bien sur le plan théorique que pratique; ils contribueront alors au développement de la communion entre les Instituts de vie consacrée et les Évêques, ainsi qu'à l'accomplissement de la mission même des Églises particulières.

Communion et collaboration avec les laïcs

54. […] Les membres des Instituts séculiers, laïcs ou clercs, entretiennent des relations avec les autres fidèles dans les formes ordinaires de la vie quotidienne. Aujourd'hui, beaucoup d'Instituts, souvent en raison de situations nouvelles, sont parvenus à la conviction que leur charisme peut être partagé avec les laïcs, qui, par conséquent, sont invités à participer de façon plus intense à la spiritualité et à la mission de l'Institut lui-même. On peut dire que, dans le sillage des expériences historiques comme celles des divers Ordres séculiers ou Tiers-Ordres, un nouveau chapitre, riche d'espérance, s'ouvre dans l'histoire des relations entre les personnes consacrées et le laïcat.

Pour un dynamisme spirituel et apostolique renouvelé

55. Ces nouvelles expériences de communion et de collaboration méritent d'être encouragées, pour divers motifs. En effet, il pourra en résulter, avant tout, le rayonnement d'une spiritualité qui porte à l'action au-delà des frontières de l'Institut; ce dernier comptera ainsi sur de nouvelles forces pour assurer dans l'Église la continuité de certaines de ses activités caractéristiques. Une autre conséquence positive pourra aussi être de faciliter une entente approfondie entre personnes consacrées et laïcs, en vue de la mission: inspirés par les exemples de sainteté des personnes consacrées, les laïcs seront introduits à l'expérience directe de l'esprit des conseils évangéliques et, en vue de la transformation du monde selon le coeur de Dieu, seront ainsi encouragés à vivre l'esprit des Béatitudes et à en témoigner. La participation des laïcs suscite souvent des approfondissements inattendus et féconds de certains aspects du charisme, en leur donnant une interprétation plus spirituelle et en incitant à en tirer des suggestions pour de nouveaux dynamismes apostoliques. Dans toutes les activités ou ministères où elles sont engagées, les personnes consacrées se souviendront donc qu'elles doivent être, avant tout, des guides compétents de vie spirituelle, et, dans cette perspective, elles feront fructifier "le talent le plus précieux: l'esprit".

Laïcs volontaires et associés

56. Une expression significative de la participation des laïcs aux richesses de la vie consacrée se voit dans l'adhésion de fidèles laïcs aux divers Instituts, sous la forme nouvelle de ce qu'on appelle "membres associés" ou bien, suivant les besoins actuels dans certains contextes culturels, sous la forme d'un partage temporaire de la vie communautaire et l'engagement particulier de l'Institut dans la contemplation ou dans l'apostolat, à condition évidemment que la nature de sa vie interne n'en souffre pas. Il est juste d'avoir une grande estime pour ce genre de volontariat qui s'inspire des richesses de la vie consacrée; il faut cependant veiller à 1a formation des volontaires, pour que, en plus de la compétence, ils aient toujours des motivations spirituelles profondes dans leurs intentions et un vif sens communautaire et ecclésial dans leurs projets. Il faut ensuite se rappeler que, pour être considérées comme oeuvres d'un Institut déterminé, les initiatives dans lesquelles sont impliqués des laïcs à un niveau de décision doivent en poursuivre les fins et être réalisées sous sa responsabilité. Donc, si des laïcs en assurent la direction, ils rendront compte de leur responsabilité aux Supérieurs et Supérieures compétents. I1 est opportun que tout cela soit précisé et organisé selon des directives propres à chaque Institut, approuvées par l'autorité supérieure, en précisant les compétences respectives de l'Institut lui-même, celles de la communauté et celles des membres associés ou des volontaires.

Les personnes consacrées, envoyées par leurs Supérieurs et Supérieures, tout en restant sous “ leur dépendance, peuvent collaborer selon des modalités appropriées à des initiatives laïques, particulièrement dans des organisations et des institutions qui s'occupent des marginaux et qui ont pour but de soulager la souffrance humaine. Si elle est animée et soutenue par une claire et forte identité chrétienne, et si elle respecte les caractéristiques de la vie consacrée, cette collaboration peut faire rayonner la force et la lumière de l'Évangile dans les situations 1es plus obscures de l'existence humaine. Au cours de ces dernières années, beaucoup de personnes consacrées sont entrées dans l'un des mouvements ecclésiaux qui se développent actuellement. En général, les intéressés tirent profit de telles expériences, particulièrement pour leur renouveau spirituel. Toutefois, on ne peut nier que, dans certains cas, cela risque de gêner ou de désorienter au niveau personnel et communautaire, notamment quand ces expériences entrent en conflit avec les exigences de la vie communautaire et de la spiritualité de l'Institut. Il faudra donc prendre soin que l'adhésion aux mouvements ecclésiaux se fasse dans le respect du charisme et de la discipline de l'Institut, avec la permission des Supérieurs ou des Supérieures, et en étant pleinement disposé à accueillir leurs décisions.

La dignité et le rôle de la femme consacrée

57. L'Église montre les multiples formes de sa richesse spirituelle quand, ayant surmonté les discriminations, elle accueille comme une véritable bénédiction les dons de Dieu répandus aussi bien sur les hommes que sur les femmes, tous mis en valeur dans leur égale dignité. Les femmes consacrées sont appelées de façon tout à fait spéciale à être, par le don d'elles-mêmes vécu en plénitude et avec joie, un signe de la tendresse de Dieu pour le genre humain et un témoignage particulier du mystère de l'Église, vierge, épouse et mère. Leur mission n'a pas manqué d'être mise en relief au Synode; elles ont été nombreuses à y participer et à pouvoir faire entendre leur voix, écoutée et appréciée de tous. Grâce aussi à leurs contributions, on a vu se dégager des indications utiles pour la vie de l'Église et pour sa mission évangélisatrice. Certes, on ne peut nier le bien-fondé de beaucoup de revendications concernant la position de la femme dans divers milieux sociaux et ecclésiaux. I1 convient également de remarquer que la nouvelle conscience que les femmes ont d'elles-mêmes aide aussi les hommes à revoir 1eurs “ schémas mentaux, leur façon de se comprendre eux-mêmes, de se situer dans l'histoire et de l'interpréter, d'organiser la vie sociale, politique, économique, religieuse et ecclésiale.

L'Église, qui a reçu du Christ un message de libération, a la mission prophétique de le répandre, en encourageant des états d'esprit et des conduites conformes aux intentions du Seigneur. Dans ce contexte, la femme consacrée peut, à partir de son expérience de l'Église et de sa vie de femme dans l'Église, contribuer à éliminer certaines conceptions unilatérales, qui entravent la pleine reconnaissance de sa dignité, de son apport spécifique à la vie et à l'action pastorale et missionnaire de l'Église. De la sorte, il est légitime que la femme consacrée aspire à voir reconnaître plus clairement son identité, sa compétence, sa mission et sa responsabilité, aussi bien dans la conscience ecclésiale que dans la vie quotidienne. L'avenir même de la nouvelle évangélisation, comme du reste de toutes les autres formes d'action missionnaire, est impensable sans une contribution renouvelée des femmes, spécialement des femmes consacrées.

Présents en tout point de la terre

78. […] La mission ad gentes offre des occasions privilégiées d'exercer une action apostolique très intense aux femmes consacrées, aux religieux frères et aux membres des Instituts séculiers. Ces derniers, par leur présence dans les divers domaines propres à la vocation laïque, peuvent accomplir une œuvre précieuse d'évangélisation des milieux, des structures et même des lois qui règlent la vie en société. En outre, ils peuvent témoigner des valeurs évangéliques aux côtés de personnes qui ne connaissent pas encore Jésus, apportant ainsi une contribution spécifique à la mission. […]

La nécessité d 'un engagement renouvelé dans le domaine éducatif:

97. […] Étant donné l'importance que représentent les universités et les facultés catholiques et ecclésiastique dans les domaines de l'éducation et de l'évangélisation, les Instituts qui en ont la charge doivent être conscients de leur responsabilité et faire en sorte que, dans ces institutions, tout en menant un dialogue actif avec la culture actuelle, soit préservé leur caractère catholique propre, en toute fidélité au magistère de l'Église. En outre, selon les circonstances, les membres de ces Instituts et de ces Sociétés devront être prêts à entrer dans les structures éducatives de l'État. De par leur vocation spécifique, les membres des Instituts séculiers sont spécialement appelés à ce genre d'interventions.

Présence dans le monde des communications sociales
99. […] En outre, les personnes consacrées, en particulier les membres des Instituts séculiers, auront à cœur de prendre part, en fonction des besoins de la pastorale, à la formation religieuse des responsables et des agents des communications sociales publiques ou privées, tant pour limiter les dommages provoqués par l'usage dévoyé des médias que pour promouvoir une meilleure qualité des émissions, dont le contenu sera respectueux de la morale et riche des valeurs humaines et chrétiennes.

 

Allocution D'ouverture au Symposium a l'occasion du 50e anniversaire de Provida Mater Ecclesia

Cardinal Eduardo Martinez Somalo
Préfet de la CIVCSVA
31 janvier 1997

Très chers participants à ce Symposium,

Je rends grâce au Seigneur qui m'a donné cette occasion providentielle de rencontrer une représentation si importante de divers Instituts séculiers, réunis dans cette Université Pontificale qui, depuis plus de 400 ans, est une des protagonistes les plus prestigieuses et qualifiées de la recherche et de la culture théologiques.

Je remercie tous ceux qui ont fortement désiré ce Symposium: la Conférence Mondiale des Instituts Séculiers qui, par l'intermédiaire de son Conseil Exécutif, a organisé cette rencontre pour commémorer comme il se doit une date si importante dans la vie de tous les Instituts séculiers: le cinquantenaire de la Constitution Apostolique Provida Mater, promulguée précisément le 2 février 1947 par le Pape Pie XII, dont nous vénérons la mémoire. Et cela fait aussi 50 ans que le Ministère auquel Mgr Dorronsoro et moi-même prêtons service est responsable de cette forme particulière de vie consacrée, qui a désormais consolidé et précisé sa physionomie et sa mission spécifique dans la grande famille de l'Église.

Notre joie et notre gratitude envers la Sainte Trinité sont certainement partagées par ceux qui, dans le mystère consolateur de la Communion des Saints, vivent déjà pour toujours en Dieu et participent, avec nous, à la joie de l'Église tout entière. Il faut évoquer ici l'artisan sage et éclairé de l'objet de notre célébration, le vénéré Père Arcadio Larraona, des Missionari Figli del Cuore Immacolato di Maria, futur Cardinal et, à l'époque, Sous-secrétaire de la Sacrée Congrégation des Religieux, dont beaucoup d'entre nous se souviennent avec gratitude.

C'est à lui que, en 1941, le Souverain Pontife Pie XII confia la question de ces nouveaux Instituts, créant une Commission formée de membres des Congrégations du Saint-Office et des Religieux, en vue d'établir une législation adéquate en la matière. On arriva ainsi à la promulgation du document pontifical qui illustrait le fondement théologique et juridique des Instituts séculiers ainsi que la Loi particulière qui les régit.

L'année suivante, Pie XII précisa la doctrine relative à la nouvelle forme de vie consacrée dans le Motu Proprio Primo feliciter, tandis que la Sacrée Congrégation des Religieux en souligna quelques points dans l'Instruction Cum Sanctissimus. Nous pouvons affirmer que ces documents ont beaucoup apporté à l'Église, car ils reconnaissent la possibilité d'une consécration totale à ceux qui choisissent de rester dans le monde, unissant sécularité et consécration comme éléments constitutifs des nouveaux Instituts. Ils affirment qu'une pleine consécration et une pleine sécularité sont non seulement compatibles, mais d'utilité réciproque, répondant ainsi aux exigences des temps modernes; à la référence évangélique classique de la cité placée sur la montagne et de la lumière placée sur le candélabre, vient s'ajouter l'image du sel qui donne du goût et du levain qui fait grandir.

Le Magistère Pontifical a par la suite ratifié la doctrine et la praxis des Instituts séculiers; ainsi, le Concile Vatican II leur recommande de garder leur propre physionomie, tenant beaucoup à la formation dans les choses divines et humaines (cf. PC 11); il reconnaît aussi que l'œuvre des consacrés séculiers est très utile aux missions, car elle est le signe d'une dévotion totale à l'évangélisation du monde (cf. AG 40). Et il y a vingt-cinq ans, jour pour jour, célébrant un anniversaire particulièrement solennel, le Saint-Père Paul VI vous encourageait à apporter votre témoignage de sécularité consacrée afin que l'Église puisse incarner la nouvelle attitude qu'exige le monde actuel! (cf. Discours de Paul VI au XXVème anniversaire de Provida Mater, Rome, le 2 février 1972).

Les illustres rapporteurs qui vont intervenir dans quelques instants approfondiront ces thèmes, traçant les lignes essentielles du chemin cinquantenaire qui nous a conduits jusqu'à l'Exhortation Apostolique post-synodale Vita Consecrata, dans laquelle le Saint-Père Jean-Paul II invite encore une fois tous les consacrés séculiers à apporter à la société l'énergie nouvelle du Royaume du Christ, cherchant à transfigurer le monde par la force des Béatitudes (cf. VC 10). Notre coeur déborde d'un sentiment sincère de gratitude filiale pour ce don de l'Exhortation que le Saint-Père nous a offert comme réflexion supplémentaire sur la magnifique vocation à suivre pleinement le Christ.

Il ne me reste donc qu'à vous formuler à tous des souhaits cordiaux et sincères qui se font prière afin que les Instituts séculiers restent toujours fidèles à leur charisme, visant un juste équilibre entre sécularité et consécration; qu'ils puisent aux sources de leur spiritualité et méditent avec courage, sans interprétations erronées, sur la volonté des Fondateurs. Ces derniers, répondant à une inspiration précise de l'Esprit de Vérité, se sont engagés dans un chemin de sainteté que l'Église a fait sien et à travers lequel tous ceux qui le suivent ont la certitude de répondre généreusement à l'appel divin.

Je suis sûr que la nouvelle évangélisation du troisième millénaire de l'ère chrétienne vous verra tous protagonistes convaincus et engagés de l'annonce toujours nouvelle du Salut qui ne peut venir au monde que par Jésus-Christ, qui est le même, hier, aujourd'hui et toujours, et auquel vont nos louanges et notre remerciement!

 

Témoins courageux et cohérents d'une vraie sainteté chrétienne
dans les conditions les plus diverses

Discours prononcé par le Pape Jean-Paul II, le 1er février 1997,
aux participants au Symposium organisé par la Conférence Mondiale des Instituts Séculiers
à l'occasion du 50e anniversaire de "Provida Mater Ecclesia".

 

Monsieur le Cardinal,
Vénérés frères dans l'épiscopat et le sacerdoce
Très chers frères et sœurs!

1. C'est avec une grande affection que je vous accueille à l'occasion de cette audience spéciale, à travers laquelle nous voulons rappeler et célébrer une date importante pour les Instituts séculiers. Je remercie le Cardinal Martinez Somalo pour les paroles avec lesquelles, se faisant l'interprète de vos sentiments à tous, il a situé dans sa juste perspective la signification de la rencontre d'aujourd'hui, qui rassemble symboliquement dans cette salle un grand nombre de personnes provenant du monde entier. Je remercie également votre représentant qui s'est exprimé après le Cardinal.

La sollicitude maternelle et l'affection éclairée de l'Église pour ses fils, qui consacrent leur vie au Christ sous les différentes formes de consécration spéciale, s'est exprimée il y a cinquante ans dans la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia, qui voulut donner de nouvelles bases canoniques à l'expérience chrétienne des Instituts séculiers (cf. AAS, 39 [1947]; 114-124).

Avec une heureuse intuition, anticipant certains thèmes qui devaient trouver dans le Concile Vatican II leur juste formulation, mon prédécesseur de vénérée mémoire, Pie XII, confirma par son autorité apostolique un chemin et une forme de vie qui, depuis déjà un siècle, avaient attiré de nombreux chrétiens, hommes et femmes: ils s'engageaient à la suite du Christ vierge, pauvre et obéissant, en demeurant dans la condition de vie propre à leur état séculier. II est heureux de reconnaître, dans cette première phase de l'histoire des Instituts séculiers, le dévouement et le sacrifice de tant de frères et sœurs dans la foi, qui affrontèrent avec courage le défi des temps nouveaux. Ils offrirent un témoignage cohérent de véritable sainteté chrétienne dans les conditions les plus diverses de travail, de logement, d'insertion dans la vie sociale, économique et politique des communautés humaines auxquelles ils appartenaient. Nous ne pouvons pas oublier la passion éclairée avec laquelle plusieurs grandes figures de l'Église accompagnèrent ce chemin au cours des années qui précédèrent la promulgation de Provida Mater Ecclesia. Parmi ces nombreuses figures, outre le Souverain Pontife déjà cité, j'ai plaisir à rappeler avec affection et gratitude celui qui était alors le Substitut de la Secrétairerie d'État, le futur Pape Paul VI, Mgr Giovanni Battista Montini, et celui qui à l'époque de la Constitution apostolique était Sous-Secrétaire de la Congrégation pour les Religieux, le vénéré Cardinal Arcadio Larraona, qui jouèrent un rôle important dans l'élaboration et la définition de la doctrine et des choix canoniques contenus dans le document.

2. Un demi-siècle plus tard, Provida Mater Ecclesia nous apparaît encore d'une grande actualité. Vous l'avez mis en évidence durant les travaux de votre Symposium international. Cette Exhortation se caractérise même par son souffle prophétique, qui mérite d'être souligné. En effet, la forme de vie des Instituts séculiers se révèle aujourd'hui plus que jamais comme une forme providentielle et efficace de témoignage évangélique, dans les circonstances particulières du contexte culturel et social actuel, où l'Église est appelée à vivre et à exercer sa mission. En approuvant ces Instituts et en couronnant une volonté spirituelle qui animait la vie de l'Église, au moins depuis l'époque de saint François de Sales, la Constitution reconnaissait que la perfection de la vie chrétienne pouvait et devait être vécue dans chaque circonstance et situation de l'existence, la vocation à la sainteté étant universelle (cf. PME, 118). En conséquence, elle affirmait que la vie religieuse - entendue dans sa propre forme canonique - n'épuisait pas en elle-même toutes les possibilités de suivre le Seigneur de façon totale, et elle souhaitait qu'à travers la présence et le témoignage de la consécration séculière se déterminât un renouveau chrétien de la vie familiale, professionnelle et sociale, qui fasse naître des formes d'apostolat nouvelles et efficaces, adressées à des milieux et des personnes habituellement éloignés de l'Évangile et presque impénétrables à son annonce.

3. II y a déjà quelques années, m'adressant aux participants au deuxième Congrès international des Instituts séculiers, j'affirmais qu'ils se trouvaient "pour ainsi dire, au centre du conflit qui agite et divise l'âme moderne" (Insegnamenti, vol. III/2, 1980, p. 469). A travers cette expression, je souhaitais reprendre certaines considérations de mon vénéré prédécesseur, Paul VI, qui avait parlé des Instituts séculiers comme d'une réponse à une profonde inquiétude: celle de trouver la route de la synthèse entre la pleine consécration de la vie selon les conseils évangéliques et la pleine responsabilité d'une présence et d'une action transformatrice à l'intérieur du monde, pour le modeler, le perfectionner et le sanctifier (cf. Insegnamenti di Paolo VI, vol. X, 1972 p. 102).

Nous assistons, en effet, à la diffusion rapide de formes de religiosité proposant des expériences attrayantes, qui dans certains cas sont également difficiles et exigeantes. Cependant, l'accent est placé sur le plan émotif et sensible de l'expérience, plus que sur celui ascétique et spirituel. L'on peut reconnaître que ces formes de religiosité tentent de répondre à une aspiration toujours renouvelée de communion avec Dieu, de recherche de la vérité ultime sur Lui et sur le destin de l'humanité. De plus, elles se présentent avec l'attrait de la nouveauté et d'un universalisme facile. Mais ces expériences supposent une conception ambiguë de Dieu qui s'éloigne de celle qui est présentée par la Révélation. En outre, elles se révèlent étrangères à la réalité et à l'histoire concrète de l'humanité.

A cette religiosité s'oppose une fausse conception de la dimension séculière, selon laquelle Dieu reste étranger à la construction de l'avenir de l'humanité. La relation avec Lui doit être considérée comme un choix privé et une question subjective qui peut tout au plus être tolérée, tant qu'elle ne prétend pas influer d'une façon quelconque sur la culture ou la société.

4. Comment peut-on donc affronter ce conflit épouvantable qui trouble l'âme et le cœur de l'humanité contemporaine? Il devient un défi lancé au chrétien: un défi pour devenir un artisan de toute une nouvelle synthèse entre la plus grande adhésion possible à Dieu et à sa volonté et la plus grande participation possible aux joies et aux espérances, aux inquiétudes et aux douleurs du monde, pour les orienter vers le projet de salut intégral que Dieu le Père nous a manifesté dans le Christ et qu'il met sans cesse à notre disposition à travers le don de l'Esprit Saint.
C'est précisément à cela que s'engagent les membres des Instituts séculiers en exprimant leur pleine fidélité à la profession des conseils évangéliques sous une forme séculière, remplie de risques et d'exigences souvent imprévisibles, mais riche d'un potentiel spécifique et original.

5. Humbles et fiers détenteurs de la force transformatrice du Royaume de Dieu et témoins courageux et cohérents de la tâche et de la mission d'évangélisation des cultures et des peuples, les membres des Instituts séculiers sont, dans l'histoire, le signe d'une Église amie des hommes, capable d'offrir la consolation pour tous les maux, prête à soutenir chaque véritable progrès de la coexistence humaine, mais en même temps intransigeante à l'égard de tout choix de mort, de violence, de mensonge et d'injustice. Ils représentent également le signe et le rappel, pour les chrétiens, du devoir de prendre soin, au nom de Dieu, d'une création qui reste l'objet de l'amour et de la complaisance de son Créateur même si elle est marquée par la contradiction de la rébellion et du péché, et si elle a besoin d'être libérée de la corruption et de la mort.

Faut-il s'étonner si le milieu auquel ils devront faire face est souvent peu disposé à comprendre et à accepter leur témoignage?

L'Église attend aujourd'hui des hommes et des femmes qui soient capables d'un témoignage renouvelé de l'Évangile et de ses exigences radicales, tout en se trouvant dans la même condition d'existence qu'une grande partie des créatures humaines. Le monde aussi, souvent sans en avoir conscience, désire la rencontre avec la vérité de l'Évangile pour un progrès véritable et intégral de l'humanité, selon le dessein de Dieu.

Dans de telles conditions, l'on demande aux membres des Instituts séculiers de faire preuve d'une grande détermination et d'une claire adhésion au charisme typique de leur consécration, qui est d'effectuer la synthèse entre foi et vie, entre Évangile et histoire humaine, entre dévouement complet à la gloire de Dieu et disponibilité intégrale pour servir la plénitude de la vie des frères et des sœurs, dans ce monde.

Les membres des Instituts séculiers se trouvent de par leur vocation et leur mission, au carrefour entre l'initiative de Dieu et l'attente de la création: l'initiative de Dieu, qu'ils apportent dans le monde à travers l'amour et l'union intime avec le Christ; l'attente de la création, qu'ils partagent en vivant la condition quotidienne et séculière de leurs semblables, prenant en charge les contradictions et les espérances de chaque être humain, en particulier des plus faibles et de ceux qui souffrent.

Toujours est-il que c'est aux Instituts séculiers qu'échoit la responsabilité de rappeler cette mission à tous, en en témoignant à travers une consécration spéciale, dans la radicalité des conseils évangéliques, afin que toute la communauté chrétienne accomplisse avec un engagement toujours plus grand la tâche que Dieu, dans le Christ, lui a confiée avec le don de son Esprit (Exhor. apost. Vita consecrata, nn. 17-22).

6. Le monde contemporain apparaît particulièrement sensible au témoignage de ceux qui savent assumer avec courage le risque et la responsabilité du discernement de notre époque, ainsi que du projet d'édification d'une humanité nouvelle et plus juste. Notre époque est celle de grands bouleversements culturels et sociaux.

C'est pourquoi il apparaît toujours plus clairement que la mission du chrétien dans le monde ne peut pas être réduite à un pur et simple exemple d'honnêteté, de compétence et de fidélité au devoir. Tout cela est une donnée de base. II s'agit de se revêtir des mêmes sentiments que le Christ Jésus pour devenir dans le monde des signes de son amour. Tel est le sens et le but d'une vie chrétienne séculière authentique, et donc l'objectif et la valeur de la consécration chrétienne vécue dans les Instituts séculiers.

Dans cette optique, il apparaît plus que jamais important que les membres des Instituts séculiers vivent intensément la communion fraternelle, tant à l'intérieur de leur propre Institut qu'avec les membres des divers Instituts. Précisément parce qu'ils sont dispersés comme le levain et le sel dans le monde, ils devraient se considérer des témoins privilégiés de la valeur de la fraternité et de l'amitié chrétienne, aujourd'hui si nécessaires, en particulier dans les grandes zones urbaines qui rassemblent désormais la majeure partie de la population mondiale.

Je souhaite que chaque Institut séculier devienne ce terrain d'amour fraternel, ce foyer ardent auquel de nombreux hommes et femmes peuvent puiser la lumière et la chaleur pour la vie du monde.

7. Pour finir, je demande à Marie d'apporter à tous les membres des Instituts séculiers la lucidité de son regard sur la situation du monde, la profondeur de sa foi dans la Parole de Dieu et la promptitude de sa disponibilité pour accomplir les desseins mystérieux pour une collaboration toujours plus incisive à l'œuvre du salut.

En remettant entre ses mains maternelles l'avenir des Instituts séculiers, portion élue du Peuple de Dieu, je donne à chacun de vous ici présents, ma Bénédiction apostolique, que j'étends volontiers à tous les membres des Instituts séculiers présents sur les cinq continents.

 

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