Provida Mater Ecclesia

Pie XII




Introduction

1. L'Église Mère attentive regardant comme ses enfants de prédilection ceux qui dévouent leur vie entière au Christ leur Seigneur et le suivent par la voie libre et austère des conseils, a toujours mis tout son zèle et sa maternelle affection à les rendre dignes de cette surnaturelle intention et d'une vocation si angélique, ainsi qu'à ordonner sagement leur manière de vivre. C'est ce que démontrent abondamment, depuis les origines jusqu'à nos jours, les textes mémorables des Pontifes, des Conciles et des Pères, ainsi que le cours entier de l'histoire ecclésiastique et tout l'ensemble de la discipline canonique.

L'Église pour les fidèles

2. Et en effet, dès le berceau du Christianisme, le magistère lui-même de l'Église s'est employé à illustrer les appels à la perfection exprimés dans la doctrine et les exemples du Christ et des Apôtres et a enseigné avec sûreté la manière dont se devait conduire et régler la vie vouée à la perfection. D'autre part, par son action et son ministère, elle a intensément favorisé et propagé le don plénier et la consécration au Christ. C'est ainsi que, dès les premiers temps, les communautés chrétiennes offraient spontanément aux conseils évangéliques une bonne terre toute prête à recevoir la semence et assurée des meilleurs fruits, et peu après, comme il est facile de le démontrer par les Pères Apostoliques et par les écrivains ecclésiastiques les plus anciens, la profession publique de la vie parfaite se développa tellement dans les diverses Églises, que ceux qui la pratiquaient commencèrent dès lors à apparaître, dans le sein de la société ecclésiastique, comme un ordre, une classe sociale reconnue sous les divers noms d'ascètes, de continents, de vierges, etc., et objet d'éloges et de vénération.

3. Au cours des siècles, l'Église, fidèle au Christ son Époux et toujours semblable à elle-même, développa graduellement, sous la conduite du Saint-Esprit, d'un pas sûr et ininterrompu, la discipline de l'état de perfection, jusqu'à la promulgation du Code actuel de Droit canonique. Penchée maternellement sur ceux de ses enfants qui, d'un coeur généreux, professaient extérieurement et en public, bien que sous des formes diverses, la vie parfaite, elle ne cessa jamais d'encourager de toute manière une résolution si sainte, et cela dans une double direction. D'abord la profession individuelle de perfection, toujours cependant émise à la face de l'Église et d'une manière publique - telle cette antique et vénérable bénédiction et consécration des Vierges qui s'accomplissait selon les rites liturgiques - fut par l'Église elle-même non seulement reçue et reconnue, mais munie de règles sages, fermement défendue et pourvue même de nombreux effets canoniques. Pourtant les faveurs de l'Église se tournèrent surtout, et à bon droit, vers cette profession pleinement achevée et plus strictement publique de vie parfaite, réalisée dans les premiers temps qui suivirent la paix constantinienne et émise au sein d'associations et de communautés érigées avec la permission, ou l'approbation ou sur l'ordre de l'Église elle-même.

L'État canonique de perfection

4. Personne n'ignore l'intime compénétration qui associe l'histoire de la sainteté dans l'Église et de l'apostolat catholique avec celle de la vie religieuse canonique, telle que, sous l'impulsion vivifiante de la grâce du Saint-Esprit, elle ne cessa de croître et de s'affermir, étonnamment variée au sein d'une unité toujours plus profonde et plus efficace. Il n'est pas surprenant que l'Église ait suivi fidèlement, aussi sur le terrain des lois, ce mouvement que la sage Providence divine indiquait si nettement et qu'elle ait entouré de vigilance et délibérément ordonné l'état canonique de perfection, au point d'élever sur lui, comme sur un de ses fondements angulaires, l'édifice de la législation ecclésiastique. De là vient que tout d'abord l'état public de perfection fut compté parmi les trois principaux états ecclésiastiques et que l'Église ne prit pas d'autre base que cet état lui-même, pour définir le second ordre ou degré canonique de personnes (can. 107). Chose en effet digne de grande attention: tandis que les deux autres ordres canoniques de personnes, à savoir clercs et laïcs, se fondent, de par le droit divin (auquel s'ajoute l'institution ecclésiastique, cc. 107, 108, § 3), sur l'Église en tant que Société hiérarchiquement constituée et ordonnée, la classe des religieux, placée entre clercs et laïcs et qui peut être commune tant aux clercs qu'aux laïcs (c. 107), dérive de l'étroite et particulière relation de cet état à la fin de l'Église, savoir à la sanctification et aux moyens efficaces et adéquats de la poursuivre.

5. Mais l'Église n'en resta pas là. Pour que cette profession publique et solennelle de la sainteté ne risque pas d'être vouée à l'échec, l'Église, avec une rigueur toujours croissante, ne voulut reconnaître cet état canonique de perfection que dans des sociétés fondées et réglées par elle, savoir dans des "Religions" (c. 488, I°) dont, après mûr examen, elle avait fixé par son magistère la forme et l'ordonnance générale, dont ensuite dans chaque cas elle avait vérifié de près l'Institut et les règles, non seulement au regard de la doctrine et dans l'abstrait, mais encore à la lumière de son expérience et dans la pratique. Toutes ces dispositions ont été définies dans le Code d'une manière si rigoureuse et si précise que, dans aucun cas, pas même par exception, l'état canonique de perfection ne serait reconnu, si la profession n'en était pas émise dans une Religion approuvée par l'Église. Enfin la discipline canonique de l'état de perfection, en tant qu'état public, a été de telle sorte ordonnée très sagement par l'Église, que dans les Religions cléri¬cales, pour tout ce qui regarde la vie cléricale des religieux, c'est la Religion elle-même qui remplirait le rôle de diocèse et que pour eux l'incardination à un diocèse serait remplacée par le rattachement à la Religion (cc. III, § I; 113; 583).

6. Après que le Code de Pie X et de Benoît XV, dans la seconde partie du Livre II consacrée aux Religieux, eut confirmé de multiples façons, par sa législation des Religieux, soigneusement recueillie, revue et corrigée, l'état canonique de perfection, de nouveau sous son aspect public, et qu'achevant avec sagesse l'œuvre commencée par Léon XIII, d'heureuse mémoire, dans son immortelle Constitution "Conditae a Christo" il eut admis les Congrégations de vœux simples parmi les Religions proprement dites, rien désormais ne paraissait plus à ajouter à la discipline de l'état canonique de perfection. Pourtant l'Église, si large d'esprit et de cœur, jugea bon, en un geste vraiment maternel, d'ajouter à la législation des religieux un Titre succinct, qui lui fût comme un complément très opportun. Dans ce Titre (Tit. XVII, Livre II), l'Église voulut assimiler assez pleinement à l'état canonique de perfection d'autres Sociétés très méritantes envers elle-même et fréquemment aussi envers la société civile, sociétés dépourvues, il est vrai, de plusieurs propriétés juridiques nécessaires pour constituer l'état canonique complet de perfection, tels les vœux publics (cc. 488, I° et 7°; 487), mais qui cependant, à cause de leurs autres qualités, considérés comme appartenant à la substance de la vie de perfection, ont avec les vraies Religions des liens d'une étroite similitude et comme de parenté.

Les "Instituts séculiers"

7. Par toute cette législation, sage, prudente et marquée d'un grand amour, il avait été pourvu largement au bien de cette multitude qui, hors du siècle, désiraient embrasser un état canonique strictement dit, uniquement et entièrement consacré à l'acquisition de la perfection. Mais le Seigneur très bon, qui a invité si souvent tous les fidèles, sans acception de personnes, à l'exercice de la perfection, a voulu dans un dessein admirable de sa divine Providence, que même dans le siècle si corrompu, prospèrent, surtout de nos jours, de nombreux groupes d'âmes choisies, qui, non contentes de brûler du zèle de leur perfection individuelle, ont pu découvrir, tout en restant dans le monde pour obéir à un appel particulier de Dieu, de nouvelles et très heureuses formes d'associations, spécialement adaptées aux nécessités actuelles et qui leur permettent de mener une vie très propre à l'acquisition de la perfection chrétienne.

8. Tout en recommandant à la prudence et au zèle des Directeurs spirituels les nobles efforts de perfection accomplis par les fidèles en particulier au for interne, nous dirigeons en ce moment notre sollicitude vers ces associations qui s'efforcent, à la face de l'Église et au for externe, selon l'expression juridique, de conduire leurs membres à une vie de solide perfection. I1 n'est cependant pas question ici de tous les groupements qui recherchent sincèrement la perfection chrétienne dans le siècle, mais seulement de ceux qui, dans leur constitution interne, dans l'ordonnance hiérarchique de leur gouvernement, dans le don plénier libre de tout autre lien qu'ils exigent de leurs membres proprement dits, dans la profession des conseils évangéliques, dans leur manière enfin d'exercer les ministères et l'apostolat, se rapprochent davantage de ce qui constitue la substance des états canoniques de perfection et spécialement des Sociétés sans vœux publics (Tit. XVII), bien qu'elles adoptent d'autres formes de vie extérieure que celle de la communauté religieuse.

9. Ces associations, qui désormais s'appelleront "Instituts séculiers", apparurent dans la première moitié du siècle dernier, non sans une spéciale inspiration de la divine Providence, avec le but "de pratiquer fidèlement dans le siècle les conseils évangéliques et de s'acquitter avec une plus grande liberté des offices de charité, que le malheur des temps défend ou rend difficiles aux familles religieuses". Or les plus anciens de ces Instituts ont donné des preuves de leur valeur. Ils ont démontré concrètement, de manière plus que suffisante, que grâce au choix exigeant et prudent de leurs membres, par la formation attentive et suffisamment longue qu'ils leur donnent, par une règle de vie bien adaptée, ferme et souple à la fois, peut être obtenue avec certitude, même dans le siècle, grâce à un appel spécial de Dieu et avec son aide, une consécration de soi au Seigneur assez stricte, assez efficace et pas seulement intérieure, mais externe et presque religieuse. Ils ont démontré que l'on peut ainsi former un instrument très utile de pénétration et d'apostolat. Aussi pour toutes ces multiples raisons, "ces Sociétés de fidèles ont été plus d'une fois louées par le Saint-Siège, tout autant que de vraies Congrégations religieuses".

La fécondité des Instituts séculiers

10. Les heureux accroissements de ces Instituts montrèrent, de jour en jour, avec plus d'évidence, l'aide multiple et efficace qu'ils pouvaient apporter à l'Église et aux âmes. Mener en tout temps et en tout lieu une réelle vie de perfection, embrasser cette vie dans des cas où la vie religieuse canonique serait impossible ou peu adaptée, rechristianiser intensément les familles, les professions, la société civile par le contact immédiat et quotidien d'une vie parfaitement et entièrement consacrée à sa sanctification, exercer l'apostolat de multiples manières et remplir des fonctions que le lieu, le temps ou les circonstances interdisent ou rendent impraticables aux prêtres et aux religieux, autant de précieux services dont on peut facilement charger ces Instituts. Par ailleurs l'expérience a démontré les difficultés et les dangers que comporte parfois, et même facilement, cette vie de perfection ainsi menée librement sans le secours extérieur de l'habit religieux et de la vie en commun, sans la vigilance des Ordinaires, desquels en fait elle pouvait aisément rester ignorée, et des supérieurs souvent éloignés.

11. La question s'est posée aussi de la nature juridique de tels Instituts et de la pensée du Saint-Siège en les approuvant. Aussi avons-nous jugé opportun de faire mention de ce Décret "Ecclesia Catholica" publié par la Sacrée Congrégation des Évêques et des Réguliers et qui fut confirmé le 11 août 1889 par notre prédécesseur d'immortelle mémoire, Léon XIII. Dans ce décret il n'était pas défendu d'accorder louange et approbation à ces Instituts, mais il était spécifié que quand la Sacrée Congrégation le faisait, elle voulait les louer et les approuver "non pas certes comme des Religions de vœux solennels ou comme de vraies Congrégations de vœux simples, mais seulement comme de pieuses associations dans lesquelles, outre l'absence d'autres qualités requises par la discipline actuelle concernant les Religieux, on n'émet pas de profession religieuse proprement dite, et où les vœux, si on en fait, sont censés être purement privés, nullement publics, comme sont les vœux reçus par le supérieur légitime au nom de l'Église". De plus ces associations, comme l'ajoutait la Sacrée Congrégation, sont louées et approuvées à cette condition essentielle qu'elles se fassent pleinement et parfaitement connaître par leurs Ordinaires respectifs et se soumettent entièrement à leur juridiction. Ces prescriptions et ces déclarations de la Sacrée Congrégation des Évêques et des Réguliers contribuèrent utilement à éclaircir la nature de ces Instituts et à en diriger, sans les gêner, l'évolution et les progrès.

12. Aujourd'hui les Instituts séculiers se sont multipliés dans le silence, sous des formes assez diverses, en pleine autonomie ou en union plus ou moins étroite avec des Religions ou des Sociétés religieuses. A leur sujet, la Constitution Apostolique "Conditae a Christo", qui ne s'occupait que des Congrégations religieuses, n'a rien décidé. Le Code de droit canonique lui aussi s'est délibérément abstenu de parler de ces Instituts, laissant à une législation future le soin de leur donner éventuellement un statut, qui ne lui paraissait pas encore assez mûr.

Approbation du Statut général des Instituts séculiers

13. Ayant pesé à plusieurs reprises tout ce que Nous venons de dire, poussé par le devoir de Notre conscience et en raison de Notre amour paternel pour des âmes qui poursuivent si généreusement la sainteté dans le siècle, désireux en même temps de rendre possible un sage et sérieux discernement entre ces Sociétés et voulant que celles-là seulement soient reconnues comme véritables Instituts, qui professent authentiquement et pleinement la vie de perfection, afin que soient évités les dangers inhérents à l'érection trop multipliée d'Instituts toujours nouveaux - comme en effet il s'en érige souvent sans prudence et à la légère; afin que par ailleurs les Instituts qui méritent d'être approuvés, reçoivent le statut juridique spécial qui répond exactement et pleinement à leur nature, à leurs fins et aux circonstances, Nous avons projeté et décidé de faire pour les Instituts séculiers cela même que Notre prédécesseur d'immortelle mémoire Léon XIII a fait avec tant de prudence pour les Congrégations à vœux simples, par la Constitution Apostolique "Conditae a Christo".

C'est pourquoi Nous approuvons par les présentes Lettres le Statut général des Instituts séculiers, que la Sacrée Congrégation Suprême du Saint-Office a diligemment examiné pour sa part de compétence et que la Sacrée Congrégation des Religieux a composé et revu avec soin, selon Notre ordre et sous Notre direction. Et Nous édictons, décrétons et établissons toutes les dispositions qui suivent en vertu de Notre autorité apostolique.

14. Quant à leur exécution, Nous députons la Sacrée Congrégation des Religieux, en la munissant de toutes les facultés nécessaires et utiles.

LOI PARTICULIERE DES INSTITUTS SÉCULIERS

ARTICLE I

1. Les Associations de clercs ou de laïcs dont les membres, en vue de tendre à la perfection chrétienne et de se livrer totalement à l'apostolat, font profession de pratiquer, dans le monde, les conseils évangéliques, sont exclusivement désignées sous le nom d'Instituts ou d'Instituts séculiers, afin d'être nettement distinguées des autres Associations communes de fidèles (IIIe Partie du Livre II du Code de droit canonique). Ces Instituts sont soumis aux prescriptions de cette Constitution apostolique.

ARTICLE II

2. § 1. - N'admettant pas les trois vœux publics de religion (Canons 1308, § 1, et 488, I°), n'imposant pas à tous leurs membres conformément au Droit canonique (Canons 487 et suivants et 675 et suivants) la vie commune ou le séjour sous le même toit, les Instituts séculiers:

3. 1° En droit et selon la règle, ne sont ni ne peuvent être, à proprement parler, appelés Religions (Canons 487 et 488, I°) ou Sociétés de vie commune (Canon 673. 6 1).

4. 2° Ces mêmes Instituts ne sont pas soumis à la législation propre et particulière qui régit les Religions ou les Sociétés de vie commune; ils ne peuvent en être les bénéficiaires, sauf si une prescription quelconque de cette législation, de celle principalement qui régit les Sociétés sans vœux publics, leur est, par exception, légitimement adaptée et appliquée.

5. § 2. - Les Instituts séculiers, outre les règles communes du Droit canonique qui les concernent, sont régis, comme par un droit propre répondant plus étroitement à leur nature particulière et à leur condition, par les ordonnances qui suivent:

6. 1° Les prescriptions générales de la Constitution Provida Mater Ecclesia qui constituent comme le Statut particulier de tous les Instituts séculiers;

7. 2° Les normes que la Sacrée Congrégation des Religieux, selon que la nécessité le demandera et que l'expérience le conseillera, jugera à propos d'édicter pour tous ces Instituts et pour certains d'entre eux, soit en interprétant cette même Constitution apostolique, soit en la complétant ou en l'appliquant;

8. 3° Les Constitutions particulières approuvées (conformément aux articles V-VIII qui suivent) qui adapteront avec prudence aux buts, aux nécessités, à la situation, peut-être assez différente, de chaque Institut, les prescriptions générales du Droit canon et les règles spéciales indiquées ci-dessus (nos. 1° et 2°).

ARTICLE III

9. § 1. - Pour qu'une pieuse Association de fidèles puisse être érigée, conformément aux articles ci-après, en Institut séculier, il est nécessaire qu'elle remplisse, outre les autres conditions communes, les suivantes:

10. § 2. - En ce qui concerne la consécration de la vie et la profession de perfection chrétienne:

Les associés qui désirent appartenir à l'Institut comme membres au sens strict, doivent, outre les exercices de piété et de renoncement auxquels tous les fidèles qui aspirent à la perfection de la vie chrétienne s'adonnent nécessairement, tendre efficacement à cette perfection également par les moyens particuliers suivants: 1° par la profession faite devant Dieu du célibat et de la chasteté parfaite, profession qui sera, conformément aux Constitutions, sanctionnée par un vœu, un serment, une consécration obligeant en conscience; 2° par le vœu ou la promesse d'obéissance, de telle sorte que liés par un lien stable ils soient consacrés entièrement à Dieu et aux œuvres de charité et d'apostolat, et qu'en toutes choses ils soient sous la dépendance et la conduite moralement continue des supérieurs, selon les prescriptions des Constitutions; 3° par le vœu ou la promesse de pauvreté qui leur enlève le libre usage des biens temporels, leur donnant seulement un usage défini et limité selon les Constitutions.

11. § 3. - Pour ce qui concerne le rattachement des membres proprement dits à leur Institut et le lien qui en résulte:12. Le lien par lequel l'Institut séculier et ses membres proprement dits seront unis, doit être: 1° stable, selon les Constitutions, soit perpétuel, soit temporaire, et alors à renouveler à l'échéance du temps fixé (Canon 488, 1°); 2° mutuel et plénier, de telle sorte que, selon les Constitutions, le membre se donne totalement à l'Institut et que ce dernier prenne soin du membre et en réponde.

13. § 4. - Pour ce qui concerne les résidences et les maisons communes des Instituts séculiers:

Quoiqu'ils n'imposent pas à tous leurs membres (art. II, § 1), conformément au Droit, la vie commune ou l'habitation sous le même toit, les Instituts séculiers doivent cependant, pour des raisons de nécessité ou d'utilité, avoir une ou plusieurs maisons communes où: 1° puissent résider les supérieurs de l'Institut, principalement les Supérieurs généraux ou régionaux; 2° où les membres de l'Institut puissent demeurer ou bien venir soit en vue de leur formation à faire et à compléter, soit pour les retraites et pour d'autres exercices de ce genre; 3° où l'on puisse recevoir les membres qui, à cause de leur mauvais état de santé ou en raison d'autres circonstances, ne sont pas en mesure de se suffire ou bien auxquels il n'est pas avantageux de demeurer en privé, soit chez eux, soit chez d'autres personnes.

ARTICLE IV

14. § 1. - Les Instituts séculiers dépendront de la Sacrée Congrégation des Religieux, les droits de la Sacrée Congrégation de la Propagande étant respectés conformément au canon 252, § 3, s'il s'agit de Sociétés et de Séminaires destinés au service des Missions.

15. § 2. - Les Associations qui ne réalisent pas la définition ou ne se proposent pas pleinement le but dont il est question à l'article premier, celles également qui sont dépourvues d'un des éléments énumérés dans les articles I et II de la présente Constitution Apostolique, sont régies par le droit propre aux Asso¬ciations de fidèles dont il est question dans le canon 684 et suivants; elles dépendent de la Sacrée Congrégation du Concile, compte tenu de la prescription du canon 252, § 3, quand il s'agit de territoires des Missions (alors elles dépendent de la Sacrée Congrégation de la Propagande).

ARTICLE V

16. § 1. - Les évêques, non les vicaires capitulaires ou généraux, sont compétents pour fonder des Instituts séculiers et les ériger en personnes morales, conformément au canon 100, §§ 1 et 2.

17. § 2. - Cependant, les évêques ne doivent pas fonder ces Instituts ou en permettre la fondation sans avoir consulté la Sacrée Congrégation des Religieux, conformément au canon 492, § 1, et à l'article suivant.

ARTICLE VI

18. § 1. - Pour que la Sacrée Congrégation des Religieux donne aux évêques qui l'ont consultée auparavant, conformément à l'article V, § 2, au sujet de l'érection des Instituts séculiers, l'autorisation de les ériger, elle doit être renseignée sur les points spécifiés (nos. 3-5) dans les Normae émanant de cette même Congrégation et relatives à l'érection des Congrégations ou des Sociétés de vie commune de droit diocésain, en faisant les adaptations convenables selon le jugement de la Sacrée Congrégation; elle doit être également renseignée sur les autres points qui ont été introduits ou qui s'introduiront à l'avenir dans l'usage et la pratique de cette même Sacrée Congrégation des Religieux.

19. En possession de l'autorisation de la Sacrée Congrégation des Religieux, rien ne s'oppose à ce que les évêques puissent librement user de leur droit propre et procéder à l'érection de l'Institut. Qu'ils n'omettent pas d'avertir officiellement la Sacrée Congrégation des Religieux de l'érection qui a été faite.

ARTICLE VII

20. § 1. - Les Instituts séculiers qui auront obtenu du Saint-Siège l'approbation ou le décret de louange, deviennent des Instituts de droit pontifical (cc. 488, § 3; 673, § 2).

21. § 2. - Pour que les Instituts séculiers de droit diocésain puissent obtenir le décret de louange ou celui d'approbation, en général sont exigées, en faisant d'après les indications de la Sacrée Congrégation des Religieux les adaptations convenables, toutes les choses que les Normae (nos. 6 et suivant), l'usage et la pratique de la même Congrégation indiquent et prescrivent ou pourront indiquer à l'avenir, quand il s'agit d'obtenir le décret de louange ou d'approbation pour les Congrégations et les Sociétés ayant la vie commune.

22. § 3. - Pour ce qui regarde soit la première approbation, soit la suivante si le cas le comporte, soit l'approbation définitive, on procède de la façon suivante: 1° la cause ayant été préparée de la façon habituelle et éclaircie par le rapport et le votum d'au moins un consulteur, on la discutera en premier lieu au sein de la Commission des consulteurs, sous la direction du Secrétaire de la Sacrée Congrégation des Religieux ou de son remplaçant; 2° ensuite, sous la présidence de l'Eminentissime cardinal Préfet de cette même Congrégation et après avoir invité, si la nécessité ou l'utilité le suggèrent, des consulteurs compétents ou plus compétents à examiner plus à fond toute l'affaire, cette dernière sera soumise à l'examen et à la décision de l'assemblée plénière de la Congrégation; 3° dans une audience pontificale, le cardinal préfet ou le secrétaire de la Sacrée Congrégation des Religieux fera rapport au Saint-Père sur la décision de l'assemblée plénière et soumettra cette décision à son jugement suprême.

ARTICLE VIII

23. Les Instituts séculiers, outre leurs propres lois présentes et futures, sont soumis aux Ordinaires de lieux, conformément à ce que le droit en vigueur fixe pour les Congrégations non exemptes et pour les Sociétés ayant la vie commune.

ARTICLE IX

24. Le gouvernement intérieur des Instituts séculiers, selon la nature, les buts et les particularités de chacun, peut être organisé hiérarchiquement à la ressemblance du gouvernement des Religions et des Sociétés ayant la vie commune, après avoir fait les adaptations qui s'imposent selon l'estimation de la Sacrée Congrégation des Religieux.
ARTICLE X25. Rien n'est changé par la présente Constitution apostolique aux droits et aux obligations des Instituts déjà fondés et qui ont été approuvés par le Saint-Siège lui-même ou par les évêques après consultation du Saint-Siège.

26. Nous proclamons, déclarons et ordonnons ces choses, décrétant également que cette Constitution apostolique soit et reste toujours ferme, valable, efficace, et qu'elle porte et obtienne entièrement tous ses effets, nonobstant n'importe quelles choses contraires, même dignes d'une mention très spéciale. Qu'il ne soit permis à personne d'enfreindre ou d'attaquer dans une audace téméraire cette Constitution que Nous avons promulguée.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 2 février, fête de la Purification de la Bienheureuse Vierge Marie, en l'année 1947, la huitième de Notre Pontificat.

PIE XII, Pape

Primo Feliciter

Pie XII




1. Une année s'est heureusement écoulée depuis la promulgation de Notre Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia et au spectacle de la multitude de tant d'âmes cachées " avec le Christ en Dieu" qui dans le siècle aspirent à la sainteté et "de grand cœur et de bon gré", consacrent joyeusement toute leur vie à Dieu dans les nouveaux Instituts séculiers, Nous ne pouvons Nous empêcher de rendre grâce à la divine Bonté d'avoir suscité cette nouvelle phalange, venue renforcer l'armée de ceux qui pratiquent les conseils évangéliques au milieu du monde, comme aussi d'avoir accordé une aide puissante, qui en nos temps troublés et malheureux fortifie providentiellement l'apostolat catholique.

2. L'Esprit Saint, qui restaure et renouvelle constamment la face de la terre désolée et ravagée chaque jour par tant et de si grands maux, a appelé à lui, par une grâce insigne et spéciale, un grand nombre de fils et de filles bien-aimés que Nous bénissons affectueusement dans le Seigneur, afin que, réunis et organisés dans des Instituts séculiers, ils soient, pour le monde fade et ténébreux dont ils ne sont pas et au milieu duquel cependant ils doivent demeurer, en vertu d'une disposition divine, le sel qui ne fait pas défaut et qui, renouvelé par l'effet de la vocation, ne s'affadit pas; la lumière qui brille parmi les ténèbres du monde lui-même et qui ne s'éteint pas; le modeste, mais efficace ferment, qui agissant partout et toujours et mêlé à toutes les classes de citoyens, des plus infimes aux plus élevées, s'efforce de les atteindre et de les imprégner toutes et chacune, par l'exemple et de toutes façons, jusqu'à informer de telle sorte la masse tout entière qu'elle soit toute levée et transformée dans le Christ.

3. Afin que, pour la consolante effusion de cet Esprit de Jésus-Christ, tant d'Instituts, surgis partout, soient efficacement dirigés d'après les prescriptions de la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia, et produisent très abondamment ces excellents fruits de Sainteté qu'on espère d'eux; afin, aussi, que fermement et sagement organisés comme une armée, ils soient à même de lutter fortement dans les œuvres particulières et communes de l'apostolat, confirmant avec une grande joie la Constitution apostolique précitée, après mûre délibération, par Motu proprio, en toute connaissance de cause, et en vertu de la plénitude du pouvoir apostolique, Nous déclarons, décrétons et établissons ce qui suit:

4. I. - Les Sociétés, ou associations de clercs ou de laïcs, pratiquant la perfection chrétienne dans le siècle, et paraissant posséder, d'une façon certaine et complète, les éléments et remplir les conditions qu'exige la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia, ne doivent ni ne peuvent être laissées arbitrairement, sous n'importe quel prétexte, parmi les Associations communes de fidèles (canons 684-725), mais il faut obligatoirement les amener et les élever à la nature et à la forme propre d'Instituts séculiers qui répondent parfaitement à leur caractère et à leur besoins.

5. II. - Dans cette élévation des Associations de fidèles à la forme supérieure d'Instituts séculiers (cf. no. 1) et dans l'organisation aussi bien générale que particulière de tous les Instituts, il faut constamment avoir devant les yeux que le caractère propre et spécial des Instituts, c'est-à-dire le caractère séculier, en qui se trouve toute leur raison d'être, doit paraître en toutes choses. On ne doit rien retrancher à la parfaite profession de la perfection chrétienne, basée solidement sur les conseils évangéliques et véritablement religieuse quant à sa substance, mais cette perfection doit être réalisée et professée dans le siècle; en conséquence, il faut l'adapter à la vie séculière dans toutes les choses licites et compatibles avec les obligations et les œuvres de cette même perfection.

6. La vie tout entière des membres des Instituts séculiers consacrée à Dieu par le fait de professer la perfection, doit être convertie en apostolat; apostolat qui (inspiré) par la pureté d'intention, l'union intime avec Dieu, une courageuse abnégation et un généreux oubli de soi-même, doit être exercé constamment et saintement de telle sorte qu'il révèle l'esprit intérieur qui l'anime, autant qu'il le nourrit et le renouvelle sans cesse. Cet apostolat, qui embrasse toute la vie, se manifeste sans cesse de manière si profonde et si sincère dans ces Instituts, qu'avec l'aide et l'inspiration de la divine Providence, la soif des âmes et le zèle paraissent non seulement avoir heureusement fourni l'occasion de cette consécration de la vie, mais encore avoir imposé pour une bonne part (à ces Instituts) leur manière d'être et leur forme. Ainsi, de façon étonnante, la fin spécifique semble avoir exigé et créé la fin générique. Cet apostolat des Instituts séculiers doit être fidèlement exercé non seulement dans le siècle, mais aussi pour ainsi dire par le moyen du siècle, et par conséquent par des professions, des activités, des formes, dans des lieux, des circonstances répondant à cette condition séculière.

7. III. - Les prescriptions concernant la discipline canonique de l'état religieux ne conviennent pas aux Instituts séculiers et, en général, la législation relative aux religieux ne doit pas et ne peut, aux termes de la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia (art. 2. § 1), leur être appliquée. Par contre, les dispositions qu'on trouve dans les Instituts, cadrant harmonieusement avec leur caractère séculier, peuvent être conservées, à la condition qu'elles ne portent aucunement atteinte à la consécration parfaite de la vie tout entière et qu'elles s'accordent avec la Constitution Provida Mater Ecclesia.

8. IV. - La constitution hiérarchique interdiocésaine et universelle, à la façon d'un corps organique, peut être appliquée aux Instituts séculiers (id. art. 9), et cette application doit, sans aucun doute, leur conférer une vigueur intérieure, une influence plus grande, plus efficace, et de la stabilité. Cependant, dans l'organisation qui doit être adaptée à chaque Institut, il faut tenir compte de la nature de la fin poursuivie par l'Institut, de son dessein d'expansion plus ou moins grande, de son évolution et de son degré de maturité, des circonstances dans lesquelles il se trouve et d'autres éléments du même genre. I1 ne faut pas rejeter ni mépriser les formes d'Instituts qui sont établies en confédération et qui veulent conserver et favoriser modérément le caractère local dans chaque nation, région, diocèse, à la condition qu'il soit légitime et imprégné du sens de la catholicité de l'Église.

9. V. - Les Instituts séculiers dont les membres, quoique vivant dans le monde, en raison cependant de la totale consécration à Dieu et aux âmes qu'ils professent avec l'approbation de l'Église et en raison de l'organisation hiérarchique interdiocésaine et universelle qu'ils peuvent avoir à des degrés divers, sont à bon droit, en vertu de la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia, classés parmi les états de perfection juridiquement organisés et reconnus par l'Église elle-même. C'est donc à dessein que ces Instituts ont été rattachés et confiés à la compétence et aux soins de la Sacrée Congrégation qui a la charge et la garde des états publics de perfection. En conséquence, tout en sauvegardant toujours, d'après la teneur des canons et les prescriptions expresses (art. 4, §§ 1 et 2) de la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia, les droits de la Sacrée Congrégation du Concile sur les pieuses sodalités et les pieuses unions de fidèles (can. 250, § 2) ceux de la Sacrée Congrégation de la Propagande concernant les Sociétés ecclésiastiques et Séminaires destinés au service des Missions (can. 252, § 3), Nous avons décrété que toutes les Sociétés de tous les pays - même pourvues de l'approbation épiscopale ou même pontificale, - reconnues comme réunissant les éléments et les conditions requises pour les Instituts séculiers, soient obligatoirement et tout de suite établies sous cette nouvelle forme, en conformité des normes énoncées ci-dessus (cf. no. 1), et, afin de sauvegarder l'unité de direction, qu'elles soient rattachées et confiées à la seule Sacrée Congrégation des Religieux, au sein de laquelle a été constitué un office spécial chargé des Instituts séculiers.

10. VI. - Nous recommandons paternellement aux dirigeants et assistants de l'Action catholique et des autres Associations de fidèles, dans le giron maternel desquelles sont formés à une vie intégralement chrétienne et en même temps initiés à la pratique de l'apostolat de si nombreux jeunes gens d'élite qui, invités par une vocation céleste, aspirent à une plus haute perfection, soit dans les Religions et Sociétés de vie commune, soit même dans les Instituts séculiers, de promouvoir généreusement ce genre de saintes vocations; comme aussi de prêter assistance non seulement aux Religieux et aux Sociétés religieuses, mais encore à ces Instituts véritablement providentiels, et, tout en sauvegardant leur propre discipline intérieure, d'utiliser leur concours.

11. En vertu de Notre autorité, Nous confions la fidèle exécution de toutes ces choses, que Nous décidons par Motu proprio, à la Sacrée Congrégation des Religieux et autres Sacrées Congrégations mentionnées ci-dessus, aux Ordinaires des lieux et aux directeurs de Sociétés que cela regarde, dans la mesure où elles concernent chacun d'eux.

Quant aux prescriptions que Nous édictons, par Motu proprio, dans les présentes lettres, Nous ordonnons qu'elles soient toujours fermes et valides, nonobstant toutes choses contraires.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 12 du mois de mars de l'an 1948,

au début de la dixième année de Notre Pontificat.

Instruction
Cum Sanctissimus
Sacrée Congrégation des Religieux




1. Lors de la promulgation de la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia, Notre très Saint-Père le Pape a daigné déléguer, en lui conférant à cet effet tous les pouvoirs nécessaires et utiles, la Sacrée Congrégation des Religieux, à la compétence de laquelle sont commis les Instituts séculiers (Lex peculiaris, art. IV, §§ 1 et 2), pour assurer plus efficacement l'exécution de tout ce qui a été sagement statué dans cette Constitution.

2. Parmi les charges et fonctions qui, en raison de cette délégation pontificale, conformément à l'indication formelle de la Constitution elle-même, incombent à la Sacrée Congrégation, il faut noter le droit que détient cette même Congrégation, "dans la mesure où le requiert la nécessité ou le conseille l'expérience, soit en interprétant la Constitution apostolique, soit en la complétant et en l'appliquant", de promulguer des normes jugées nécessaires ou utiles pour tous les Instituts séculiers en général, ou pour quelques-uns d'entre eux en particulier.

3. Or, bien qu'il vaille mieux reporter à des temps meilleurs les normes complètes et définitives concernant les Instituts séculiers pour ne pas entraver dangereusement le développement actuel de ces Instituts, il importe cependant d'exposer tout de suite plus amplement et de garantir contre toute erreur quelques points de la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia qui n'ont pas été clairement compris ni bien interprétés par tous, tout en sauvegardant strictement les prescriptions édictées dans les lettres Primo feliciter, données sous forme de Motu proprio en date du 12 de ce mois (mars 1948) par Notre très Saint-Père le Pape. En conséquence, la Sacrée Congrégation a décidé, sous forme d'instruction, de rassembler et de promulguer, clairement ordonnées, les règles suprêmes qu'il faut à juste titre considérer comme fondamentales, si l'on veut constituer et organiser solidement, dès leur début, les Instituts séculiers.

4. 1° Pour qu'une Association, vouée intensément dans le siècle à la pratique de la perfection chrétienne et à l'exercice de l'apostolat, puisse prendre juridiquement et à bon droit le nom et le titre d'Institut séculier, elle doit non seulement posséder tous et chacun des éléments, qui, conformément à la Constitution Provida Mater Ecclesia, sont indiqués et présentés comme nécessaires et intégrants pour les Instituts séculiers (art. I et III), mais il est en outre absolument nécessaire que cette Association soit approuvée et érigée canoniquement par un évêque, cette Sacrée Congrégation ayant été préalablement consultée (art. V, § 2, art. VI).

5. 2° Les Associations de fidèles, qui ont la raison d'être et les notes caractéristiques indiquées dans la Constitution apostolique, dépendent toutes, en droit, conformément à la Constitution elle-même, dans tous les pays, de cette Sacrée Congrégation des Religieux, aussi bien dans les territoires de droit commun que dans les territoires de Missions (art. IV, §§ 1 et 2) et elles sont soumises à la Loi particulière de la Constitution; il ne leur est pas permis, pour aucun motif ni à aucun titre, en vertu des lettres Primo feliciter (n. V), de rester au nombre des Associations communes de fidèles (C.I.C., L. II, P. III), sauf dans les cas prévus au numéro 5 de la présente instruction.

6. 3° Pour obtenir l'autorisation d'ériger un nouvel Institut séculier, l'évêque du lieu, et pas un autre, doit s'adresser à cette Sacrée Congrégation, en la renseignant distinctement au sujet de tout ce qui est demandé dans les Normae édictées par la Sacrée Congrégation des Religieux elle-même (6 mars 1921, nos. 3-8), avec les adaptations convenables (art. VII), en vue de l'érection et de l'approbation des Congrégations.

7. Il faut aussi envoyer les schémas des Constitutions (six exemplaires au moins), rédigés en langue latine ou dans une langue acceptée en Curie; envoyer, de plus, les directoires et autres documents, susceptibles de faire connaître le but et l'esprit de l'Association. Les Constitutions doivent contenir toutes les indications concernant la nature de l'Institut, les catégories de membres, le gouvernement, la forme de consécration (art. III, § 2), le lien résultant de l'incorporation des membres dans l'Institut (art. III, § 3), les maisons communes (art. III, § 4), le mode de formation des membres et les exercices de piété.

8. 4° Les Associations qui, avant la Constitution Provida Mater Ecclesia, ont été légitimement érigées ou approuvées par les évêques, conformément aux prescriptions du droit antérieur, ou qui ont obtenu quelque approbation pontificale comme Associations laïques, doivent, pour être reconnues comme Instituts séculiers par cette Sacrée Congrégation, soit de droit diocésain soit de droit pontifical, faire parvenir à la Sacrée Congrégation elle-même les pièces justificatives de leur érection ou approbation, les Constitutions qui les régissaient jusqu'à présent, une courte relation sur leur histoire, leur discipline, leur apostolat, et surtout, si elles sont seulement de droit diocésain, envoyer les certificats des Ordinaires dans les diocèses desquels elles ont leurs sièges. Toutes ces choses ayant été pesées et attentivement examinées, conformément à la teneur des articles VI et VII de la Constitution Provida Mater Ecclesia, la permission de l'érection ou le décret d'approbation pourront, suivant le cas, être accordés.

9. 5° Quant aux Associations de fondation moins ancienne, ou pas suffisamment développées, ainsi que celles qui surgissent de jour en jour, malgré le bon espoir qu'elles font naître de les voir se transformer plus tard en solides et véritables Instituts séculiers, il sera préférable de ne pas les proposer tout de suite à la Sacrée Congrégation en vue d'obtenir d'elle l'autorisation de les ériger. En règle générale, qui, sauf pour de graves motifs rigoureusement contrôlés, ne peut souffrir d'exception, ces nouvelles Associations seront placées sous la direction et la protection paternelles de l'autorité diocésaine qui éprouvera leur activité, tout d'abord comme de simples Associations, existant plutôt en fait qu'en droit; qui, ensuite, selon les cas, les développera non par bonds mais peu à peu et graduellement, sous quelques-unes des formes d'Associations de fidèles, telles que Pieuses Unions, Sodalités, Confréries.

10. 6° Aussi longtemps que durent ces évolutions préalables qui doivent fournir clairement la preuve qu'il s'agit bien réellement d'Associations ayant pour fin une vie consacrée tout entière à la perfection et à l'apostolat, et possédant les autres notes caractéristiques exigées pour un véritable Institut séculier, il faut veiller attentivement à ne rien permettre à ces Associations, à l'intérieur ou à l'extérieur, qui s'écarte de leur condition présente et semble répondre au but ou à la nature spécifique des Instituts séculiers. I1 faut surtout éviter ce qui, l'autorisation d'érection en Institut séculier étant ultérieurement refusée, ne pourrait être facilement supprimé ou annulé, et qui semblerait faire pression sur les supérieurs pour les amener, soit à donner l'approbation, soit à l'accorder trop facilement.

11. 7° Pour porter un jugement sûr et objectif sur la véritable nature d'Institut séculier que peut avoir une Association, c'est-à-dire pour savoir si dans l'état séculier et dans la condition séculière, elle conduit efficacement ses membres à cette consécration et à ce dévouement entiers qui, même dans le for externe, présentent l'image de l'état complet de perfection et, quant à la substance, celle de l'état vraiment religieux, il faut examiner avec soin ce qui suit:

12. a) Les associés qui sont inscrits dans l'Association comme membres au sens le plus strict du mot, "outre ces exercices de piété et d'abnégation", sans lesquels la vie parfaite pourrait être qualifiée de vaine illusion, mettent-ils en pratique réellement et résolument les trois conseils évangéliques, suivant l'une des diverses formes qu'admet la Constitution apostolique? Peuvent cependant être admis comme membres au sens plus large du mot, et incorporés à l'Association d'une manière plus ou moins stricte et stable, les associés qui aspirent à la perfection évangélique et s'efforcent de la pratiquer dans leur propre condition, bien qu'ils n'embrassent pas ou ne soient pas à même d'embrasser à un degré plus élevé chacun des conseils évangéliques.

13. b) Le lien par lequel les membres, au sens le plus strict du mot, et l'Association, sont unis entre eux est-il stable, mutuel, plénier; au point que, conformément à la règle de la Constitution, l'associé se donne totalement à l'Association et que cette dernière soit à même ou semble réellement devoir être en état de se charger de l'associé, et qu'elle puisse et veuille prendre soin de lui et répondre à bon droit de lui (art. III, § 5,2°)?

14. c) Est-ce que et de quelle manière ou à quel titre, l'Association possède effectivement ou s'efforce de posséder les maisons communes imposées par la Constitution (art. III, § 4), en vue d'atteindre les fins pour lesquelles ces maisons sont organisées?

15. d) Évite-t-on ce qui ne serait pas conforme à la nature ou au but des Instituts séculiers, comme par exemple le port d'un habit incompatible avec la condition séculière, une vie commune organisée extérieurement (art. II, § 1; art. III, § 4), sur le modèle de la vie commune religieuse, ou équivalant à cette dernière (Tit. XVIL L. IL C.I.C.)?

16. 8° Les Instituts séculiers, conformément à l'art. II, § 1,2° de la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia, et en respectant les art. X et II, § 1, 1° de cette même Constitution ne sont pas soumis - et ils ne peuvent pas y recourir - à la législation propre et particulière des Religions ou des Sociétés vivant en communauté. Cependant la Sacrée Congrégation pourra exceptionnellement adapter et appliquer aux Instituts séculiers certaines prescriptions spéciales du droit religieux qui leur conviendraient, conformément à la teneur de la Constitution (ibidem, art. II, § 1, 2°); elle pourra même, avec prudence, puiser dans ce droit certains critères plus ou moins généraux, confirmés par l'expérience et répondant à la nature intime des choses.

17. 9° En particulier: a) Bien que les prescriptions du canon 500, § 3, ne concernent pas strictement les Instituts séculiers, et qu'il ne faille pas les leur appliquer telles quelles, on pourra cependant en déduire à bon droit un solide argument et une nette directive pour l'approbation et l'organisation des Instituts sécu1iers.

18. b) Rien, à la vérité, ne s'oppose à ce que, conformément au droit (canon 492, § 1), des Instituts séculiers soient, en vertu d'une concession spéciale, agrégés aux Ordres réguliers et aussi à d'autres Religions (Instituts religieux), et qu'ils puissent être secondés par eux de diverses manières et même, en quelque façon dirigés par eux moralement. Cependant on ne pourra permettre que difficilement, après avoir attentivement considéré le bien des Instituts, leur esprit, la nature et le but de l'apostolat auquel ils doivent se livrer, comme aussi après avoir pris les précautions utiles, d'autres formes de dépendance plus stricte qui sembleraient porter atteinte à l'autonomie du gouvernement des Instituts séculiers et les soumettre à une tutelle plus ou moins rigoureuse, même si ces formes sont désirées et demandées par les Instituts eux-mêmes, par les Instituts féminins en particulier.

19. 10° Les Instituts séculiers: a) en raison de l'état de perfection qu'ils veulent professer et en raison de la consécration totale à l'apostolat qu'ils imposent, sont évidemment appelés, dans ce même genre de perfection et d'apostolat, à une vie plus parfaite que celle qui paraît suffire aux fidèles, même les meilleurs travaillant dans les Associations purement laïques, ou dans l'Action catholique, ou encore dans les autres œuvres pieuses; b) ils doivent cependant pratiquer ces exercices et se livrer à ces travaux propres qui constituent les fins particulières de ces mêmes Instituts, de telle sorte que leurs membres - toute confusion étant soigneusement écartée, - puissent selon leurs forces, offrir aux fidèles qui les voient et les observent, un exemple insigne de collaboration désintéressée, humble et constante avec la Hiérarchie, tout en sauvegardant constamment leur discipline intérieure spéciale (cf. Motu proprio Primo feliciter, n, VI).

20. 11° a) L'Ordinaire, ayant obtenu du Saint-Siège l'autorisation d'ériger canoniquement un Institut séculier, qui existait auparavant comme Association ou comme Pieuse Union ou Sodalité, pourra décider lui-même s'il est opportun, pour déterminer la situation des personnes et apprécier les conditions requises par les Constitutions de l'Institut, de tenir compte de ce qui a été fait antérieurement, par exemple de la probation, de la consécration, etc.

21. b) Durant les dix premières années de l'Institut séculier, à compter depuis son érection, l'évêque du lieu pourra dispenser, en ce qui concerne les fonctions, les charges, les grades et autres effets juridiques, des conditions d'âge, de temps de probation, d'années de consécration et autres semblables qui sont prescrites pour tous les Instituts en général ou pour quelque Institut en particulier.

22. c) Les maisons ou centres, fondés avant l'érection canonique de l'Institut, à la condition d'avoir été constitués avec la permission de l'un et l'autre évêques, conformément aux prescriptions du canon 495, § 1, font du fait même de l'érection, partie de l'Institut.

Donné à Rome, au Palais de la Sacrée Congrégation des Religieux, le 19 mars,

jour de la fête de saint Joseph, Époux de la bienheureuse Vierge Marie, en l'année 1948.

LUIGI Card. LAVITRANO

préfet

Fr. LUCA ERMENEGILDO PASETTO

secrétaire

Du Code de Droit Canon

IIIe Partie

Les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique

Section 1

LES INSTITUTS DE VIE CONSACRÉE

Titre I

Les normes communes à tous les Instituts de vie consacrée

Can. 573

§ 1. La vie consacrée par la profession des conseils évangéliques est une forme de vie stable par laquelle les fidèles, sous l'action de l'Esprit Saint et suivant le Christ de plus près, se consacrent totalement à Dieu aimé par-dessus tout, afin de pouvoir atteindre la perfection de la charité dans le service pour le règne de Dieu, et sont consacrés à un titre nouveau et particulier à l'édification de l'Église et au salut du monde; et, rendus dans l'Église un signe excellent, ils annoncent la gloire céleste.

§ 2. Cette forme de vie dans les Instituts de vie consacrée canoniquement érigés par l'autorité ecclésiastique compétente, est assumée librement par les fidèles qui, par vœux ou autres liens sacrés, conformément aux normes propres des Instituts, font profession d'observer les conseils évangéliques de chasteté, pauvreté, et obéissance, et, par la perfection de la charité à laquelle ces derniers conduisent, sont unis de façon spéciale à l'Église et à son mystère.

Can. 574

§ 1. L'état de ceux qui professent les conseils évangéliques dans ces Instituts appartient inséparablement à la sainteté de l'Église et par conséquent doit être favorisé et encouragé par tous ceux qui sont dans l'Église.

§ 2. A cet état quelques fidèles sont appelés spécialement par Dieu afin que, dans la vie de l'Église, ils jouissent d'un don particulier et, selon le but et l'esprit de l'Institut, ils servent à sa mission de salut.

Can. 575

§ 1. Les conseils évangéliques, fondés sur la doctrine et sur les exemples du Christ Maître, sont un don divin que l'Église a reçu du Seigneur et qu'elle conserve toujours par Sa grâce.

Can. 576 - Il appartient à l'autorité compétente de l'Église d'interpréter les conseils évangéliques, d'établir les normes pour la pratique de ceux-ci, de constituer, par son approbation canonique, des formes de vie stables, et de voir à ce que les Instituts croissent et se développent selon l'esprit des fondateurs et les saines traditions.

Can. 577 - Ils sont nombreux dans l'Église les Instituts de vie consacrée dotés de charismes divers de l'Esprit et qui ont des dons différents selon la grâce qui leur a été donnée: suivre de plus près le Christ qui prie, ou qui annonce le royaume de Dieu, ou qui fait du bien aux hommes, ou encore qui demeure avec eux dans le monde, mais toujours en faisant la volonté du Père.

Can. 578 - L'intention et les desseins des fondateurs, ratifiés par l'autorité ecclésiastique compétente, au sujet de la nature, de la fin, de l'esprit et du caractère des Instituts, ainsi que ses traditions saines qui constituent le patrimoine de chaque Institut, doivent toujours être observés fidèlement par tous.

Can. 579 - Les évêques diocésains, chacun dans son territoire, peuvent ériger par un décret formel les Instituts de vie consacrée, pourvu qu'ils aient consulté le Siège Apostolique.

Can. 580 - L'agrégation d'un Institut de vie consacrée à un autre est réservée à l'autorité compétente de l'Institut qui agrège, en sauvegardant toujours l'autonomie canonique de l'Institut agrégé.

Can. 581 - Il appartient à l'autorité compétente de l'Institut de diviser celui-ci en parties, sous n'importe quel nom, d'en ériger de nouvelles, d'unir celles qui sont érigées ou de les circonscrire d'une autre façon.

Can. 582 - Les fusions et unions d'Instituts de vie consacrée sont réservées exclusivement au Siège Apostolique; les confédérations et les fédérations lui sont également réservées.

Can. 583 - Dans les Instituts de vie consacrée les changements qui touchent ce qui avait été approuvé par le Siège Apostolique ne peuvent avoir lieu sans l'autorisation de celui-ci.

Can. 584

§ 1. Il revient seulement au Siège Apostolique de supprimer un Institut; il lui est aussi réservé de délibérer au sujet des biens temporels de l'Institut.

Can. 585 - C'est à l'autorité compétente de l'Institut qu'il revient de supprimer des parties de l'Institut lui-même.

Can. 586

§ 1. Il est reconnu aux différents Instituts une juste autonomie de vie, et surtout de gouvernement, selon laquelle ils jouissent dans l'Église d'une discipline propre et sont en mesure de conserver intègre leur patrimoine comme il est fait mention au can. 578.

§ 2. Les évêques doivent protéger et favoriser cette autonomie.

Can. 587

§ 1. Dans le but de protéger plus fidèlement la vocation et l'identité propres à chaque Institut, dans le code fondamental ou dans les constitutions de chaque Institut doivent être contenues, outre ce qui est établi dans le can. 507, des normes fondamentales concernant le gouvernement de l'Institut, la discipline des membres, l'incorporation et la formation des membres, ainsi que l'objet propre des liens sacrés.

§ 2. Cette règle est approuvée par l'autorité ecclésiastique compétente et peut être modifiée seulement avec son consentement

§ 3. Dans cette règle sont insérées de façon harmonieuse les matières spirituelles et juridiques; toutefois on ne multipliera pas les normes sans nécessité.

§ 4. Les autres normes établies par l'autorité compétente de l'Institut sont recueillies dans d'autres règles qui, toutefois, peuvent être reconnues et adaptées selon les exigences de lieux et de temps.

Can. 588

§ 1. Les Instituts de vie consacrée, de par leur nature, ne sont ni cléricaux ni laïcs.

§ 2. L'Institut est appelé clérical quand, en raison de sa fin et du dessein voulu par le fondateur, ou encore en raison d'une tradition légitime, il est sous le gouvernement de clercs, il assume l'exercice de l'ordre sacré et il est reconnu comme tel par l'autorité de l'Église.

§ 3. L'Institut est appelé laïc quand, en raison de son charisme propre qui n'inclut pas l'exercice de l'ordre sacré, il a une tâche particulière dans l'Église, définie par le fondateur, ou encore en raison d'une tradition légitime, et qu'il est reconnu comme tel par l'Église.

Can. 589 - Un Institut de vie consacrée est appelé de droit pontifical quand il est érigé par le Siège Apostolique ou encore approuvé par celui-ci par un décret formel; il est de droit diocésain quand il est érigé par l'évêque diocésain et qu'il n'a pas obtenu un décret d'approbation du Siège Apostolique.

Can. 590

§ 1. Les Instituts de vie consacrée, puisqu'ils sont dédiés de façon spéciale au service de Dieu et de toute l'Église, sont soumis pour une raison spéciale à l'autorité suprême de l'Église.

§ 2. Les membres individuellement sont tenus à obéir au Souverain Pontife comme à leur supérieur suprême, aussi en raison du lien sacré de l'obéissance.

Can. 591 - Le Souverain Pontife, en raison de sa primauté dans l'Église universelle, en vue du bien commun et afin qu'on voit mieux au bien des Instituts et aux nécessités apostoliques, peut dispenser un Institut de vie consacrée de la juridiction de l'Ordinaire du lieu, et se le soumettre à lui-même, ou encore à une autre autorité ecclésiastique.

Can. 592

§ 1. Afin de mieux favoriser la communion des Instituts avec le Siège Apostolique, le Modérateur suprême enverra un bref compte-rendu de la vie de l'Institut au Siège Apostolique, de la façon et dans le temps établis par celui-ci.

§ 2. Les Modérateurs de chaque Institut encourageront la connaissance des documents du Saint-Siège concernant les membres qui leur sont confiés et verront à leur observance.

Can. 593

Étant sauf ce qui est prescrit au Can. 586, les Instituts de droit pontifical sont soumis, en ce qui concerne le régime interne et la discipline, immédiatement et exclusivement au pouvoir du Siège Apostolique.

Can. 594 - L'Institut de droit diocésain, étant sauf le can. 586, demeure sous la direction spéciale de l'évêque diocésain.

Can. 595

§ 1. C'est le propre de l'évêque du siège principal de l'Institut d'approuver les constitutions et de confirmer les variations légitimement introduites dans celles-ci, sauf celles où le Siège Apostolique serait intervenu, ainsi que de traiter de toutes les affaires principales qui concernent l'Institut dans son ensemble et qui dépassent le pouvoir de l'autorité interne, après avoir consulté toutefois les autres évêques diocésains si l'Institut est répandu en plusieurs diocèses.

§ 2. L'évêque diocésain peut accorder des dispenses des constitutions dans des cas particuliers.

Can. 596

§ 1. Les Supérieurs des Instituts et les Chapitres jouissent du pouvoir sur les membres tel qu'il est défini par le droit universel et par les constitutions.

§ 2. Toutefois, dans les Instituts religieux cléricaux de droit pontifical, ils jouissent aussi du pouvoir ecclésiastique de gouvernement soit dans le for externe soit dans le for interne.

§ 3. Les dispositions des canons 131,132 et 137-144, s'appliquent au pouvoir dont se réfère le par. 1.

Can. 597

§ 1. Peut être admis dans un Institut de vie consacrée tout catholique qui ait une intention droite, qui possède les qualités établies par le droit universel et par le droit propre, et qui ne soit pas empêché par quelque empêchement.

§ 2. Personne ne peut être admis sans une préparation adéquate.

Can. 598

§ 1. Chaque Institut, considérant le caractère et les fins propres, définit dans ses constitutions la façon selon laquelle les conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance doivent être observés, selon sa manière de vivre.

§ 2. Tous les membres doivent non seulement observer fidèlement et intégralement les conseils évangéliques mais aussi conduire leur vie selon le droit propre de l'Institut et tendre ainsi à la perfection de leur état.

Can. 599 - Le conseil évangélique de chasteté, assumé pour le royaume des cieux, est un signe du monde à venir et une source de fécondité plus riche, dans un coeur indivisé; il comporte l'obligation de la continence parfaite dans le célibat.

Can. 600 - Le conseil évangélique de pauvreté, à l'imitation du Christ qui, pour nous, s'est fait pauvre alors qu'il était riche, en plus d'une vie pauvre matériellement et spirituellement, à conduire dans la sobriété et le détachement des richesses terrestres, comporte la dépendance ou la limitation dans l'usage et dans la disposition des biens, selon les normes du droit propre de chaque Institut.

Can. 601 - Le conseil évangélique d'obéissance, assumé dans un esprit de foi et d'amour à la suite du Christ obéissant jusqu'à la mort, oblige à la soumission de la volonté envers les supérieurs légitimes qui représentent Dieu selon ce qui est établi dans les constitutions particulières.

Can. 602 - La vie fraternelle, propre à chaque Institut, par laquelle tous les membres sont unis dans le Christ en une famille spéciale, sera définie de telle sorte qu'elle puisse être vécue par tous comme une aide mutuelle pour leur vocation. A travers la communion fraternelle, enracinée et fondée dans la charité, les membres seront un exemple de la réconciliation universelle dans le Christ.

Can. 603

§ 1. Outre les Instituts de vie consacrée, l'Église reconnaît la vie érémitique ou d'anachorète, par laquelle les fidèles par une séparation plus rigide du monde, dans le silence de la solitude, dans la prière continuelle et dans la pénitence, con¬sacrent leur vie à la louange de Dieu et au salut du monde.

§ 2. L'ermite, dédié à Dieu dans la vie consacrée, est reconnu dans le droit s'il professe publiquement les trois conseils évangéliques confirmés par vœu ou par un autre lien sacré, entre les mains de l'évêque diocésain, et il observe sa propre règle de vie sous la conduite de l'évêque.

Can. 604

§ 1. A ces formes de vie consacrée s'ajoute l'ordre des vierges qui, en émettant le dessein de suivre le Christ de plus près selon le rite liturgique approuvé par l'évêque diocésain, se consacrent à Dieu, se marient mystiquement au Christ, fils de Dieu, et se dédient au service de l'Église.

§ 2. Pour mieux observer leur dessein, et pour le service de l'Église, les vierges peuvent s'associer de façon cohérente à leur état en vue d'une aide mutuelle.

Can. 605 - Il appartient uniquement au Siège Apostolique d'approuver de nouvelles formes de vie consacrée. Toutefois, les évêques diocésains s'efforceront de discerner de nouveaux dons de vie consacrée confiés par l'Esprit Saint à l'Église et ils aideront les promoteurs afin qu'ils expriment mieux leurs desseins et les protégeront par des normes adaptées, en gardant surtout présentes à l'esprit les normes générales contenues dans cette partie.

Can. 606 - Ce qui est établi ici pour les Instituts de vie consacrée et pour leurs membres vaut de façon égale pour les hommes et pour les femmes, à moins que dans le contexte, ou selon leur nature, il en résulte autrement.

* * *

Chapitre VIII


Les conférences de supérieurs majeurs

Can. 708 - Les Supérieurs majeurs peuvent utilement se grouper en conférences ou conseils, en vue de collaborer en unissant leurs forces, soit pour mieux assurer la finalité de chacun de leurs instituts, restant toujours saufs leur autonomie, leur caractère et leur esprit propre, soit pour traiter des affaires communes, soit encore pour établir la coordination et la coopération convenables avec les conférences des Évêques ainsi qu'avec chaque Évêque.

Can. 709 - Les conférences des Supérieurs majeurs auront leurs statuts approuvés par le Saint-Siège, qui seul a pouvoir de les ériger en personnes juridiques et sous la direction suprême duquel elles demeurent.

Titre III

Les Instituts Séculiers

Can. 710 - L'Institut séculier est un Institut de vie consacrée où des fidèles vivant dans le monde tendent à la perfection de la charité et s'efforcent de contribuer surtout de l'intérieur à la sanctification du monde

Can. 711 - Du fait de sa consécration, le membre d'un Institut séculier ne change pas sa condition canonique propre dans le peuple de Dieu, qu'elle soit laïque ou cléricale, restant sauves les dispositions du droit regardant les Instituts de vie consacrée

Can. 712 - Restant sauves les dispositions des canons 598-601, les constitutions détermineront les liens sacrés par lesquels sont assumés les conseils évangéliques dans l'Institut et définiront les obligations que comportent ces liens, en respectant toujours dans le mode de vie la sécularité propre de l'Institut.

Can. 713

§ 1. Les membres de ces Instituts expriment et exercent leur consécration dans l'activité apostolique et s'efforcent, à la manière d'un ferment, d'imprégner toutes choses d'esprit évangélique pour fortifier el développer le Corps du Christ.

§ 2. Les membres laïcs participent à la tâche d'évangélisation de l'Église, dans le monde et du dedans du monde, par le témoignage d'une vie chrétienne et de la fidélité à leur consécration ou par l'aide qu'ils apportent pour ordonner selon Dieu les réalités temporelles et pénétrer le monde de la force de l'Évangile. Ils offrent aussi leur coopération selon leur propre mode de vie séculier au service de la communauté ecclésiale.

§ 3. Les membres clercs, par le témoignage de leur vie consacrée, surtout dans le presbyterium, viennent en aide à leurs confrères par une particulière charité apostolique, et dans le peuple de Dieu ils travaillent à la sanctification du monde par leur ministère sacré.

Can. 714 - Les membres mèneront leur vie selon les constitutions dans les conditions ordinaires du monde, seuls ou chacun dans sa famille, ou encore dans un groupe de vie fraternelle.

Can. 715

§ l. Les membres clercs incardinés dans un diocèse dépendent de l'Évêque diocésain, restant sauf ce qui regarde la vie consacrée dans leur propre Institut.

§ 2. Quant à ceux qui sont incardinés dans un Institut selon le can. 266, § 3, s'ils sont destinés aux œuvres propres de l'Institut ou à son gouvernement, ils dépendent de l'Évêque à l'instar des religieux.

Can. 716

§ 1. Tous les membres participent activement à la vie de l'Institut selon le droit propre.

§ 2. Les membres d'un même Institut garderont la communion entre eux, veillant avec soin à l'unité d'esprit et à une authentique fraternité.

Can. 717

§ 1. Les constitutions établiront le mode propre de gouvernement et détermineront le temps pour lequel les Modérateurs exerceront leur office, et leur mode de désignation.

§ 2. Personne ne peut être désigné comme Modérateur suprême s'il n'est pas incorporé définitivement.

§ 3. Les préposés au gouvernement de l'Institut veilleront à ce que soit gardée l'unité de son esprit et que soit promue une participation active des membres.

Can. 718 - L'administration des biens de l'Institut, qui doit exprimer et stimuler la pauvreté évangélique, est régie par les règles du livre V sur Les biens temporels de l'Église, et par le droit propre de l'Institut. De même, le droit propre définira les obligations surtout économiques de l'Institut envers les membres qui travaillent pour lui.

Can. 719

§ 1. Les membres, pour répondre fidèlement à leur vocation et pour que leur action procède de leur union au Christ, s'adonneront soigneusement à l'oraison, s'appliqueront à la lecture de l'Écriture Sainte de manière adaptée, feront une retraite annuelle et accompliront selon le droit propre les autres exercices spirituels.

§ 2. La célébration de l'Eucharistie, quotidienne autant que possible, sera la source et la force de toute leur vie consacrée.

§ 3. Ils s'approcheront librement du sacrement de pénitence qu'ils recevront fréquemment.

§ 4. Ils auront la liberté pour l'indispensable direction de conscience et demanderont, s'ils le veulent, même à leurs Modérateurs, des conseils en ce domaine.

Can. 720 - Le droit d'admettre dans l'Institut, à la probation, à l'engagement par des liens sacrés, soit temporaires soit perpétuels ou définitifs, appartient aux Modérateurs majeurs avec leur conseil, selon les constitutions.

Can. 721

§ 1. Est admis invalidement à la probation initiale:

1° qui n'a pas encore atteint l'âge de la majorité;

2° qui est lié actuellement par un lien sacré dans un Institut de vie consacrée ou est incorporé dans une société de vie apostolique;

3° le conjoint tant que dure son mariage.

§ 2. Les constitutions peuvent établir d'autres empêchements à l'admission, même pour la validité, ou y poser des conditions.

§ 3. En outre, pour que quelqu'un soit reçu, il doit avoir la maturité nécessaire pour bien mener la vie propre de l'Institut.

Can. 722

§ 1. La probation initiale sera ordonnée à ce que les candidats connaissent mieux leur vocation divine telle qu'elle est propre à l'Institut et qu'ils soient formés à l'esprit et au mode de vie de l'Institut.

§ 2. Les candidats seront dûment formés à mener une vie selon les conseils évangéliques et à l'orienter tout entière vers l'apostolat, en utilisant les formes d'évangélisation qui répondent davantage au but, à l'esprit et au caractère de l'Institut.

§ 3. Les constitutions définiront les modalités de cette probation et sa durée avant de contracter les premiers liens dans l'Institut; cette durée ne sera pas inférieure à deux ans.

Can. 723

§ 1. Le temps de la probation initiale achevé, le candidat qui sera jugé idoine assumera les trois conseils évangéliques scellés par un lien sacré, ou il quittera l'Institut.

§ 2. Cette première incorporation sera temporaire selon les constitutions et ne durera pas moins de cinq ans.

§ 3. Le temps de cette incorporation achevé, le membre jugé idoine sera admis à l'incorporation perpétuelle ou à l'incorporation définitive, par des liens temporaires qu'il faudra toujours renouveler.

§ 4. L'incorporation définitive est comparée à l'incorporation perpétuelle pour certains effets juridiques à définir dans les constitutions.

Can. 724

§ 1. Les premiers liens sacrés ayant été contractés, la formation doit se poursuivre de façon continue selon les constitutions.

§ 2. Les membres seront formés au même rythme dans les choses divines et humaines; les Modérateurs de l'Institut auront un grand souci de leur formation spirituelle permanente.

Can. 725 - Par un lien déterminé dans les constitutions, un Institut peut s'associer d'autres fidèles qui tendent à la perfection selon l'esprit de l'Institut et participent à sa mission.

Can. 726

§ 1. Le temps de l'incorporation temporaire écoulé, le membre peut quitter librement l'Institut ou être exclu de la rénovation des liens sacrés pour une juste raison par le Modérateur majeur après qu'il ait entendu son conseil.

§ 2. Le membre incorporé temporairement qui le demande spontanément peut obtenir du Modérateur suprême, avec le con¬sentement de son conseil, l'indult de sortie pour une cause grave.

Can. 727

§ 1. Un membre incorporé perpétuellement qui veut quitter l'Institut demandera, après avoir mûrement pesé la chose devant le Seigneur, un indult de sortie au Siège Apostolique par le Modérateur suprême, si l'Institut est de droit pontifical sinon, il peut le demander aussi à l'Évêque diocésain, comme il est défini dans les constitutions.

§ 2. S'il s'agit d'un clerc incardiné à l'Institut, les dispositions du can. 693 seront observées.

Can. 728 - Par la concession légitime d'un indult de sortie tous les engagements cessent, ainsi que les droits et obligations qui découlent de l'incorporation.

Can. 729 - Un membre est renvoyé de l'Institut selon les canons 694 et 695; en outre, les constitutions détermineront d'autres causes de renvoi, pourvu qu'elles soient proportionnellement graves, imputables et juridiquement prouvées et que soit observée la procédure établie dans les canons 697-700. Au membre renvoyé s'appliquent les dispositions du can. 701.

Can. 730 - Pour le passage d'un membre d'un Institut séculier à un autre Institut séculier, les dispositions des canons 684, §§ 1,2,4 et 685 seront observées; pour le passage à un Institut religieux ou à une société de vie apostolique, ou de ces derniers à un Institut séculier, la permission du Siège Apostolique est requise, aux directives duquel il faut se tenir.

Section II


Les sociétés de vie apostolique

Can. 731

§ 1. A côté des Instituts de vie consacrée prennent place les sociétés de vie apostolique, dont les membres, sans les vœux religieux, poursuivent la fin apostolique propre de leur société et, menant la vie fraternelle en commun tendent, selon leur mode de vie propre, à la perfection de la charité par l'observance des constitutions.

§ 2. Il y a parmi elles des sociétés dont les membres assument les conseils évangéliques par un certain lien défini par les constitutions.

Le Concile Vatican II

Perfectae caritatis no. 11

1. Les Instituts séculiers, bien qu'ils ne soient pas des Instituts religieux, comportent cependant une profession véritable et complète des conseils évangéliques dans le monde, reconnue comme telle par l'Église. Cette profession confère une consécration à des hommes et à des femmes, à des laïcs et à des clercs vivant dans le monde. Par conséquent, il faut qu'ils tendent avant tout à se donner entièrement à Dieu dans la charité parfaite et que leurs Instituts gardent le caractère séculier qui leur est propre et spé¬cifique afin de pouvoir exercer partout et efficacement l'apostolat dans le monde et comme du sein du monde, apostolat pour lequel ils ont été créés.

2. Qu'ils sachent bien cependant qu'ils ne pourront accomplir cette tâche que si les membres reçoivent une solide formation dans les choses divines et humaines afin d'être vraiment dans le monde un levain pour la vigueur et l'accroissement du Corps du Christ. Que les Supérieurs veillent donc sérieusement à ce qu'une formation, surtout spirituelle, leur soit donnée et se poursuive ultérieurement.

Ad gentes, no. 40

3. Puisque, sous l'inspiration du Saint-Esprit, s'accroissent de jour en jour dans l'Église les Instituts séculiers, leur aide, sous l'autorité de l'Évêque, peut être fructueuse dans les missions à des titres multiples, comme signe d'un don plénier à l'évangélisation du monde.

Discours d'ouverture a la Rencontre Internationale des Instituts Séculiers

Card. Ildebrando Antoniutti

( 20 Septembre 1970)




1. Je désire tout d'abord remercier chaleureusement les organisateurs de ce congrès qui, s'inspirant des indications de la Sacrée Congrégation qui a la haute direction des Instituts Séculiers, ont préparé cette Rencontre avec une patience tenace et peuvent constater aujourd'hui, avec une légitime satisfaction, le résultat de leurs efforts. J'exprime ma reconnaissance la plus sincère au professeur Giuseppe Lazzati, qui préside cette Rencontre et qui nous a accueillis à la fois avec tant d'amabilité et tant d'espoir confiant. J'adresse également mes sentiments de vive reconnaissance au cher docteur Oberti, lequel, en sa qualité de Secrétaire du Comité d'Organisation, a consacré son temps, ses énergies et ses capacités à la réalisation de cette réunion qui couronne aujourd'hui son inlassable travail.

2. J'ai l'honneur et le plaisir de vous accueillir, chers Congressistes, à Rome avec les personnalités éminentes qui vous accompagnent et de vous souhaiter très cordialement la bienvenue.

3. Mes salutations ne s'adressent pas seulement à vous qui êtes présents, mais également à tous les membres des Instituts séculiers, à tous ceux qui sont associés à vos œuvres, et à tous vos amis qui vous soutiennent et vous admirent. Vous représentez en effet un grand nombre d'hommes et de femmes appartenant à différentes nations, qui, unis fraternellement par un même idéal de sanctification du monde, dans l'exercice exemplaire de leur apostolat, sont aujourd'hui un élément important dans la mission consistant à rendre la société toujours plus chrétienne, plus humaine et plus juste. Je salue également les prêtres membres des Instituts séculiers qui apportent dans leurs diocèses une contribution précieuse au travail pastoral accompli pour l'éducation spirituelle du peuple de Dieu, grâce à leur consécration personnelle et à leur dévouement généreux, en plein accord avec leurs évêques, dont ils sont les fidèles et dévoués collaborateurs.

Printemps de l'Église

4. Avant d'aborder le sujet des Instituts séculiers, je crois utiles quelques considérations de caractère général.

5. Les Instituts séculiers sont considérés par l'Église actuelle comme un printemps riche de promesses et d'espérances. Sans vouloir mentionner toute la série d'édifiantes associations qui ont toujours caractérisé le développement et l'expansion de l'Église, nous nous rappelons le plus récent épanouissement de ce printemps dans les Instituts séculiers, tels qu'ils sont conçus, formés et réalisés par la législation récente de la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia, du Motu Proprio Primo feliciter et de l'Instruction Cum Sanctissimus. I1 nous faut tout de suite remarquer qu'il s'agit de trois documents qui se complètent réciproquement et offrent une orientation sûre pour la sanctification des individus et l'exercice de l'apostolat.

6. Quant aux documents du Concile Vatican II, on a dit qu'ils étaient plutôt laconiques en ce qui concerne les Instituts séculiers. On doit cependant avouer que tout ce qui est dit sur les Instituts séculiers dans les textes conciliaires, est la synthèse des dispositions pontificales précédentes et constitue une reconnaissance claire, positive et solennelle non seulement de leur existence et de leur personnalité juridique, mais également des buts apostoliques qui les animent et les orientent. Un pionnier des Instituts séculiers, le regretté Père Agostino Gemelli, après avoir exposé dans une synthèse admirable l'œuvre des états de perfection à travers les siècles, souligne que l'époque actuelle a des exigences particulières sur le plan intellectuel et moral et qu'il faut apporter la bonne nouvelle dans toutes les couches sociales.

7. Provida Mater, qui est avant tout l'œuvre de l'âme apostolique et de la prévision intelligente du Père Larraona, aujourd'hui Cardinal, dit clairement comment l'histoire montre que l'Église a donné naissance à des organismes qui sont la preuve que "… même dans le monde, grâce à un appel spécial de Dieu et avec son aide, on peut obtenir une consécration suffisamment stricte et efficace, non seulement intérieure, mais également extérieure… ce qui permet de disposer d'un instrument particulièrement opportun de pénétration et d'apostolat".

8. On peut donc affirmer que l'histoire des Instituts séculiers est aussi vieille que l'Église. S'ils sont désormais canoniquement reconnus et s'ils ont une forme juridique, ce n'est au fond qu'une consécration de leur existence. Certains en effet veulent reconnaître dans les Instituts séculiers les authentiques héritiers des ferventes communautés de fidèles qui s'épanouirent dès la période apostolique et fleurirent à toutes les époques en des formes diverses, sous l'impulsion de la même grâce invisible et agissante, formant une fraternité inépuisable dans la famille chrétienne. On ne saurait non plus oublier que l'histoire nous parle de chrétiens vivant dans le monde qui, dès le temps de l'Église naissante, se consacraient à Dieu, reconnaissant dans cette consécration le moyen de vivre plus intensément leur baptême. La vie d'un grand nombre de saints est la preuve évidente de cette claire constatation que, dans le monde aussi, on peut et on doit témoigner de l'Évangile. Les Tiers-Ordres du Moyen-Age manifestent la sainteté vécue et pratiquée hors de la vie religieuse.

9. Malheureusement, avec le temps, une certaine confusion s'est introduite dans ce domaine. C'est pour cela que sainte Angèle Merici a voulu pourvoir à la nécessité d'assurer dans le monde la présence active d'âmes consacrées à l'apostolat.

Consécration dans le monde

10. Nous connaissons tous la définition classique des Instituts séculiers, telle que nous l'énonce Provida Mater: "Les associations de clercs et de laïcs, dont les membres, en vue d'atteindre la perfection chrétienne et d'exercer pleinement l'apostolat, pratiquent dans le monde les conseils évangéliques, sont désignées sous le nom d'Instituts séculiers…" .

11. L'Église reconnaît donc comme membres des Instituts séculiers ceux qui vivent leur consécration dans le monde pour faire rayonner le Christ et ses enseignements dans la société.

12. Comme l'a proclamé Pie XII dans le Motu Proprio Primo feliciter, l'Esprit Saint, en vertu d'une grâce à la fois grande et spéciale, a appelé à lui un grand nombre de fils et de filles bien-aimés, afin que, rassemblés et organisés dans les Instituts séculiers, ils deviennent le sel, la lumière et un levain efficace dans le monde, où, par disposition divine, ils doivent demeurer.

13. Les paroles de Pie XII trouvent leur écho également dans les documents conciliaires qui ont réaffirmé la nature, ont précisé les exigences et ont souligné le caractère propre et spécifique des Instituts séculiers, c'est-à-dire la sécularité. C'est là en effet le trait caractéristique et la raison d'être des Instituts séculiers. Tandis que les clercs et les laïcs qui deviennent religieux voient se modifier leur situation juridique et leurs relations publiques et sociales dans l'Église et se soumettent aux lois propres de leur état religieux, avec les droits et les devoirs correspondants, les clercs et les laïcs qui deviennent membres d'un Institut séculier restent ce qu'ils étaient auparavant. Le laïc demeure laïc dans le monde, et le clerc, qui auparavant était sujet de son Ordinaire diocésain, est doublement son sujet étant lié par un nouveau lien d'obéissance. En aucun cas ni les uns ni les autres ne sauraient être appelés religieux ou considérés comme tels.

14. La vie spirituelle des membres d'un Institut séculier se déroule dans le monde et avec le monde, ce qui implique une certaine souplesse et une certaine indépendance par rapport aux formes et aux modèles propres des religieux. Leur vie extérieure ne se différencie pas de celle des autres séculiers célibataires, car leurs tâches et leurs activités sont dans le monde, où ils peuvent occuper des emplois et des charges que les religieux ne sauraient exercer. S'ils le désirent et selon leurs statuts, ils peuvent vivre en famille (et la plupart d'entre eux le font en effet) ou en commun (Provida Mater, art. III, par. 4) et exercer n'importe quelle activité professionnelle licite. Ils doivent sanctifier le profane et le temporel, se sanctifier eux-mêmes dans le profane et porter le Christ dans le monde. Ils sont les collaborateurs de Dieu dans le monde de la science, de l'art, de la pensée, du progrès, des structures sociales, techniques, économiques et culturelles, dans les engagements civils de toute nature: en famille, dans les écoles, dans les usines, dans les champs, dans les hôpitaux, dans les casernes, dans les administrations publiques, dans les œuvres d'assistance, dans tous les secteurs de l'immense et actif panorama du monde. Ils sont, en d'autres termes, appelés à voir et à reconnaître en eux-mêmes et dans ce qui les entoure quelque chose de mystérieux et de divin qui les mène à Dieu à travers les éléments de la nature, comme il est dit dans Gaudium et spes (no. 38). D'innombrables aspects du monde sont éclairés par la lumière qui jaillit de ce principe.

15. Les membres des Instituts séculiers sentent que le Christ vierge, pauvre et obéissant a annoncé son message de chasteté, de pauvreté et d'obéissance a des hommes comme eux, vivant dans le monde. Ce message est encore plein d'actualité et il est répété aux hommes de notre temps dans la simplicité et la candeur de la parole divine telle qu'elle a jailli du coeur du Rédempteur. Même si ce message n'est accueilli et compris que par le petit nombre, ces quelques-uns n'en constituent pas moins le levain providentiel qui conserve et multiplie le don de Dieu.

16. L'apparition des Instituts séculiers est donc un phénomène qui témoigne de la vitalité de l'Église, qui se renouvelle dans sa perpétuelle jeunesse et ne manque jamais de reprendre de nouvelles forces. L'Église a accueilli avec faveur cette nouvelle manifestation d'âmes désireuses de se sanctifier dans le monde en professant d'une manière stable les conseils évangéliques, et elle l'a sanctionnée en vertu d'une loi, en conférant une valeur juridique au désir de s'assurer la perfection chrétienne et d'exercer l'apostolat. C'est ainsi qu'aux deux états de perfection déjà reconnus - Religions et Sociétés de vie commune - vient s'adjoindre la troisième forme: celle des Instituts séculiers.

"Lex Peculiaris"

17. Toute la législation du Saint-Siège témoigne de son intention de bien définir et de bien préciser ce nouvel état de perfection.

18. La Lex Peculiaris (Provida Mater) précise bien la différence avec les Congrégations et les Sociétés de vie commune, en exposant toute une série d'éléments, tels que la consécration, le caractère du lien, etc., qui spécifient et éclairent le type de société nouvelle créée par Provida Mater. L'instruction Cum Sanctissimus résume clairement ces normes fondamentales de la constitution et de l'organisation des Instituts séculiers dès leur commencement.

19. L'intervention par laquelle le Magistère de l'Église approuve une société donnée comme Institut de perfection, comporte également un jugement sur la conformité de cette société avec la législation qui doit en régler la vie et les fonctions. L'Église en effet veut, en organisant une nouvelle forme d'état de perfection, que toutes les associations possédant les caractéristiques essentielles de ce nouvel état, soient organisées conformément aux normes énoncées. Et ce n'est que lorsque ces associations apparaissent dotées des conditions requises, qu'elles sont reconnues comme Instituts séculiers.

20. La Congrégation compétente a toujours voulu éviter toute altération de ces Instituts en insistant sur l'importance essentielle de leur caractère spécifique: état de pleine consécration à Dieu dans le monde, exigeant que toutes les conditions requises pour les Instituts séculiers soient observées scrupuleusement, en commençant justement par la sécularité, qui spécifie cet état de perfection. La sécularité - j'y insiste - s'identifie avec le contenu positif et substantiel de celui qui vit comme un "homme parmi les hommes", un "chrétien parmi les chrétiens du monde", qui "a la conscience d'être un parmi les autres" et en même temps "a la certitude d'être appelé à une consécration totale et stable à Dieu et aux âmes" sanctionnée par l'Église.

21. En consacrant ses membres à suivre le Christ, l'Institut séculier les rend aussi capables d'orienter vers Dieu leurs activités personnelles dans le monde et leur permet de les consacrer elles aussi en quelque sorte, puisqu'elles font partie de leur offrande totale à Dieu. C'est de cette manière que s'accomplit pour les membres des Instituts séculiers cette forme caractéristique d'apostolat "ex saeculo" dont parle Primo feliciter.

22. Le décret Perfectae caritatis résume bien cette doctrine lorsqu'il affirme que "… les Instituts séculiers comportent une profession véritable et complète des conseils évangéliques dans le monde", ajoutant aussitôt après: "Les Instituts doivent conserver leur physionomie propre, c'est-à-dire le caractère séculier" .

23. Cette consécration enrichit de la substance théologique propre aux conseils évangéliques la vie des fidèles, la personnalité ecclésiale et la consistance même des Instituts.

Éléments substantiels

24. En reconnaissant dans les Instituts séculiers les éléments substantiels des Instituts de vie consacrée, le Concile Vatican II rappelle, selon Primo feliciter, les caractéristiques spécifiques de ces Instituts, qui ressortent de trois éléments constitutionnels: a) la profession des conseils évangéliques de pauvreté, chasteté, obéissance; b) le fait de s'obliger à ces conseils par un lien stable (vœu, promesse, serment) reconnu et réglé par le droit de l'Église; c) la sécularité, qui s'exprime dans toute la vie de l'associé et en imprègne toutes les activités apostoliques. Ces trois éléments sont complémentaires, et également nécessaires et indiscutables. Si l'un d'entre eux manquait dans un Institut, celui-ci ne pourrait être séculier. En effet, le charisme de base serait différent et par conséquent l'Institut devrait trouver dans la réglementation canonique une définition juridique plus adéquate. Les trois éléments mentionnés peuvent donc se résumer dans la formule: "Engagement (ou lien) stable et reconnu par l'Église, à la profession des conseils évangéliques, dans le contexte séculier".

25. Ces trois éléments essentiels, de nature théologico-juridique, tout en définissant et en précisant la physionomie propre de ces Instituts, servent aussi à les distinguer soit des Instituts religieux, soit des nombreuses et différentes formes d'association existant dans l'Église, dont l'essor croissant et progressif est providentiel et bien connu de tous.

26. On comprend alors la raison pour laquelle la Constitution apostolique Regimini Ecclesiae universae (15 août 1967) a donné au Dicastère préposé aux Instituts de perfection la dénomination de "Sacrée Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers". On a voulu ainsi préciser sans équivoque les différences intrinsèques existant entre les ordres religieux (et les Société assimilées) et les nouvelles formes de vie consacrée dans le monde.

Renouvellement

27. Les Instituts séculiers en sont encore à leurs débuts, et ne sembleraient donc pas être sujets à l'aggiornamento ou renouvellement décrété par le Concile, auquel sont appelées toutes les communautés pour revenir aux sources et faire revivre l'esprit de leurs fondateurs.

28. Pour ce qui est des Instituts séculiers, nous devons réaffirmer que seuls ceux dont les caractéristiques correspondent aux conditions fixées par les documents pontificaux peuvent être reconnus comme tels. Par conséquent, si certains Instituts séculiers, peut-être influencés par le climat alors imprégné de la struc¬ture traditionnelle de la vie religieuse, s'étaient écartés des indications précises de Provida Mater, de Primo feliciter et de Cum Sanctissimus, ils devraient réexaminer leurs positions et revenir aux sources de la législation des trois documents pontificaux. Bien entendu, cette éventuelle mise au point devra être faite de concert avec l'autorité compétente, qui seule peut être juge en une matière aussi importante.

29. En tout cas, il est clair que, du moment que les Instituts séculiers ne peuvent être considérés comme des Instituts religieux (cf. Décret Perfectae caritatis, no. 11), leur législation doit être formulée de manière à exclure toute confusion avec celle des religieux et doit être précisée avec une terminologie ne permettant pas d'interprétation erronée.

30. La diversité entre les Instituts religieux et les Instituts séculiers est tellement nette et précise et, comme nous venons de le dire, intrinsèque, qu'il est difficile de comprendre comment le renouvellement des Instituts religieux pourrait consister à se transformer en Instituts séculiers. En effet les Instituts religieux, d'après le Décret Perfectae caritatis, se renouvellent en revenant à l'esprit de leurs fondateurs, réalisé dans l'équilibre réfléchi d'une vie qui certes doit être modifiée, c'est-à-dire améliorée, mais non pas bouleversée.

31. Lorsqu'un Institut religieux prouve qu'il est incapable de vivre selon le charisme de sa fondation, on peut difficilement le croire capable d'assimiler l'esprit d'un Institut séculier, car il ne s'agit pas simplement de structures canoniques, mais bien plutôt d'une vocation donnée par Dieu et confirmée par l'Église.

32. Un faux aggiornamento des Instituts religieux qui en conduirait quelques-uns à adopter les modalités de la vie consacrée "dans le monde", estomperait la figure ecclésiale propre des Instituts séculiers, mais serait surtout très nuisible aux Instituts religieux eux-mêmes. En effet, cette manière de procéder serait cause du nivellement et de l'appauvrissement de la vie religieuse, dont parlait le Saint-Père Paul VI dans son discours aux supérieures générales en novembre 1969, et, en dernière analyse, provoquerait la sécularisation de l'état religieux, en lui enlevant ce qui le caractérise et le spécifie parmi les Instituts de perfection de l'Église. Un Institut religieux qui se sécularise perd sa nature, sa physionomie, pour donner naissance à un organisme de consistance douteuse. Et qu'il me soit permis d'ajouter qu'il existe dans certains Instituts un état de difficulté et de malaise que seule une compréhension des aspects essentiels de la vie religieuse est à même de dissiper.

33. A leur tour, les Instituts séculiers doivent savoir que leur avenir est garanti par leur fidélité à leur vocation, qui en fait le levain des activités apostoliques dans le monde avec un charisme propre et bien distinct.

Incompréhensions et espérances

34. I1 convient maintenant d'ajouter que les Instituts séculiers n'ont pas toujours été bien compris et qu'on ne leur a pas toujours attribué l'importance qu'ils méritent.

35. Toute nouveauté dans l'Église, si elle fait naître espoir et enthousiasme, suscite aussi certaines réserves et certaines méfiances. Cela s'est vérifié aussi pour les Instituts religieux, dont beaucoup sont passé par le creuset de la critique et de l'opposition pour être ensuite reconnus et admis comme facteurs d'authentique spiritualité et de vigoureux apostolat.

36. On ne saurait donc s'étonner si les Instituts séculiers, qui apportent un souffle de vie nouvelle dans l'Église, sont parfois l'objet d'incompréhension, de contestation et peut-être même d'opposition. Les Instituts séculiers ne sont pas compris par ceux qui voudraient les faire entrer dans les cadres précédents et les revêtir des formes consacrées par la vie religieuse. La même incompréhension est manifestée par ceux qui hésitent devant des mouvements qui ouvrent la voie à une plus large intelligence des exigences de notre époque et à une pratique plus souple de l'Évangile.

37. Les hommes et les femmes qui veulent se consacrer au Christ sans sortir du monde, peuvent aujourd'hui choisir les Instituts séculiers comme un moyen sûr de sanctification et comme un instrument efficace d'apostolat actif et fécond. Ils ont non seulement le droit, mais ressentent aussi le besoin d'être compris et soutenus.

38. On pourrait peut-être penser ici que, m'étant attardé sur le caractère spécifique des Instituts séculiers, c'est-à-dire la sécularité, j'ai voulu mettre au second plan la consécration, c'est-à-dire la profession des conseils évangéliques. Si, après avoir réaffirmé à plusieurs reprises la force intrinsèque de la consécration, j'ai insisté sur la sécularité, je l'ai fait justement parce que notamment dans certains secteurs, il faut préciser davantage la valeur de cette caractéristique de Instituts séculiers, pour éviter les confusions et les polémiques stériles qui pourraient en résulter.

39. Pour certains - qui n'appartiennent certes pas à des Instituts séculiers - la sécularité ne serait en effet qu'une apparence, un aspect purement phénoménal qui masquerait une réalité très différente. Ceci est absolument faux. On doit considérer la sécularité dans son contenu logique, qui est le plus simple, le plus normal le plus complet, le plus communément admis. De même que le baptême, la confirmation et l'Ordre laissent intacte la sécularité spécifique du fidèle, ainsi la consécration des Instituts séculiers laisse intacte la sécularité de leurs membres. Mais il est également vrai, et il importe par conséquent de bien le savoir, que la nécessaire distinction entre les Instituts séculiers et les Instituts religieux, justifiée par la sécularité des premiers, ne doit en aucune manière faire sous-estimer la consécration, patrimoine commun des uns et des autres, car c'est l'âme même de la nouvelle réalité communautaire que l'Église a voulu promouvoir en créant les Instituts séculiers.

40. Avec la consécration, on ne saurait oublier non plus la question de la formation des membres d'Instituts séculiers, ni les aspects variés ou les différents types d'Instituts séculiers, qui ont tous même droit de cité, dans les limites définies par les documents pontificaux et conciliaires.

41. Consécration, formation, typologie des Instituts séculiers sont des sujets auxquels je me permets une simple allusion, étant certain que, de même qu'on ne manquera pas d'en traiter au cours de cette assemblée, il se présentera de nombreuses occasions d'en parler avec l'ampleur et l'approfondissement qu'ils méritent.

Les prêtres des Instituts séculiers

42. Avant de terminer, je ne puis m'empêcher d'exprimer quelques pensées sur les Instituts séculiers sacerdotaux et, plus exactement, sur les prêtres qui, pour mieux répondre à leur vocation de consécration à Dieu et de service des âmes entrent dans les Instituts séculiers pour s'enrichir d'une spiritualité qui les attache toujours plus étroitement au Christ et les relie toujours plus intimement à leur évêque, pour en être les collaborateurs fidèles et efficaces.

43. Dans (Presbyterorum Ordinis (no. 8), le Concile affirme que "les associations sacerdotales sont dignes d'estime et de vifs encouragements: grâce à leurs statuts ratifiés par l'autorité ecclésiastique compétente, elles proposent une règle de vie adaptée et convenablement approuvée, et un soutien fraternel qui aident les prêtres à se sanctifier dans l'exercice du ministère; de ce fait, elles se mettent au service de l'Ordre des prêtres tout entier".

44. Remarquons que le Concile a établi ce principe en faveur des associations sacerdotales sur le droit naturel d'association, qui appartient, servatis servandis, à tous les fidèles et à tous les hommes.

Lorsqu'au sein du Concile on discuta sur le droit d'association des prêtres, la Commission Conciliaire compétente donna la réponse suivante approuvée par la Congrégation générale du 2 décembre 1965: "On ne saurait nier aux prêtres ce que le Concile, tenant compte de la dignité de la nature humaine, a déclaré justement des laïcs, car c'est conforme au droit naturel". Donc les prêtres aussi jouissent du droit de former des associations répondant aux besoins du clergé, pour vivre plus intensément leur vie spirituelle, pour travailler plus efficacement dans le domaine apostolique, pour entretenir une communion plus intime avec leurs confrères, pour servir leur évêque avec une dévotion toujours plus fidèle et plus désintéressée.

45. L'un des points sur lesquels se base la vie des prêtres inscrits à des Instituts séculiers est le droit de se servir des moyens spirituels qui leur conviennent le mieux pour vivre leurs engagements de prêtres diocésains et répondre ainsi de la manière la plus efficace aux exigences de leur caractère diocésain. Si la hiérarchie doit veiller sur les prêtres, les aider et les orienter, elle ne saurait cependant leur refuser ni entraver le développement de leur élévation spirituelle lorsque celle-ci s'accomplit dans le cadre des doctrines approuvées par l'Église.

46. On ne saurait non plus confondre les prêtres diocésains inscrits à des Instituts séculiers avec ceux qui font partie d'autres associations, car les premiers se sont engagés à vivre d'une manière stable les conseils évangéliques dans une société reconnue par l'Église à cette fin, ce qui ne se vérifie pas pour les seconds. Aussi les Instituts séculiers sacerdotaux ont-ils été placés sous la vigilance de la Sacrée Congrégation qui a charge de la sainteté des liens de perfection et en favorise le développement.

47. Les prêtres diocésains des Instituts séculiers, répandus dans presque tous les pays du monde, doivent se distinguer par la pureté et la pauvreté de leur vie, par l'obéissance à leur évêque et par le dévouement à leur mission, en apportant dans l'Église la contribution d'un authentique apostolat évangélique, pour la diffusion du Royaume de Dieu. La présence de ces prêtres, à cause de leur fidélité à l'Église, est un rempart sûr, au sein du clergé diocésain, contre les dangers croissants qui menacent leur ministère.

48. Il convient en outre de remarquer que les constitutions des Instituts séculiers sacerdotaux sont explicites et éloquentes à ce sujet. Les prêtres qui en font partie restent non seulement liés à leur évêque en vertu de la promesse faite au moment de leur ordination, mais ils lui sont soumis également parce que membres d'un Institut séculier. Les statuts contiennent en effet une clause explicite précisant qu'en ce qui concerne les tâches pastorales, ils dépendent exclusivement de leur évêque, qui peut les nommer là où il le juge opportun et peut leur confier n'importe quelle tâche, puisqu'ils se sont engagés à être toujours prêts et disponibles, même pour les postes les plus ingrats et pour l'apostolat le plus difficile.

49. Une des exigences les plus grandes des Instituts séculiers sacerdotaux est l'esprit de pauvreté et de détachement des biens de la terre. A une époque où l'on parle tellement de l'Église des pauvres, il nous faut admettre qu'aucun apostolat n'est vraiment efficace sur les âmes, si le prêtre n'est pas pauvre, généreux et rempli d'amour pour les plus déshérités. Or, les Instituts séculiers facilitent la pratique de la pauvreté aux prêtres qui s'y sont engagés par vœu, serment ou promesse spéciale. Les Constitutions des Instituts séculiers sacerdotaux qui s'inspirent des normes de Provida Mater définissent la pauvreté du prêtre dans ce qu'il y a de plus beau, de plus pratique et de plus expressif.

50. Il est prouvé que les Instituts séculiers assurent aux prêtres une vie spirituelle intense au milieu des dangers qui aujourd'hui menacent tout particulièrement la vocation sacerdotale. L'ancien évêque de Nantes écrivait à la Sacrée Congrégation des Religieux: "Si nous voulons maintenir dans notre clergé actuel une profonde vie intérieure, nous ne trouverons pas de meilleur moyen que l'agrégation à une Société qui fasse tendre tous ses membres à la perfection, par la pratique des vœux".

51. Enfin, les Instituts séculiers assurent la formation des prêtres qui en font partie, grâce à des pratiques de piété, à des réunions, à des cercles d'études, où l'on enseigne une ascèse sûre, où l'on explique les encycliques des Papes et les décrets conciliaires, où l'on prépare les instructions pour les fidèles, etc.

52. De ce que nous venons de dire, nous pouvons conclure qu'il est providentiel pour un évêque de pouvoir compter toujours et sans réserve sur la piété, la science théologique, la fidélité et l'esprit de collaboration des prêtres. Il serait donc souhaitable que les prêtres diocésains soient membres d'un Institut ou d'une association pour qu'ils puissent vivre à fond le sacerdoce du Christ et en imiter les vertus. Il me plaît d'évoquer à ce propos les paroles que S.S. Paul VI adressait en 1965 aux prêtres de la FACI (AAS, 1965, p. 648): "I1 est notoire, malheureusement, que l'un des dangers les plus graves auxquels le clergé en général et celui qui a charge d'âmes en particulier est exposé, peut être l'isolement, la solitude, la perte de contact avec ses confrères et parfois avec la population elle-même. Face à cette douloureuse éventualité la FACI nourrit dans le clergé le programme, le besoin, nous pourrions dire la conscience de l'union, non pas syndicale ou opérationnelle, mais fraternelle et active, de tous les prêtres entre eux".

53. Ces paroles expriment bien l'esprit fraternel des prêtres membres d'Instituts séculiers, qui ne veulent que réaliser la collaboration la plus étroite avec leur évêque, qu'ils vénèrent et qu'ils aiment, l'entente réciproque entre les membres du presbyterium diocésain et le bien du peuple qui leur est confié.

Conclusion

54. A l'ouverture de cette Rencontre internationale, j'ai voulu poser quelques postulats que j'estime fondamentaux pour les buts de votre réunion, et qui inspireront, en définitive, tous les distingués orateurs qui prendront la parole sur les différents thèmes examinés. Dans le déroulement du programme de cette semaine et au cours des débats qui suivront, les représentants des Instituts ici présents apporteront la contribution de leur expérience et pourront manifester leur pensée, en exprimant leur opinion en toute liberté. Il importe que chacun dise ce qu'il pense être, ce qu'il estime utile de faire, ce qu'il désire que l'on fasse dans le cadre de la doctrine et des documents que nous avons cités, soit du Souverain Pontife, soit, plus récemment, du Concile.

55. J'ai enfin l'agréable devoir d'adresser une parole de félicitations aux Instituts séculiers qui, à cette heure troublée et tourmentée, ont veillé à l'exercice de leur apostolat dans un esprit d'admirable discipline, étrangère à certaines contestations extravagantes, qui sont parfois arrivées jusqu'au seuil du sanctuaire. Il s'agit d'un fait très positif, dont la signification est éloquente. Les Instituts séculiers, tout en étant sujets aux nécessaires évolutions et aux opportunes mises au point suggérées par les circonstances, ont une forme propre, solide et consistante, qui n'a pas provoqué de manifestations extérieures de dissentiment ou de contraste à l'égard de ce qui constitue leur patrimoine. I1 s'agit d'un patrimoine qui a pour base l'Évangile et se développe sur une voie rectiligne: la vie de perfection et l'exercice de l'apostolat dans le monde, dans la saine liberté spirituelle qui est le propre des fils de Dieu.

56. Heureux d'avoir fait cette constatation bien fondée, je le suis aussi de vous adresser mes meilleurs vœux ainsi que ceux de mes collaborateurs de la Sacrée Congrégation, afin qu'avec l'aide de Dieu "a quo cuncta procedunt" vous puissiez accomplir un travail fécond, vous puissiez toujours plus profondément vous comprendre les uns les autres et collaborer fraternellement pour votre sanctification personnelle et pour le bien de la société dans laquelle vous êtes destinés à vivre et dans laquelle, répondant à l'appel de l'Église, vous répandrez la lumière et la chaleur de l'Évangile du Christ.

Rome, le 20 septembre 1970

Aux participants a la Rencontre Internationale des Instituts Séculiers

Paul VI

(26 septembre 1970)




Chers Fils et chères Filles dans le Seigneur,

1. Soyez les bienvenus. Nous accueillons votre visite avec beaucoup de considération, en raison de ce qui vous distingue dans l'Église de Dieu, sans que le monde en voie les signes extérieurs, c'est-à-dire votre qualité de représentants des Instituts séculiers réunis en Congrès, et en raison des intentions qui vous ont incités à faire cette visite.

2. Vous vous présentez, en effet, à nous dans une attitude de confiance, en nous manifestant ce que vous êtes: des personnes consacrées au Christ dans la vie séculière; et dans une attitude de fidèle et généreuse offrande à l'Église, en interprétant ses finalités premières: célébrer l'union mystérieuse et surnaturelle des hommes avec Dieu le Père, union instaurée par le Christ, notre Maître et Sauveur, moyennant l'effusion de l'Esprit Saint; et instaurer l'union entre les hommes en les servant de toutes les manières, sur le plan de leur bien-être naturel et sur celui de leur fin supérieure, le salut éternel.

3. Nous sommes vivement intéressé et ému par cette rencontre qui évoque pour nous les prodiges de la grâce, les richesses cachées du royaume de Dieu, les ressources incalculables de vertus et de sainteté dont dispose encore l'Église aujourd'hui, cette Église qui, comme vous le savez, vit au milieu d'une humanité profane et parfois profanatrice, fière de ses conquêtes temporelles, mais fuyant la rencontre avec le Christ alors qu'elle en aurait tant besoin; cette Église qui est traversée par quantités de courants ne favorisant pas tous son développement dans l'unité et la vérité auxquelles le Christ voudrait que ses fils aspirent avidement; cette Église, olivier multiséculaire et historique, dont le tronc tourmenté et noueux semblerait incarner davantage la vieillesse et la souffrance que la vitalité printanière, mais qui est aujourd'hui capable, comme vous le montrez, de donner une nouvelle et vigoureuse frondaison, et de promettre des fruits d'une abondance insoupçonnée. Dans cette Église d'aujourd'hui vous représentez un phénomène caractéristique et très consolant. C'est en cette qualité que nous vous saluons et que nous vous encourageons.

4. Nous pourrions, et nous aimerions, vous dire comment l'Église vous voit et - depuis ces dernières années - vous reconnaît; vous dire ce qu'est votre réalité théologique dans l'enseignement du IIe Concile du Vatican (Lumen gentium, 44; Perfectae caritatis, 11), ce qu'est la description canonique des formes institutionnelles que revêtent ces Instituts de chrétiens consacrés au Seigneur et séculiers, quelles sont leur place et leur fonction dans le peuple de Dieu, leurs caractères distinctifs, leurs dimensions et leurs formes.

5. Mais nous avons pensé que tout cela, vous le connaissez fort bien, et ce regard sur vous-mêmes, sur ce que vous êtes, est peut-être superflu. Nous savons la sollicitude dont vous entoure le dicastère de la Curie romaine qui est chargé de vous guider et de vous assister; nous connaissons les exposés approfondis qui ont été faits pendant votre Congrès. Plutôt que de tracer encore une fois votre image canonique, nous préférons nous arrêter, avec discrétion et sobriété, sur l'aspect psychologique et spirituel de votre façon particulière de marcher sur les traces du Christ.

6. Arrêtons un instant notre regard sur l'origine intérieure, personnelle et spirituelle - nous dirions volontiers: secrète - de ce phénomène, sur votre vocation. Si celle-ci a beaucoup de caractères communs avec les autres vocations qui s'épanouissent et devraient s'épanouir davantage dans l'Église de Dieu, elle s'en distingue cependant par certaines caractéristiques propres qui méritent d'être considérées à part.

7. Nous voulons d'abord souligner l'importance des activités réflexives dans la vie de l'homme. Ces activités sont très estimées dans la vie chrétienne, et elles ne manquent pas d'intérêt, spécialement dans certaines périodes de la vie des jeunes, parce qu'elles sont déterminantes Nous appelons conscience ces activités réflexives, et chacun en sait la signification et l'importance. On parle beaucoup de la conscience aujourd'hui; que de fois revient ce terme, à commencer par le rappel continuel de sa lointaine aurore chez Socrate, puis de son réveil dû principalement au christianisme, sous l'influence duquel, dit un historien, "le fond de l'âme a été changé" (cf. TAINE, III, 125).

8. Nous portons notre attention ici sur le moment particulier, connu de vous tous, où la conscience psychologique, c'est-à-dire la perception intérieure que l'homme a de lui-même, devient conscience morale (cf. S. Th., 1, 79, 13); où la conscience psychologique perçoit l'exigence d'agir selon une loi intérieure, inscrite dans le cœur de l'homme, mais obligeant extérieurement, dans la vie réelle, comportant des responsabilités très hautes et finalement un rapport avec Dieu. La conscience psychologique devient alors conscience religieuse. Le Concile dit à ce propos (Gaudium et spes, 16): "Au fond de sa conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s'est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir. Cette voix ne cesse de le presser d'aimer et d'accomplir le bien et d'éviter le mal ... Car c'est une loi inscrite par Dieu au cœur de l'homme; sa dignité est de lui obéir, et c'est elle qui le jugera (cf. Rom., 2, 14-16). La conscience est le centre le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu". (Ici le Concile se réfère à un admirable discours de Pie XII du 23 mars 1952, Discorsi ..., 14, p. 19 et s.).

9. Dans cette première phase de l'activité réflexive que nous appelons conscience, apparaît chez l'homme le sens de la responsabilité et de la personnalité, la perception des principes existentiels et leur développement logique. Ce développement logique chez le chrétien se souvenant de son caractère baptismal conduit aux notions fondamentales de la théologie sur l'homme qui a conscience d'être fils de Dieu, membre du Christ, incorporé dans l'Église, revêtu de ce sacerdoce commun des fidèles dont le Concile a rappelé la féconde doctrine (cf. Lumen gentium, 10-11) et d'où naît l'obligation pour tout chrétien d'aspirer à la sainteté (cf. Ibid., 39-40), à la plénitude de la vie chrétienne, à la perfection de la charité.

10. A un moment donné, et non sans la lumière fulgurante de la grâce, cette conscience, cette obligation s'éclaire intérieurement et devient vocation. Vocation à une réponse totale: pour certains, vocation à professer vraiment et complètement les conseils évangéliques; pour d'autres, vocation sacerdotale; pour quiconque entend cet appel dans son coeur, vocation à la perfection - vocation à une consécration par laquelle l'homme fait à Dieu le don de lui-même, en un acte à la fois de volonté et d'abandon. La conscience devient un autel sur lequel on s'immole: " que ma conscience soit ton autel", dit saint Augustin (En. in Ps. 49; PL XXXVIII, 578). C'est le fiat par lequel Marie répond à l'annonce de l'ange.

11. Nous sommes encore dans le domaine des activités réflexives, que nous allons appeler vie intérieure: ici la vie intérieure se transforme en dialogue; le Seigneur est présent: "la conscience des saints est demeure de Dieu", dit encore saint Augustin (En. in Ps. 45; PL XXXVI, 520). On s'adresse au Seigneur, mais pour lui demander ce qu'il attend de nous, comme saint Paul à Damas: "Seigneur, que faut-il que je fasse?" (Actes, 9,5). La consécration baptismale de la grâce devient alors consciente et s'exprime en une consécration morale volontaire, qui s'étend aux conseils évangéliques et aspire à la perfection chrétienne. Telle est la première décision, la décision capitale qui engage toute la vie.

12. Et quelle est la seconde décision? Nous en arrivons alors à l'élément nouveau qui fait votre originalité. Quelle sera en fait la seconde décision? Pour vivre cette consécration, quel mode de vie choisira-t-on? Devrons-nous abandonner notre forme de vie séculière ou pourrons-nous la conserver? A cette question que vous lui avez posée, l'Église a répondu: vous êtes libres de choisir, vous pouvez demeurer séculiers. Guidés par des motifs, certainement bien pesés, vous avez choisi de demeurer séculiers, c'est-à-dire de garder la forme de vie commune à tous, dans la vie du monde. Et par un choix ultérieur devant le pluralisme permis aux Instituts séculiers, chacun s'est déterminé selon ses préférences propres. C'est pourquoi vos Instituts s'appellent Instituts séculiers, pour se distinguer des Instituts religieux.

13. Cela ne veut pas dire que le choix que vous avez fait pour parvenir à la perfection chrétienne, que vous aussi vous vous proposez, soit un choix facile parce qu'il ne vous sépare pas du monde, de la vie profane, où les valeurs préférées sont les valeurs temporelles, et où, bien souvent, la loi morale est exposée à de continuelles et redoutables tentations. Votre discipline morale devra donc toujours être faite de vigilance et d'initiative personnelle. A chaque instant, le sens de votre consécration devra lui faire trouver la bonne voie; l'abstine et sustine des moralistes devra constamment être en oeuvre dans votre spiritualité. Voilà une nouvelle et habituelle activité réflexive, et donc un état d'intériorité personnelle qui accompagne le déroulement de la vie extérieure.

14. Un domaine immense sera ainsi ouvert à votre double mission: d'une part, votre sanctification personnelle, c'est-à-dire votre âme, et, d'autre part, la consecratio mundi, tâche si délicate et attirante, comme vous le savez, c'est-à-dire le monde des hommes, tel qu'il est, avec son actualité inquiète et éblouissante, avec ses vertus et ses passions, avec ses possibilités de bien et son attirance vers le mal, avec ses magnifiques réalisations modernes et ses secrètes déficiences ou ses inévitables souffrances. Vous marchez sur un plan incliné, où la tentation de facilité mène vers en bas, mais où l'on est stimulé à l'effort qui mène vers en haut. C'est une marche difficile, pour des alpinistes spirituels.

15. Mais dans votre hardi programme de vie, rappelez-vous trois choses:

1° Votre consécration ne sera pas seulement une obligation, elle sera une aide, un soutien, un amour, une joie qui sera toujours à votre disposition; une plénitude qui compensera tous vos renoncements et vous ouvrira à ce merveilleux paradoxe de la charité: donner, donner aux autres, donner au prochain pour posséder dans le Christ.

16. 2° Vous êtes dans le monde, non pas du monde, mais pour le monde. Le Seigneur nous a enseigné à découvrir sous cette formule, qui semble un jeu de mots, sa et notre mission de salut. Rappelez-vous que, précisément parce que vous appartenez à des Instituts séculiers, vous avez une mission de salut pour les hommes de notre temps. Aujourd'hui, le monde a besoin de vous, qui vivez dans le monde, pour ouvrir au monde les voies du salut chrétien.

17. 3° L'Église, elle aussi, fait partie de cette réflexion dont nous avons parlé. Le "sens de l'Église ", présent en vous comme l'atmosphère intérieure que vous respirez, doit faire l'objet d'une continuelle et habituelle méditation.

18. Nous devons tous l'avoir, mais je dirai que pour vous il devient l'aliment normal, habituel: vous devez respirer le sens de l'Église. Vous en avez déjà certainement éprouvé l'ivresse. Inépuisable inspiration à laquelle, spécialement après le Concile, les données de la théologie et de la spiritualité apportent un souffle tonifiant. Parmi ces données, il en est une que vous devez toujours avoir présente à l'esprit: vous appartenez à l'Église à un titre spécial, votre titre de consacrés séculiers; eh bien! sachez que l'Église a confiance en vous. L'Église vous suit, elle vous soutient, elle vous considère comme siens, comme des fils de choix, comme des membres actifs et conscients qui lui sont fermement attachés, qui sont bien exercés à l'apostolat, disponibles pour le témoignage silencieux, pour le service, et, s'il le faut, le sacrifice. Vous êtes des laïcs qui font de leur profession chrétienne une force constructrice pour soutenir la mission et les structures de l'Église, les diocèses, les paroisses, spécialement les institutions catholiques, et animer leur spiritualité ainsi que leur charité. Vous êtes des laïcs qui, par expérience directe, êtes mieux à même de connaître les besoins de l'Église terrestre, et peut-être aussi d'en découvrir les défauts. Que ces défauts ne vous incitent pas à une critique corrosive et peu généreuse; qu'ils ne soient pas un prétexte pour vous séparer, pour vous tenir égoïstement et dédaigneusement à l'écart, mais un stimulant à un service plus humble et plus filial, à un plus grand amour.

19. Vous, Instituts séculiers de l'Église d'aujourd'hui, portez nos salutations et nos encouragements à vos frères et à vos sœurs, et recevez tous notre Bénédiction apostolique.

Rome, le 26 septembre 1970.

A l'occasion du XXVe Anniversaire de Provida Mater Ecclesia

Paul VI

(2 février 1972)




Très Chers Fils, membres d'Instituts séculiers!

1. En ce jour consacré au souvenir liturgique de la présentation de Jésus au Temple, c'est volontiers que nous vous accueillons pour commémorer ensemble le XXVe anniversaire de la promulgation de la Constitution Apostolique Provida Mater, publiée le 2 février 1947 (cf. A.A.S. XXXIX, 1947, pp. 114-124). Ce document représente un événement très important pour la vie présente de l'Église. Notre Prédécesseur Pie XII, de vénérée mémoire, accueillait ainsi dans l'Église, sanctionnait et approuvait les Instituts séculiers, et en précisait la physionomie spirituelle et juridique. Heureux jour, pour vous; jour significatif, où, à l'imitation du Christ venu dans le monde et s'offrant au Père pour accomplir sa volonté (cf. Ps 39,9; Heb 10,9), vous fûtes aussi présentés à Dieu pour briller devant toute l'Église, pour consacrer vos vies à la gloire du Père et à l'élévation du monde.

2. Combien nous sommes heureux, nous aussi, de cette rencontre! Car nous nous souvenons bien des circonstances dans lesquelles mûrit ce document historique, vraie magna carta des Instituts séculiers, lesquels, déjà préparés antécédemment par l'Esprit qui suscite de secrètes impulsions dans les âmes, y reconnurent leur accueil officiel par l'Autorité Suprême, leur acte de naissance et le point de départ d'un élan nouveau vers l'avenir, et cela grâce surtout à l'action du vénéré Cardinal Larraona.

3. Vingt-cinq ans, c'est un temps relativement court; toutefois ces années ont été particulièrement intenses et comparables à celles de la jeunesse. Floraison magnifique, dont témoigne votre présence ici en ce moment, et la réunion des Responsables Généraux de tous les Instituts séculiers, projetée pour Je mois de septembre, à Rome. Nous désirons donc vous adresser quelques paroles d'encouragement, de confiance; d'exhortation, afin que ce jubilé soit vraiment fécond en résultats, pour vous et pour tout le Peuple de Dieu.

Dans la perspective de Vatican II

4. Les Instituts séculiers doivent être encadrés dans la perspective en laquelle le IIe Concile du Vatican a présenté l'Église: comme une réalité vivante, visible et spirituelle tout ensemble (cf. Lumen gentium, 8); qui vit et se développe dans l'histoire (cf. ib. 3,5,6,8); composée de beaucoup de membres et d'organes divers, mais intimement unis et communiquant entre eux (cf. ib. 7); participant à la même foi, à la même vie, à la même mission, à la même responsabilité et cependant distincts par un don, un charisme particulier de l'Esprit vivificateur (cf. ib. 7,12), donné non seulement pour le bien personnel, mais aussi pour le bien de toute la communauté. L'anniversaire de la Constitution Provida Mater; Constitution qui voulut exprimer et approuver votre charisme particulier, vous invite donc, selon l'indication du Concile, à "revenir aux sources de toute votre vie chrétienne et à l'esprit primitif de vos Instituts" (Perfèctae caritatis,2), à vérifier votre fidélité au charisme originel propre à chacun.

5. Si nous nous demandons quelle a été l'âme de chaque Institut séculier, ce qui a inspiré sa naissance, son développement, nous devons répondre: ce fut le besoin profond d'une synthèse; ce fut l'aspiration à l'affirmation simultanée de deux caractéristiques: 1) la pleine consécration de la vie selon les conseils évangéliques et 2) la pleine responsabilité d'une présence et d'une action transformante au-dedans du monde, pour le modeler, le perfectionner et le sanctifier. D'une part la profession des conseils évangé¬liques - forme de vie qui sert à alimenter et à témoigner cette sainteté à laquelle tous les fidèles sont appelés - est le signe de l'identification parfaite avec l'Église, avec le Seigneur et Maître lui-même, avec la finalité qu'il a assignée à l'Église. D'autre part, rester dans le monde est un signe de la responsabilité chrétienne de l'homme sauvé par le Christ, et à cause de cela engagé à "éclairer et orienter toutes les réalités temporelles... afin qu'elles se réalisent et prospèrent constamment selon le Christ et soient à la louange du Créateur et Rédempteur" (Lumen gentium, 31).

6. Dans ce tableau, on ne peut pas ne pas voir une coïncidence profonde et providentielle entre le charisme des Instituts séculiers et ce qui a été une des lignes les plus importantes et les plus nettes du Concile: la présence de l'Église dans le monde. En effet, l'Église a fortement accentué les divers aspects de sa relation au monde: elle a répété clairement qu'elle fait partie du monde, qu'elle est destinée à le servir, qu'elle doit en être l'âme et le ferment, car elle est appelée à le sanctifier, à le consacrer et à refléter sur lui les valeurs suprêmes de la justice, de l'amour et de la paix.

Vers un monde nouveau

7. L'Église a conscience du fait qu'elle existe dans le monde, qu'elle "fait ainsi route avec toute l'humanité et partage le sort terrestre du monde; qu'elle est comme le ferment et pour ainsi dire l'âme de la société humaine" (Gaudium et spes, 40). Elle a par conséquent une dimension séculière authentique, inhérente à sa nature intime et à sa mission, dont la racine plonge dans le mystère du Verbe Incarné, et qui s'est réalisée sous des formes diverses dans ses membres - prêtres et laïcs - selon leur propre charisme.

8. Le magistère pontifical ne s'est jamais lassé, spécialement au cours des dernières années, d'appeler les chrétiens à assumer valablement et loyalement leurs propres responsabilités dans le monde. C'est d'autant plus nécessaire aujourd'hui que l'humanité se trouve à un point crucial de son histoire. Un monde nouveau est en train de naître; les hommes cherchent de nouvelles formes de pensée et d'action qui détermineront leur vie dans les siècles à venir. Le monde pense pouvoir se suffire à lui-même et n'avoir besoin ni de la grâce divine ni de l'Église pour se construire et se dilater: un divorce tragique s'est creusé entre la foi et la vie vécue, entre le progrès technico-scientifique et la croissance de la foi dans le Dieu vivant. Non sans raison, on affirme que le problème le plus grave du développement actuel est dans le rapport entre l'ordre naturel et l'ordre surnaturel. L'Église de Vatican II a écouté cette "vox temporis", et lui a répondu par une conscience claire de sa mission dans le monde et dans la société, elle sait qu'elle est le "sacrement du salut universel"; elle sait qu'il n'est pas de plénitude humaine sans la grâce, c'est-à-dire sans le Verbe de Dieu qui est "le terme de l'histoire humaine, le point vers lequel convergent les désirs de l'histoire et de la civilisation, le centre du genre humain, la joie de tous les cœurs et la plénitude de leurs aspirations " (Gaudium et spes, 45).

9. En un moment tel que celui où nous vivons, les Instituts séculiers, en vertu de leur charisme de sécularité consacrée (cf. Perfectae caritatis, 11), apparaissent comme des instruments providentiels pour incarner cet esprit et le transmettre à l'Église tout entière. Si dès avant le Concile, ils ont en quelque sorte anticipé existentiellement cet aspect, à plus forte raison doivent-ils actuellement être les témoins spécialisés et exemplaires de la disposition et de la mission de l'Église dans le monde . Pour l'aggiornamento de l'Église aujourd'hui, il ne suffit pas d'avoir des directives claires et des documents fréquents: il faut des personnalités et des communautés conscientes de leur responsabilité d'incarner et de transmettre l'esprit voulu par le Concile. A vous, cette mission exaltante: donner inlassablement l'impulsion à la relation nouvelle que l'Église cherche à incarner dans le monde et au service du monde.

Double réalité

10. De quelle manière? Par la double réalité de votre configuration.

11. Tout d'abord, votre vie consacrée dans l'esprit des conseils évangéliques est l'expression de votre appartenance indivisible au Christ et à l'Église, de la tension permanente et radicale vers la sainteté et de la conscience que, en dernière analyse, c'est le Christ seul qui par sa grâce réalise l'œuvre de rédemption et de transformation du monde. C'est dans l'intime de vos cœurs que le monde est consacré à Dieu (cf. Lumen gentium, 34). Ainsi votre vie est garante que le rapport intense et direct avec le monde ne dégénère pas en mondanité ou naturalisme, mais est l'expression de l'amour et de la mission du Christ. Votre consécration est la racine de l'espérance qui doit toujours vous soutenir, même lorsque les fruits extérieurs sont peu abondants ou manquent totalement. Votre vie est féconde pour le monde non tant par les œuvres extérieures que par l'amour du Christ qui vous a poussés au don total, dont vous témoignez dans les conditions ordinaires de la vie

12. Dans cette lumière, les conseils évangéliques, bien qu'étant communs à toutes les formes de vie consacrée, acquièrent une signification nouvelle, d'une actualité spéciale pour le temps présent. Dans un monde replié sur lui-même et livré d'une manière incontrôlée à ses instincts, la chasteté, toute tendue vers les réalités célestes, apparaît comme un exercice vivant de domination de soi et de vie dans l'esprit. La pauvreté devient le modèle de la relation que l'on doit avoir avec les biens créés, de leur usage correct, dans une attitude valable soit pour les pays développés, où le désir de posséder menace sérieusement les valeurs évangéliques, soit dans les pays moins bien pourvus, où votre pauvreté est un signe de solidarité et de présence parmi les frères éprouvés. L'obéissance devient un témoignage de l'humble acceptation de la médiation de l'Église et, d'une manière plus générale, de la sagesse de Dieu qui gouverne le monde à travers les causes secondes, et en ce moment de crise de l'autorité votre obéissance témoigne aussi de ce qu'est l'ordre chrétien de l'univers.

Pour la sanctification de l'ordre naturel

13. En second lieu, à la différence des religieux, votre sécularité vous pousse à accentuer spécialement la relation avec le monde. Cette relation ne représente pas seulement une condition sociologique, un fait extérieur, mais bien une attitude: être présents dans le monde, se savoir responsables pour le servir, pour le configurer selon Dieu en un ordre plus juste et plus humain, pour le sanctifier du dedans. La première attitude à prendre devant le monde est le respect de son autonomie légitime, de ses valeurs et de ses lois (Gaudium et spes, 36). Cette autonomie ne signifie pas, nous le savons, indépendance absolue de Dieu, Créateur et fin ultime de l'univers. Prendre au sérieux l'ordre naturel, en travaillant à son perfectionnement et à sa sanctification, afin que ses exigences soient intégrées dans la spiritualité, dans la pédagogie, dans l'ascétique, dans la structure, dans les formes extérieures et dans l'activité de vos Instituts, est une des dimensions importantes de cette caractéristique spéciale de votre sécularité. Ainsi sera-t-il possible, comme le requiert Primo feliciter que "votre caractère propre et particulier, le caractère séculier, se reflète en toutes choses" (II).

14. Les nécessités du monde étant très variées, de même que les possibilités d'action dans le monde et avec les instruments du monde, il est naturel que surgissent diverses formes d'actualisation de cet idéal: formes individuelles ou associées, cachées ou publiques, selon les indications du Concile (cf. Apostolicam Actuositatem, 15-22). Toutes ces formes sont également possibles aux Instituts séculiers et à leurs membres. La pluralité de vos formes de vie (cf. Vœu sur le Pluralisme, Congrès international des Instituts séculiers, Rome 1970) vous permet de constituer divers types de communautés et de donner vie à votre idéal en divers milieux, et par divers moyens, même là où l'on ne peut porter témoignage à l'Église que sous une forme individuelle, cachée et silencieuse.

Responsabilité sacerdotale

15. Une parole encore pour les prêtres qui s'unissent aux Instituts séculiers. Le fait est prévu expressément par l'enseignement de l'Église, à partir du Motu Proprio Primo feliciter et du Décret Conciliaire Perfectae caritatis. Par lui-même, le prêtre en tant que tel a lui aussi, comme le laïc chrétien, une relation au monde essentielle, qu'il doit réaliser d'une manière exemplaire dans sa propre vie, pour répondre à sa vocation; c'est pourquoi il est envoyé dans le monde comme le Christ fut envoyé par le Père (cf. Jn 20,21). Mais, comme prêtre, il assume une responsabilité spécifiquement sacerdotale, pour une juste conformation de l'ordre temporel. A la différence du laïc, - sauf dans des cas exceptionnels, comme l'a prévu un vœu du dernier Synode Épiscopal - il n'exerce pas cette responsabilité par une action directe et immédiate dans l'ordre temporel, mais par son action ministérielle, et moyennant son rôle d'éducateur de la foi (cf. Presbyterorum Ordinis, 6) et c'est le moyen le plus élevé pour contribuer à ce que le monde se perfectionne constamment, selon l'ordre et la signification de la création.

16. En s'agrégeant à un Institut séculier, le prêtre en tant que séculier justement, reste lié en intime union d'obéissance et de collaboration à l'Évêque; et, ensemble avec les autres membres du presbyterium, il aide ses confrères dans la grande mission de coopérateurs de la vérité, entretenant ces "liens particuliers de charité apostolique, de ministère et de fraternité" (Presbyterorum Ordinis, 8) qui doivent distinguer cet organisme diocésain. En outre, en vertu de son appartenance aux Instituts séculiers, le prêtre bénéficie d'une aide pour cultiver les conseils évangéliques. Nous savons bien que cette appartenance est un problème profond et vivement ressenti; il doit être résolu dans le respect du "sensus Ecclesiae". Nous savons aussi, qu'à ce propos vous êtes à la recherche de solutions adéquates, et nous encourageons cet effort, que l'on doit tenir pour valable, dans ce secteur si délicat.

Les rapports avec les Évêques

17. Un problème existe effectivement, et il se pose en termes d'une triple exigence, dont chacune est très importante: l'exigence représentée par la "sécularité" du prêtre membre d'un Institut séculier; l'exigence, en outre, que ce prêtre garde un contact intime avec son Institut, duquel il attend un aliment spirituel, une restauration et un soutien pour sa propre vie intérieure; enfin l'exigence de rester dans une stricte dépendance de l'Évêque du diocèse.

18. Nous savons, et nous venons de vous le dire, que vous faites en ce moment des études sur ce sujet, dans le but de concilier ces exigences apparemment opposées. Cherchez librement dans cette ligne; mettez au service de cet approfondissement les talents de votre préparation, de votre sensibilité, de votre expérience. Nous nous permettons seulement d'appeler votre attention sur les points que voici:

19. a) Nulle solution ne doit toucher tant soit peu à l'autorité de l'Évêque, lequel est par droit divin l'unique responsable direct du troupeau, de la portion de l'Église de Dieu (cf. Ac 20,28).

20. b) En outre, dans votre recherche ne perdez pas de vue cette réalité: l'homme est une unité personnelle, psychologique et active. Ce n'est que conceptuellement que l'on distingue en lui la dimension spirituelle et la dimension pastorale.

21. Ce disant, nous ne voulons pas, et nous nous permettons de le souligner, conditionner et encore moins mettre un terme à la recherche en cours en vous indiquant d'ores et déjà une solution. Nous voulons seulement vous inviter à tenir compte, au long de votre étude, de ces deux points qui nous paraissent d'une importance capitale.

22. Nous voici parvenus au terme de nos considérations, même si beaucoup de choses restent à dire, et bien des développements restent ouverts. Mais c'est avec une joie profonde que nous vous exprimons notre désir et notre espérance: que vos Instituts soient de plus en plus les modèles de ce que le Concile a voulu infuser à l'Église, afin de surmonter la menace dévastatrice du sécularisme, qui exalte uniquement les valeurs humaines, les détachant de Celui qui en est l'origine et de qui elles reçoivent leur signification et leur finalité ultime; et afin que l'Église soit vraiment le ferment du monde.

23. L'Église a besoin de votre témoignage! L'humanité attend que l'Église incarne toujours plus cette nouvelle attitude devant le monde, attitude qui, en vertu de votre sécularité consacrée, doit briller en vous d'une manière toute spéciale. C'est à cela que vous encourage notre Bénédiction Apostolique, que de tout coeur nous vous donnons, à vous ici présents, et à tous les membres des Instituts séculiers si méritants et qui nous sont si chers.

Rome, le 2 février 1972

Aux Responsables Généraux des Instituts Séculiers

Paul VI

(20 septembre 1972)




Chers fils et chères filles dans les Seigneur,

1. L'occasion nous est donnée d'une nouvelle rencontre avec vous, dirigeants des Instituts séculiers, qui êtes et représentez un rameau vigoureux et florissant de l'Église en ce moment de l'histoire. La circonstance de votre présence ici est aujourd'hui le congrès international qui vous réunit à Nemi, près de notre résidence d'été de Castel Gandolfo, et au cours duquel vous avez étudié les statuts de la "Conférence Mondiale des Instituts Séculiers" (C.M.I.S.) qui doit être créée.

2. Nous ne voulons pas nous immiscer dans vos travaux, qui se déroulent certainement avec sérieux et application, avec l'aide vigilante et la participation du Dicastère compétent, et dont nous souhaitons qu'il portera des fruits abondants pour le développement de vos Instituts.

3. Nous voudrions plutôt faire quelques réflexions sur ce que pourrait être le rôle des Instituts séculiers dans le mystère du Christ et dans le mystère de l'Église.

4. En vous voyant ici et en pensant aux milliers et aux milliers d'hommes et de femmes que vous représentez, nous ne pouvons pas ne pas nous sentir consolé et envahi par un vif sentiment de joie et de reconnaissance envers le Seigneur. Combien l'Église du Christ apparaît forte et florissante en vous! Aujourd'hui, certains, même parmi ses fils, déversent sur cette mère vénérable des critiques amères et impitoyables; certains se délectent à décrire ses soi-disant signes de décrépitude et à prévoir sa ruine.

5. Or, nous voyons que jaillissent d'elle constamment de nouvelles pierres précieuses et une floraison inattendue d'initiatives de sainteté. Nous savons qu'il doit en être ainsi et qu'il ne pourrait pas en être autrement parce que le Christ est la source divine et inépuisable de la vitalité de l'Église. Votre présence nous en offre un nouveau témoignage et elle est pour nous tous l'occasion d'en reprendre conscience.

6. Mais nous voulons voir de plus près la physionomie qui vous est propre dans la famille du Peuple de Dieu. Vous exprimez, en effet, une "façon propre" dont le mystère du Christ peut être vécu dans le monde et une "façon propre" dont le mystère de l'Église peut se manifester.

7. Il y a, dans le Christ rédempteur, une telle plénitude, que nous ne pouvons jamais la comprendre ni l'exprimer totalement. I1 est tout pour son Église et, en elle, ce que nous sommes, nous le sommes précisément par lui, avec lui et en lui. Également pour les Instituts séculiers, il demeure donc le modèle suprême, celui qui leur donne leur inspiration, la source à laquelle il faut puiser.

8. En prenant pour fondement le Christ sauveur, et à son exemple, vous exercez une importante mission de l'Église d'une façon caractéristique qui vous est propre. Mais l'Église aussi, à sa façon, comme le Christ, est une plénitude et une richesse telles que personne, aucune institution, ne pourraient jamais d'eux-mêmes la comprendre et l'exprimer d'une façon adéquate. I1 ne nous serait pas possible d'en découvrir les dimensions, parce que sa vie, c'est le Christ, qui est Dieu. Donc, également, la réalité et la mission de l'Église ne peuvent être exprimées complètement que dans la pluralité de ses membres. C'est la doctrine du Corps mystique du Christ, la doctrine des dons et des charismes de l'Esprit Saint.

9. Tout ceci nous amène, vous l'avez bien compris, à nous interroger sur la façon qui vous est propre d'exercer la mission de l'Église. Quel est votre don spécifique, votre rôle caractéristique? Qu'apportez-vous de nouveau à l'Église d'aujourd'hui? Ou bien: de quelle manière êtes-vous Église aujourd'hui? Cela, vous le savez; vous l'avez dit clairement à vous-mêmes et à la communauté chrétienne, nous le supposons.

10. D'une façon mystérieuse, vous êtes au point de rencontre de deux puissants courants de la vie chrétienne et vous accueillez les richesses de l'un et de l'autre Vous êtes laïcs et consacrés comme tels par les sacrements du baptême et de la confirmation; mais vous avez choisi d'accentuer votre consécration à Dieu par la profession des conseils évangéliques, assumés comme obligations par un lien stable et reconnu. Vous demeurez laïcs, engagés dans les valeurs séculières propres et particulières au laïcat (Lumen gentium, 31), mais votre sécularité est une "sécularité consacrée" (Paul VI, discours aux dirigeants et membres des Instituts séculiers à l'occasion du 25e anniversaire de Provida Mater - L'Osservatore Romano, 3 février 1972); vous êtes des "consacrés séculiers" (Paul VI, discours aux participants au Congrès international des Instituts séculiers, 26 septembre 1970, Insegnamenti, VIII, p. 939).

11. Cependant, tout en étant "séculière", votre situation diffère d'une certaine manière de celle des simples laïcs, car si vous êtes engagés dans les mêmes valeurs du monde, vous l'êtes en tant que consacrés, c'est-à-dire non tant pour affirmer la valeur intrinsèque des choses humaines en elles-mêmes que pour les orienter explicitement dans le sens des Béatitudes de l'Évangile. D'autre part, vous n'êtes pas religieux, mais d'une certaine manière votre choix coïncide avec celui des religieux parce que la consécration que vous avez faite vous situe dans le monde comme témoins de la suprématie des valeurs spirituelles et eschatologiques, c'est-à-dire du caractère absolu de votre charité chrétienne. Plus celle-ci est grande, plus elle fait apparaître la relativité des valeurs du monde; et, en même temps, elle vous aide vous-mêmes, ainsi que vos autres frères, à en bien user.

12. Aucun des deux aspects de votre physionomie spirituelle ne peut être surestimé au détriment de l'autre. L'un et l'autre sont coessentiels.

13. Le mot "sécularité" exprime votre insertion dans le monde. Mais il ne signifie pas seulement une position, une fonction qui coïncide avec la vie dans le monde du fait de l'exercice d'un métier, d'une profession "séculière" . I1 doit signifier avant tout que vous prenez conscience d'être dans le monde comme "dans le lieu propre où doit s'exercer votre responsabilité chrétienne". Être dans le monde, c'est-à-dire engagés dans des valeurs séculières, telle est votre façon d'être Église et de rendre l'Église présente, de vous sauver et d'annoncer le salut. Votre condition existentielle et sociologique devient votre réalité théologique et votre voie pour réaliser le salut et en témoigner. Vous êtes ainsi une aile avancée "dans le monde"; vous exprimez la volonté de l'Église d'être "dans le monde pour le transformer, pour travailler comme du dedans à sa sanctification, à la façon d'un ferment" (Lumen gentium, 31), tâche qui elle aussi est confiée principalement au laïcat. Vous êtes une manifestation particulièrement concrète et efficace de ce que l'Église veut faire pour construire le monde tel qu'il est décrit et souhaité par Gaudium et spes.

14. Quant au mot "consécration", il exprime la structure intime et secrète qui porte votre être et votre activité. C'est là que réside votre richesse profonde et sacrée que les hommes au milieu desquels vous vivez ne savent pas expliquer et que souvent ils ne peuvent même pas soupçonner. Votre consécration baptismale est devenue plus radicale à la suite d'une plus grande exigence d'amour suscitée en vous par l'Esprit Saint. Il ne s'agit pas d'une consécration revêtant la même forme que celle propre aux religieux; elle est cependant telle qu'elle vous conduit à choisir fondamentalement de vivre selon les Béatitudes de l'Évangile. De sorte que vous êtes réellement consacrés et réellement dans le monde. "Vous êtes dans le monde, non du monde, mais pour le monde", comme nous vous l'avions dit en une autre circonstance (Paul VI, Discours aux participants au Congrès international des Instituts séculiers, 26 septembre 1970, Insegnamenti, VIII, p. 939). Vous vivez une véritable consécration proprement dite selon les conseils de l'Évangile, mais sans que celle-ci soit pleinement visible, comme c'est le cas pour la consécration religieuse, où le caractère visible est constitué d'abord par les vœux publics, ensuite par une vie communautaire plus étroite et le "signe" de l'habit religieux. Votre forme de consécration, nouvelle et originale, est suggérée par l'Esprit Saint pour être vécue au milieu des réalités temporelles et pour insérer la force des conseils de l'Évangile - c'est-à-dire des valeurs divines et éternelles - au milieu des valeurs humaines et temporelles.

15. La pauvreté, la chasteté et l'obéissance, que vous avez choisies sont un moyen de participer à la croix du Christ, parce que vous vous unissez à lui en vous privant de biens qui sont par ailleurs licites et légitimes. Mais elles sont aussi un moyen de participer à la victoire du Christ ressuscité en vous libérant des entraves que ces valeurs pourraient facilement mettre à votre pleine disponibilité d'esprit. Votre pauvreté dit au monde que l'on peut vivre au milieu des biens temporels et que l'on peut user des moyens mis à notre disposition par la civilisation et le progrès sans en devenir esclave. Votre chasteté dit au monde que l'on peut aimer d'un amour désintéressé et inépuisable qui vient du coeur de Dieu, et que l'on peut se consacrer joyeusement à tous sans se lier à aucun, en ayant surtout le souci des plus délaissés. Votre obéissance dit au monde que l'on peut être heureux sans pour autant s'installer dans les choix confortables que l'on aura faits soi-même, mais en restant pleinement disponibles à la volonté de Dieu telle qu'elle nous est manifestée dans la vie de tous les jours, par les signes des temps et par ce qui est exigé pour le salut du monde d'aujourd'hui.

16. Ainsi votre vie consacrée permet à votre activité dans le monde tant personnelle que collective, dans les secteurs professionnels où vous êtes engagés individuellement ou collectivement - de s'orienter elle aussi plus nettement vers Dieu, en étant d'une certaine manière insérée et transportée dans votre consécration. Par cette disposition singulière et providentielle, vous enrichissez l'Église d'aujourd'hui en donnant un exemple particulier de sa vie "séculière" vécue d'une façon consacrée et un exemple particulier de sa vie "consacrée" vécue d'une façon séculière.

17. Nous voudrions ici nous arrêter sur un aspect particulier de la fécondité de vos Instituts. Nous nous tournons vers le groupe nombreux de ceux qui, consacrés au Christ dans le sacerdoce ministériel et désirant s'unir à lui par un nouveau lien exprimant le don d'eux-mêmes, font profession des conseils évangéliques dans un Institut séculier. Nous pensons à ces frères dans le sacerdoce du Christ et nous voulons les encourager, tandis que nous admirons en eux, encore une fois, l'action de l'Esprit, qui suscite inlassablement l'aspiration à une perfection toujours plus grande. Tout ce que nous avons dit jusqu'à maintenant vaut certainement aussi pour eux, mais il faudrait l'approfondir et le préciser davantage. En effet, ils font profession des conseils évangéliques et ils s'engagent dans les valeurs "séculières" non en tant que laïcs, mais en tant que clercs, c'est-à-dire en étant porteurs d'une médiation sacrée dans le Peuple de Dieu. Outre le baptême et la confirmation, qui constituent la consécration de base du laïcat dans l'Église, ils ont reçu dans l'Ordre sacré une spécification sacramentelle qui les a investis de fonctions ministérielles déterminées pour l'Eucharistie et le Corps mystique du Christ. Cela a laissé intact le caractère "séculier" de leur vocation chrétienne et ils peuvent donc l'enrichir en la vivant comme "consacrés" dans les Instituts séculiers. Mais bien différentes sont les exigences de leur spiritualité, ainsi que certaines de ses implications extérieures sur la façon dont ils pratiquent les conseils évangéliques et leur engagement séculier.

18. Nous voulons maintenant conclure en adressant à tous une invitation pressante et paternelle: entretenez, développez et ayez à coeur, toujours et partout, la communion ecclésiale. Vous êtes des éléments vitaux de cette communion parce que vous aussi vous êtes l'Église. Veuillez ne jamais porter atteinte à votre efficience sur ce point. On ne pourrait jamais concevoir ni comprendre un phénomène ecclésial en dehors de l'Église. Ne vous laissez jamais surprendre ni même effleurer par la tentation, aujourd'hui trop facile, de croire qu'une authentique communion avec le Christ est possible sans une réelle harmonie avec la communauté ecclésiale gouvernée par les pasteurs légitimes. Vous vous tromperiez et vous vous feriez illusion. Que pourrait signifier un individu ou un groupe, même avec les intentions subjectivement les plus nobles et les plus parfaites, sans cette communion? Le Christ nous l'a demandée comme une garantie pour nous admettre à la communion avec lui, de la même façon qu'il nous a demandé d'aimer notre prochain pour témoigner de notre amour pour lui.

19. Vous êtes donc du Christ et pour le Christ, dans son Église. L'Église, c'est votre communauté locale, votre Institut, votre paroisse, mais toujours dans la communion de foi, d'Eucharistie, de discipline et de fidèle et loyale collaboration avec votre évêque et la hiérarchie. Vos structures et vos activités ne devront jamais vous conduire - que vous soyez prêtres ou laïcs - à des positions équivoques ni à des divergences entre votre attitude intérieure et votre attitude extérieure, et encore moins à vous opposer à vos pasteurs.

20. C'est à cela que nous vous invitons; c'est cela que nous vous souhaitons pour que vous puissiez être au milieu du monde, de la façon qui vous est propre, des ouvriers authentiques de l'unique mission de salut confiée à l'Église, cette mission à laquelle vous avez été appelés et invités. Que le Seigneur vous aide alors à prospérer et à porter encore davantage de fruits, avec notre Bénédiction apostolique.

Castel Gandolfo, 20 septembre 1972

Discours d'Introduction a l'Assemblée des Responsables Généraux

Card. Eduardo Pironio

(23 août 1976)




Mes chers frères et amis,

1. Je voudrais vous saluer avec les mots que l'apôtre Paul adressa aux Romains: "Que le Dieu de l'espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi la joie et la paix, afin que l'espérance surabonde en vous par la vertu de l'Esprit Saint" (Rm 15,13).

2. C'est un souhait sincère, au commencement de votre rencontre auprès du Seigneur (Mc 6, 30), concernant trois attitudes que le monde contemporain - dans lequel vous êtes pleinement insérés de par votre vocation particulière - attend de vous: une paix profonde et sereine, une joie contagieuse, une espérance inébranlable et créatrice.

3. Que la prière - thème de votre Assemblée - vous rende artisans de paix, véhicules de joie et prophètes d'espérance. Nous en avons besoin. Les hommes nos frères en ont besoin, eux à qui le Christ nous envoie, à cette heure de l'histoire, pour leur annoncer la Bonne Nouvelle du Salut (cf. Rm 1,16).


I

4. Au début des travaux de cette Assemblée je voudrais vous offrir quelques simples réflexions. I1 ne s'agit pas d'un discours d'ouverture, mais bien de réflexions qu'un frère et ami vous communique. Je voudrais vous dire, en toute simplicité, ce que devrait être, à mon sens, votre Assemblée.

5. Tout d'abord, un événement, un fait ecclésial. C'est l'Église tout entière qui attend votre réponse. C'est l'Église tout entière qui vous envoie vers le monde pour le transformer de l'intérieur "à la manière d'un ferment" (L.G. 31). Vous représentez pour l'Église une nouvelle façon d'être dans le monde "sacrement universel de salut": vous êtes des laïcs consacrés, pleinement incorporés dans l'histoire des hommes de par votre profession et votre style de vie commun à tous, radicalement voués au Christ, par les conseils évangéliques, comme témoins du Royaume.

6. Votre existence et votre mission de laïcs consacrés n'ont de sens qu'à partir du sein même d'une Église qui se présente à nous comme une présence chaque jour renouvelée du Christ pascal, comme un signe et un instrument de communion (cf. L.G. 1), sacrement universel de salut. L'Église, en définitive, "c'est le Christ parmi vous! l'espérance de la gloire!" (Col 1, 27). Être signe et communication du Christ pour le salut intégral de tous les hommes: voilà le sens de votre mission dans l'Église. C'est pourquoi vivre cette Assemblée comme un événement ecclésial signifie deux choses: vivre joyeusement le profond mystère de la présence du Christ en elle et porter sereinement la responsabilité de répondre aux attentes des hommes d'aujourd'hui. Et pour cela il faut être ouverts à la Parole de Dieu, et en même temps, attentifs aux exigences de l'histoire. Nous avons besoin de vivre dans la fidélité et dans la joie le moment présent de l'Église: dans son actualité d'aujourd'hui et dans sa physionomie spécifique d'Église particulière, indissolublement unie à l'Église universelle.

7. Mais cette Assemblée est aussi, et en raison même de sa nature d'événement d'Église, un événement familial: la rencontre de la famille des Instituts séculiers, avec leurs différents charismes, mais avec la même identité de sécularité consacrée. II s'agit d'une rencontre profonde et fraternelle dans le Christ de tous ceux que le Seigneur a choisis de façon spéciale pour réaliser leur consécration totale à Dieu, par le moyen des conseils évangéliques, dans le monde, à partir du monde, pour la transformation du monde, en ordonnant les réalités temporelles selon le plan de Dieu.

8. Et puisque c'est une rencontre de famille, réunie par le Saint-Esprit de tous les coins du monde, elle doit se dérouler dans un climat de simplicité extraordinaire, de prière profonde et de sincère fraternité évangélique.

9. Climat de simplicité et de pauvreté: tous ouverts à la Parole de Dieu, puisque nous en avons un si grand besoin, et ouverts de même à la richesse féconde et variée des frères; tous disposés à partager avec humilité et générosité les différents dons et charismes dont l'Esprit nous a enrichis pour l'édification commune (cf. 1 Co 12,4-7). Celui qui se sent sûr de lui-même et croit posséder de façon exclusive la vérité complète est incapable de s'ouvrir avec docilité à la Parole de Dieu; et par conséquent, il est aussi incapable d'un dialogue d'Église constructif. La Parole de Dieu - voyez la Sainte Vierge Marie! - exige beaucoup de pauvreté, de silence, de disponibilité.

10. Ensuite, il vous faut un climat de prière - et il est même essentiel pour votre rencontre. Ce n'est pas pour faire des réflexions techniques sur la prière que vous vous êtes réunis, mais pour vous demander ensemble, à la lumière de la Parole de Dieu et partant de votre existence quotidienne, ce que doit être la prière d'un laïc consacré aujourd'hui. Il ne s'agit pas, pour vous, de discuter les différentes formes de prière, mais de voir comment en pratique tout en vivant à fond votre profession et votre engagement temporel, vous pouvez entrer en une communion immédiate et constante avec Dieu.

11. C'est pourquoi cette Assemblée - qui porte sur la prière comme expression de la consécration séculière, source de la mission et clef de la formation - doit être essentiellement une Assemblée de prière. Autrement dit, le but principal de votre réunion est de prier. Et Jésus est au milieu de nous pour nous assurer l'efficacité infaillible de notre prière, puisque nous nous sommes réunis en son nom (cf. Mt 18,20).

12. Et enfin, il vous faut un climat de fraternité évangélique; c'est d'une rencontre très profonde de frères qu'il s'agit, de frères que l'Esprit a réunis en Jésus; chacun garde son identité spécifique, chacun reste particulièrement fidèle au charisme de son Institut, tout en vivant jusqu'au fond une même expérience évangélique d'Église, et tous nous nous sentons citoyens d'un même Peuple de Dieu (cf. Eph 2,19), membres d'un même Corps du Christ (1 Co 12,27) et pierres vivantes d'un même Temple de l'Esprit ( 1 P 2,5; Eph 2,20-22) l'Église, c'est cela: la réunion de tous dans le Christ, par l'Esprit, pour la gloire du Père et le salut des hommes.

13. Cette fraternité évangélique s'exprime merveilleusement dans la simplicité et la joie quotidienne. C'étaient là les caractéristiques de la communauté chrétienne primitive: "Ils rompaient le pain dans leurs maisons, prenant leur nourriture avec joie et simplicité de coeur" (Ac 2,46). Lorsque l'on complique trop les choses et que les visages deviennent douloureusement tristes, c'est par manque d'une fraternité évangélique authentique et constructive .

14. Voilà donc les trois conditions ou exigences pour cette Assemblée de laïcs consacrés: simplicité de pauvres, profondeur de prière, fraternité sincère dans le Christ.


II

15. Je voudrais maintenant vous signaler - seulement signaler, car je ne voudrais pas trop prolonger cette introduction - trois points qui me semblent essentiels pour ce Congrès qui s'ouvre aujourd'hui: l'Église, la sécularité consacrée, et la prière.

16. Permettez-moi de le faire - puisque l'Assemblée traite de la prière - à la lumière de la prière sacerdotale ou apostolique de Jésus: écoutons ensemble quelques versets de la merveilleuse prière du Seigneur: "Père, l'heure est venue: glorifie ton Fils, pour que ton Fils te glorifie... pour qu'ils soient parfaitement un, et que le monde sache que tu m'as envoyé... Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde... Je ne te prie pas de les retirer du monde, mais de les garder du Mauvais. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. Consacre-les dans la vérité: ta parole est vérité.... Pour eux je me consacre moi-même, afin qu'ils soient eux aussi consacrés dans la vérité" (Jn 17).

17. À partir de cette prière de Jésus, qui éclaire toujours votre activité fondamentale d'hommes qui vivent dans le monde et qui prient, je voudrais souligner les trois points que je viens d'indiquer: sens ecclésial, exigences de la sécularité consacrée, mode de prière.

18. 1° - Sens ecclésial. Notre prière se réalise de l'intérieur de l'Église, conçue comme communion fraternelle des hommes avec le Père, le Fils et l'Esprit Saint. "Moi en eux et toi en moi, pour qu'ils soient parfaitement un": c'est cela l'Église. Aussi notre prière - même si nous prions seuls ou en petits groupes - a toujours une dimension ecclésiale. C'est l'Église tout entière qui prie en nous. En définitive, c'est le Christ lui-même - mystérieusement présent dans l'Église (cf. S.C. 7) - qui, en nous et avec nous, prie le Père. Par le truchement de son Esprit, qui habite en nous (Rm 8, 9 et 11), il crie "en des gémissements ineffables" (Rm 8, 26): "Abba", ce qui signifie: "Père" (Rm 8,15).

l9. Ce sens ecclésial attribue à notre prière une dimension profondément humaine et cosmique, c'est-à-dire orientée vers les hommes et vers l'histoire. C'est une prière qui éclaire et assume la douleur et la joie pour les offrir, de l'intérieur de l'histoire, au Père. C'est une prière qui tend à transformer le monde "car notre salut est objet d'espérance" (Rm 8,24) et à accélérer l'avènement définitif du Royaume (cf. 1 Co 15,24-28). Nous le demandons chaque jour dans le Pater: "que ton Règne vienne".

20. Sens ecclésial! Il est essentiel pour nous en tant que chrétiens. Et il est essentiel pour nous en tant que consacrés. I1 est essentiel pour notre prière. Quand on se sent pleinement Église - c'est-à-dire, présence salvatrice du Christ pascal dans le monde - on ressent aussi l'urgence de prier, ainsi que Jésus l'a fait et à partir du Coeur filial et rédempteur du Christ, adorateur du Père et serviteur des hommes.

21. Cette Assemblée devra refléter constamment ce sens ecclésial. Sous une forme tangible on devra sentir ici l'Église: comme présence du Christ pascal, comme sacrement d'unité, comme signe et moyen universel de salut. Vivre l'Église, exprimer l'Église, communiquer l'Église, pour prier avec le Christ de l'intérieur de l'Église.

22. Et cependant, il faut pour cela le don de l'Esprit Saint, qui est dans l'Église "le principe d'unité dans la communion" (L.G. 13). L'Esprit Saint est au commencement de notre prière: il crie en nous avec "des gémissements ineffables" (Rm 8,26), et "nul ne peut dire: 'Jésus est Seigneur', que sous l'action de l'Esprit Saint" (1 Co 12,3). Mais il est aussi le fruit de notre prière, le contenu central de ce que nous demandons par elle: "Combien plus le Père du ciel donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui l'en prient!" (Lc 11,13).

23. C'est l'Esprit Saint qui fait l'unité dans l'Église. C'est pour cela que l'unité ecclésiale, la véritable communion de tous dans le Christ, est le fruit de notre prière faite avec authenticité dans l'Esprit. Et cette unité est urgente, aujourd'hui, dans notre Église si douloureusement secouée et tendue, de même qu'elle est urgente dans le coeur de l'histoire de l'humanité qui marche vers la rencontre définitive, à travers une série de contrastes, d'incompréhensions profondes, d'insensibilité et de haine.

24. Cette Église communion - "peuple rassemblé dans l'unité du Père, du Eils et de l'Esprit Saint" (S. Cyprien; L.G. 4) est envoyée au monde pour être "sacrement universel de salut" (A.G. 1). C'est une Église essentiellement missionnaire et évangélisatrice insérée dans le monde comme lumière, sel et ferment de Dieu, pour le salut de tous les hommes. "L'Église - dit le Concile - fait route avec toute l'humanité et partage le sort terrestre du monde; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l'âme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu" (G.S. 40).

25. Cette exigence de l'Église - essentiellement Église du témoignage et de la prophétie, de l'incarnation et de la présence, de la mission et du service - suppose, dans tous ses membres, une profondeur contemplative que rien ne saurait remplacer. Face aux urgences de l'Église d'aujourd'hui, face aux attentes des hommes d'aujourd'hui, une seule attitude s'impose, simple et essentielle: "Seigneur, apprends-nous à prier" (Lc 11,1).

C'est précisément pour cela que nous nous sommes réunis ces jours-ci.

26. 2° - Sécularité consacrée. Dans ce rapport fondamental Église-Monde, dans cette insertion missionnaire de l'Église dans l'histoire de l'humanité se situe précisément, mes chers amis, votre vocation spécifique. Car toute l'Église est missionnaire, mais non de la même façon; toute l'Église est prophétique, mais pas au même niveau, toute l'Église s'incarne dans le monde, mais pas de la même manière. Et votre mode à vous c'est un mode original et unique qu'on ne saurait remplacer, vécu avec générosité et avec joie comme un don particulier de l'Esprit.

27. I1 s'agit, en effet, de votre sécularité consacrée. Vous êtes pleinement consacrés, radicalement engagés à "suivre le Christ" par le moyen des conseils évangéliques; mais en même temps vous restez pleinement laïcs, vivant dans le Christ votre profession, votre engagement temporel, vos "obligations du monde, dans les conditions ordinaires de l'existence" (A.A. 4).

28. La consécration à Dieu ne vous enlève pas du monde, elle vous y insère d'une façon nouvelle. Intérieurement vous donnez sa plénitude à votre consécration baptismale, mais vous continuez à vivre dans le monde, dans toutes les activités, dans chaque profession, ainsi que dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale. Il vous appartient pleinement, de par votre vocation même, de chercher le Royaume de Dieu en administrant les choses temporelles et en les ordonnant selon Dieu (L.G. 31). En vous, la prière de Jésus reçoit une signification spéciale: "Je ne te prie pas de les retirer du monde, mais de les garder du Mauvais ... Pour eux je me consacre (= je m'immole et me sacrifie), afin qu'ils soient eux aussi consacrés dans la vérité" (Jn 17).

29. C'est un mode nouveau de présence de l'Église dans le monde. Nul dans l'Église (même pas le contemplatif) ne cesse d'être présent dans le monde, nul ne se situe en dehors de l'histoire. Et nul, s'il a reçu "l'onction venant du Saint" dans le Baptême (1 Jn 2,20), ne manque d'être radicalement voué à l'Évangile comme témoin dans le monde de la Pâque de Jésus. Mais votre consécration spéciale à Dieu, par les conseils évangéliques, vous engage à être dans le monde les témoins du Royaume et vous incorpore au mystère pascal de Jésus - sa mort et sa résurrection - d'une façon plus profonde et plus radicale, sans vous enlever pour cela aux responsabilités normales de votre activité familiale, sociale et politique, qui constituent le cadre spécifique de votre vocation et de votre mission.

30. Ce sont là, chers amis, les deux aspects de votre riche, merveilleuse, providentielle vocation dans l'Église: la sécularité et la consécration. Il vous faut les vivre avec une égale intensité et plénitude, inséparablement unis, comme deux éléments essentiels d'une seule réalité: la sécularité consacrée. La seule façon, pour vous, de vivre votre consécration est de vous donner radicalement à l'Évangile, et cela de l'intérieur du monde, à partir du monde, en restant indissolublement fidèles à vos tâches temporelles et aux exigences intérieures de l'Esprit comme témoins privilégiés du Royaume (cf. G.S. 43). Et la seule façon de réaliser en plénitude, au moment présent, votre vocation séculière - puisque le Seigneur est entré mystérieusement dans votre vie et vous a appelés d'une façon spéciale à Le suivre radicalement - c'est de vivre avec une joie chaque jour renouvelée votre fidélité à Dieu dans la fécondité de la contemplation, dans la sérénité de la croix, dans la pratique généreuse des conseils évangéliques.

31. Il faut transformer le monde, le sanctifier du dedans, vivant à fond l'esprit des béatitudes évangéliques et préparant ainsi "les nouveaux cieux et la nouvelle terre, où la justice habitera" (2 P 3,13).

32. La sécularité consacrée exprime et réalise, d'une façon privilégiée, l'union harmonieuse entre l'édification du Royaume de Dieu et la construction de la cité temporelle, entre l'annonce explicite de Jésus dans l'évangélisation et les exigences chrétiennes de la promotion humaine intégrale.

33. Vivez la joie de cette consécration séculière, qui dans le monde d'aujourd'hui est plus actuelle que jamais. On a besoin de témoins courageux du Royaume. Soyez fidèles aux exigences de l'Évangile et préparez de l'intérieur un monde nouveau. Vivez avec responsabilité et avec force le risque de votre sécularité engagée dans une consécration spéciale au Christ à travers l'Esprit. Soyez fidèles à l'heure qui est la vôtre, à votre profession, à votre engagement temporel, aux attentes des hommes de Dieu, à la faim de Jésus et de son Royaume.

34. Vivez pleinement votre consécration à partir de la sécularité pleinement réalisée - avec le coeur ouvert au Royaume, à l'Évangile, à Jésus - et engagez-vous à transformer le monde à partir de la joie de votre consécration et avec l'esprit des béatitudes généreusement assumées et exprimées. Soyez fortement contemplatifs pour percevoir le passage du Seigneur dans les circonstances actuelles de l'histoire, pour collaborer au plan de salut de Dieu qui a voulu “ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres (Eph 1,10).

35. 3° - Mode de prière. Cela nous introduit au dernier point de notre simple réflexion: la prière. Cette Assemblée qui vous réunit est consacrée non seulement à réfléchir sur la prière, mais surtout à la célébrer. Dans le coeur inquiet de chacun de nous il y a un désir ardent et simple: "Seigneur, apprend-nous à prier" (Lc 11,1). C'est le cri d'espérance des pauvres qui cherchent en Jésus le Maître de la prière. C'est en Lui que nous aussi nous apprenons à prier, comme des hommes concrets d'un temps nouveau: "Seigneur, en ce moment tourmenté de l'histoire, dans cette période difficile de l'Église, moi qui vis dans le monde, consacré radicalement à l'Évangile, pour transformer le monde selon ton dessein, Seigneur, moi qui souffre et espère avec la souffrance et l'espérance des hommes d'aujourd'hui, comment dois je prier? Comment dois je prier pour ne pas perdre la profondeur contemplative, ni la capacité permanente de servir mes frères? Comment dois-je prier sans éluder les problèmes des hommes, ni abandonner les exigences de ma vie quotidienne, mais sans perdre de vue non plus que Tu es le Dieu unique, qu'une seule chose est nécessaire (Lc 10,42) et qu'il est urgent de chercher avant tout le Royaume de Dieu et sa justice (Mt 6,33)? Comment dois-je prier dans le monde et à partir du monde? Comment puis-je trouver un instant de silence et un coin de désert - pour T'écouter exclusivement et me livrer avec joie à ta Parole - au milieu d'une ville étourdie par les paroles des hommes et si pleine d'activités et de problèmes qui me pressent? Seigneur, apprends-nous à prier".

36. Tel est, mes chers amis, votre désir; tels sont votre souci douloureux et votre calme espérance. Dans cette Assemblée - célébration communautaire de la prière - le Seigneur vous apprendra à prier; surtout, il vous dira que ce n'est pas difficile, et encore moins, impossible; car Dieu nous ordonne de prier sans cesse, sans jamais nous lasser (Lc 18,1). Et Il n'ordonne pas de choses impossibles (St. Augustin, De Natura et Gratia, 43,50).

37. Je ne veux pas entrer dans les détails du thème de votre Assemblée. Permettez-moi seulement de vous indiquer, en tant que frère et ami, trois pistes pour vos travaux.

38. Tout d'abord, la personne même du Christ. Il vous faut chercher dans l'Évangile la figure du Christ priant: dans le désert, sur la montagne, au Cénacle, dans l'agonie du jardin des oliviers, sur la croix. Quand, comment et pourquoi le Christ a-t-il prié? Je voudrais seulement vous rappeler que la prière de Jésus - si profondément filiale et rédemptrice - était toujours mêlée d'une forte expérience du Père dans la solitude, d'une conscience très claire que tous le cherchaient et d'une infatigable activité missionnaire comme prophète de la Bonne Nouvelle du Royaume pour les humbles et comme médecin spirituel pour la guérison intégrale des malades. Saint Luc le résume ainsi, dans un texte qui mériterait d'être analysé avec soin. "Sa réputation se répandait de plus en plus, et des foules nombreuses accouraient pour l'entendre et se faire guérir de leurs maladies. Mais lui se retirait dans la solitude et priait" (Lc 5,15-16).

39. En deuxième lieu, je voudrais vous rappeler que le principe de votre prière est toujours l'Esprit Saint, mais que le mode spécifique - et l'unique pour vous - est de prier à partir de votre sécularité consacrée: ce qui vous oblige à chercher, tout particulièrement, l'unité entre la contemplation et l'action, et à éviter "le divorce entre la foi et le comportement quotidien", ce qui doit être "compté parmi les plus graves erreurs de notre temps" (G.S. 43).

40. Non seulement votre prière doit précéder et rendre fécond votre travail, mais elle doit le pénétrer intégralement et lui donner un sens particulier d'offrande et de rédemption. Non seulement votre profession ne saurait empêcher ou suspendre votre prière, mais elle doit même vous servir de source d'inspiration, de vie et de réalisme contemplatif. Cela n'est certes pas facile; vous chercherez les voies; je vous en indique simplement deux: soyez véritablement pauvres et demandez-le instamment à l'Esprit Saint et à Notre Dame du Silence et de la Contemplation.

41. Enfin, je voudrais indiquer trois conditions évangéliques nécessaires pour tout genre de prière: la pauvreté, l'authenticité du silence et la véritable charité.

42. La pauvreté: avoir conscience de nos limites, de notre incapacité à prier comme il faut (Rm 8,26), de la nécessité du dialogue avec les autres, surtout de notre faim profonde de Dieu Aux pauvres seuls seront révélés les secrets du Royaume de Dieu (cf. Lc 10,21). Les pauvres ont une façon de prier simple et sereine, infailliblement efficace: "Seigneur, si tu le veux, tu peux me guérir", "Je le veux, sois guéri!" (Mt 8,2-3).

43. Le silence: ce n'est pas facile dans le monde, mais ce n'est pas plus facile dans un couvent. Tout dépend d'un esprit intérieurement pacifié et concentré en Dieu. Ce qui s'oppose au véritable silence, ce n'est pas le bruit extérieur, l'activité ou la parole; ce qui s'oppose, c'est le moi constitué comme centre. Aussi la première condition pour bien prier, c'est de s'oublier. Parfois un laïc engagé prie mieux qu'un moine exclusivement concentré sur son problème. C'est pour cela que nous parlons de "l'authenticité du silence". C'est, en partie du moins, le sens des mots de Jésus: "Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra" (Mt 6,6). L'essentiel, ce n'est pas d'entrer dans la chambre; ce qui est vraiment important, c'est que le Père est là et nous attend.

44. La véritable charité: il me semble que c'est le secret d'une prière féconde. Il faut entrer dans la prière avec un coeur de "frère universel". Nul ne peut ouvrir son coeur à Dieu sans une ouverture fondamentale aux frères. La conséquence ou le fruit d'une prière véritable sera une ouverture plus profonde et plus joyeuse aux autres. On ne peut pas expérimenter la présence de Jésus dans les hommes sans une forte et profonde expérience de Dieu dans la solitude féconde du désert. Mais cette rencontre avec le Seigneur, dans l'intimité privilégiée de la contemplation, doit nous conduire à la découverte continue de sa présence chez les nécessiteux (cf. Mt 25).

45. Ce que je veux dire c'est que pour bien prier il faut vivre dans la charité, mais si l'on prie bien - entrant sincèrement en communion avec le Père par le Fils et dans l'Esprit Saint - on sort de la prière avec une capacité infatigable de donner et de servir les frères. La charité authentique - immolation à Dieu et dévouement aux frères - est ainsi au commencement, au milieu et au terme d'une prière véritable.

46. La prière du laïc consacré - pour qu'elle soit vraiment expression de son joyeux dévouement à Jésus-Christ, source féconde de sa mission et clef essentielle de sa formation - doit être faite "au nom de Jésus" (cf. Jn 16, 23-27), c'est-à-dire, sous l'action infailliblement efficace de l'Esprit Saint. C'est l'Esprit de Vérité qui nous conduit vers la vérité tout entière (Jn 16,13) et nous aide à rendre simultanément témoignage du Christ (cf. Jn 15,26-27) dans la réalité concrète et quotidienne de notre vie. D'une part, il nous aide à entrer dans le Christ plus profondément et à goûter sa parole; de l'autre, il nous dévoile son passage dans l'histoire et il nous fait écouter avec responsabilité les appels et les attentes des hommes.

47. En d'autres termes: l'Esprit de Vérité demeure auprès de nous (cf. Jn 14,17), et il nous fait comprendre intérieurement, dans l'unité profonde de la vie consacrée dans le monde, que "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique ... Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui" (Jn 3,16-17).

48. La consécration séculière est un témoignage de cet amour intime et universel du Père. La vie d'un laïc consacré se transforme ainsi, par l'action sans cesse recréative de la prière, en une simple manifestation de l'infatigable bonté du Père. Car l'Esprit Saint en fait une nouvelle présence du Christ: "Vous êtes une lettre du Christ, ...écrite non avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs" (2 Cor 3,3).

49. Que la Sainte Vierge Marie, modèle et maîtresse de prière, vous accompagne et vous éclaire tout au long de ces journées; qu'elle vous introduise dans son coeur contemplatif (cf. Lc 2,19) et vous apprenne à être pauvres. Qu'elle vous prépare à l'action profonde de l'Esprit et vous rende fidèles à la Parole. Qu'elle vous répète au plus profond de vous-mêmes ces deux simples phrases de l'Évangile, l'une venant d'Elle, l'autre de son Fils: "Tout ce qu'il vous dira, faites-le" (Jn 2,5); "Heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la gardent!" (Lc 11,28).

Rome, le 23 août 1976.

Une présence vivante au service du monde et de l'Église

Paul VI

(25 août 1976)




Chers Fils et chères Filles dans le Seigneur,

1. C'est bien volontiers que nous avons accueilli la demande du Conseil exécutif de la Conférence Mondiale des Instituts Séculiers, lorsque, en temps voulu, il nous fit part du désir de cette rencontre. Elle nous offre, en effet, l'occasion de vous exprimer, avec notre estime, les espoirs de l'Église dans le témoignage particulier que les Instituts séculiers sont appelés à rendre parmi les hommes d'aujourd'hui.

2. Il n'est pas nécessaire de nous arrêter pour mettre en lumière les caractéristiques particulières qui définissent votre vocation, puisque, dans leurs traits fondamentaux qui sont "une vie totalement consacrée, en suivant les conseils évangéliques, et une présence et une action destinées, en toute responsabilité, à transformer le monde du dedans", ces caractéristiques peuvent être maintenant considérées comme une acquisition certaine de votre conscience institutionnelle. Tout cela, nous l'avons rappelé à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de la Constitution apostolique Provida Mater (Discours du 2 février 1972).

3. A la place qui est nôtre, notre désir est de souligner plutôt le devoir fondamental qui découle de la physionomie évoquée tout à l'heure, c'est-à-dire le devoir d'être fidèle. Cette fidélité, qui n'est pas immobilisme, signifie avant tout attention à l'Esprit Saint qui fait l'univers nouveau (cf. Ap 21,5). Les Instituts séculiers, en effet, sont vivants dans la mesure où ils participent à l'histoire de l'homme, et témoignent auprès des hommes d'aujourd'hui, de l'amour paternel de Dieu, révélé par Jésus-Christ dans le Saint-Esprit (cf. Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, 26).

4. S'ils demeurent fidèles à leur vocation propre, les Instituts séculiers deviendront comme "le laboratoire d'expériences" dans lequel l'Église vérifie les modalités concrètes de ses rapports avec le monde. C'est pourquoi ils doivent écouter, comme leur étant adressé surtout à eux, l'appel de l'Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi: "Leur tâche première ... est la mise en œuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives dans les choses du monde. Le champ propre de leur activité évangélisatrice, c'est le monde vaste et compliqué de la politique, du social, de l'économie, mais également de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass media" (no. 70).

5. Cela ne signifie pas, évidemment, que les Instituts séculiers, en tant que tels, doivent se charger de ces tâches. Cela revient normalement à chacun de leurs membres. C'est donc le devoir des Instituts eux-mêmes de former la conscience de leurs membres à une maturité et à une ouverture qui les poussent à se préparer avec beaucoup de zèle à la profession choisie, afin d'affronter ensuite avec compétence, et en esprit de détachement évangélique, les poids et la joie des responsabilités sociales vers lesquelles la Providence les orientera.

6. Cette fidélité des Instituts séculiers à leur vocation spécifique doit s'exprimer avant tout dans la fidélité à la prière, qui est le fondement de la solidité et de la fécondité. I1 est donc très heureux que vous ayez choisi comme thème central de votre Assemblée la prière en tant "qu'expression d'une consécration séculière" et "source de l'apostolat et clé de la formation". C'est-à-dire que vous êtes en recherche d'une prière qui soit expressive de votre situation concrète de personnes "consacrées dans le monde".

7. Nous vous exhortons donc à poursuivre cette recherche, en vous efforçant de faire en sorte que votre expérience spirituelle puisse servir d'exemple à tout laïc En effet, pour celui qui se consacre dans un Institut séculier, la vie spirituelle consiste à savoir assumer la profession, les relations sociales, le milieu de vie, etc. comme formes particulières de collaboration à l'avènement du Royaume des cieux, et à savoir s'imposer des temps d'arrêt pour entrer en contact plus direct avec Dieu, pour Lui rendre grâce et pour Lui demander pardon, lumière, énergies et charité inépuisable pour les autres.

8. Chacun de vous bénéficie assurément du soutien de son Institut, par les orientations spirituelles qu'il donne, mais surtout par la communion entre ceux qui partagent le même idéal sous la conduite de leurs responsables. Et, sachant que Dieu nous a donné sa Parole, celui qui s'est consacré se mettra très régulièrement à l'écoute de la Sainte Écriture, étudiée avec amour et accueillie avec une âme purifiée et disponible, pour chercher en elle, ainsi que dans l'enseignement du Magistère de l'Église, une interprétation exacte de son expérience quotidienne vécue dans le monde. De façon spéciale, en s'appuyant sur le fait même de sa consécration à Dieu, il se sentira engagé à favoriser les efforts du Concile pour une participation toujours plus intime à la sainte liturgie, conscient que la vie liturgique bien ordonnée, bien intégrée dans les consciences et les habitudes des fidèles, contribuera à maintenir vigilant et permanent le sens religieux, à notre époque, et à procurer à l'Église un nouveau printemps de vie spirituelle.

9. La prière deviendra alors l'expression d'une réalité mystérieuse et sublime, partagée par tous les chrétiens, c'est-à-dire l'expression de notre réalité de fils de Dieu. Elle sera une expression que le Saint-Esprit purifie et assume comme sa propre prière, en nous poussant à crier avec Lui: Abba, c'est-à-dire Père! (cf. Rm 8, 14ss; Ga 4,4ss).

10. Une telle prière, si elle parvient à être consciente dans le contexte même des activités séculières, est alors une véritable expression de la consécration séculière.

11. Telles sont les pensées chers fils et chères filles, que nous voulons confier à votre réflexion, afin de vous aider dans votre recherche d'une réponse toujours plus fidèle à la volonté de Dieu, qui vous appelle à être dans le monde, non pour en assumer l'esprit, mais pour porter au milieu de lui un témoignage susceptible d'aider vos frères à accueillir la nouveauté de l'Esprit dans le Christ. Avec notre Bénédiction Apostolique.

Rome, 25 août 1976

Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers (CRIS)

Les personnes mariées et les instituts séculiers

(10.5.1976)




1. La vocation propre des Instituts Séculiers, vocation de présence aux valeurs des réalités terrestres, a conduit plusieurs d'entre eux à porter leur attention sur la famille et la "valeur sacrée de l'état matrimonial" (G.S. 49).

2. Cette attention peut se traduire par des réalisations diverses. S'agit-il, par exemple, d'œuvrer directement pour la cause de la famille chrétienne, des Instituts prennent naissance avec cette finalité spécifique. Veut-on permettre à des personnes mariées de participer à la spiritualité et à la vie d'un Institut, et en voilà de fait qui leur offrent cette possibilité: certains Instituts séculiers donnent à de telles personnes, directives et soutien pour vivre un engagement évangélique dans l'état matrimonial, et ils les considèrent comme leurs membres au sens large.

3. Les documents fondamentaux relatifs aux Instituts séculiers - en particulier l'Instruction Cum Sanctissimus (art. VII, a) - prévoient en effet l'admission de ces membres; mais le principe général comporte des applications différentes, et les problèmes surgissent.

4. Pour avoir une vision complète de la réalité telle qu'elle se présente, la Section pour les Instituts séculiers a effectué une enquête en 1973, auprès des Instituts dont les Constitutions déterminent l'existence de membres au sens large. Le résultat de l'enquête a mis en relief une variété de questions relativement à ces membres: engagements, participation à la vie de l'Institut selon des modes et à des degrés divers, etc. Un Institut a même voulu envisager la possibilité d'accueillir les personnes mariées comme membres au sens plein.

5. La Section pour les Instituts séculiers n'a pas jugé nécessaire de revenir officiellement sur une disposition déjà claire, définie et connue, comme celle de la chasteté dans le célibat pour les membres, au sens strict, des Instituts séculiers. Toutefois - surtout pour apprécier s'il convient de donner des directives au sujet des membres au sens large - elle a décidé d'intéresser à ce problème ses neuf consulteurs. Par un bref questionnaire, elle a présenté à leur réflexion: d'une part, la présence de personnes mariées comme membres au sens large; d'autre part, l'éventualité d'une intégration complète de ces personnes dans les Instituts séculiers.

6. L'ensemble des réponses a démontré la nécessité de soumettre la question au Congresso, en vue d'éventuelles décisions. Comme on le sait, le Congresso est l'organe collégial de la Congrégation, et il est formé du Cardinal Préfet, du Secrétaire, du Sous-Secrétaire et des Officiers de la Section. I1 bénéficie en outre, de la contribution d'experts, spécialement pressentis pour le thème étudié. I1 possède les fonctions d'étude, d'examen et de décision (cf. Informationes Année I, no. 1, page 52).

7 . Pour ledit Congresso, la Section a demandé à deux experts (théologiens et canonistes) d'examiner la question qui nous occupe, et d'exprimer leur avis motivé en tenant compte des réponses des consulteurs.

8. Nous présentons donc, en première partie, une synthèse des réponses des consulteurs, et dans une seconde partie, les conclusions et décisions du Congresso.

I.—LA CONSULTATION

9. La synthèse des réponses à cette consultation met en relief les trois assertions suivantes:

- La chasteté dans le célibat doit être absolument affirmée pour les membres des I.S.

- Les personnes mariées peuvent être membres au sens large de tels Instituts moyennant certaines mesures de prudence.

- La naissance d'Association de personnes mariées serait souhaitable ...

A - LA CHASTETÉ DANS LE CÉLIBAT POUR LES MEMBRES D'I.S.

10. L'affirmation s'appuie sur:

a) des motifs doctrinaux et canoniques.

La charte des I.S. est suffisamment claire en la matière: "Les associés qui désirent appartenir à l'Institut comme membres au sens strict, doivent, outre les exercices de piété et de renoncement auxquels tous les fidèles qui aspirent à la perfection de la vie chrétienne s'adonnent nécessairement, tendre efficacement à cette perfection également par les moyens particuliers suivants:


11. 1° par la profession faite devant Dieu du célibat et de la chasteté parfaite, profession qui sera, conformément aux Constitutions, sanctionnée par un vœu, un serment, une consécration obligeant en conscience ..."
(P.M. art. III).

12. Or, les développements ultérieurs de la doctrine n'ont fait que confirmer cette condition essentielle, à savoir la profession faite devant Dieu du célibat et de la chasteté parfaite. Pour s'en convaincre, il suffit de s'en référer aux textes conciliaires et postconciliaires, notamment: L.G. 42-44, P.C. 11, Discours de Paul VI. C'est ce qu'exprime l'un des consulteurs en ces termes:

13. "Même si de 1947 à nos jours, d'importants développements se sont vérifiés dans la doctrine catholique du laïcat, en se référant particulièrement au mariage, la distinction évangélique entre la vie d'une personne mariée et celle d'un "célibataire pour le Royaume" n'a subi (ni elle ne le pouvait) aucune variation sensible. Bien plus, la vaste crise qui s'est manifestée à propos du célibat sacerdotal, a permis de voir plus clair et plus profond en cette valeur de "première place" parmi les conseils, qui "a toujours été l'objet de la part de l'Église d'un honneur spécial" (L. G. 42)".

b) un choix précis pour répondre à un appel du Seigneur:

14. Par une libre réponse au choix du Seigneur, "l'appelé" choisit de renoncer à certains biens, même légitimes, en vue du Royaume. Le renoncement au bien légitime qu'est le mariage s'impose aux membres d'I.S. qui choisissent une vie de consécration totale à Dieu.

C'est ce qui se dégage aussi des réponses données par les consulteurs:15. "... Se décider à vivre selon les conseils évangéliques signifie s'orienter vers des valeurs déterminées et se limiter, simultanément, en renonçant à d'autres valeurs ...".

16. "... Le sens particulier du choix du célibat fait par les membres d'I.S. (n'est pas) dans le respect de normes canoniques ou de motifs extrinsèques, mais exclusivement dans la réponse gratuite et spontanée à un appel particulier du Seigneur".

17. De son côté, Paul VI déclarait en 1972 aux Responsables généraux des I.S.: "La pauvreté, la chasteté et l'obéissance que vous avez choisies sont un moyen de participation à la Croix du Christ, parce que vous vous unissez à lui en vous privant de biens qui sont par ailleurs licites et légitimes" (Paul VI, 20.9.1972).

18. Ce renoncement à des biens légitimes, le Seigneur ne le demande pas à tous; il ne le demande pas normalement à ceux qui vivent dans l'état du mariage, lesquels doivent - en recevant et en donnant - participer aux joies humaines d'un foyer chrétien. Ce renoncement total est le propre de ceux que Dieu appelle spécialement à lui témoigner une préférence absolue, et qui répondent en se consacrant à Lui totalement.

c) la nécessité d'éviter des confusions.

19. Ces choix différents font que les personnes mariées et celles consacrées spécialement à Dieu, doivent parvenir à la perfection de la vie chrétienne - à la sainteté à laquelle nous sommes tous appelés - par des modes adaptés à leurs situations particulières: les uns se rattachent au sacrement du mariage, en ce sens qu'ils doivent permettre aux conjoints d'atteindre la plus haute sainteté dans l'état matrimonial; les autres se relient à la substance d'une "consécration spéciale" au Seigneur. Le sacrement du mariage offre aux époux chrétiens les moyens de se sanctifier et de rendre gloire à Dieu dans leur condition propre d'époux, dans leur mission sublime de père et de mère (cf. G.S. 48); et rien n'empêche ceux qui le veulent, de recourir à des engagements évangéliques selon leur état, si cela les aide à accomplir parfaitement leurs obligations et leur mission. Quant aux fidèles qui choisissent de suivre le Christ d'une façon plus intime, ils trouvent de même dans leur consécration par la profession des conseils évangéliques, secours et grâce pour réaliser leur don total au Seigneur. Cette distinction apparaît nettement dans les textes conciliaires, et elle est soulignée également dans les réponses des consulteurs:

"Il s'agit de réalités absolument distinctes, bien que dans la ligne d'une sainteté unique, et il serait dangereux de les confondre. Ce serait dangereux pour les Instituts séculiers qui finiraient par perdre le vrai sens de leur charisme; mais ce serait dangereux aussi pour les personnes mariées entraînées sur un terrain qui finirait par les soumettre à des règles non conformes à leur état de vie".

20. Paul V1, dans son message du 20.4.1975 pour la journée mondiale des vocations, met bien en relief le témoignage spécifique donné par les âmes consacrées à Dieu. I1 souligne d'abord, en cette période marquée par le manque de vocations, le rôle irremplaçable joué par des laïcs à la foi et au témoignage admirables, tandis qu'ils assument des responsabilités, exercent des ministères ... Lui-même s'en réjouit, encourage cette promotion du laïcat. Mais il ajoute ensuite:

21. "Mais tout cela - est-il besoin de le dire - ne supplée pas le ministère indispensable du prêtre, ni le témoignage spécifique des âmes consacrées. I1 les appelle. Sans eux, la vitalité chrétienne risque de se couper de ses sources, la Communauté de s'effriter, l'Église de se séculariser".

22. Sans minimiser le témoignage donné par des laïcs authentiquement chrétiens, le Saint-Père reconnaît que l'Église attend des âmes consacrées un témoignage spécifique, essentiel pour la vitalité même de toute la Communauté ecclésiale. I1 convient donc d'éviter toute confusion entre l'état de personnes mariées qui s'engagent à la pratique de la chasteté conjugale et celui de personnes qui ont choisi la chasteté dans le célibat pour répondre à un appel spécial du Seigneur. S'il est vrai que les unes et les autres doivent tendre à la perfection de la charité chrétienne et témoigner de l'Amour du Christ, il reste qu'elles le font nécessairement selon deux voies distinctes, selon deux états de vie tellement différents qu'on ne peut embrasser à la fois l'un et l'autre.

23.Il s'ensuit que les personnes mariées ne peuvent faire complètement partie d'Instituts séculiers dont les membres sont essentiellement voués à la chasteté dans le célibat.

B—LES PERSONNES MARIÉES MEMBRES AU SENS LARGE DES I.S.

24. Les membres au sens large d'un Institut séculier ont la possibilité de rester dans leur condition propre - éventuellement celle de personnes mariées - et de s'exercer toutefois à la perfection évangélique en participant aux avantages spirituels d'un Institut, à son apostolat propre, comme à un certain nombre de ses exigences. C'est dans ce sens précis qu'on peut parler d'admission de personnes mariées dans un Institut séculier. Cela suppose le respect de certaines mesures de prudence, en vue de sauvegarder la valeur du mariage. Ces mesures, d'après les réponses des consulteurs, concernent les points suivants:

a) les motifs de la demande d'admission et les conditions d'acceptation.

25. L'un des consulteurs fait allusion aux motifs qui, dans le passé, ont conduit à admettre les personnes mariées comme membres au sens large: d'une part, une certaine primauté accordée aux "célibataires en vue du Royaume", et partant la nécessité pour les conjoints de se mettre à leur école; d'autre part, le besoin confus chez les Instituts séculiers de se créer une première zone de rayonnement, non sans référence à l'éveil de vocations pour les Instituts eux-mêmes.

26. Une seule réponse évoque de manière précise et actuelle les motifs de la demande d'admission et les conditions d'acceptation:

"On devrait examiner avec un soin particulier les motifs des conjoints qui veulent entrer dans un Institut séculier. S'il s'avérait une fuite du mariage ou une conception du mariage le dévalorisant, on devrait repousser la demande ... Si l'Institut ne donnait pas la possibilité de vivre le mariage chrétiennement, voire parfaitement, le but d'une telle appartenance serait manqué".

b) le consentement de l'autre conjoint à l'admission de l'un d'eux.

27. D'après la quasi totalité des réponses sur ce point, l'admission d'une personne mariée comme membre au sens large d'un Institut séculier nécessite le consentement de son conjoint. Ainsi que le remarque l'une d'elles, "l'hypothèse contraire s'oppose à la nature même du mariage compris avant tout comme communauté spirituelle". Un seul consulteur est d'avis de ne pas imposer un tel consentement, mais il suppose une entente préalable entre les deux conjoints:

"Autant je souhaite que les deux conjoints s'informent réciproquement, cherchent ensemble et se mettent d'accord, autant je n'imposerais pas à l'un d'avoir à obtenir le consentement de 1'autre".

28. Cela revient à dire que, normalement, l'admission d'une personne mariée dans un Institut séculier ne doit pas se faire à l'insu de l'autre conjoint.

c) la participation d'un membre marié au gouvernement de l'Institut.

29. A cet égard, les réponses des consulteurs sont un peu plus complexes. I1 en ressort néanmoins que la participation active des membres mariés au gouvernement de l'Institut ne paraît pas opportune. Un seul des consulteurs envisage franchement une telle participation, mais il en laisse entrevoir les risques sérieux:

S'il existe de fait des Instituts séculiers qui admettent des personnes mariées comme membres au sens large: je soutiendrais que leurs représentants participent au gouvernement, mais de manière proportionnelle ... Il est juste en effet, si un Institut admet des personnes mariées, qu'il en assume toutes les conséquences. Il y a des risques: les inévitables implications réciproques de l'Institut dans la vie familiale et de la famille dans la vie de l'Institut. En outre - à un moment historique où il devient particulièrement difficile de vivre la virginité - dans le cas où les personnes mariées seraient en majorité, les célibataires auraient peu de représentants dans le gouvernement, d'où le danger que la virginité ne soit pas suffisamment mise en valeur.

30. D'après l'ensemble des réponses, la participation des membres mariés au gouvernement de l'Institut est ainsi envisagée:

- dans trois réponses, c'est une éventualité à écarter;

- pour d'autres consulteurs, une représentation des membres mariés au gouvernement de l'Institut peut être admise, mais pour délibérer des seules questions qui les concernent;

- d'après l'un d'eux, un gouvernement propre à de tels membres est souhaité.

31. Cette dernière réponse, parlant de groupement à part avec un gouvernement propre, rejoint le troisième aspect de notre question.

C—LA NAISSANCE D'ASSOCIATIONS DE PERSONNES MARIÉES SERAIT SOUHAITABLE…

32. Ce souhait est traduit plus ou moins explicitement dans toutes les réponses des consulteurs. Voici les extraits de deux propositions:

1) J'aimerais poser le problème autrement.

Non pas: des personnes mariées sont intéressées par les Instituts séculiers; quelle place peut-on leur y faire?

Mais: des personnes mariées sont attirées par la perfection évangélique, comment les y aider?

33. La seconde (perspective) permettrait une recherche plus libre et conduirait sans doute à la vraie solution. C'est la question de la possibilité d'un certain radicalisme de la vie évangélique dans le mariage".

34. 2) I1 paraît souhaitable que naissent des Associations pour les conjoints qui entendent s'engager communautairement à la suite du Christ, dans l'esprit des béatitudes et des conseils évangéliques ... On répondrait ainsi au désir de tant de personnes mariées de voir pleinement reconnues par l'Église, et la valeur sanctifiante du mariage, et l'égalité substantielle de tous les membres du Peuple de Dieu face au précepte de tendre à la perfection de la charité ... La définition du contenu concret des engagements d'obéissance et de pauvreté que prendraient les conjoints, ne peut être que le fruit de leurs propres expérimentation et réflexion. Pour que cela se fasse de manière adéquate, il semble absolument indispensable que l'expérimentation et la réflexion se développent entre conjoints, sans confusion avec d'autres formes de vie...".35. De l'ensemble des réponses exprimées, on a pu dégager deux idées:

- Il convient de promouvoir des Associations de personnes mariées. Les motifs allégués se résument ainsi: répondre au besoin ressenti par ces personnes de s'unir pour mieux vivre leur foi; répondre à leur désir de voir pleinement reconnues par l'Église, et la valeur sanctifiante du mariage, et substantiellement la possibilité pour tous les membres du Peuple de Dieu de tendre à la perfection de la charité; offrir à ces mêmes personnes la possibilité effective d'un certain radicalisme de vie évangélique dans le mariage.

- Ces Associations de personnes mariées seraient distinctes des Instituts séculiers

36. En marge de cette seconde affirmation, il est suggéré par un seul consulteur, que la période d'expérimentation pourrait être confiée aux soins de la Section pour les Instituts séculiers.

II.—LES CONCLUSIONS ET DÉCISIONS DU CONGRESSO

37. Ainsi que nous l'avons signalé ci-dessus, deux experts ont été appelés à donner leur avis motivé, au cours d'un Congresso qui s'est tenu au siège de cette Congrégation. Leurs arguments rejoignent ceux des consulteurs et doivent se grouper autour des mêmes points sur lesquels s'est prononcé l'organe collégial du Dicastère.

1° - La "consécration spéciale" des membres d'I.S. ne peut être remise en cause.

38. Les experts fondent leurs affirmations spécialement sur les principes doctrinaux, tout en mentionnant les aspects métaphysiques et spirituels de la question. Ils rappellent que les Instituts séculiers constituent essentiellement un état de perfection ou de consécration reconnu par l'Église, et ils s'appuient pour cela sur l'enseignement du Magistère et la praxis suivie en ces dernières décennies.39. Pour les Instituts séculiers, comme pour les Instituts religieux, "leur nature même exige l'engagement à la chasteté parfaite dans le célibat - ce qui exclut nécessairement les personnes mariées (formaliter ut sic) - à la pauvreté et à l'obéissance".

40. "L'enseignement et la praxis de la sainte Église, jusqu'au Concile et aux discours les plus récents du Saint-Père, ont déterminé très clairement la nécessité de la profession effective des trois conseils évangéliques ... profession que des personnes mariées ne peuvent émettre".

Et pour écarter toute équivoque sur ces conseils, une précision s'ajoute:

41. "Il ne s'agit pas de n'importe quel conseil de l'Évangile, mais des conseils évangéliques "typiques"; c'est-à-dire de la chasteté dans le célibat, de la pauvreté et de l'obéissance, assumées comme forme stable de vie, au moyen du vœu ou autre lien sacré reconnu par l'Église dans un Institut. C'est ce qui caractérise le membre d'Institut séculier dans le monde, le distinguant d'un simple baptisé. Les textes constitutionnels des Instituts séculiers, à savoir Provida Mater (I, §§ 1-3), Primo feliciter (II), Cum Sanctissimum (VIII a.b), de même que les discours pontificaux, ne laissent aucun doute sur cette "consécration" qui qualifie le séculier dans le monde".

42. Il importe donc de réaffirmer ce principe fondamental que la profession des trois conseils évangéliques confère une "consécration spéciale", enracinée dans celle du baptême et la complétant. Or, "l'élément essentiel et constitutif de réalité qui consacre à Dieu dans la vocation d'un Institut de perfection, c'est la chasteté parfaite ... Alors que pauvreté et obéissance - spécialement dans les Instituts séculiers - ¬peuvent être nuancées ..., la chasteté parfaite s'impose comme élément indispensable d'appartenance totale au Seigneur".

43. Et l'expert continue: "Nous sommes là au centre de la vocation spécifique ... caractérisant essentiellement un Institut séculier et ses membres proprement dits. Si, même inconsciemment, on en venait à exclure la réalité qui est au coeur de la 'nouveauté' du printemps de grâce dans le monde que sont les Instituts séculiers, la 'vocation spéciale' qui en est à la base n'aurait plus sa raison d'être dans l'Église".

44. Ainsi donc les consulteurs, les experts et le Congresso s'accordent à confirmer la même conclusion: le don de Dieu qu'est la "consécration spéciale" impose aux membres proprement dits des Instituts séculiers la profession des conseils évangéliques, et, partant, la chasteté parfaite dans le célibat.

2° - Les personnes mariées dans les I.S. sont des membres au sens large.

45. La possibilité pour des personnes mariées d'appartenir à un Institut séculier ne peut être mise en doute. Ainsi que le remarquait un expert au Congresso: déjà Provida Mater l'admettait - indirectement, en parlant des "associés qui désirent appartenir à l'Institut comme membres au sens strict" (P.M. III, § 3). Cela revenait à dire que d'autres pourraient appartenir à l'Institut comme membres au sens large. De fait, une telle éventualité a été explicitement affirmée par l'Instruction Cum Sanctissimus (VII, a). I1 résulte toutefois de ces documents constitutionnels qu'il y a diversité d'appartenance, une diversité justement et essentiellement spécifiée, dans le fait d'embrasser à un degré plus ou moins élevé chacun des conseils évangéliques. Sans aucun doute, cela se rapporte tout spécialement au conseil de chasteté: si la chasteté dans le célibat "pour le Royaume" est absolument indispensable pour des membres au sens strict, cette exigence n'est pas requise pour des membres au sens large, lesquels peuvent être en conséquence des personnes mariées. Si le mode d'appartenance à un Institut séculier se base surtout sur la profession effective du conseil de chasteté, il s'ensuit qu'on ne pourra jamais supprimer toute distinction, ni assimiler totalement les membres mariés aux membres célibataires. Autrement dit, les personnes mariées sont nécessairement des membres au sens large dans les Instituts séculiers. C'est là une conclusion normale, admise d'emblée, tant par les consulteurs que par l'organe collégial de cette Congrégation.

46. Faut-il en déduire qu'une telle distinction dans l'appartenance des membres à un Institut séculier suppose des mesures rigides telles, qu'on ne puisse envisager une étroite participation des uns à la vie des autres? A cet égard, les expériences sont diverses et les avis assez nuancés. Les conclusions des consulteurs reflètent différentes tendances, en ce qui concerne par exemple les conditions d'admission, ou bien la participation au gouvernement de l'Institut. Tenant compte de cette variété, les experts et le Congresso invitent à poursuivre prudemment cette expérience de vie.

47. Mais, étant donnée l'impossibilité d'introduire des membres mariés dans un Institut "à parité de droits et de devoirs" avec les membres au sens strict, on a pu se demander s'il ne convenait pas d'envisager une formule nouvelle pour les conjoints. On a alors examiné l'éventualité d'Associations de personnes mariées.

3° - Vers des Associations avec des personnes mariées ?

48. Ainsi que l'ont montré les réponses des consulteurs, les Associations de personnes mariées, ou avec des personnes mariées, correspondent à un mouvement d'actualité, dans le contexte de l'appel universel à la sainteté dont parle le Concile (L.G. 5). De leur côté, les experts ont montré l'opportunité "d'affronter concrètement cette réalité, parce que là aussi, le souffle de l'Esprit pousse ou appelle à la perfection de la charité, en choisissant les moyens que Lui-même juge adaptés à notre temps".

49. Le Congresso a donc considéré le problème avec la plus grande attention, afin de tenir compte des aspirations profondes et légitimes qui voudraient donner naissance à de tels groupements. I1 a reconnu la nécessité d'aider, soutenir, guider éventuellement ce nouveau genre d'Associations. Mais, en ce domaine comme en bien d'autres, c'est l'expérience de la vie qui suggère, précise et perfectionne ... I1 est donc prématuré d'entrevoir les modalités pratiques qui permettraient l'éclosion de ces nouvelles "pousses" dans l'Église. La conclusion du Congresso, affirmant l'opportunité de prendre éventuellement en considération les Associations avec des personnes mariées, n'en garde pas moins sa valeur et suscite des espérances pour l'avenir, tandis qu'est rappelée clairement l'excellence de la consécration dans le célibat (cf. L.G. 42).

10 mai 1976.

A l'occasion du XXXe Anniversaire de Provida Mater Ecclesia

Paul VI

(2 février 1977)




1. "Il y a, précisément aujourd'hui, trente ans l'Église catholique célébrait un événement qui a communiqué à de nombreux de ses fils le charisme de cette fête de la Présentation de Jésus au Temple, c'est-à-dire de l'offrande du Christ à la volonté du Père.

2. Nous désirons en effet rappeler un anniversaire qui tombe aujourd'hui: il y a trente ans, le 2 février 1947, l'Église reconnaissait une forme nouvelle de vie consacrée, lorsque notre Prédécesseur Pie XII promulgua la Constitution Apostolique Provida Mater.

3. Une forme nouvelle, différant de celle de la vie religieuse non seulement par une autre manière de réaliser la sequela Christi mais aussi par une façon diverse d'assumer le rapport Église-monde, certainement essentiel pour toute vocation chrétienne (cf. Gaudium et Spes, 1).

4. Trente années ce n'est pas beaucoup, mais la présence des Instituts séculiers est déjà très importante dans l'Église, et nous vous convions à vous unir à nous dans nos remerciements au Père des cieux pour ce don qu'il nous a fait.

5. Et nous voulons envoyer à tous et à chacun, homme ou femme, nos salutations, empreintes de bénédictions".

Rome, 2 février 1977.

IIIe Conférence Générale de l'épiscopat Latino-Américain
(Puebla, 1979)

Les Instituts séculiers

774. "Concernant plus particulièrement les Instituts séculiers, il est important de se rappeler que leur charisme spécifique cherche à répondre de façon directe au grand défi que les changements culturels actuels posent à l'Église: percevoir les formes de vie sécularisée que le monde urbano-industriel exige, en évitant toutefois que la sécularité ne se convertisse en sécularisme".

775. "L'Esprit a suscité dans notre temps cette nouvelle forme de vie consacrée représentée par les Instituts séculiers, pour aider d'une certaine façon à résoudre, grâce à eux, la tension entre l'ouverture réelle aux valeurs du monde moderne (authentique sécularité chrétienne) et le don plein et total du coeur à Dieu (esprit de la consécration). En se mettant exactement au centre du conflit, ces Instituts peuvent constituer une aide pastorale valide pour l'avenir, et aider à ouvrir de nouvelles voies, valides pour tous. au Peuple de Dieu".

776. "D'autre part, à cause de la problématique même qu'ils veulent affronter et à cause du manque de racines habituellement fournies par une longue tradition, ils sont plus exposés que les autres formes de vie consacrée aux crises de notre temps et à la contagion du sécularisme. L'espérance et les risques que leur façon de vivre comportent, devront pousser l'Épiscopat latino-américain à promouvoir et à appuyer leur développement avec une sollicitude particul

Message au ii° Congres Latino-Americain des Instituts Séculiers
Card. Eduardo Pironio
(12 juillet 1979)

Chers frères et amis,

l. Bienvenus à cette rencontre de grâce ! Le Seigneur est présent car vous avez été convoqués comme Église en son Nom (Mt 18,20). L'Esprit de Dieu - qui renouvelle toutes choses - agira en profondeur dans le coeur de chacun de vous, à l'intérieur de chacun des Instituts séculiers représentés ici. Vous repartirez renouvelés et recréés: "confirmés dans la Foi, animés par l'Espérance et fortifiés par l'Amour, pour accomplir notre mission évangélisatrice dans notre Continent latino-américain". Permettez-moi de vous saluer avec le souhait de Paul aux Romains: "Que le Dieu de l'espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi la joie et la paix, afin que l'espérance surabonde en vous par la vertu de l'Esprit Saint" (Rm 15,13).

2. Le Dieu vivant de l'espérance! C'est de cela que l'Amérique latine a besoin aujourd'hui. C'est cela que vous annoncerez par la force du témoignage qui naît de la contemplation et de la croix et qui se réalise "dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale" (L.G., 31), et se concrétise dans la manifestation et la communication du Christ pascal. Vous n'êtes pas les témoins d'un Dieu éloigné, mais d'un Dieu qui est ressuscité, qui vit et qui chemine avec les hommes. Vous n'êtes pas non plus des témoins désincarnés qui montrent aux autres le chemin du salut en restant sur la rive; vous êtes des témoins engagés dans les difficultés et les risques de l'histoire, radicalement submergés dans le Christ mort et ressuscité, évangéliquement insérés dans le monde pour le transformer, le sanctifier, l'offrir à Dieu, construisant ainsi la nouvelle civilisation de l'amour. Comme tout laïc - mais encore davantage par la force de la consécration qui vous anime - "vous devez être, devant le monde, un témoin de la résurrection et de la vie du Seigneur Jésus, un signe du Dieu vivant" (L.G. 38).

3. Vous vous réunissez pour réfléchir - à la lumière du Magistère et face aux exigences d'un Continent en pleine ébullition, marqué par la pauvreté et la croix mais rempli d'espérance sur l'identité des Instituts séculiers en cette heure providentielle de l'Amérique Latine en vue d'une évangélisation pleine, d'une promotion humaine intégrale, d'une transformation de la culture vers la civilisation de l'amour.

4. Je voudrais simplement vous rappeler trois choses: votre identité, votre actualité comme "façon propre" d'être Église, vos exigences profondes et radicales.

5. 1. - Votre identité. Elle s'exprime par une phrase toute simple: "sécularité consacrée". Ce sont deux aspects d'une même réalité, d'une même vocation divine. Les deux aspects sont essentiels. Paul VI l'a dit clairement: "Aucun des deux aspects de votre physionomie spirituelle ne peut être surestimé au détriment de l'autre. L'un et l'autre sont coessentiels" (20.9.72).

6. En cette heure privilégiée de l'histoire et de l'Église, le Seigneur appelle à vivre la consécration dans le monde, à partir du monde et pour le monde. Et le monde ne peut pas avilir ni appauvrir la richesse et la fécondité de la consécration, ni la consécration peut vous priver de l'engagement et de la responsabilité de la tâche quotidienne. Radicalement engagés avec le Christ, ouverts à l'éternel, témoins de l'Absolu, mais dans la vie temporelle. I1 est nécessaire de bien souligner et d'unir indissolublement ces deux termes: "consacrés séculiers".

7. "Consacrés", c'est-à-dire sanctifiés par l'Unique Saint de manière plus profonde dans le Christ, par l'Esprit, en vue d'une appartenance totale et exclusive à l'Amour. "Vous avez reçu l'onction venant du Saint et tous vous possédez la science" (1 Jn 2,20). Cette consécration - qui approfondit et porte à la plénitude la consécration baptismale et la confirmation - pénètre toute la vie et les activités quotidiennes, en créant une disponibilité totale au plan du Père qui vous veut dans le monde et pour le monde. Elle vous caractérise comme hommes et femmes de l'Absolu et de l'espérance, exclusivement ouverts à l'unique Amour, pauvres et détachés, capables de comprendre ceux qui souffrent et de vous engager évangéliquement à les racheter et à transformer le monde de l'intérieur. Paul V1 a dit de façon admirable: "Votre vie consacrée dans l'esprit des conseils évangéliques est l'expression de votre appartenance indivisible au Christ et à l'Église, de la tension permanente et radicale vers la sainteté et de la conscience que, en dernière analyse, c'est le Christ seul qui par sa grâce réalise l'œuvre de rédemption et de transformation du monde. C'est dans l'intime de vos cœurs que le monde est consacré à Dieu" (Paul VI, 2.2.72).

8. "Séculiers". Mais cette consécration spéciale - cette appartenance particulière à Jésus-Christ dans la virginité, la pauvreté et l'obéissance - ne retire pas du monde les membres d'un Institut séculier, ni ne paralyse leur activité temporelle; mais elle la vivifie et la dynamise, lui confère un plus grand réalisme et une plus grande efficacité, les libère des satisfactions des intérêts et des recherches qui sont reliés à l'égoïsme d'une façon ou de l'autre. La "consécration séculière", en ouvrant à l'homme ou à la femme le radicalisme absolu de l'Amour de Dieu, les dispose à une incarnation plus profonde dans le monde, par une sécularité pure et libre, purificatrice et libératrice.

9. Vous n'êtes pas du monde, mais vous êtes dans le monde et pour le monde. Le spécifique de ce "nouveau mode" d'être Église c'est de vivre précisément le radicalisme des Béatitudes à partir de l'intérieur du monde, comme la lumière, le sel et le levain de Dieu. Cette sécularité - qui est bien loin d'être un naturalisme ou un sécularisme superficiel - indique "le lieu propre où doit s'exercer votre responsabilité chrétienne", la façon unique de sanctification et d'apostolat, le lieu privilégié d'une vocation spécifique pour la gloire de Dieu et le service envers les frères. Cela exige de vivre dans le monde, en contact avec les frères du monde, insérés comme eux dans les vicissitudes humaines, responsables comme eux des possibilités et des risques de la cité terrestre, semblables à eux dans le poids d'une vie quotidienne engagée à la construction de la société, impliqués avec eux dans les professions les plus variées au service de l'homme, de la famille et de l'organisation des peuples. Engagés, surtout, à construire un monde nouveau selon le plan de Dieu, dans la justice, l'amour et la paix, comme expression d'une authentique "civilisation de l'amour". Ce n'est pas une tâche facile. Cela exige du discernement, de la générosité, du courage. Paul VI les appelle les "alpinistes de l'esprit"

10. 2. - Votre actualité.

Paul VI, d'inoubliable mémoire et d'intuition prophétique, parlait des Instituts séculiers comme d'un "phénomène caractéristique et très consolant dans l'Église contemporaine" (26.9.70). Vous exprimez et vous réalisez de façon originale et particulière la présence de l'Église dans le monde. Vous êtes un signe courageux des nouvelles relations de l'Église avec le monde: confiance et amour, incarnation et présence, dialogue et transformation. Le Concile nous a ouvert un chemin évangélique qui illumina le magistère successif des Papes, de Paul VI à Jean-Paul II. L'Église a été maintes fois définie comme "le sacrement du salut universel". Pour l'Amérique Latine, l'Esprit de Dieu inspira deux événements ecclésiaux qui marquèrent fortement la présence salvifique de l'Église dans le Continent: MEDELLIN et PUEBLA. Grâce à eux nous comprenons mieux la responsabilité des chrétiens dans l'évangélisation et la transformation du monde. C'est une exigence des temps et une invitation pressante de l'Esprit. C'est un défi de l'histoire à l'engagement de l'Église, plus spécifiquement des laïcs, à s'insérer dans le monde pour le transformer de l'intérieur. "En un moment tel que celui où nous vivons - disait Paul VI - les Instituts séculiers, en vertu de leur charisme de sécularité consacrée, apparaissent comme des instruments providentiels pour incarner cet esprit et le transmettre à l'Église tout entière. Si dès avant le Concile, ils ont en quelque sorte anticipé existentiellement cet aspect, à plus forte raison doivent-ils actuellement être les témoins spécialisés et exemplaires de la disposition et de la mission de l'Église dans le monde" (2.2.72). Et il ajoute immédiatement après, comme une exhortation et un défi: "Pour l'aggiornamento de l'Église aujourd'hui, il ne suffit pas d'avoir des directives claires et des documents fréquents: il faut des personnalités et des communautés conscientes de leur responsabilité d'incarner et de transmettre l'esprit voulu par le Concile. A vous, cette mission exaltante: donner inlassablement l'impulsion à la relation nouvelle que l'Église cherche à incarner dans le monde et au service du monde".

11. Les Instituts séculiers - s'ils sont vraiment fidèles à leur charisme de sécularité consacrée - ont un mot important à dire aujourd'hui dans l'Église. Leur mission est, aujourd'hui plus que jamais, providentielle. Ils seront un mode privilégié d'évangélisation, d'annonce explicite de l'Amour du Père manifesté dans le Christ, d'une promotion humaine authentique et profonde et d'une véritable libération évangélique accomplie dans l'esprit des Béatitudes. Ils seront une façon concrète de dépasser le dualisme tragique entre la foi et la vie, l'Église et le monde, Dieu et les hommes.

12. 3. - Vos exigences. I1 faut être fidèle au Seigneur qui, aujourd'hui, nous appelle à nouveau et nous demande tout. Je ne doute pas que ce soit actuellement un moment de grâce pour les Instituts séculiers de l'Amérique Latine. Par conséquent c'est un moment de recréation et d'espérance. Il faut "recréer" dans l'Esprit nos Instituts séculiers, en écoutant la Parole de Dieu et en lisant constamment les signes des temps.

13. Je désire indiquer trois exigences qui me paraissent fondamentales: le sens de l'Église, l'existence théologale, la dimension contemplative.

14. Le sens de l'Église: vivre la joie d'être Église aujourd'hui, en ce moment privilégié de l'histoire, dans ce Continent de possibilités et d'espérance, avec une manière originale et spécifique de répondre à l'appel divin. Etre pleinement Église d'une façon nouvelle (comme "consacrés séculiers"), en communion profonde avec les Pasteurs et en participant fraternellement à la mission évangélisatrice de tout le Peuple de Dieu. Radicalement centrés en Dieu et évangéliquement insérés dans le monde. Etre Église dans une ligne d'authentique communion et participation.

15. Existence théologale. Il est nécessaire de vivre dans le monde une existence théologale claire et inébranlable. Vivre normalement le surnaturel: respirer dans la foi, marcher en bâtissant dans l'espérance, changer le monde en vivant la folie de l'amour. C'est ce que vous exprimez dans la magnifique prière du Congrès: "confirmés dans la Foi, animés par l'espérance et fortifiés par 1'Amour".

16. La vision de foi vous aidera à découvrir à chaque instant le plan du Père, le passage du Christ dans l'histoire, la forte invitation de l'Esprit de l'Amour. L'espérance empêchera que vous paralysent le découragement ou la tristesse, elle vous appuiera sur le Christ de Pâques, elle vous engagera activement dans la construction du monde. La charité vous conduira à vivre avec joie les exigences radicales de la consécration, à centrer votre vie sur Jésus-Christ et à embrasser sa croix, à vous insérer sereinement dans le monde - sans superficialité et sans peur - et à servir généreusement vos frères.

17. Dimension contemplative. Pour lire en Dieu les choses qui se passent dans le monde, pour découvrir les inquiétudes des hommes et les exigences de Dieu, il faut être contemplatif. C'est-à-dire, des hommes et des femmes de prière qui s'arrêtent, dans le rythme de leurs tâches, pour écouter Dieu, qui osent de temps en temps se rendre au désert pour être seuls avec Lui, qui savent surtout installer en eux une zone profonde et inaltérable de silence actif. Des personnes qui font l'expérience de Dieu dans le travail et dans le repos, dans la croix et dans la joie, dans la prière et dans l'activité temporelle. "La prière séculière" n'est pas facile, mais elle est indispensable. Elle est l'unique moyen de vivre pour un membre d'Institut séculier: respirer sans interruption en Dieu tout en suivant le rythme de la profession et la souffrance confiante de l'humanité. C'est difficile, mais il faut avoir le courage de se séparer parfois de tout (pour revenir ensuite au monde) et chercher un moment et un espace de prière. Par-dessus tout, il faut le demander au Seigneur avec une simplicité de pauvres.

18. Ce Message est trop long. Il se justifie, en partie, par l'amour ecclésial que je porte aux Instituts séculiers: leur existence providentielle, leur efficacité actuelle comme signe d'une Église en espérance, leur responsabilité spéciale en cette heure d'évangélisation de notre Continent latino-américain. Il se justifie en partie aussi parce qu'il veut suppléer à mon absence physique et à ce que j'aurais voulu vous dire personnellement si j'avais pu participer à votre Congrès. Dieu en a disposé autrement, qu'il soit béni!

19. Mais - plus que mes paroles écrites - sont présents parmi vous deux chers amis et deux témoins des Instituts séculiers: Mons. Mario Albertini et Mons. Juan José Dorronsoro. Ils sont "ma lettre" personnelle, comme dirait saint Paul. Parlez avec eux, consultez-les avec confiance, écoutez-les. Ils vous diront peut-être la même chose que moi mais ils vous le diront mieux, plus brièvement et avec plus d'autorité. La mienne est une autorité de service dans le Christ et d'affection.

20. Je ne pourrais conclure sans adresser un regard à "Marie, modèle de sécularité consacrée, qui évangélisa par sa présence et sa parole" comme le dit si bien la prière du IIe Congrès.

21. Totalement consacrée au Seigneur - par sa pauvreté, sa virginité et son obéissance au Père - Marie a vécu dans le monde: pleinement insérée dans l'histoire de son peuple, partageant son attente et son espérance, vivant sa pauvreté et désirant sa libération. Elle crut en la Parole qui lui fut dite par le Seigneur et fut heureuse. Elle fut une femme contemplative: elle vécut toujours "à l'écoute" de la parole du Seigneur. Elle fut la Vierge fidèle, la mère de la sainte espérance et du bel amour: la Vierge qui engendra le Christ et le livra dans le silence de la contemplation et la croix. Elle fut la figure et le principe de l'Église: elle s'est faite présence du Christ, signe de communion et de salut.

A Marie, "l'étoile de l'évangélisation", nous confions maintenant les travaux de ce IIe Congrès Latino-américain des Instituts séculiers. En Elle nous avons confiance et nous espérons. Nous laissons tout dans le coeur silencieux et fidèle de "Marie, de laquelle naquit Jésus, appelé Christ" (Mt 1,16).

En toute affection et espérance je vous bénis dans le Christ et la Vierge Marie.

12 juillet 1979

Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers (CRIS)
La Formation dans les Instituts Séculiers
(6 avril 1980)

PRÉSENTATION

1. Il importe de préciser que ces pages sur la formation n'entendent nullement donner un recueil de normes, mais offrir simplement une aide aux Instituts séculiers.

2. En décembre 1978, la Sacrée Congrégation pour les Religieux et Instituts séculiers a envoyé à tous les Instituts séculiers, en l'accompagnant d'un questionnaire, le résultat d'une "étude sur la formation" réalisée d'après divers textes constitutionnels. Les réponses à ce questionnaire ont été étudiées à leur tour: la majorité d'entre elles recevaient comme valable l'étude proposée; c'est pourquoi, le travail actuellement présenté, en garde la structure et la substance, même s'il a été corrigé, élargi et précisé par ces nombreux apports. Quant aux réponses qui s'éloignaient davantage de la ligne d'ensemble, on en a pris tout ce qui pouvait s'y intégrer, laissant seulement ce qui aurait nécessité une refonte radicale: et cela, soit parce que ces réponses reconnaissaient elles-mêmes la validité de la précédente étude, soit parce qu'il aurait fallu publier un matériel trop volumineux.

3. De même, on n'a pas repris certains traits, soulignés par tel ou tel Institut qui, les basant sur sa propre expérience ou son charisme, les retenait de ce fait comme essentiels, alors qu'il s'agit, en réalité, de caractères susceptibles de varier d'un Institut à l'autre.

4. Un tel préambule permet déjà d'entrevoir les limites de cette synthèse. On peut remarquer en particulier que le sujet ainsi traité porte encore avant tout sur les principes; ceux-ci néanmoins sont proposés une fois de plus parce que, tirés d'expériences et d'exigences concrètes, ils méritent qu'on s'emploie à les traduire également de manière concrète. D'où l'espérance nourrie à travers ces pages que les Instituts se sentent stimulés non seulement à soigner la formation comme il convient, mais aussi à recueillir et à communiquer leurs expériences positives pour qu'elles deviennent leçon pratique et patrimoine commun.

I.—VIE CHRÉTIENNE ET VOCATIONS SPÉCIFIQUES

5. La vie chrétienne, qui est vie théologale, exige de tous les baptisés un effort pour atteindre la perfection de la charité, selon la vocation particulière de chacun, dans la communauté ecclésiale.

6. Le fondement et le but d'une telle croissance, c'est Jésus-Christ: "... jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous" (Ga 4,19) afin que ce "grand amour (que) nous a donné le Père" parvienne "en nous à sa perfection" (1 Jn 3,1; 4,17); l'agent principal et le guide en est l'Esprit Saint: "... c'est lui qui vous conduira à la vérité tout entière" (Jn 16,13); le milieu normal, c'est l'Église, Corps du Christ; l'aliment et le soutien essentiels, ce sont les sacrements et la Parole de Dieu.

7. A l'intérieur de ce tableau, valable pour tous et toujours très exigeant, il faut parler de croissance selon les différentes vocations, donc avec des spécificités propres à chacune d'elles.

8. La vocation à une consécration séculière demande précisément que l'on tienne compte de son contenu théologique, de la situation - au sein du Peuple de Dieu et de la société civile - des personnes appelées à cette vie, comme aussi de l'organisation des Instituts.

II. - LES PRINCIPAUX PROBLEMES

9. Dans l'expérience des Instituts séculiers, l'activité de formation est confrontée à une série de problèmes que l'on peut résumer ainsi:

A. - Problèmes de caractère général

Ils résultent:

l. - du rythme accéléré des changements dans la société à tous ses niveaux, du rythme de vie qui s'ensuit, et du climat où prédomine le caractère superficiel: d'où les difficultés pour lire les signes des temps et discerner les priorités dans l'échelle des valeurs;

10. 2. - de la crise d'identité qui a secoué le monde catholique au cours des dernières années: tendances vers la sécularisation et l'horizontalisme; émergence d'une multiplicité de cultures et de modèles de vie; une certaine confusion dans le domaine de la recherche théologique; diminution du "sensus Ecclesiae" et influence de courants opposés au sein même de l'Église; l'absence d'une formation chrétienne et doctrinale suffisamment solide chez les jeunes, non sans rapport d'ailleurs avec la crise des structures éducatives traditionnelles.

B. - Problèmes plus spécifiques aux Instituts séculiers

Ils concernent:

11. 1. - la nature même de la vocation de ces Instituts, qui exige un effort constant de synthèse entre foi, consécration et vie séculière: une synthèse qui permette d'effectuer une mission vraiment séculière, en accueillant dans leur totalité les exigences évangéliques de la consécration à Dieu;

12. 2. - la situation des personnes qui sont normalement engagées dans des tâches et activités séculières: d'où les problèmes de temps, de déplacements, d'équilibre entre les diverses activités ... Ces difficultés sont encore amplifiées du fait qu'elles touchent même les "formateurs", eux aussi fréquemment absorbés par une profession;13. 3. - le climat ecclésial dans lequel vivent les Instituts séculiers: cette vocation n'est généralement pas comprise par la communauté, ni les prêtres eux-mêmes (si bien qu'une direction spirituelle adaptée fait souvent défaut); quant au plan de l'action, si important pour la formation, il n'est pas rare que le charisme spécifique de ces Instituts ne soit pas mis en valeur dans la complémentarité et la co-responsabilité avec les autres dons de l'Église.

14. Cette énumération des problèmes pourrait être plus détaillée, et, pour des motifs particuliers, ils revêtent certainement des aspects plus aigus dans certains Instituts. Par exemple, ceux dont l'extension est internationale se trouvent, non sans difficultés, dans l'obligation de respecter et assumer les valeurs propres aux cultures dans lesquelles le charisme de l'Institut doit s'incarner.

15. Ce résumé suffit néanmoins à rappeler, si nécessaire, toute l'attention que demande le devoir de la formation dans les Instituts séculiers.

III.—PRINCIPES DE BASE


A. - Objectif final

16. Pour aider vraiment une personne à répondre à sa propre vocation et mission dans le monde, en conformité avec le dessein de Dieu, la formation dans un Institut séculier doit favoriser le développement intégral et unitaire de la personne elle-même, selon ses capacités et ses conditions.

17. Cette formation n'est pas facile, à cause d'un certain penchant à séparer les réalités naturelles et surnaturelles, alors que les unes et les autres doivent être considérées pareillement. Elle demande donc - de la part du sujet lui-même comme du formateur - une connaissance véritable de la personne en formation, et cela, non seulement en ce qui concerne ses dons spirituels et son cheminement de foi, mais aussi quant aux aspects humains d'intelligence, ouverture, sensibilité, équilibre, maturité affective et morale, capacité d'autonomie et d'engagement, etc.

18. Mais, de fait, les valeurs surnaturelles, celles qui précisément doivent assurer l'unité désirée, échappent en grande partie à notre action. En conséquence, la formation exige avant tout une éducation fondamentale à la foi et à la prière; on entend par là, ce rapport très personnel avec Dieu qui sait se traduire en fidèle adhésion à Lui à tout moment de la journée, et qui est riche en même temps de la présence des frères et de tout le créé. Ce rapport vivant et constant suppose que l'on soit formé aux "temps forts" de prière, et à une vie de communion avec Dieu dans l'effort même d'union avec les hommes. Alors, la prière aide à l'acceptation patiente de soi et des propres conditions de vie; elle aide donc à trouver l'équilibre et à s'assurer une solide croissance.

19. Ainsi la formation devient effectivement ce qu'elle doit être: une contribution humaine au travail invisible de la grâce, pour conduire la personne intéressée à la collaboration indispensable avec l'Agent principal qui est l'Esprit Saint.

20. Même à cet égard, la Vierge Marie est exemplaire, et devient "modèle à suivre" (Paul VI): elle qui adhéra constamment à la Parole et à la volonté divine et "se livra elle-même intégralement à la personne et à l'œuvre de son Fils", elle qui "avança dans son pèlerinage de foi, gardant fidèlement l'union avec son Fils jusqu'à la croix" ( LG 56 et 58).

B. - Caractéristique fondamentale

21. La vocation commune de ceux qui adhèrent au même Institut requiert, pour leur formation, des éléments relatifs au contenu et à la méthode, communs à tous. Mais Dieu appelle chacun par son nom: la formation, elle aussi, est nécessairement personnelle sous les aspects suivants:

22. 1. - elle doit être voulue et assumée par la personne en formation, qui en sentira la responsabilité en cherchant constamment à se réaliser elle-même à la lumière de Dieu. Une formation dans laquelle l'intéressé se limiterait à recevoir serait sans effet;

23. 2. - elle doit tenir compte de la personnalité de chacun, c'est-à-dire de l'ensemble de ses qualités et de ses limites, ainsi que du stade de développement auquel il est parvenu, par suite de la formation antérieurement reçue ou non;

24. 3. - enfin, elle doit tenir compte du "lieu" de formation, c'est-à-dire de la situation concrète de la personne à former: il importe en effet que celle-ci soit aidée à réaliser sa vocation personnelle, expression de la vocation spécifique de l'Institut, dans son contexte de vie et, partant, dans ses relations avec les autres.

25. En conséquence, la formation sera personnelle en s'intégrant dans un tout communautaire; la croissance de la personne dépend aussi bien de la capacité de se tenir en rapport avec les autres dans les différents secteurs de la vie; et elle dépend du sens plus ou moins développé de fraternité et de réelle communion à l'intérieur de l'Institut, communauté rassemblée par le Christ.

C. - Étendue de la formation

26. La formation doit embrasser tous les domaines de la vie, même si l'Institut n'a pas à donner une égale contribution dans chacun de ces domaines. En effet: d'une part, certains d'entre eux échappent, techniquement parlant, à sa compétence directe (domaine professionnel, politique, syndical, etc.); d'autre part, il faut considérer que, même sous des aspects moins techniques, les séculiers ont différentes possibilités de formation en dehors de l'Institut.

27. On peut se demander si la compétence de l'Institut, quant à la formation, se réduit à transmettre la connaissance de sa propre vocation et tout ce qui touche son charisme spécifique. Ou bien s'il lui appartient, avant tout, d'assurer une solide formation de base, pour suppléer aux manques trop souvent déplorés chez les candidats.

28. Même en donnant la préférence à ces deux aspects, il faut aider les membres, directement ou indirectement, à acquérir toute la formation dont ils ont besoin personnellement pour répondre à leur appel dans l'Institut et pour réaliser leur propre mission. L'un des devoirs du formateur sera de discerner dans quels domaines la formation reste nécessaire, quelles lacunes sont à combler, en quels points la mise à jour est urgente et vitale. En attendant, prendre chacun dans sa réalité concrète: sa formation de base personnelle, ses devoirs professionnels et sociaux, les possibilités offertes par son milieu de vie; l'aider en lui présentant d'abord ce qui est spécifique à l'Institut et en lui indiquant les moyens de formation à l'extérieur, mais aussi en suppléant éventuellement à ceux qu'il ne pourrait trouver, et en veillant à la coordination des divers éléments pour favoriser en chaque sujet l'unité désirée.

D. - Aspects particuliers

29. Les aspects et les domaines de la formation peuvent s'étudier en les distinguant, mais cela ne signifie pas en les séparant, car ils s'entrecoupent et parfois se superposent. Si l'on traite de chacun d'eux successivement, c'est pour en illustrer les contenus essentiels.

l. - Formation spirituelle

30. Dans ce domaine, il faut comprendre les exigences fondamentales de la vie de la grâce, ou de la vie de foi, pour des personnes consacrées à Dieu dans le monde. Ce sont des exigences que chacun doit faire siennes pour se renouveler de l'intérieur, pour vivre concrètement selon les conseils de l'Évangile, pour se donner totalement à Dieu et aux hommes, dans la fidélité à la vocation de consécration séculière au sein du propre Institut.

31. Vu le manque général de formation spirituelle chez les jeunes qui demandent à entrer dans un Institut, leur formation à cet égard doit être très concrète: elle doit leur apprendre à vivre les conseils évangéliques à travers des gestes et des attitudes de don à Dieu dans le service des hommes; les aider à saisir la présence de Dieu dans l'histoire de notre temps et dans l'histoire de chacun; les éduquer à vivre en acceptant la croix.

32. Ainsi la formation spirituelle générale s'insère et prend sa spécificité dans la formation spirituelle selon le charisme et la spiritualité de l'Institut. Les éléments qui reviennent dans tous les Instituts, même si l'accent peut varier de l'un à l'autre sont:

- formation à la prière et à la vie en présence de Dieu;
- approfondissement de la vie baptismale dans la consécration spéciale, exercice des vertus théologales et d'une foi adulte afin que tout l'être appartienne au Seigneur;
- écoute de la parole de Dieu, de manière individuelle ou communautaire, dans une méditation fidèle;- approfondissement du "sensus Ecclesiae", avec la prise de conscience que, par la consécration, toute la vie personnelle est donnée à l'Église et prend part à sa mission;
- formation adéquate pour rendre la personne capable de porter les valeurs spirituelles au sein de toutes les situations humaines.

2. - Formation doctrinale: biblique et théologique

33. La formation spirituelle exige un soutien doctrinal, celui offert par l'étude aussi bien de la Bible que de l'enseignement de l'Église.

34. Certes, la Sainte Écriture n'est pas réservée aux savants; toutefois, il n'est pas possible de la lire comme Parole de Dieu, si on ne l'étudie sérieusement, de manière à la saisir avec ses propres capacités. L'œuvre de l'Esprit Saint en nous est valorisée, et non empêchée, par 1'effort diligent accompli pour mettre le plus possible notre intelligence et notre coeur en attitude d'écoute. La formation doctrinale biblique devrait s'étendre à toute la Sainte Écriture, mais elle doit concerner au moins le Nouveau Testament, surtout l'Évangile.

35. De telles remarques valent pour l'enseignement de l'Église: il faut connaître et comprendre le Concile, le magistère du Pape, de l'Épiscopat... pour vivre sa foi de manière plus consciente et pour mieux s'insérer dans la communauté ecclésiale.

36. De nos jours, plus facilement que dans le passé, se présentent des occasions d'études bibliques et théologiques dans les différents diocèses. L'Institut doit faire en sorte que ces occasions soient mises à profit, tout en gardant l'obligation de les compléter éventuellement lui-même, par l'étude de la partie du magistère qui est propre aux Instituts séculiers.

3. - Formation psychologique, morale et ascétique

37. Cet aspect de la formation n'a pas tellement pour but une connaissance théorique de la psychologie et de la morale, mais plutôt la nécessité pour la personne en formation de se comprendre elle-même, de comprendre le milieu dans lequel elle vit, de prévoir les contrecoups qu'elle peut en recevoir. La recherche des facteurs d'équilibre, de maîtrise de soi, d'ouverture aux autres, s'impose pour former une personnalité mûre, responsable, riche de qualités humaines: tout cela, pour mieux correspondre au don de la grâce, moyennant un effort constant de conversion personnelle et une révision permanente de son propre témoignage de vie.

38. A l'aspect de connaissance doit donc correspondre un travail d'autoformation, dans lequel trouvent place les vertus d'abnégation et de mortification pour suivre le Christ en portant sa propre croix.

4. - Formation à l'apostolat séculier

39. Le travail et l'activité professionnelle, de même que toute présence dans la société, doivent devenir moyens de sanctification personnelle et moyens de sanctifier le monde de l'intérieur, en sachant y insérer les valeurs chrétiennes et tout d'abord la charité.

40. D'où l'importance de faire cheminer les membres de l'Institut au pas du monde et de l'Église, de les ouvrir à de vastes horizons, de les conduire à assumer courageusement leurs propres responsabilités; d'où l'importance de les former à accueillir "la transformation des mentalités et des structures" actuellement en cours, et à pénétrer "les façons de penser et de sentir" des hommes d'aujourd'hui, pour pouvoir "apprécier et interpréter toutes choses avec une sensibilité authentiquement chrétienne" (GS 7 et 62).

41. En conséquence, l'Institut a le devoir de favoriser une formation à la sécularité (au caractère séculier), comprise non seulement comme condition sociale, mais aussi comme valeur qui informe le style de vie, la pratique des conseils évangéliques, la mise en acte de l'engagement apostolique.

42. C'est une formation à la mission, en tant que participation à la mission évangélisatrice et sanctificatrice de l'Église dans le monde: et cela, par un apostolat de présence et de témoignage dans le milieu de vie et dans le cadre professionnel; par ce même apostolat de témoignage lorsque, pour des motifs divers (la maladie, l'âge, etc.), on n'a qu'une vie tout ordinaire pour participer à l'édification du Royaume; ou encore par un apostolat sous forme visible et directe, comme cela est demandé au chrétien conscient et engagé qui, par vocation spéciale, ressent l'urgence d'annoncer le Christ et l'amour du Père, et qui sait se mettre à la disposition de la communauté ecclésiale pour atteindre ce but.

43. En bref: formation à la sécularité comme façon de vivre sa vocation spécifique dans le monde et pour le monde; mais aussi formation au courage, à l'audace apostolique, à la volonté d'une meilleure préparation, au dépassement du respect humain.

5. - Formation professionnelle

44. Il a déjà été rappelé que l'Institut en soi n'est pas compétent pour intervenir directement sur le plan professionnel. Toutefois, il doit veiller à ce que la formation soit assurée en ce domaine, car la valeur du témoignage en dépend aussi.

45. I1 importe donc de sensibiliser les membres au devoir qui leur incombe d'acquérir la meilleure compétence possible pour leur profession, d'avoir des rapports convenables dans leur milieu de travail, de se préparer à des choix valables dans les secteurs culturel, social, politique, syndical. Ce sont là des conditions indispensables pour avoir un impact dans un monde où la culture et la technique tiennent la première place et où, trop souvent, la conscience professionnelle fait défaut.

46. L'exigence de la formation professionnelle doit être accueillie comme un service authentique au monde, en accord avec la vocation spécifique des Instituts séculiers.

E. - Dans une ligne d'unité

47. Ces différents aspects de la formation, en particulier celui de la formation spirituelle et à l'apostolat, trouvent leur orientation unitaire dans les constitutions de chaque Institut: celles-ci en effet constituent la proposition concrète de la vocation particulière et elles contiennent les lignes radicales de la physionomie spirituelle de quiconque est appelé à la vivre.

48. Les constitutions rénovées après le Concile Vatican II sont riches d'inspiration théologique, biblique et doctrinale, ainsi que d'exhortations stimulant à l'ascèse. Si un membre d'Institut séculier est formé sur de telles bases, sa formation sera essentiellement complète, en même temps que garantie - quant à sa validité - par l'approbation de l'Église.

49. Il est essentiel qu'entre la personne et les constitutions s'établisse une relation adulte, libre de la liberté des enfants de Dieu: il faut connaître et comprendre ce qu'elles expriment; il faut se mettre dans une attitude de disponibilité pour y lire la vérité qui appelle à un engagement généreux.

50. Ce rapport, évidemment, ne concerne pas exclusivement la période de première formation, où il importe de bien connaître ce que l'Institut offre et ce qu'il demande. Les constitutions, lues à la lumière de l'Évangile et des documents de l'Église, fournissent une matière d'étude, de réflexion et de révision qui reste toujours valable pour progresser dans la maturité chrétienne.

F. - Temps de formation

51. La formation devra présenter un caractère systématique dans la première période de vie dans l'Institut, mais elle ne peut se limiter à cela; bien plus, elle prend sa configuration parfaite à mesure que les choix se précisent, donc durant toute la vie.

52. Tous les éléments décrits ci-dessus valent aussi bien pour la formation permanente que pour la première formation, mais les accentuations seront différentes. Même la formation à la spiritualité et au charisme spécifique de l'Institut, si importante dans les débuts, devra se poursuivre continuellement, car le mode concret de vivre ces réalités évolue selon le temps, les lieux, les directives de l'Église, les besoins du monde. I1 s'agit d'une évolution intelligente qui nécessite donc une formation continue.

53. Les objectifs propres de la formation permanente sont multiples: elle supplée aux inévitables lacunes des premières périodes, elle constitue une aide indispensable pour une mise à jour continuelle, dans le discernement des vraies valeurs et dans une lecture éclairée des signes des temps; elle permet de surmonter les moments de fatigue dus à une vie intense, à l'isolement, l'âge, ou à d'autres circonstances; elle soutient l'effort constant de renouvellement spirituel en vue d'une fidélité totale et croissante, même si viennent à manquer l'élan et l'enthousiasme des débuts; elle stimule l'attention aux exigences nouvelles d'une présence apostolique.

54. Entre la période de première formation et celle qui suit, il peut surgir un danger de fracture susceptible de provoquer une crise. En effet, dans les débuts, la personne est normalement guidée avec assiduité par un responsable qui consacre du temps aux rapports interpersonnels et aux rencontres de formation; par la suite au contraire, ces moyens font défaut ou sont très réduits, et l'on ne peut parler d'une communauté physique qui en tiendrait lieu. I1 faut préparer les membres à une telle solitude, à travers une expérience d'autonomie et de responsabilité personnelle.

G. - Les formateurs

55. En conséquence, le choix d'un formateur qui ait les qualités voulues, demande une particulière vigilance. On doit faire attention à ses dons spirituels, à sa solidité comme membre de l'Institut, à son équilibre, son discernement, à sa capacité d'écoute, de respect, de compréhension des personnes.

56. La nécessaire formation des formateurs se présente aussi, une formation spécifique qui, d'une part, n'est pas différente de celle donnée à tous les membres de l'Institut, et d'autre part en est distincte. Par exemple, le formateur doit non seulement connaître l'Évangile, mais aussi la clef pédagogique qui lui en permet la transmission. I1 doit connaître et vivre les constitutions de l'Institut de manière à en communiquer toute la richesse, mais connaître aussi et savoir trouver les différents modes possibles pour quiconque de les vivre. Et encore: outre les éléments de psychologie indispensables pour savoir réagir face aux réalités de la vie, le responsable de la formation doit acquérir la capacité de juger de toute situation, celle d'indiquer les antidotes que la consécration séculière et la vocation de l'Institut exigent de telle personne dans une situation particulière donnée.

IV.—MOYENS DE FORMATION


A. - Plan de formation

57. Un programme de formation s'avère nécessaire, même s'il doit être suffisamment souple pour pouvoir s'adapter aux exigences réelles des personnes et aux circonstances de temps et de lieu; un programme fondé sur la Parole de Dieu, le magistère de l'Église, les constitutions de l'Institut et dont le projet, bénéficiant de l'apport de plusieurs personnes, soit le fruit de réflexion et d'expérience.

58. Échelonné selon les étapes de formation, ce plan doit être clair dans ses finalités, mais très ouvert en ce qui concerne les modalités d'application, pour être en fonction des personnes. Dans les Instituts de grande diffusion, il est souhaitable qu'il existe plusieurs programmes de formation pour tenir compte des cultures des différents milieux, pourvu que les grandes lignes de la formation assurent l'unité d'esprit et de vocation spécifique de tout l'Institut. I1 apparaît encore une fois évident que, dans un tel programme, l'utilisation et l'approfondissement des constitutions occupent une place essentielle.

B. - Moyens de formation spirituelle

59. Étant donnée l'importance capitale de la formation spirituelle, les moyens appropriés doivent être étudiés et présentés explicitement.

60. Une énumération pourrait comprendre: les exercices spirituels, les retraites périodiques, la liturgie et les sacrements, l'écoute personnelle et communautaire de la Parole de Dieu, la méditation quotidienne, l'échange d'expériences de foi, la réflexion - ensemble et isolément - sur les constitutions.

61. Face aux divers moyens de formation spirituelle, qu'ils soient directement utilisés par l'Institut ou qu'ils viennent du milieu où l'on vit, il faut souligner de nouveau que chacun doit se sentir personnellement et activement responsable de la manière dont il les fait siens.

C. - Contacts avec l'Institut

62. Les contacts avec l'Institut, orientés vers une formation intégrale et unitaire, peuvent être multiples: échanges de personne à personne, échanges entre personne et groupe, communications "à distance".

63. 1. - Parmi les contacts de personne à personne, il faut donner une place prioritaire aux rapports réguliers que le membre en formation doit avoir avec le formateur: ces rapports aident les personnes à assumer les divers éléments de la vocation avec responsabilité et selon leur propre don, et à en faire une synthèse harmonieuse dans leur vie.

64. Il peut s'agir de colloques périodiques, de relations écrites, de correspondance régulière. Il est pourtant très utile que le formateur ne se limite pas à cela, mais qu'il cherche à rencontrer la personne en formation dans sa vie ordinaire; qu'il en connaisse le milieu d'origine, pour mieux saisir certains aspects de sa personnalité ainsi que son comportement face aux réalités et vis-à-vis des autres. Ce sont des occasions qui permettent de mieux individualiser les lignes pédagogiques en vue d'aider la personne à découvrir, développer, renforcer le sens qu'elle a de l'engagement et de sa responsabilité personnelle.

65. Outre les contacts avec le responsable de formation, le contact fraternel avec tout autre membre de l'Institut présente aussi une grande importance.

66. 2. - Mais le contact individuel ne suffit pas; il faut le compléter par des temps de vie communautaire, c'est-à-dire par ces rencontres fraternelles, indispensables pour la formation spécifique dans l'Institut, pour le contrôle et le soutien mutuels.

67. Ces temps de vie fraternelle peuvent varier notablement d'un Institut à l'autre, mais leur efficacité sur la formation est indiscutable. De telles rencontres, qui ne comportent pas seulement l'aspect d'amitié humaine, doivent constituer avant tout, des moments de confrontation avec la Parole de Dieu, afin de l'incarner dans les situations concrètes, différentes pour chacun mais mises en partage dans la communion. En effet, au niveau bilatéral aussi bien qu'au niveau du groupe, la valeur du dialogue réside dans la recherche commune de la volonté de Dieu, à travers la communication réciproque.68. Dans le cadre de ces rencontres, se situent également la transmission de l'histoire de l'Institut (charisme, fondation, premières démarches, développements ...), dont la connaissance est fondamentale pour comprendre sa vocation propre et son insertion dans la mission de l'Église.

69. 3. - La possibilité des rencontres fraternelles se heurte fréquemment à de grosses difficultés: d'où la nécessité de prendre en considération les moyens écrits, même si la formation orale est plus efficace.

70. Parmi ces instruments de formation, il faut rappeler tous les écrits élaborés par l'Institut: lettres, circulaires, bulletins, questionnaires, revues, etc.; ils sont utilisés selon les traditions de chaque Institut - mais tous les membres, en fonction de leur capacité, devraient apporter leur contribution - et surtout ils doivent être reçus comme soutien du lien fraternel.

D. - Complémentarité des moyens de formation

71. Peut-on établir une hiérarchie d'efficacité dans les moyens de formation susceptibles d'être utilisés par les Instituts?

72. Pratiquement, les Instituts sont appelés à employer l'un ou l'autre de façon complémentaire, compte tenu des personnes à former et des possibilités réelles. En ce sens, on peut affirmer que tous les moyens sont nécessaires et se complètent réciproquement, devant l'exigence essentielle et permanente qui consiste toujours à assurer le développement de la personne.

73. Quelques suggestions peuvent être retenues en vue de surmonter des difficultés particulières:

74.

- le remède à l'isolement est la constitution de groupes: l'aide mutuelle garantit l'existence d'une stimulation qui permet de progresser même dans l'autoformation;
- on peut rechercher fort utilement des occasions de formation entre Instituts, sur des exigences et des points communs;
- on peut aussi penser à une aide fraternelle de la part de certains Instituts, offrant plus de capacités par le nombre de leurs membres ou leurs qualifications, à l'égard d'autres Instituts.

CONCLUSION

74. Les réflexions exposées, comme les suggestions faites dans ces pages, veulent être - nous l'avons dit - une aide pour les Instituts séculiers.

75. I1 est possible qu'elles suscitent une certaine crainte en quelque responsable d'Institut ou de formation: la tâche est trop lourde!

76. Certes, c'est une lourde tâche, mais elle doit être soutenue par la certitude en chacun que, même en se reconnaissant "serviteur inutile" (Lc 17,10), si l'on a fait toute sa part, le Seigneur intervient et arrive là même où ne peuvent ni se savent parvenir les formateurs: "qu'il accomplisse en vous avec puissance tout désir de bien" (2 Th 1,11).

Rome, en la fête de la Résurrection 1980

Discours d'Ouverture au IIe Congres Mondial des Instituts Séculiers
Card. Eduardo Pironio
(25 août 1980)

Chers amis,

1. Ceci veut être une simple parole d'espérance dite par quelqu'un qui essaie de bien vous connaître et qui vous aime profondément. Cela est dit aussi par celui qui - au nom du Pape Jean-Paul II - a le privilège et la responsabilité de vous servir. Permettez-moi de vous saluer avec les paroles que saint Paul adressait aux Philippiens: "A vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ. Je rends grâce à mon Dieu chaque fois que je fais mémoire de vous dans mes prières car je me rappelle la part que vous avez prise à l'Évangile, depuis le premier jour jusqu'à maintenant" (1,2-5).

2. Votre Congrès s'ouvre sous l'inspiration de l'Esprit Saint et la protection de Marie, modèle de consécration séculière, précisément en un moment tout à fait privilégié pour la mission de l'Église: annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus aux pauvres. Le temps que nous vivons se caractérise par un monde qui a faim de la Parole de Dieu, qui a besoin de la présence transformatrice de l'Église, qui demande à l'Église quelle est la raison de son espérance, qui interroge l'Église sur la vérité et l'amour, sur la justice et la paix, sur la liberté et la communion. Le monde met au défi l'Église dans ce qui est sa vie et son essence: la claire transmission de la Bonne Nouvelle de Jésus pour la conversion des cœurs et la construction d'une société nouvelle.

3. C'est ici précisément que s'insère dans le mystère de l'Église-communion, le ministère providentiel laïc des Instituts séculiers. L'ambition de l'Église n'est pas comme le dit si bien "Gaudium et spes" (3) une ambition terrestre; elle veut seulement continuer, sous l'impulsion de l'Esprit Saint, l'œuvre du Christ qui est venu dans le monde pour rendre témoignage de la vérité, pour sauver et non pas pour juger, pour servir et non pas être servi.

4. Permettez-moi, au commencement de ce congrès, que je juge d'importance fondamentale pour le futur des Instituts séculiers (pour leur vitalité intérieure, pour l'efficacité de leur mission et pour l'indispensable éveil de nouvelles vocations), de vous rappeler trois choses:

• la fidélité à votre propre identité de laïcs consacrés;
• le sens ecclésial de votre vie et votre mission d'évangélisation;
• l'urgence d'une vie profonde dans le Christ, l'Envoyé du Père et le Sauveur des hommes.

I - Fidélité à votre propre identité

5. Soyez pleinement vous-mêmes: ne craignez pas de perdre votre véritable identité de laïcs si vous vivez radicalement dans le monde la liberté intérieure et la plénitude de l'amour que vous donnent les conseils évangéliques.

6. La consécration ne vous retire pas du monde, elle vous y insère plus profondément d'une manière nouvelle, dans le Christ du mystère pascal, vivant avec une plus grande maturité et totalement la consécration essentielle du baptême. Vivre à fond le baptême, pour un laïc consacré, c'est se compromettre d'une nouvelle manière à être, dans le monde d'aujourd'hui, une "lettre du Christ" "écrite non pas avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre mais dans la chair, c'est-à-dire dans les cœurs" (2 Co 3,3).

7. Soyez fidèles à votre sécularité consacrée, c'est-à-dire vivez la parfaite unité de cette vocation originale et unique dans l'Église. Ne vous croyez pas des laïcs diminués ou de seconde catégorie, des laïcs cléricalisés - mélange étrange et ambigu de laïcs et religieux. Non! Soyez pleinement laïcs, engagés directement dans la construction du monde dans un don radical à Jésus-Christ. Pour ce travail d'évangélisation étroitement lié à la promotion humaine intégrale et à la pleine libération dans le Christ, il est absolument indispensable que vous viviez avec générosité et d'une façon normale dans la vie quotidienne les deux moyens de cette unique et indivisible vocation: la consécration séculière. Pour cela vous avez été appelés et choisis, consacrés et envoyés.

II - Sens ecclésial de votre vie et de votre mission d'évangélisation

8. C'est l'Église entière qui a reçu, au cours de ces dernières années, le don fait par l'Esprit Saint, des Instituts séculiers, depuis Pie XII jusqu'à Jean-Paul II. Souvenez-vous tout spécialement des messages de Paul VI, messages de lumière, de chaleur humaine et d'un profond sens ecclésial.

9. La "consécration séculière" est une manière privilégiée d'être Église. Vous êtes le milieu privilégié de l'Église, spécialement dans l'Église conçue comme sacrement universel de salut. Les Instituts séculiers participent certainement à la sainteté de l'Église, pas à sa structure juridique mais à la vie essentielle de l'Église.

10. Il est nécessaire que les membres des Instituts séculiers vivent intensément le mystère de l'Église tant au niveau universel qu'au niveau particulier. I1 s'agit d'accueillir, d'aimer et d'assumer tous les problèmes, les espoirs, les urgences missionnaires des diverses Églises locales. La vitalité évangélisatrice d'un Institut séculier dépend de son sens profond et concret de l'Eglise.

11. D'où la nécessité de marcher - pour une fidèle transmission de la Bonne Nouvelle aux pauvres - en union avec vos pasteurs, en communion avec leurs directives et avec les exigences et les espérances de tout le peuple de Dieu.

12. Les Instituts séculiers constituent une manière providentielle d'être Église, ce qui suppose deux choses: qu'ils reconnaissent et respectent leur identité spécifique, et que leur mission se réalise de l'intérieur de l'Église - essentiellement communion et participation - envoyée par Jésus-Christ dans le monde pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres.

III - Vie profonde dans le Christ, l'Envoyé du Père

"Je suis crucifié avec le Christ; ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi" (Ga 2, 19-20).

13. La vie et la croissance d'un Institut séculier dépend surtout de deux choses: de sa réalité historique (i.e. de son engagement réel dans la vie de la société: famille, travail, culture, société et politique) et de sa profonde union à Jésus-Christ, ce qui, pour un membre d'Institut séculier, suppose de suivre totalement et radicalement le Christ par les conseils évangéliques (sans quitter pour cela le contexte historique du monde), et une progressive configuration au Christ qui se fait par l'oraison, la participation à la Croix et l'accomplissement quotidien de la volonté du Père.

14. L'oraison se fait toujours dans le contexte "séculier", et non religieux ni monacal, mais authentique et toujours dans la communion concrète et parfaite avec la volonté du Père. Cela se fait de l'intérieur du monde et dans les conditions normales de la vie. Cela suppose des moments difficiles et austères de séparation et de désert. Un laïc engagé ne peut vivre dans un climat permanent de contemplation qu'à partir de temps forts d'oraison profonde.

15. Vivre dans le Christ pour la transformation du monde. Vivre du Christ par la claire et forte prophétie de l'homme: Jésus, notre "joyeuse espérance" est né.

Conclusion

16. Mes chers amis: en commençant vos travaux, regardez le monde dans lequel vous êtes intégrés - comme lumière, sel, ferment - et qui vous interpelle. Regardez ce monde avec réalisme et espérance.

17. Écoutez et recevez le Christ qui vous a choisis, consacrés et envoyés. Écoutez le Christ en esprit de pauvreté et avec disponibilité. Aimez l'Église et faites connaître au monde sa présence.

18. Soyez sincères dans l'amour, joyeux dans l'espérance, forts dans les difficultés, persévérants dans la prière (Rm 12. 9. 12).

19. "Que le Dieu de la paix vous consacre pleinement" (1 Th 5,23) et que vous accompagne toujours Marie, la Vierge de la route et de l'espérance, de la fidélité et du service, du don total au Père par le Christ dans le coeur de l'histoire.

Rome, le 25 août 1980

Pour changer le monde "de l'intérieur"
Jean Paul II
(28 août 1980)

Chers Frères et Sœurs dans le Seigneur,

1. 1. "A vous, la grâce et la paix de la part de Dieu notre Père, et du Seigneur Jésus-Christ". Ces paroles, familières à l'Apôtre saint Paul (cf. Rm 1,7; l Co 1,3; 2 Co 1,2 etc.) montent spontanément à mes lèvres pour vous souhaiter la bienvenue, et pour vous exprimer ma reconnaissance pour la visite que vous me rendez à l'occasion de votre Congrès, qui réunit les représentants des Instituts séculiers du monde entier.

2. Cette rencontre me procure une joie profonde. En effet, votre état de vie consacrée constitue un don particulier de l'Esprit Saint fait à notre temps pour l'aider, comme l'ont dit mes confrères latino-américains réunis à Puebla, "à résoudre la tension entre l'ouverture objective aux valeurs du monde moderne (état séculier chrétien authentique) et le don plénier du coeur à Dieu (esprit de la consécration) (cf. Document final de l'Assemblée de Puebla, n. 775). En effet, vous vous trouvez pour ainsi dire au centre du conflit qui agite et divise l'âme moderne, c'est pourquoi vous pouvez offrir "un apport pastoral efficace pour l'avenir et ouvrir des voies nouvelles et de valeur universelle pour le peuple de Dieu" (ibid).

3. Je porte donc un grand intérêt à votre Congrès, et je prie le Seigneur de vous donner sa lumière et sa grâce afin que les travaux de votre Assemblée vous permettent d'analyser lucidement les possibilités et les risques que votre manière de vivre comporte, de prendre ensuite les décisions capables d'assurer à votre choix de vie, dont l'Église attend beaucoup aujourd'hui, les développements opportuns.

4. En choisissant le thème de votre Congrès: "L'évangélisation et les Instituts séculiers à la lumière de l'exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi", vous avez suivi une suggestion contenue dans une allocution de mon vénéré prédécesseur, le Pape Paul VI auquel va certainement votre gratitude pour l'attention qu'il vous a toujours réservée et pour l'efficacité avec laquelle il sut faire accueillir par l'Église la consécration dans la vie séculière. S'adressant le 25 août 1976 aux Responsables généraux de vos Instituts, il remarquait: "S'ils demeurent fidèles à leur vocation propre, les Instituts séculiers deviendront comme "le laboratoire d'expériences" dans lequel l'Église vérifie les modalités concrètes de ses rapports avec le monde. C'est pourquoi ils doivent écouter comme leur étant adressé surtout à eux, l'appel de l'Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi: 'Leur tâche première... est la mise en œuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives dans les choses du monde. Le champ propre de leur activité évangélisatrice c'est le monde vaste et compliqué de la politique, du social, de l'économie, mais également de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass media' (n. 70)".

5. Dans ces paroles, l'accent mis sur la réalité ecclésiale des Instituts séculiers dans leur être et dans leur agir n'aura certainement échappé à personne. Il est d'ailleurs développé aussi dans d'autres discours. Il y a là un élément que je désire souligner. En effet, comment ne pas se rendre compte combien il est important que votre expérience de vie, caractérisée et unifiée par la consécration, l'apostolat et la vie séculière, se déroule, à travers certes un sain pluralisme: dans une communion authentique avec les Pasteurs de l'Église et dans la participation à la mission évangélisatrice de tout le peuple de Dieu.

6. Ceci ne porte pas préjudice, d'ailleurs, à ce qui distingue essentiellement le mode de consécration au Christ qui vous est propre. Mon prédécesseur le précisait dans l'allocution que j'ai déjà citée, et il rappelait à cette occasion une distinction de grande importance méthodologique: "Cela ne signifie pas, évidemment, - disait-il - que les Instituts séculiers, en tant que tels, doivent se charger de ces tâches. Cela revient normalement à chacun de leurs membres. C'est donc le devoir des Instituts eux-mêmes de former la conscience de leurs membres à une maturité et à une ouverture qui les poussent à se préparer avec beaucoup de zèle à la profession choisie, afin d'affronter ensuite avec compétence, et en esprit de détachement évangélique, les poids et la joie des responsabilités sociales vers lesquelles la Providence les orientera".

7. Conformément à ces indications du Pape Paul VI, vos Instituts ont approfondi de diverses manières, ces dernières années, au niveau national ou continental, le thème de l'évangélisation. Votre Congrès actuel veut faire le point sur les résultats acquis et en vérifier la valeur, afin d'orienter toujours mieux les efforts de chacun en accord avec la vie de l'Église, qui cherche par tous les moyens "à étudier comment faire arriver à l'homme moderne le message chrétien dans lequel il peut trouver la réponse à ses interrogations et la force pour son engagement de solidarité humaine" (Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, n. 3).

8. Je suis heureux de prendre acte du bon travail accompli, et j'exhorte tous les membres, prêtres et laïcs, à persévérer dans la recherche d'une meilleure compréhension des réalités et des valeurs temporelles par rapport à l'évangélisation elle-même: le prêtre, pour se rendre toujours plus attentif à la situation des laïcs et pour porter au presbyterium diocésain non seulement une expérience de vie selon les conseils évangéliques et une aide communautaire, mais aussi une sensibilité exacte du rapport de l'Église au monde; le laïc, pour accueillir le rôle particulier dévolu à celui qui est consacré dans la vie laïque au service de 1'évangélisation.

9. Que les laïcs aient, en ce domaine, une charge spécifique, j'ai eu l'occasion de le souligner à maintes reprises, en accord étroit d'ailleurs avec les indications données par le Concile. "En tant que peuple saint de Dieu, disais-je par exemple à Limerick, au cours de mon pèlerinage en Irlande, vous êtes appelés à remplir votre rôle dans l'évangélisation du monde". Oui, les laïcs sont "une race élue, un sacerdoce saint". Eux aussi sont appelés à être "le sel de la terre" et "la lumière du monde". C'est leur vocation et leur mission spécifique de manifester l'Évangile dans leur vie et de l'insérer ainsi comme un levain dans la réalité du monde où ils vivent et travaillent. Les grandes forces qui régissent le monde politique, mass media, science, technologie, culture, éducation, industrie et travail - sont précisément les domaines où les laïcs ont spécifiquement compétence pour y exercer leur mission. Si ces forces sont dirigées par des personnes qui sont de véritables disciples du Christ et qui, en même temps, par leurs connaissances et leur talents, sont compétentes dans leur domaine spécifique, alors le monde sera vraiment changé du dedans par la puissance rédemptrice du Christ" (Homélie prononcée à Limerick, le ler octobre 1979, cf. Doc. Cath. 1979, p. 867).

10. En reprenant maintenant ce discours et en l'approfondissant, j'éprouve le besoin d'attirer votre attention sur trois conditions d'une importance fondamentale pour l'efficacité de votre mission:

11. Vous devez être, avant tout, de vrais disciples du Christ. En tant que membres d'un Institut séculier, vous voulez être tels par le radicalisme de votre engagement à suivre les conseils évangéliques d'une manière telle que, non seulement elle ne change pas votre condition, - vous êtes et vous demeurez des laïcs! - mais qu'elle la renforce, en ce sens que votre état séculier soit consacré, qu'il soit plus exigeant et que l'engagement dans le monde et pour le monde, impliqué par cet état séculier, soit permanent et fidèle.

12. Rendez-vous bien compte de ce que cela signifie: la consécration spéciale, qui conduit à sa plénitude la consécration du baptême et de la confirmation, doit imprégner toute votre vie et toutes vos activités quotidiennes, en créant en vous une disponibilité totale à la volonté du Père qui vous a placés dans le monde et pour le monde. De cette manière, la consécration en viendra à constituer comme l'élément de discernement de l'état séculier, et vous ne courrez pas le risque d'accepter cet état simplement comme tel, avec un optimisme facile, mais vous l'assumerez en gardant conscience de l'ambiguïté permanente qui l'accompagne, et vous vous sentirez logiquement engagés à en discerner les éléments positifs et ceux qui sont négatifs afin de privilégier les uns, précisément par l'exercice du discernement, et pour éliminer au contraire progressivement les autres.

13. La seconde condition est que vous soyez, au niveau du savoir et de l'expérience, vraiment compétents dans votre domaine spécifique pour y exercer, grâce à votre présence, cet apostolat de témoignage et d'engagement envers les autres que votre consécration et votre vie dans l'Église vous imposent. En effet, c'est seulement grâce à cette compétence que vous pourrez mettre en pratique la recommandation adressée par le Concile aux membres des Instituts séculiers: "Il faut qu'ils tendent avant tout à se donner entièrement à Dieu dans la charité parfaite et que leurs Instituts gardent le caractère séculier qui leur est propre et spécifique afin de pouvoir exercer partout et efficacement l'apostolat dans le monde et comme au sein du monde, apostolat pour lequel ils ont été créés" (Décret Perfectae Caritatis, n. 11).

14. La troisième condition sur laquelle je veux vous inviter à réfléchir est constituée par cette résolution qui vous est propre: à savoir de changer le monde de l'intérieur. Vous êtes, en effet, insérés dans le monde à part entière et non seulement de par votre condition sociologique; vous êtes tenus à cette insertion avant tout comme à une attitude intérieure. Vous devez donc vous considérer comme "partie" du monde, comme engagés à le sanctifier en acceptant totalement les exigences qui découlent de la légitime autonomie des réalités du monde, de ses valeurs et de ses lois.

15. Ceci veut dire que vous devez prendre au sérieux l'ordre naturel et son "épaisseur ontologique", en essayant de lire en lui le dessein librement poursuivi par Dieu, et en offrant votre collaboration afin qu'il s'actualise progressivement dans l'histoire. La foi vous donne des lumières sur le destin supérieur auquel cette histoire est ouverte grâce à l'initiative salvatrice du Christ; dans la révélation divine, cependant, vous ne trouvez pas de réponses toutes faites aux nombreuses questions que l'engagement concret vous pose. C'est votre devoir de chercher, à la lumière de la foi, les solutions adéquates aux problèmes pratiques qui émergent peu à peu, et que vous ne pourrez souvent obtenir qu'en prenant le risque de solutions seulement probables.

16. Il y a donc un engagement à promouvoir les réalités de l'ordre naturel et il y a un engagement à faire intervenir les valeurs de la foi, qui doivent s'unir et s'intégrer harmonieusement à votre vie, en constituant son orientation de fond et sa constante inspiration. De cette façon, vous pouvez contribuer à changer le monde "du dedans", en devenant son ferment vivifiant et en obéissant à la consigne qui vous a été donnée dans le Motu Proprio Primo feliciter: être "le ferment, modeste mais efficace, qui agissant partout et toujours, et mêlé à toutes les classes de citoyens, des plus modestes aux plus élevées, s'efforce de les atteindre et de les imprégner toutes et chacune par l'exemple et de toutes façons jusqu'à informer la masse tout entière de telle sorte qu'elle soit toute levée et transformée dans le Christ" (Introduction).

17. La mise en évidence de l'apport spécifique de votre style de vie ne doit pas, cependant, conduire à sous-évaluer les autres formes de consécration à la cause du Royaume auxquelles vous pouvez aussi être appelés. Je veux faire allusion ici à ce qui est dit au numéro 73 de l'exhortation Evangelii Nuntiandi, qui rappelle que: "les laïcs peuvent aussi se sentir appelés ou être appelés à collaborer avec les Pasteurs au service de la communauté ecclésiale, pour la croissance et la vie de celle-ci, exerçant ministères très diversifiés, selon la grâce et les charismes que le Seigneur voudra bien déposer en eux".

18. Cet aspect n'est certainement pas nouveau mais correspond au contraire dans l'Église à de très vieilles traditions; il concerne aussi un certain nombre de membres des Instituts séculiers et principalement, mais non exclusivement, ceux qui vivent dans les communautés d'Amérique latine ou d'autres pays du tiers monde.

19. Chers Fils et Filles, votre champ d'action, comme vous le voyez, est très vaste. L'Église attend beaucoup de vous. Elle a besoin de votre témoignage pour apporter au monde, affamé de la Parole de Dieu même s'il n'en a pas conscience, la "joyeuse annonce" que toute aspiration authentiquement humaine peut trouver dans le Christ son accomplissement. Sachez être à la hauteur des grandes possibilités que la Providence divine vous offre en cette fin du second millénaire du christianisme.

20. Pour ma part, je renouvelle ma prière au Seigneur, par l'intercession maternelle de la Vierge Marie, afin qu'il vous accorde en abondance ses dons de lumière, de sagesse, de détermination dans la recherche des voies les meilleures pour être, parmi vos frères et vos sœurs qui sont dans le monde, un témoignage vivant rendu au Christ et un appel direct mais convaincant à accueillir sa nouveauté dans la vie personnelle et dans les structures sociales.

21. Que la charité du Seigneur guide vos réflexions et vos échanges durant ce Congrès. Vous pourrez alors marcher avec confiance. Je vous y encourage en vous donnant la Bénédiction Apostolique, pour vous ainsi que pour ceux et celles que vous représentez aujourd'hui.

Castel Gandolfo, 28 août 1980

Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers (CRIS)

Les instituts séculiers et les conseils évangéliques

(Réflexion sur les données du magistère ecclésial)

(15 mai 1981)




L'activité la plus importante, pour la Section Instituts séculiers, consiste dans l'examen des constitutions ou statuts, tâche accomplie en collaboration avec des Consulteurs et des Commissaires, sous la responsabilité ultime du Cardinal Préfet et du Prélat Secrétaire.

I1 ne s'agit pas d'un travail purement technique, dans lequel il suffirait d'appliquer un schéma préétabli pour approuver ou corriger les différentes règles.

Et la Section elle-même ne constitue nullement un groupe anonyme: ceux qui la composent, ainsi que les Consulteurs et Commissaires, sont appelés à un service ecclésial qu'ils veulent accomplir dans l'amour pour le Christ, l'Église, les personnes. Cela comporte de leur part un effort de compréhension et une exigence de fidélité constamment renouvelés.

A partir de la documentation reçue, et autant que possible par un dialogue direct, la Section tâche de saisir, au moins dans l'essence sinon dans les nuances, la spiritualité, l'histoire, les éléments caractéristiques de chaque Institut. En même temps, pour accomplir son devoir d'organe exécutif, elle prend comme norme la doctrine ecclésiale sur les Instituts séculiers qu'elle doit interpréter, perfectionner et appliquer, sans la trahir (cf. Provida Mater, art. 11§ 2).

C'est dans cet esprit que, face à des difficultés toujours plus marquées relativement à l'engagement des conseils évangéliques, la Section a procédé à une réflexion, en vue d'une plus grande clarté pour agir à ce niveau, c'est-à-dire pour l'examen ci-dessus mentionné. A la suite d'un premier contact avec ses Consulteurs elle a mis cette réflexion par écrit, convaincue de son utilité: non pas à cause de quelque nouveauté dans son contenu, mais parce qu'elle peut servir de contrôle pour la rédaction ou la révision des constitutions, et elle peut offrir la base d'un langage commun dans la poursuite du dialogue amorcé entre les Instituts et la Section.

1. La nouveauté et la particularité des Instituts séculiers dans l'Église, ce fut et c'est: la reconnaissance ecclésiale d'une vraie consécration dans la sécularité.
Le magistère de l'Église, usant de son autorité, a reconnu comme Instituts de vie consacrée, outre les Instituts religieux, même ces associations qui appelées à un apostolat "in saeculo et ex saeculo", proposent à leurs membres comme voie vers la plénitude de la charité (ou bien - selon des expressions équivalentes - vers la perfection de la vie chrétienne, vers une vie pleinement et authentiquement évangélique) l'engagement explicite, avec lien sacré, à observer les conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance, dans le monde, dans la vie séculière. Ces associations ont été dénommées "Instituts séculiers".

Il suffit de voir la Constitution apostolique Provida Mater (1947), le Motu proprio Primo feliciter (1948), et la confirmation contenue dans le n° 11 du décret conciliaire Perfectae Caritatis (1965). Ces textes doivent être lus aujourd'hui à la lumière de l'enseignement donné par Paul VI et Jean-Paul II dans leurs discours aux Instituts séculiers.

La reconnaissance d'une vraie consécration dans la sécularité est reprise, en termes substantiellement identiques, dans le schéma du futur code de droit canonique.

2. La réalité de cette consécration spéciale comprend trois composantes: l'action de Dieu qui appelle à un engagement et à une mission spécifiques, la réponse de la personne par un don total, la reconnaissance de l'Église.

Cette consécration ne s'identifie pas avec la consécration du baptême, mais elle trouve en celle-ci son origine et sa valeur et elle en est un développement en profondeur selon la vocation spécifique: "in baptismatis consecratione intime radicatur eamque plenius exprimit" (P.C. 5; cf. L.G. 44 "intimius consecratur").

3. En vertu de la reconnaissance de la part du magistère, la communauté de l'Institut appartient à un titre spécial à l'Église.

A chacun des membres, cette reconnaissance de l'Église donne la garantie que la voie présentée par l'Institut est une voie évangélique qui, embrassée avec fidélité et générosité, conduit à la plénitude de la charité. Le fait que, en raison de cette reconnaissance, le don total et définitif des personnes au Christ est reçu par le responsable de l'Institut au nom même de l'Église, ce fait constitue aussi une garantie du nouveau don de grâce qu'est la consécration spéciale.

Il s'agit d'une reconnaissance positive. Autrement dit, elle n'exclut pas évidemment que d'autres voies conduisent vers la plénitude de la charité dans la vie séculière: "tous les fidèles, quels que soient leur état ou leur rang, sont appelés à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité" (L.G. 40). Le sacrement du mariage, par exemple, est donné dans ce but. Mais le magistère reconnaît comme Instituts séculiers ceux qui proposent, toujours dans la sécularité, la voie de l'engagement explicite à observer les trois conseils évangéliques.

4. La voie offerte par les Instituts séculiers est une voie propre, caractéristique. C'est une voie laïque (pour les Instituts séculiers de laïcs), spécifiée par une consécration particulière. En effet, le caractère séculier "propre et particulier des laïcs" (L.G. 31), c'est aussi "le caractère propre et spécifique de ces Instituts, dans lequel se trouve toute leur raison d'être" (P.F. II).
La consécration qui spécifie cette voie laïque comporte l'engagement explicite à observer les conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance, avec des contenus et un style propres. Les multiples conseils évangéliques sont donnés à l'ensemble des chrétiens; la voie présentée par les Instituts séculiers exige que tous les conseils soient accueillis à travers l'engagement explicite à observer ces trois-là selon des déterminations particulières.

Car toute voie vers la plénitude de la charité demande qu'on embrasse l'Évangile dans son intégralité exprimée par les Béatitudes. Les trois conseils typiques dans la doctrine de l'Église sont l'ultime conséquence et la synthèse-programme de tous les conseils évangéliques et des Béatitudes: ils manifestent cette radicalité avec laquelle on doit vivre l'Évangile pour "suivre plus librement le Christ et l'imiter de plus près (= pressius)" (P.C. 1). C'est pour la valeur de cette radicalité que le magistère demande aux Instituts séculiers l'engagement explicite aux conseils évangéliques "don divin que l'Église a reçu de son Seigneur et que, par grâce, elle conserve fidèlement" (L.G. 43).

Pour les Instituts séculiers sacerdotaux, il faut parler aussi d'une consécration particulière qui, à son tour, spécifie la vie sacerdotale, et comporte le même engagement explicite à observer les conseils évangéliques.

5. Une expression éminente du don total à Dieu est le vœu de chasteté parfaite dans le célibat pour le Royaume: "don précieux de grâce fait par le Père à certains" (L.G. 42).
Parfois l'Eglise s'en tient à exiger cet unique vœu pour concéder la reconnaissance de la consécration: c'est le cas de la consecratio virginum. Mais pour les formes institutionnelles de la vie consacrée, et en pratique pour les Instituts séculiers, elle exige que la donation s'exprime en outre avec l'engagement explicite de pauvreté et d'obéissance selon des modes déterminés.

6. Le magistère ecclésial, auquel il appartient "d'instituer les lois qui régleront sagement la pratique des conseils évangéliques, instrument singulier au service de la charité parfaite envers Dieu et envers le prochain" (L.G. 45), renvoie aux constitutions de chaque Institut pour les précisions nécessaires.

Voici les conditions exigées:

a) qu'il y ait, à côté d'un rappel et d'une exhortation à vivre intégralement l'esprit des conseils évangéliques, des déterminations concrètes et précises de réalisation, dans le style de la sécularité et selon les caractéristiques de l'Institut; ces déterminations deviennent en quelque sorte moyen et garantie pour vivre les vertus évangéliques correspondantes;

b) que ces mêmes déterminations soient assumées avec un lien sacré, c'est-à-dire un lien qui exprime l'engagement pris devant Dieu et devant l'Église (cf. P.M. art 111§ 2);

c) que les constitutions rédigées avec ces contenus soient présentées au contrôle et à l'approbation de l'Autorité ecclésiastique.

* * *

En effectuant cette réflexion, la Section a considéré ce que le magistère ecclésial affirme aujourd'hui pour les Instituts séculiers, sur le thème en question. Elle n'a pas voulu définir la nature de ces Instituts en sa totalité, ni s'arrêter à la vie consacrée en général, ni envisager pour l'avenir l'éventualité de formes de consécration en plein monde autres que celle des Instituts séculiers.

La Section se rend compte qu'un point important reste ouvert: à savoir, illustrer par des exemples les déterminations concrètes relatives aux conseils évangéliques, selon des modes correspondants aux exigences de la sécularité. On projette, à ce sujet, une nouvelle réflexion, mais il appartient aux Instituts séculiers, avec leur expérience, d'y contribuer par un apport décisif. La Section exprime dès a présent sa reconnaissance aux Instituts qui voudront bien envoyer leur participation.

Rome, le 15 mai 1981

Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers

(Assemblée Plénière)

Les instituts séculiers: leur identité, leur mission

"Document pour Information" préparé par la Section lnstituts Séculiers

pour l'Assemblée plénière de la Congrégation

qui eut lieu à Rome du 3 au 6 mai 1983.




SOMMAIRE


INTRODUCTION


Partie I - PRÉSENTATION HISTORIQUE


1. Avant "Provida Mater" (1947)

2. De "Provida Mater" au Concile Vatican II

3. L'enseignement du Concile Vatican II

4. Après le Concile Vatican II

A) Rencontres entre Instituts

B) Discours des Papes

C) Interventions de la Sacrée Congrégation

5. Le nouveau Code de droit canonique (1983)

Partie II - FONDEMENTS THÉOLOGIQUES

1. Le monde comme "siècle"

2. Nouveau rapport du baptisé avec le monde

3. Divers modes de vivre concrètement le rapport avec le monde

4. A la suite du Christ par la pratique des conseils évangélique

5. Ecclésialité de la profession des conseils évangéliques - la consécration

6. La "sécularité" des Instituts séculiers

Partie III - NORMES JURIDIQUES

1. Instituts de vie consacrée

2. Une vocation originale: le caractère séculier

3. Les conseils évangéliques

4. L'apostolat

5. La vie fraternelle

6. La formation

7. Pluralité des Instituts

8. Autres normes du Code

CONCLUSION


INTRODUCTION

Depuis 1947, ils ont pris leur place dans l'Église, ces Instituts de vie consacrée qui, en raison de leur marque distinctive, ont été appelés séculiers: reconnus et approuvés par elle, ils participent activement, selon leur propre vocation, à sa mission de sacrement universel de salut.

Tenant compte de la doctrine conciliaire, Paul VI a dit que l'Église

"a une dimension conciliaire, inhérente à sa nature intime et à sa mission, dont la racine plonge dans le mystère du Verbe incarné" (2 février 1972).

Eh bien: à l'intérieur de cette Église, immergée et dispersée parmi les peuples, présente dans le monde et au monde, les Instituts séculiers

"apparaissent comme des instruments providentiels pour incarner cet esprit et le transmettre à l'Église tout entière" (ibid.).

Par le caractère radical de la sequela Christi, qui exige que l'on vive et professe les conseils évangéliques, "la sécularité consacrée exprime et réalise d'une façon privilégiée, l'union harmonieuse entre l'édification du Royaume de Dieu et la construction de la cité temporelle, entre l'annonce explicite de Jésus dans l'évangélisation et les exigences chrétiennes de la promotion humaine intégrale" (E. Pironio, 23 août 1976).

A travers la physionomie particulière de chaque Institut, c'est ce trait caractéristique commun - union de la consécration et de la sécularité - qui définit les Instituts séculiers dans l'Église.

Pour offrir une information suffisante à leur sujet, voici exposés dans ces pages, quelques données historiques, une réflexion théologique et les éléments juridiques essentiels.

Ière PARTIE


PRÉSENTATION HISTORIQUE

Les Instituts séculiers répondent à une vision ecclésiale mise en valeur par le Concile Vatican II. Le Pape Paul VI l'affirme avec autorité:

"Les Instituts séculiers doivent être encadrés dans la perspective en laquelle le IIe Concile du Vatican a présenté l'Église comme une réalité vivante, visible et spirituelle tout ensemble (cf. LG 8), qui vit et se développe dans l'histoire (cf. ibid.)....

"On ne peut pas ne pas voir une coïncidence profonde et providentielle entre le charisme des Instituts séculiers et ce qui a été une des lignes les plus importantes et les plus nettes du Concile: la présence de l'Église dans le monde. En effet, l'Église a fortement accentué les divers aspects de sa relation au monde: elle a répété clairement qu'elle fait partie du monde, qu'elle est destinée à le servir, qu'elle doit en être l'âme et le ferment, car elle est appelée à le sanctifier, à le consacrer et à refléter sur lui les valeurs suprêmes de la justice, de l'amour et de la paix" (2 février 1972).

Non seulement ces paroles constituent une reconnaissance autorisée et un programme pour les Instituts séculiers, mais elles offrent aussi une clé pour la lecture de leur histoire, présentée ici sous forme synthétique.

1. Avant "Provida Mater" (1947)

Il existe une pré-histoire des Instituts séculiers, en ce sens que dans le passé on a tenté d'instituer des associations semblables aux Instituts séculiers actuels; une certaine approbation de ces associations a été conférée par décret Ecclesia Catholica (11 août 1889), lequel toutefois admettait seulement une consécration privée pour elles.

Ce fut surtout dans la période de 1920 à 1943 que, en diverses parties du monde, l'action de l'Esprit suscita des groupes variés de personnes ayant comme idéal de se donner totalement à Dieu en restant dans le monde pour œuvrer du-dedans à l'avènement du Royaume du Christ.

Le Magistère de l'Église a été sensible à la diffusion de cet idéal qui, vers 1940, trouva les moyens de se préciser, même dans des rencontres entre quelques-uns de ces groupements.

Le Pape Pie XII fit approfondir le problème dans son ensemble, et en conclusion d'une vaste étude il promulgua la constitution apostolique Provida Mater

2. De "Provida Mater" au Concile Vatican II

Les documents qui reconnurent les associations dénommées en 1947 "Instituts séculiers" sont:

- Provida Mater: constitution apostolique qui contient une "lex peculiaris", 2 février 1947;

- Primo Feliciter: lettre "motu proprio", 12 mars 1948;

- Cum Sanctissimus: instruction de la Sacrée Congrégation des Religieux, 19 mars 1948.

Complémentaires entre eux, ces documents contiennent soit des réflexions doctrinales, soit des normes juridiques, comprenant des éléments déjà clairs et suffisants pour définir les nouveaux Instituts.

Ceux-ci, d'ailleurs, présentaient entre eux des différences non négligeables, en particulier en raison d'une finalité apostolique diverse:

Pour les uns, il s'agissait de présence dans le milieu social en vue d'un témoignage personnel, d'un engagement personnel à orienter les réalités terrestres vers Dieu (Instituts de "pénétration");

Pour les autres, c'était un apostolat plus explicite et n'excluant pas l'aspect communautaire, même par un engagement direct dans une œuvre d'Église ou d'assistance (Instituts de "collaboration").

Toutefois, la distinction n'était pas toujours aussi nette, c'est tellement vrai qu'un même Institut pouvait unir les deux finalités.

3. L'enseignement du Concile Vatican II

a) Dans les documents conciliaires, les Instituts séculiers sont rarement mentionnés de manière explicite, et l'unique texte qui leur soit dédié ex professo, c'est le no. 11 de Perfectae Caritatis.

Ce texte rappelle, sous forme synthétique, leurs caractéristiques essentielles, afin de les confirmer avec l'autorité du Concile. Il dit en effet:

- les Instituts séculiers ne sont pas des Instituts religieux: cette définition négative impose d'éviter une confusion entre les uns et les autres: les Instituts séculiers ne sont pas une forme moderne de vie religieuse, mais ils constituent une vocation et une forme de vie originales;

- ils exigent "veram et completam consiliorum evangelicorum professionem": on ne peut donc les réduire à des associations ou des mouvements dont les membres, en réponse à leur grâce baptismale, même s'ils vivent dans l'esprit des conseils évangéliques, ne les professent pas selon un mode reconnu par l'Église;

- dans cette profession, l'Église marque les membres des Instituts séculiers de la consécration qui vient de Dieu, Lui à qui ils veulent se donner totalement dans la charité parfaite;

- cette même profession a lieu in saeculo, dans le monde, dans la vie séculière: cet élément qualifie intimement le contenu des conseils évangéliques et en détermine les modalités de réalisation; pour ce motif, le "caractère propre et particulier" de ces Instituts est le caractère séculier;

- enfin et en conséquence, seule la fidélité à cette physionomie pourra leur permettre d'exercer cet apostolat "ad quem exercendum orta sunt", c'est-à-dire l'apostolat qui les qualifie par sa finalité, et qui doit être in saeculo ac veluti ex saeculo: dans le monde, dans la vie séculière, et de l'intérieur du monde (cf. Primo feliciter II: par des professions, des activités, des formes, dans des lieux, en des circonstances répondant à cette condition séculière).

Dans ce numéro 11 de Perfectae Caritatis, la recommandation d'une formation soignée "in rebus divinis et humanis" mérite une particulière attention, parce que cette vocation est en réalité très exigeante.

b) Dans la Doctrine du Concile Vatican II, les Instituts séculiers ont trouvé plusieurs confirmations à leur intuition fondamentale, et de nombreuses directives de programme spécifiques.

Parmi les confirmations: les affirmations concernant la vocation universelle à la sainteté, la dignité et la responsabilité des laïcs dans l'Église, et surtout l'affirmation que "laicis indoles saecularis propria et peculiaris est" (LG 31: le second paragraphe de ce numéro paraît reprendre non seulement la doctrine, mais aussi certaines expressions du motu proprio Primo feliciter).

Parmi les directives de programme spécifiques: l'enseignement de Gaudium et Spes sur le rapport de l'Église avec le monde contemporain, et le devoir d'être présent dans les réalités terrestres, avec respect et sincérité, œuvrant du dedans pour leur orientation vers Dieu.

c) En résumé: du Concile Vatican II, les Instituts séculiers ont reçu des éléments leur permettant soit d'approfondir leur réalité théologique (consécration dans la sécularité et de la sécularité), soit d'éclaircir leur ligne d'action (la sanctification de leurs membres et leur présence transformatrice dans le monde).

Avec la constitution apostolique Regimini Ecclesiae Universae (15 août 1967), en application du Concile, la Sacrée Congrégation change de dénomination: "pro Religiosis et Institutis saecularibus". C'est une nouvelle reconnaissance de la dignité des Instituts séculiers et de leur nette distinction par rapport aux Instituts religieux. Cela a entraîné, au sein de la Sacrée Congrégation, la constitution de deux Sections (alors que précédemment les Instituts séculiers étaient confiés à un simple bureau), avec deux Sous-secrétaires ayant des compétences distinctes et autonomes, sous la conduite d'un seul Préfet et d'un seul Secrétaire.

4. Après le Concile Vatican II

La réflexion sur les Instituts séculiers s'est enrichie grâce aux apports venus de deux sortes d'occasions qui, en un certain sens se complètent: la première occasion, de type existentiel, est donnée par les rencontres périodiques entre les Instituts eux-mêmes; la seconde, de type doctrinal, est constituée surtout par les discours que les Papes leur ont adressés. De son côté, la Sacrée Congrégation est intervenue, apportant ses éclaircissements et ses réflexions.

A) Rencontre entre Instituts

Des Congrès d'étude avaient déjà été organisés auparavant, mais en 1970 fut convoqué le premier Congrès international, avec la participation de presque tous les Instituts séculiers légitimement érigés.

Ce Congrès mit en place une commission qui devait étudier et proposer le statut d'une Conférence Mondiale des Instituts séculiers (C.M.I.S.); ce statut fut approuvé par la Sacrée Congrégation qui reconnut officiellement la Conférence par décret spécial (23 mai 1974).

Après 1970, les Responsables des Instituts séculiers se sont trouvés réunis en assemblée en 1972, et successivement tous les quatre ans, en 1976 et 1980. L'assemblée de 1984 est déjà au programme.

Ces rencontres ont eu le mérite de traiter des sujets intéressant directement les Instituts séculiers, comme: les conseils évangéliques, la prière séculière, l'évangélisation comme participation à "changer le monde de l'intérieur".

Mais elles ont eu aussi et surtout le mérite de rassembler les Instituts entre eux, soit pour une mise en commun de leur expérience, soit pour une confrontation ouverte et sincère.

La confrontation s'avérait très opportune parce que:

- à côté d'Instituts à finalité apostolique tout à fait séculière (agissant "in saeculo et ex saeculo"), il en existait d'autres avec des activités institutionnelles, même intra-ecclésiales (par. ex. la catéchèse);

- des Instituts prévoyaient l'engagement apostolique à travers un témoignage personnel, d'autres assumaient des œuvres et des tâches avec un engagement communautaire;

- auprès d'une majorité d'Instituts laïcs, qui définissaient la sécularité comme la caractéristique propre des laïcs, se trouvaient des Instituts cléricaux ou mixtes qui mettaient en relief la sécularité de l'Église dans son ensemble;

- des Instituts cléricaux considéraient comme nécessaire à la sécularité leur présence dans le presbyterium local, et, partant, leur incardination dans le diocèse, tandis que d'autres avaient obtenu leur incardination en propre.

Grâce aux rencontres successives qui se sont renouvelées aussi au niveau national et, en Amérique Latine et en Asie, au niveau continental, leur connaissance mutuelle a conduit les Instituts à accepter les diversités (ce qu'on appelle le "pluralisme"), mais avec l 'exigence d 'en éclaircir les limites.

Donc, ces rencontres ont aidé les Instituts à mieux se comprendre eux-mêmes (comme catégorie, et comme Instituts ayant chacun ses particularités), à corriger certaines incertitudes, et à favoriser la recherche commune.

B) Discours des Papes

Déjà Pie XII s'était adressé en particulier à des Instituts séculiers et il avait parlé d'eux dans des discours sur la vie de la perfection. Mais, quand les Instituts commencèrent à se réunir en congrès ou assemblées mondiales, à chacune de ces rencontres ils purent écouter la parole du Pape: Paul VI en 1970, 1972, 1976; Jean-Paul II en 1980. A ces allocutions s'ajoutent celles prononcées par Paul VI à l'occasion des XXVe et XXXe anniversaires de Provida Mater (2 février 1972 et 1977).

Autant de discours denses de doctrine, qui aident à mieux définir 1'identité des Instituts séculiers. Parmi leurs nombreux enseignements, il suffit de rappeler ici quelques affirmations:

a) Il y a coïncidence entre le charisme des Instituts séculiers et la ligne conciliaire de la présence de l'Église dans le monde: ces Instituts doivent être "les témoins spécialisés et exemplaires de la disposition et de la mission de l'Église dans le monde" (Paul VI, 2 février 1972).

Cela exige une forte orientation vers la sainteté, et une présence dans le monde qui prenne au sérieux l'ordre naturel, afin de travailler à son perfectionnement et à sa sanctification.

b) La vie de consécration à Dieu, et pratiquement la vie selon les conseils évangéliques, doit être certes un témoignage de l'au-delà, mais en devenant un mode de vie exemplaire proposé à tous: "Les conseils évangéliques acquièrent une signification nouvelle, d'une actualité spéciale pour le temps présent" (Paul VI, 2 février 1972), et leur force est introduite "au milieu des valeurs humaines et temporelles" (id., 20 septembre 1972).

c) I1 s'ensuit que la sécularité, qui indique l'insertion de ces Instituts dans le monde "ne représente pas seulement une condition sociologique, un fait extérieur, mais bien une attitude" (Paul VI, 2 février 1972), une prise de conscience: "votre condition existentielle et sociologique devient votre réalité théologique et votre voie pour réaliser le salut et en témoigner" (id., 20 septembre).

d) En même temps, la consécration dans les Instituts séculiers doit être tellement authentique qu'elle rende vraie cette parole: "c'est dans l'intime de vos cœurs que le monde est consacré à Dieu" (Paul VI, 2 février 1972); qu'elle rende possible la tâche "d'orienter explicitement les choses humaines dans le sens des Béatitudes de l'Évangile" (id., 20 septembre 1972). Cette consécration "doit imprégner toute la vie et toutes les activités quotidiennes" (Jean-Paul II, 28 août 1980).

Par conséquent, il ne s'agit pas d'une voie facile: "c'est une marche difficile, pour des alpinistes spirituels" (Paul VI, 26 septembre 1970).

e) Les Instituts séculiers appartiennent à l'Église "au titre spécial de consacrés séculiers" (Paul VI, 26 septembre 1970) et "l'Église a besoin de leur témoignage" (id., 2 février 1972), et elle "attend beaucoup d'eux" (Jean-Paul II, 28 août 1980). Ils doivent "entretenir, développer et avoir à coeur, toujours et partout, la communion ecclésiale" (Paul VI, 20 septembre 1972).

f) La mission à laquelle sont appelés les Instituts séculiers est celle de "changer le monde du-dedans" (Jean-Paul II, 28 août 1980), en y devenant le ferment qui vivifie.

C) Interventions de la Sacrée Congrégation

En cette même période, la Sacrée Congrégation aussi, par ses interventions, s'est rendue présente à l'ensemble des Instituts séculiers.

Leurs Éminences le Card. Antoniutti et le Card. Pironio, Préfets, leur ont adressé des discours et messages en diverses occasions; et le Dicastère leur a fait parvenir des documents de réflexion, en particulier les quatre suivants:

a) Réflexions sur les Instituts séculiers (1976). C'est le résultat d'une étude élaborée par la Commission spéciale que Paul VI a constituée en 1970. On peut le définir "document de travail" du fait qu'il offre de nombreux éléments éclairants, mais sans vouloir dire le dernier mot sur la question.

Il comprend deux sections. La première, plus synthétique, contient quelques affirmations théologiques de base, destinées à faire comprendre la valeur de la sécurité consacrée. La seconde section, plus développée, décrit les Instituts séculiers à partir de leur expérience, et touche aussi des aspects juridiques.

b) Les personnes mariées et les Instituts séculiers (1976). On donne connaissance aux Instituts de la réflexion faite à ce sujet, à l'intérieur de la Sacrée Congrégation. On confirme que le conseil évangélique de la chasteté dans le célibat est un élément essentiel de la vie consacrée dans un Institut séculier; on montre la possibilité pour des personnes mariées d'une appartenance comme membres au sens large, et l'on souhaite la naissance d'associations spéciales.

c) La formation dans les Instituts séculiers (1980). C'est pour offrir une aide en vue du grave devoir de formation des membres des Instituts séculiers, que ce document a été préparé. I1 contient des principes de base connus, mais il suggère aussi des lignes concrètes tirées de l'expérience.

d) Les Instituts séculiers et les conseils évangéliques (1980). Il s'agit d'une lettre circulaire, par laquelle on rappelle le magistère de l'Église quant au caractère essentiel des trois conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance, et quant à la nécessité de déterminer le lien sacré avec lequel ils sont professés, leur contenu et leurs modalités de réalisation, pour qu'ils soient adaptés à la condition séculière.

5. Le nouveau Code de droit canonique (1983)

Une phase nouvelle s'ouvre avec la promulgation du nouveau Code de droit canonique qui comprend une législation systématique et mise à jour, même pour les Instituts séculiers. On en traite au livre II, dans la Section dédiée aux Instituts de vie consacrée.

L'essentiel des normes juridiques données par le Code seront présentées ci-dessous, après un rappel des fondements théologiques qui se sont progressivement dégagés ou précisés durant la courte histoire des Instituts séculiers.

IIème PARTIE


FONDEMENTS THÉOLOGIQUES

La théologie des Instituts séculiers trouvait déjà dans les documents pontificaux Provida Mater et Primo feliciter des indications importantes, qui ont été ensuite élargies et approfondies par la doctrine conciliaire et l'enseignement des Souverains Pontifes.

Différentes études s'y sont ajoutées, venant aussi de la part de spécialistes; et pourtant, on doit reconnaître que la recherche théologique n'est pas épuisée.

En conséquence, c'est un simple rappel des aspects fondamentaux de cette théologie que nous donnons ici, reportant en substance l'étude élaborée par la Commission spéciale, et rendue publique en 1976 avec le consentement de Paul VI.

1. Le monde comme "siècle"

Dieu a créé le monde par amour, avec l'homme à son centre et sommet, et sur les réalités créées il a prononcé son jugement: "valde bona" (Gn 1,31). C'est à l'homme, créé dans le Verbe à l'image et à la ressemblance de Dieu, et appelé à vivre dans le Christ dans la vie intime de Dieu, qu'appartient la tâche de conduire toutes les réalités, à travers la sagesse et l'action, vers l'accomplissement de sa fin ultime. Le sort du monde est donc lié à celui de l'homme; ainsi, le terme monde sert à désigner "la famille humaine tout entière avec l'univers au sein duquel elle vit" (GS 2), et autour duquel elle opère.

En conséquence, le monde est entraîné dans la chute initiale de l'homme et "assujetti à la vanité" (Rm 8,20); mais il participe de même à sa Rédemption accomplie par le Christ, Sauveur de l'homme, lequel a été fait par Lui fils de Dieu, par grâce, et rendu à nouveau capable - de par sa participation à Sa Passion et Résurrection - de vivre et d'opérer dans le monde selon le dessein de Dieu, à la louange de sa gloire (cf. Eph 1,6 et 12-14).

C'est à la lumière de la Révélation que le monde apparaît comme "saeculum". Le siècle, c'est le monde présent résultant de la chute initiale de l'homme, "ce monde" (cf. I Co 7,31) assujetti au règne du péché et de la mort, qui doit prendre fin, et qui est en opposition avec la "nouvelle ère" (aion), avec la vie éternelle inaugurée par la Mort et la Résurrection du Christ. Ce monde conserve sa bonté, sa vérité et son ordre essentiel, découlant de sa condition de créature (cf. GS 36); toutefois, déformé par le péché, il ne peut se sauver par lui-même, mais il est appelé au salut apporté par le Christ (cf. GS 2,13,37,39), qui s'accomplit dans la participation au Mystère Pascal des hommes régénérés dans la foi et le baptême et incorporés dans l'Église.

Ce salut se réalise dans l'histoire humaine et la pénètre elle-même de sa lumière et de sa force; il s'étend à toutes les valeurs de la création, pour la soumettre au discernement et les soustraire à l'ambiguïté qui leur est propre après le péché (cf. GS 4), en vue de les élever à la nouvelle liberté des enfants de Dieu (cf. Rm 8,21).

2. Nouveau rapport du baptisé avec le monde

L'Église donc, société des hommes régénérés dans le Christ pour la vie éternelle, est de ce fait le sacrement du renouveau du monde qui sera définitivement accompli par la puissance du Seigneur dans la consommation du "siècle", avec la destruction de toute puissance du démon, du péché et de la mort et l'assujettissement de toute chose à Lui et au Père (cf. I Co 1 5,20-28). Par le Christ, dans l'Église, les hommes marqués et animés par l'Esprit Saint sont constitués en "sacerdoce royal" (I P 2,9) s'offrant eux-mêmes, avec leur activité et leur monde, à la gloire du Père (cf. LG 34).

Le baptême comporte donc pour tout chrétien un nouveau rapport avec le monde. Le chrétien, de même que tous les hommes de bonne volonté, est engagé dans la tâche d'édifier le monde et de contribuer au bien de l'humanité, opérant selon l'autonomie légitime des réalités terrestres (cf. GS 34 et 36). En effet, ce rapport nouveau avec le monde n'enlève rien à l'ordre naturel: il entraîne une rupture à l'égard du monde en tant que réalité opposée à la vie de la grâce et à l'attente du Royaume éternel; mais il comporte en même temps la volonté d'opérer dans la charité du Christ pour le salut du monde, c'est-à-dire pour conduire les hommes à la vie de la foi et pour réordonner autant que possible les réalités temporelles selon le dessein de Dieu, afin qu'elles servent à la croissance des hommes dans la grâce pour la vie éternelle (cf. AA 7).

C'est en vivant ce rapport nouveau avec le monde que les baptisés coopèrent à sa rédemption dans le Christ. Donc, la sécularité d'un baptisé, prise dans sa signification la plus générale en tant qu'existence dans ce monde et participation à ses multiples activités, ne peut être vue que dans le cadre de ce rapport essentiel, quelle que soit sa forme concrète.

3. Divers modes de vivre concrètement le rapport avec le monde

Tous vivent ce rapport essentiel avec le monde et doivent tendre à la sainteté, qui est participation à la vie divine dans la charité (cf. LG 40). Mais Dieu distribue ses dons à chacun "selon que le Christ a mesuré ses dons" (Eph 4,7).

En effet, Dieu est souverainement libre dans la distribution de ses dons. L'Esprit de Dieu, dans sa libre initiative, les distribue "à chacun comme il l'entend" (I Co 12,11), en vue du bien de chaque personne mais, en même temps, du bien général de l'Église et de l'humanité tout entière.
C'est justement en raison de cette richesse de dons que l'unité fondamentale du Corps Mystique, qui est l'Église, se manifeste dans la diversité complémentaire de ses membres, vivant et opérant sous l'action de l'Esprit du Christ, pour l'édification de son Corps.

La vocation universelle à la sainteté dans l'Église est cultivée en effet, dans les différents genres de vie et dans les différentes fonctions (cf. LG 41), selon les multiples vocations spécifiques. Le Seigneur assortit ces différentes vocations avec les dons qui rendent les hommes capables de les vivre, et ces vocations, en rencontrant la libre réponse des personnes, suscitent des modes divers de réalisation. Alors se diversifient également les modes selon lesquels les chrétiens concrétisent leur rapport baptismal avec le monde.

4. A la suite du Christ dans la pratique des conseils évangéliques.

Pour tout chrétien, suivre le Christ comporte une préférence absolue pour Lui, s'il le faut jusqu'au martyre (cf. LG 42). Cependant le Christ invite certains de ses fidèles à "Le suivre" inconditionnellement pour se vouer totalement à Lui et à la venue du Royaume des Cieux. C'est un appel à un acte irrévocable, qui comporte le don total de soi à la personne du Christ pour partager sa vie, sa mission, son sort, et qui exige comme condition le renoncement à soi-même, à la vie conjugale et aux biens matériels.

Un tel renoncement est vécu par ces "appelés" comme une condition pour adhérer sans obstacle à l'Amour absolu qui les rencontre dans le Christ, de manière à leur permettre d'entrer plus intimement dans le mouvement de cet Amour vers la création: "Dieu a tant aimé le monde qu'II a donné son Fils unique" (Jn 3,16) afin que le monde soit sauvé par Lui. Une pareille décision, en raison de son caractère total et définitif, répondant aux exigences de l'amour, prend le caractère d'un vœu de fidélité absolue au Christ. Elle suppose évidemment la prémisse baptismale de vivre comme un fidèle du Christ, mais elle s'en distingue en la perfectionnant.

Cette décision, par son contenu, radicalise le rapport du baptisé à l'égard du monde: en renonçant à la façon commune de "se servir de ce monde", on en atteste la valeur relative et provisoire et on annonce la venue du Royaume eschatologique (I Co 8,31).

Dans l'Église, le contenu de ce don s'est explicité dans la pratique des conseils évangéliques (chasteté consacrée, pauvreté, obéissance), vécue à travers des formes concrètes variées, spontanées ou institutionnelles. La diversité de ces formes est due aux diverses modalités d'œuvrer avec le Christ au salut du monde: une gamme qui peut aller de la séparation effective, propre à certaines formes de vie religieuse, jusqu'à cette forme de présence typique qu'est celle des membres des Instituts séculiers.

La présence de ces derniers dans le monde signifie vocation spéciale à une présence de salut qui s'exerce dans le témoignage rendu au Christ et dans une activité visant à réordonner les choses temporelles selon le dessein de Dieu. Au sujet de cette activité, la profession des conseils évangéliques prend une signification particulière de libération des obstacles (orgueil, avidité) qui empêchent de voir et de réaliser l'ordre voulu par Dieu.

5. Ecclésialité de la profession des conseils évangéliques - Consécration

Tout appel à suivre le Christ est un appel à la communion de vie en Lui et dans l'Église.

Aussi, la pratique et la profession des conseils évangéliques dans l'Église s'effectuent non seulement de façon individuelle, mais par insertion dans des communautés suscitées par l'Esprit au moyen des charismes des fondateurs.

Ces communautés sont intimement liées à la vie de l'Église animée par l'Esprit Saint; elles sont donc confiées au discernement et au jugement de la Hiérarchie qui en vérifie le charisme, les admet, les approuve et les envoie, reconnaissant leur mission de coopérer à l'édification du Royaume de Dieu.

Le don total et définitif au Christ fait par les membres de ces Instituts est donc reçu au nom de l'Église, représentante du Christ, et dans la forme qu'elle a approuvée, par les autorités constituées dans les Instituts, de manière à créer un lien sacré (cf. LG 44). En effet, en acceptant le don d'une personne, l'Église la marque, au nom de Dieu, d'une consécration spéciale, comme appartenant exclusivement au Christ et à son œuvre de salut.

Le baptême comporte la consécration sacramentelle et fondamentale de l'homme, mais celle-ci peut être vécue ensuite de façon plus ou moins "profonde et intime". C'est la décision ferme de répondre à l'appel spécial du Christ, lui remettant totalement son existence libre et renonçant à tout ce qui, dans le monde, peut faire obstacle à cette donation exclusive, c'est cette décision qui offre la manière de la susdite nouvelle consécration (cf. LG 44), laquelle "enracinée dans la consécration baptismale, l'exprime plus pleinement" (PC 5). Elle est l'œuvre de Dieu qui appelle la personne, la réserve à soi par le truchement du ministère de l'Église, et l'assiste par des grâces particulières pour 1'aider à être fidèle.

La consécration des membres des Instituts séculiers n'a pas le caractère d'une mise à part rendue visible par des signes extérieurs; elle possède toutefois le caractère essentiel d'un engagement total pour le Christ dans une communauté ecclésiale déterminée, avec laquelle un lien mutuel et stable est établi, et dont on partage le charisme. I1 en découle une conséquence particulière quant à la façon de concevoir l'obéissance dans les Instituts séculiers: l'obéissance comporte non seulement la recherche personnelle, ou en groupe, de la volonté de Dieu à l'égard des engagements propres d'une vie séculière, mais aussi la libre acceptation de la médiation de l'Église et de la communauté par l'intermédiaire de ses Responsables, dans le cadre des normes constitutives de chaque Institut.

6. La “sécularité” des Instituts séculiers

La sequela Christi dans la pratique des conseils évangéliques a fait en sorte qu'il s'est constitué dans l'Église un état de vie (sous différentes formes) caractérisé par un certain "abandon du siècle": la vie religieuse. Cet état s'est donc distingué de celui des fidèles restant dans les conditions et les activités du monde, lesquels sont appelés de ce fait séculiers.

L'Église a reconnu ensuite de nouveaux Instituts au sein desquels les conseils évangéliques sont pleinement professés par des fidèles qui restent dans le monde et s'engagent dans ses activités à opérer de l'intérieur ("in saeculo ac veluti ex saeculo") pour le salut du monde: elle les a appelés Instituts séculiers.
L'adjectif qualificatif séculier attribué à ces Instituts, contient un sens que l'on pourrait dire "négatif": ils ne sont pas religieux (cf. PC 11), et on ne doit pas leur appliquer la législation ou la procédure propre des Instituts religieux.

Mais le sens qui importe vraiment et qui les définit dans leur vocation spécifique, c'est le sens "positif": la sécularité consiste à indiquer soit une condition sociologique - le fait de rester dans le monde - soit une attitude d'engagement apostolique attentive aux valeurs des réalités terrestres et en partant d'elles, dans le but de les pénétrer d'esprit évangélique.

Cet engagement est vécu selon des modalités diverses par les laïcs et les prêtres. Les premiers en effet ont comme note particulière, qui caractérise leur évangélisation et leur témoignage de foi dans leurs paroles et dans leurs œuvres, celle de "chercher le Royaume de Dieu en traitant des choses temporelles et en les ordonnant selon Dieu" (LG 31). Les prêtres, par contre, - sauf certains cas exceptionnels (cf. LG 31, PO 8) - n'exercent pas cette responsabilité envers le monde par une action directe et immédiate dans l'ordre temporel, mais par leur action ministérielle et grâce à leur rôle d'éducateurs de la foi (cf. PO 6): c'est là le moyen le plus élevé pour contribuer à ce que le monde se perfectionne constamment, selon l'ordre et le sens de la création (cf. Discours Paul VI, 2 février 1972) et pour donner aux laïcs "les soutiens moraux et spirituels afin que l'ordre temporel soit instauré dans le Christ" (AA 7).

Eh bien si, en raison de la consécration, les Instituts séculiers sont rangés parmi les Instituts de vie consacrée, c'est cette caractéristique de la sécularité qui les distingue de toute autre forme d'Instituts.

La fusion en une même vocation de la consécration et de l'engagement séculier attribue à ces deux éléments un caractère original.

Grâce à la pleine profession des conseils évangéliques, l'union plus intime avec le Christ rend particulièrement fécond l'apostolat dans le monde. L'engagement séculier donne une modalité spéciale à la profession même des conseils, et la stimule vers une authenticité évangélique toujours plus grande.

IIIème PARTIE


NORMES JURIDIQUES

Les normes juridiques relatives aux Instituts séculiers étaient contenues dans la constitution apostolique Provida Mater, dans le motu proprio Primo feliciter; dans l'instruction de la Sacrée Congrégation des Religieux Cum Sanctissimus. La même Sacrée Congrégation était autorisée à promulguer de nouvelles normes pour ces Instituts "selon que la nécessité le demande et que l'expérience le conseille" (PM II, § 2-2°).

Le nouveau Code, en même temps qu'il les abroge, reprend et met à jour les normes précédentes, et offre un cadre de lois systématique et complet, fruit aussi de l'expérience de ces dernières années et de la doctrine du Concile Vatican II.

Ce sont ces normes codifiées sur les Instituts séculiers, que nous présentons ici dans leurs éléments essentiels.

1. Instituts de vie consacrée (Liber II, Pars III, Sectio I)

La collocation des Instituts séculiers dans le Code est en soi significative et importante, car elle démontre qu'il fait siennes deux affirmations du Concile (PC 11), déjà contenues dans les documents précédents:

a) les Instituts séculiers sont vraiment et pleinement des Instituts de vie consacrée: et le Code en parle dans la Section De institutis vitae consecratae;

b) mais ils ne sont pas religieux, et le Code place les deux types d'Instituts sous deux titres distincts: II - De Institutis religiosis, III - De Institutis saecularibus.

Il s'ensuit qu'on ne doive plus faire l'identification, malheureusement assez généralisée jusqu'ici, entre "vie consacrée" et "vie religieuse". Le titre I - Normae communes donne bien dans les canons 573 -578 une description de la vie consacrée, mais: d'une part, elle ne suffit pas à définir la vie religieuse qui comporte d'autres éléments (cf. c. 607); et d'autre part, elle la déborde parce que la consécration qui scelle le don total à Dieu, avec sa sequela Christi et sa dimension ecclésiale, appartient aussi aux Instituts séculiers.

De même, la définition des trois conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance (cf. canons 599-601) convient tout à fait aux Instituts séculiers, même si les applications concrètes doivent être conformes à leur nature propre (cf. c. 598).

Quant aux autres points traités sous le titre 1, ils touchent surtout des aspects de procédure. On peut remarquer, entre autres choses, que l'érection diocésaine d'un Institut séculier requiert aussi l'intervention du Siège Apostolique (c. 579; cf. canons 583-584). Cela parce que l'Institut séculier ne constitue pas un état transitoire en vue d'autres formes canoniques, comme pouvaient l'être les Pieuses Unions ou Associations du code précédent; mais, c'est un Institut de vie consacrée au sens vrai et propre, et on ne peut l'ériger comme tel s'il n'en a pas toutes les caractéristiques, et s'il n'offre pas déjà des garanties suffisantes de solidité spirituelle, apostolique et même numérique.

Pour en revenir à l'affirmation de base: les Instituts séculiers ont donc, eux aussi, une vie de consécration vraie et propre. De plus, le fait qu'un titre à part leur soit dédié, avec des normes fixées spécialement pour eux, prouve leur nette distinction de tout autre genre d'Instituts.

2. Vocation originale: caractère séculier (canons 710-711)

La vocation dans un Institut séculier demande que l'on recherche la sanctification ou perfection de la charité, en vivant les exigences évangéliques "in saeculo" (c. 710), "in ordinariis mundi condicionibus" (c. 714); que l'engagement à coopérer au salut du monde se produise "praesertim ab intus" (c. 710), "ad instar fermenti" et, pour les laïcs, non seulement "in saeculo" mais aussi "ex saeculo" (c. 713, §§1-2).

Ces insistantes précisions sur le mode spécifique de vivre les exigences évangéliques montrent que la vie consacrée de ces Instituts est véritablement marquée du caractère séculier, si bien que les aspects co-essentiels et inséparables de sécularité et consécration font de cette vocation, une forme originale et typique de sequela Christi.

"Votre forme de consécration, nouvelle et originale, est suggérée par l'Esprit Saint" (Paul VI, 20 septembre 1972).
"Aucun des deux aspects de votre physionomie spirituelle ne peut être surestimé au détriment de l'autre. L'un et l'autre sont coessentiels... vous êtes réellement consacrés et réellement dans le monde" (id. ibid.).
"...que votre état séculier soit consacré" (Jean-Paul II, 28 août 1980).

En vertu de cette originalité, le c. 711 donne une affirmation de grande portée juridique: étant sauves les exigences de la vie consacrée, les laïcs des Instituts séculiers sont laïcs à tous les effets (de sorte que les canons 224-231 relatifs aux droits et devoirs des fidèles laïcs leur sont appliqués); et les prêtres des Instituts séculiers, à leur tour, sont régis selon les normes du droit commun pour les clercs séculiers.

Pour cette même raison, à savoir ne pas se distinguer formellement des autres fidèles, quelques Instituts exigent de leurs membres une certaine réserve au sujet de leur appartenance à tel Institut.

"Vous demeurez laïcs, engagés dans les valeurs séculières propres et particulières au laïcat" (Paul VI, 20 septembre 1972).
"Elle ne change pas votre condition: vous êtes et vous demeurez des laïcs" (Jean-Paul II, 28 août 1980).
"En s'agrégeant à un Institut séculier, le prêtre en tant que séculier justement, reste lié en intime union d'obéissance et de collaboration à l'Évêque" (Paul VI, 2 février 1972).

En divers canons, le Code confirme que ce caractère séculier doit s'entendre, certes, comme situation (in saeculo), mais aussi de l'aspect théologique et dynamique, au sens indiqué par Evangelii nuntiandi, à savoir comme "la mise en œuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives dans les choses du monde" (no. 70). Paul VI a dit explicitement (25 août 1976) que les Instituts séculiers doivent considérer comme leur étant également adressé ce paragraphe d'Evangelii nuntiandi.

3. Les conseils évangéliques (c. 712)

Pour reconnaître un Institut de vie consacrée, l'Église requiert un engagement libre et explicite dans la voie des trois conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance, "donum divinum quod Ecclesia a Domino accepit" (c. 575, § 1); et elle revendique sa propre compétence sur leur interprétation et leurs normes d'application (cf. c. 576). Le code (canons 599-600-601) énonce le contenu des trois conseils évangéliques, mais il renvoie au droit propre de chaque Institut pour les applications relatives à la pauvreté et à l'obéissance; pour la chasteté, il réaffirme l'obligation de la continence parfaite dans le célibat. Donc, les personnes mariées ne peuvent être membres au sens strict d'un Institut séculier; le c. 721, §1-3° le confirme en déclarant invalide l'admission d'un "coniux durante matrimonio".

Il appartient aux constitutions de chaque Institut de définir les obligations dérivant de la profession des conseils évangéliques, de telle sorte que le style de vie des personnes ("in vitae ratione") assure une possibilité de témoignage selon le caractère séculier.

"Les conseils évangéliques, bien qu'étant communs à toutes les formes de vie consacrée, acquièrent une signification nouvelle, d'une actualité spéciale pour le temps présent" (Paul VI, 2 février 1972).

Les constitutions doivent définir aussi le lien sacré par lequel on s'engage aux conseils évangéliques. Le code ne précise pas quels liens sont considérés comme sacrés, mais à la lumière de la Lex peculiaris jointe à la constitution apostolique Provida Mater (art. II,2), ce sont: le voeu, le jurement ou la consécration, pour la chasteté dans le célibat; le vœu ou la promesse, pour l'obéissance et la pauvreté.

4. L'apostolat (c. 713)

Tous les fidèles, en vertu de leur baptême, sont appelés à participer à la mission ecclésiale de: témoigner et proclamer que Dieu "dans son Fils a aimé le monde", que le Créateur est Père et tous les hommes sont frères (cf. EN 26); travailler de différentes façons à l'édification du Royaume du Christ, Royaume de Dieu.

A l'intérieur de cette mission, les Instituts séculiers ont une tâche spécifique. Le code consacre les trois paragraphes du c. 713 à définir l'activité apostolique pour laquelle ces Instituts sont envoyés.

Le premier paragraphe, dédié à tous les membres des Instituts séculiers, souligne le rapport entre consécration et mission: la consécration est un don de Dieu qui a comme but la participation à la mission salvifique de l'Église (cf. c. 574, § 2). Celui qui est appelé est aussi envoyé.

"La consécration spéciale doit imprégner toute votre vie et toutes vos activités quotidiennes" (Jean-Paul II, 28 août 1980).

Il affirme ensuite que l'activité apostolique est un "dynamisme de l'être" tendu vers la réalisation généreuse du dessein de salut du Père; c'est une présence évangélique dans le milieu où l'on se situe, c'est vivre les exigences radicales de l'Évangile de telle sorte que la vie elle-même devienne ferment. Un ferment que les membres des Instituts séculiers sont appelés à introduire dans la trame de l'histoire humaine, dans le travail, la vie familiale et professionnelle, dans la solidarité avec les frères, en collaboration avec ceux qui œuvrent dans les diverses formes d'évangélisation. Ici le code reprend pour tous les Instituts séculiers ce que le Concile dit pour les laïcs: "suum proprium munus exercendo, spiritu evangelico ducti, fermenti instar" (LG 31).

"Cette résolution vous est propre: changer le monde de l'intérieur" (Jean-Paul II, 28 août 1980).

Le second paragraphe est destiné aux membres laïcs. Il commence par mettre en évidence ce qui est spécifique aux Instituts séculiers de laïcs: la présence et l'action transformatrice à l'intérieur du monde en vue de l'accomplissement du dessein salvifique de Dieu. Ici aussi, le code applique aux membres d'Instituts séculiers ce que le Concile affirme être la mission propre de tous les laïcs: "Laicorum est, ex vocatione propria, res temporales gerendo et secundum Deum ordinando, regnum Dei quaerere" (LG 31; cf. aussi 18-19).

C'est là, en effet, la finalité apostolique pour laquelle sont nés les Instituts séculiers, comme le rappelle encore le Concile, en évoquant à son tour Provida Mater et Primo feliciter "Ipsa instituta propriam ac peculiarem indolem, saecularem scilicet, servent, ut apostolatum in saeculo ac veluti ex saeculo, ad quem exercendum orta sunt, efficaciter et ubique adimplere valeant" (PC 11).

Le même paragraphe affirme ensuite que les membres des Instituts séculiers, comme tous les laïcs, peuvent aussi effectuer un service interne à la communauté ecclésiale comme la catéchèse, l'animation des communautés, etc. Certains Instituts ont pris ces activités apostoliques comme finalité propre, surtout dans des pays où un service de ce genre de la part des laïcs est ressenti comme plus urgent. Le code sanctionne législativement ce choix, avec une précision importante: "juxta propriam vitae rationem saecularem".

"La mise en relief de l'apport spécifique de votre style de vie ne doit pas, cependant conduire à sous-évaluer les autres formes de consécration à la cause du Royaume auxquelles vous pouvez être aussi appelés. Je veux faire allusion ici à ce qui est dit au no. 73 de l'exhortation Evangelii Nuntiandi, qui rappelle que: les laïcs peuvent aussi se sentir appelés ou être appelés à collaborer avec les Pasteurs au service de la communauté ecclésiale, pour la croissance et la vie de celle-ci, exerçant ministères très diversifiés, selon la grâce et les charismes que le Seigneur voudra bien déposer en eux" (Jean-Paul II, 28 août 1980).

Le troisième paragraphe concerne les membres clercs, pour lesquels vaut aussi ce qui a été dit au § 1. Pour ces membres, on énonce un rapport particulier avec le presbyterium: si les Instituts séculiers sont appelés à une présence évangélique dans leur milieu, on peut parler alors d'une mission de témoignage même parmi les autres prêtres.

"...porter au presbyterium diocésain, non seulement une expérience de vie selon les conseils évangéliques et une aide communautaire mais aussi une sensibilité exacte du rapport de l'Église au monde" (Jean-Paul II, 28 août 1980).

Ce paragraphe dit en outre, que la relation de l'Église avec le monde, dont les Instituts séculiers doivent être les témoins spécialisés, impose également aux prêtres membres de ces Instituts une attention particulière et une actualisation: soit par une éducation des laïcs à vivre cette relation de façon exacte, soit par une œuvre spécifique en tant que prêtres.

"Le prêtre en tant que tel a lui aussi, une relation au monde essentielle" (Paul VI, 2 février 1972). "Le prêtre, pour se rendre toujours plus attentif à la situation des laïcs..." (Jean-Paul II, 28 août 1980).

Outre ce paragraphe, pour les Instituts séculiers de clercs, il faut voir aussi le c. 715 qui concerne l'incardination, celle-ci pouvant se faire au diocèse ou dans l'Institut. Pour l'incardination dans l'Institut, on renvoie au c. 266, § 3 qui la présente comme possible "vi concessionis Sedis Apostolicae".

Les seuls cas où, sous le titre III, les Instituts séculiers de clercs ont des normes distinctes de celles des laïcs, sont les deux canons cités (713 et 715), la précision contenue dans le c. 711 déjà rappelé, et celle du c. 727, § 2 relative à la sortie de l'Institut. Pour tous les autres aspects, le code n'introduit pas de distinctions.

5. La vie fraternelle (c. 716)

Une vocation à laquelle on répond dans des Instituts, et qui de ce fait n'est pas celle de personnes prises isolément, comporte une vie fraternelle "qua sodales omnes in peculiarem veluti familiam in Christo coadunantur" (c. 602).

La communion entre membres du même Institut est essentielle, et elle se réalise dans l'unité du même esprit, dans la participation au même charisme de vie consacrée séculière, dans l'identité de leur mission spécifique, dans la fraternité des rapports mutuels, dans la collaboration active à la vie de l'Institut (c. 716; cf. c. 717, § 3).

La vie fraternelle est cultivée à travers des rencontres et échanges de types divers: de prière (et, parmi ceux-ci, les exercices spirituels annuels, les retraites périodiques), de confrontation des expériences, de dialogue, de formation, d'information, etc.

Cette profonde communion et les différents moyens de la développer sont d'autant plus importants que les formes concrètes de la vie peuvent être variées: "vel soli, vel in sua quisque familia vel in vitae fraternae coetu" (c. 714), étant entendu que la vie fraternelle du groupe ne doit pas équivaloir à une vie communautaire du type communauté religieuse.

6. La formation

La nature de cette vocation de consécration séculière, qui exige un effort constant de synthèse entre foi, consécration et vie séculière, et la situation même des personnes, qui sont habituellement engagées dans des tâches et activités séculières en vivant souvent très isolées, imposent que la formation des membres des Instituts soit solide et adaptée.

Une telle nécessité est rappelée opportunément en divers canons, en particulier au c. 719 où sont indiqués les principaux engagements spirituels de chacun des membres: l'assiduité à la prière, la lecture et la méditation de la Parole de Dieu, les temps de retraite, la participation à l'Eucharistie et au sacrement de Pénitence.

Le c. 722 donne quelques directives pour la formation initiale, orientée surtout vers une vie selon les conseils évangéliques et d'apostolat; le c.724 traite de la formation continue "in rebus divinis et humanis, pari gressu".

Il s'ensuit que la formation doit être adaptée aux exigences fondamentales de la vie de la grâce, pour des personnes consacrées à Dieu dans le monde; et elle doit être très concrète, enseignant à vivre les conseils évangéliques à travers des gestes et des comportements de don à Dieu dans le service des frères, aidant à saisir la présence de Dieu dans l'histoire, éduquant à vivre dans l'acceptation de la croix à travers les vertus d'abnégation et de mortification.

On doit reconnaître que tous les Instituts sont très conscients de l'importance de cette formation. Ils cherchent aussi à s'aider entre eux, au niveau des Conférences nationales et de la Conférence mondiale.

7. Pluralité d'Instituts

Les canons 577 et 578 s'appliquent aussi aux Instituts séculiers. En effet, il se présente, parmi eux, une grande variété de dons qui permet un pluralisme positif dans les modes de vivre la consécration séculière commune, en conformité avec les intentions et le projet des fondateurs qui ont été approuvés par l'autorité ecclésiastique.

C'est donc à raison que le c. 722 insiste sur la nécessité de faire bien connaître aux candidats "la vocation spécifique de l'Institut", et de les former selon l'esprit et le caractère qui lui sont propres. Par ailleurs, cette pluralité est une donnée de fait:

"Les nécessités du monde étant très variées, de même que les possibilités d'action dans le monde et avec les instruments du monde, il est naturel que surgissent diverses formes d'actualisation de cet idéal: formes individuelles ou associées, cachées ou publiques, selon les indications du Concile (cf. AA 15-22). Toutes ces formes sont également possibles aux Instituts séculiers et à leurs membres" (Paul VI, 2 février 1972).

8. Autres normes du code

Les autres canons sous le titre des Instituts séculiers concernent des aspects, pourrions-nous dire, plus techniques. Mais de nombreuses déterminations sont laissées au droit propre: il en résulte une structure simple et une organisation très souple.

Les aspects touchés par ces canons sont les suivants:

717: le régime interne;

718: l'administration;

720-721: l'admission dans l'Institut;

723:l'incorporation à l'Institut;

725:la possibilité d'avoir des membres associés;

726-729: l'éventuelle séparation de l'Institut;

730: le passage à un autre Institut.

Le fait que des canons parlent d'incorporation perpétuelle et d'incorporation définitive (cf. notamment le c. 723) mérite une particulière attention. En effet, certaines constitutions approuvées établissent que le lien sacré (vœu ou promesses) soit toujours temporaire, naturellement avec le ferme propos de le renouveler à son échéance. Au contraire, d'autres constitutions, et c'est la majorité, prévoient que, à une certaine échéance, le lien sacré soit ou puisse être contracté pour toujours.

Lorsque le lien sacré est ainsi assumé pour toujours, l'incorporation à l'Institut est dite perpétuelle, avec tous les effets juridiques que cela comporte.

Si, au contraire, le lien sacré demeure toujours temporaire, les constitutions doivent prévoir qu'après un temps (non inférieur à cinq ans), l'incorporation à l'Institut soit considérée comme définitive. L'effet juridique le plus important consiste en ce que, à partir de ce moment, la personne obtient la plénitude des droits et devoirs dans l'Institut. D'autres effets peuvent être déterminés dans les constitutions.

CONCLUSION

L'histoire des Instituts séculiers est bien courte encore: c'est pour cela, et en raison même de leur nature, qu'ils demeurent très ouverts aux adaptations de temps et de lieux.

Mais leur physionomie étant bien définie désormais, ils doivent la réaliser dans la fidélité aux éléments nouveaux suscités par l'Esprit; le nouveau code de droit canonique constitue, à cet effet, un point de référence nécessaire et sûr.

Le fait est, pourtant, que ces Instituts ne sont pas assez connus et compris: cela pour des motifs dérivant peut-être de leur identité (qui unit consécration et sécularité), peut-être de leurs modes d'agir avec réserve, ou encore d'une insuffisante attention à leur égard, mais aussi à cause des aspects problématiques existants et non encore résolus.

Les renseignements offerts par ce document au sujet de leur histoire, leur théologie, leurs normes juridiques peuvent servir à surmonter ce manque de connaissance, et à "favoriser chez les fidèles une compréhension" des Instituts séculiers "qui ne soit ni approximative, ni conciliante, mais strictement exacte et respectant les caractéristiques qui les qualifient" (Jean-Paul II, 6 mai 1983).

Alors il sera plus facile, même au niveau pastoral, de soutenir et protéger cette vocation spécifique, pour qu'elle reste fidèle à son identité, à ses exigences et à sa mission.

Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers
(Assemblée plénière)
Message aux Instituts Séculiers
(6 mai 1983)

Très chers frères et sœurs,

Empruntant les paroles de l'Apôtre Paul, nous vous souhaitons "grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ" (Ga 1,3).

En qualité de Membres de la Sacrée Congrégation qui a compétence sur les Instituts de vie consacrée, réunis à Rome en Assemblée Plénière du 3 au 6 mai, nous vous envoyons ce message, à vous tous consacrés des Instituts séculiers.

La Plenaria, comme vous le savez certainement, est l'assemblée la plus importante du Dicastère qui collabore de manière immédiate au ministère spirituel et pastoral du Saint-Père, à travers le service privilégié donné à la vie consacrée dans l'Église universelle.

Le thème central de cette réunion a été: "Les Instituts séculiers: leur identité et leur mission", thème que nous avons choisi nous-mêmes et qui a été approuvé par le Saint-Père. Notre intention était de mieux connaître cette consolante réalité que vous constituez dans l'Église, afin de favoriser pareillement une meilleure connaissance dans tout le Peuple de Dieu.

Au terme de notre réunion, nous désirons nous adresser à vous, en toute simplicité et responsabilité, pour "réconforter vos cœurs" (Eph 6,22) et rendre grâce à Dieu pour les nouvelles reçues de "votre foi dans le Christ Jésus et la charité que vous avez à l'égard de tous, en raison de l'espérance qui vous est réservée dans les cieux" (Col 1,4-5).

La réflexion menée entre nous et le fait d'avoir écouté les témoignages de quelques représentants de vos Instituts, spécialement invités, nous ont confirmés dans la conviction que les Instituts séculiers sont un grand don de l'Esprit Saint à l'Église et au monde de notre temps.

Au sein du Peuple de Dieu, ils sont en forte syntonie avec la préoccupation pastorale qui, au Concile Vatican II, s'est exprimée surtout dans la Constitution "Gaudium et Spes", où l'on affirme que "l'Église fait route avec toute l'humanité et partage le sort terrestre du monde; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l'âme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu " (GS 40).

Votre charisme se trouve "en coïncidence profonde et providentielle" - comme s'exprimait Paul VI (2 février 1972) - avec cette exigence de la présence de l'Église au monde, de sorte que vous constituez un mode spécifique d'être Église: vous êtes appelés à assumer et promouvoir chrétiennement dans le siècle les engagements et les dynamismes de l'histoire de l'homme.

Convaincus de tout cela, nous tenons à vous adjoindre une exhortation. Soyez jalousement fidèles à votre vocation, croissez dans la sainteté, cette sainteté à laquelle sont appelés tous les fidèles (cf. LG ch. V) et dont vous devez être les témoins privilégiés.

Puisse l'enseignement que vous avez reçu, d'abord de Pie XII par les documents qu'il a promulgués à votre intention, puis notamment de Paul VI et Jean-Paul II, être pour vous le point de référence continuel en vue de répondre à ce que le Seigneur vous demande: vous trouvez là une grande richesse spirituelle. De même la nouvelle législation canonique vous aidera et vous éclairera, non seulement parce qu'elle reflète ce que vous êtes réellement, mais aussi parce qu'elle se fonde sur la doctrine du Concile Vatican II et sur l'enseignement des Souverains Pontifes. Puisiez-vous être attentifs à l'appliquer fidèlement: soit en ce qui concerne les caractéristiques auxquelles vous ne pouvez renoncer, soit pour les engagements de consécration dans votre vie séculière, soit pour l'apostolat qui vous est propre et même pour ce qui touche vos structures.

Continuez votre chemin avec grande joie et grande confiance: l'Église attend beaucoup de vous. Et le monde attend beaucoup, ce monde qui doit être sauvé dans le Christ. C'est Jésus-Christ, en effet, qui vous a appelés et qui vous envoie au monde d'aujourd'hui, afin que tous sachent lui ouvrir les portes, à Lui le Rédempteur (cf. Bulle d'indication de l'Année Sainte de la Rédemption).

Vous devez trouver le moyen de vous faire connaître, et, d'après les caractéristiques de chaque Institut, sans manquer à la discrétion et à la prudence. La possibilité de diffusion et de croissance de vos Instituts dépend beaucoup de vous aussi, afin que bien d'autres personnes se sentent appelées à cette vocation spéciale de consécration dans la sécularité, et y répondent. Tâchez d'avoir un rapport assidu et filial avec les Évêques de vos Églises particulières, soit pour donner votre apport à la vie pastorale selon le caractère qui vous est propre, soit pour vous faire aider par eux. Une conclusion de la réunion plénière a été, en effet, qu'on recommande aux Conférences Épiscopales d'encourager chez les fidèles, et les prêtres en particulier, une connaissance approfondie et un appui diligent pour le développement des Instituts séculiers.

Nous voulons ajouter un dernier mot: prenez bien soin de la formation. Pour agir en correspondance avec la grâce de notre Dieu, Lui qui " mène à bonne fin par sa puissance toute volonté de bien" (2 Thess 1,11), l'exigence de la formation "dans les choses divines et humaines" (PC 11) doit être vraiment votre préoccupation: c'est votre vocation qui impose une telle priorité.

Que la Vierge Marie qui "se consacra totalement à la personne et à l'œuvre de son Fils" (LG 56) soit "le modèle qui vous inspire" (Paul VI) et la Mère qui est toujours là.

Avec notre fraternel attachement, en union avec le Saint-Père Jean-Paul II, nous invoquons sur vous tous la bénédiction divine.

Donné à Rome, le 6 mai 1983.

Les Instituts Séculiers,
expression fidele de l'Ecclésiologie du Concile

Discours de S.S. Jean-Paul II aux participants
à l'Assemblée Plénière de la SCRIS, le 6 mai 1983.

Vénérables Frères et très chers Fils!

1. Je vous remercie pour votre présence et vous exprime ma joie pour cette rencontre, ma reconnaissance pour vos travaux tendus vers l'animation et la promotion de la vie consacrée. Les conseils évangéliques sont, en effet, "un don divin que l'Église a reçu de son Seigneur et que par sa grâce elle conserve toujours" (Lumen gentium, 43); par conséquent tout ce que fait votre Dicastère en faveur de la profession de ces conseils est extrêmement valide et précieux.

C'est sur ce plan d'animation et de promotion que s'est également placée l'Assemblée plénière qui se conclut aujourd'hui et au cours de laquelle vous avez accordé une attention toute spéciale à l'identité et à la mission des Instituts dénommés "Instituts séculiers" en raison de leur mission particulière "in saeculo et ex saeculo" (canon 713, parag. 2, du nouveau Code).

C'est la première fois que votre Assemblée plénière traite directement de ces Instituts: ce fut donc un choix opportun qu'a favorisé la promulgation du nouveau Code. Les Instituts séculiers que l'Église reconnut en 1947 avec la Constitution apostolique Provida Mater de mon Prédécesseur Pie XII, ont trouvé maintenant leur place exacte, basée sur la doctrine du Concile Vatican II. Ces Instituts veulent être, en effet, l'expression fidèle de cette ecclésiologie que le Concile a reconfirmée lorsqu'il a mis en évidence la vocation universelle à la sainteté (cf. Lumen gentium, chap. V), les tâches innées des baptisés (cf. ibid. chap. IV; A.A.); la présence de l'Église dans le monde où elle doit agir comme ferment et être "sacrement universel de salut" (Lumen gentium, 48; cf. Gaudium et spes); la variété et la dignité des diverses vocations, et la "continence parfaite pour le Royaume des Cieux" qui a toujours été "tenue en particulier honneur" dans l'Église (cf. Lumen gentium, 42) ainsi que le témoignage de la pauvreté et de l'obéissance évangéliques (cf. ibid.).

2. Vous avez très justement fixé votre réflexion sur les éléments constitutifs, théologiques et juridiques, des Instituts séculiers, en tenant compte de la formulation des canons que leur dédie le Code récemment promulgué et en les examinant à la lumière de l'enseignement que le Pape Paul VI, et moi-même durant l'allocution du 28 août 1980, avons rappelé et confirmé lors des audiences qui furent accordées à ces Instituts.

Nous devons remercier profondément le Père à la miséricorde infinie qui eut à coeur les besoins de l'humanité et qui, avec la force vivifiante de l'Esprit, a pris au cours de ce siècle de nouvelles initiatives pour sa rédemption. Au Dieu Trine, gloire et honneur pour cette irruption de grâce que sont les Instituts séculiers par lesquels I1 manifeste la bonté inépuisable de l'Église elle-même aimant le monde au nom de son Dieu et Seigneur!

La nouveauté du don que l'Esprit a fait à la permanente fécondité de l'Église pour répondre aux besoins de notre temps ne peut se constater que si l'on comprend les éléments qui le constituent de manière inséparable: la consécration et la sécularité; et, conséquence qui en découle, l'apostolat de témoignage, d'engagement chrétien dans la vie sociale et d'évangélisation; la fraternité qui, sans être déterminée par une communauté de vie, est véritablement communion; la forme extérieure elle-même de la vie qui ne se distingue pas du milieu dans lequel elle est présente.

3. Maintenant, il importe de connaître et faire connaître cette vocation si actuelle et, je dirais, si urgente, de personnes qui se consacrent à Dieu en pratiquant les conseils évangéliques et, dans cette consécration spéciale, s'efforcent d'immerger toute leur vie et toutes leurs activités, créant en elles-mêmes une disponibilité totale à la volonté du Père et œuvrant pour changer le monde à partir de l'intérieur (cf. Allocution du 28 août 1980).

La promulgation du nouveau Code permettra certainement cette meilleure connaissance, mais elle doit pousser les Pasteurs à favoriser chez les fidèles une compréhension qui ne soit ni approximative ni conciliante mais strictement exacte et respectant les caractéristiques qui la qualifient.

De cette manière il sera possible de susciter des réponses généreuses à cette difficile mais belle vocation de "pleine consécration à Dieu et aux âmes" (Perfectae caritatis, 5): vocation exigeante parce qu'on y répond en portant les engagements du baptême aux plus parfaites conséquences des exigences évangé¬liques et aussi parce que cette vie évangélique doit s'incarner dans le plus diverses situations.

En effet, la variété des dons confiés aux Instituts séculiers exprime la variété des fins apostoliques qui embrassent tous les domaines de la vie humaine et chrétienne. Cette richesse pluraliste se manifeste également dans les nombreuses spiritualités qui animent les Instituts séculiers, par la diversité des liens sacrés qui caractérisent diverses modalités de pratique des conseils évangéliques, et dans les grandes possibilités d'insertion dans tous les milieux de la vie sociale. Mon prédécesseur le Pape Paul VI qui démontra tant d'affection pour les Instituts séculiers disait avec raison que “ s'ils restent fidèles à leur propre vocation, ils seront comme le 'laboratoire d'expériences' dans lequel l'Église vérifie les modalités concrètes de ses rapports avec le monde " (Paul VI, Discours au Congrès International des Instituts séculiers, 25.8.1976). Prêtez donc votre appui à ces Instituts pour qu'ils soient fidèles à l'originalité de leurs charismes de fondation reconnus par la hiérarchie, et veillez à découvrir dans leurs fruits l'enseignement que Dieu veut nous donner pour la vie et l'action de toute l'Église.

4. S'il se produit un développement et un renforcement des Instituts séculiers, les Églises locales en tireront elles-mêmes avantage.

Dans votre Assemblée plénière il a été tenu compte de cet aspect, notamment parce que différents Épiscopats, vous envoyant des suggestions en vue de votre réunion, vous ont fait savoir qu'à leur avis les rapports entre Instituts séculiers et Églises locales méritaient d'être étudiés attentivement.

Tout en agissant dans le respect de leurs caractéristiques, les Instituts séculiers doivent comprendre et assumer les besoins pastoraux urgents des Églises particulières et aider leurs membres à vivre, avec une participation attentive, leurs espérances et leurs peines, leurs projets et leurs inquiétudes, leurs richesses spirituelles et leurs limites soit, en un mot, être en communion avec leur Église concrète. Ceci doit être un sujet de réflexion intense pour les Instituts séculiers, de même que les Pasteurs doivent avoir soin de reconnaître et de solliciter leur apport, suivant la nature qui leur est propre.

En particulier, il incombe une autre responsabilité aux pasteurs: ils doivent offrir aux Instituts séculiers toute la richesse doctrinale dont ils ont besoin. Ceux-ci veulent faire partie du monde et ennoblir les réalités temporelles, les ordonnant et les élevant pour "ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ" (Eph 1,10). Aussi, que l'on munisse ces Instituts de toute la richesse de la doctrine catholique sur la création, l'incarnation et la rédemption afin qu'ils puissent faire leurs les sages et mystérieux desseins de Dieu sur l'homme, sur l'histoire et sur le monde.

5. Très chers Frères et Fils ! C'est avec un sentiment de véritable estime pour les Instituts séculiers et pour les encourager vivement que j'ai saisi l'occasion que m'offre cette rencontre pour souligner quelques-uns des aspects que vous avez examinés ces jours derniers.

Je souhaite que votre Assemblée plénière réussisse pleinement dans son intention d'offrir à l'Église une meilleure information sur les Instituts séculiers, et d'aider ceux-ci à vivre leur vocation en toute conscience et fidélité.

Que cette Année Jubilaire de la Rédemption qui appelle chacun "à une nouvelle découverte de l'amour de Dieu qui se donne" (cf. Aperite portas Redemptori, 8), à une nouvelle rencontre avec la bonté miséricordieuse de Dieu, puisse être également pour les personnes consacrées une nouvelle et pressante invitation à suivre "avec une plus grande liberté" et "de plus près" (Perfectae caritatis, 1) le Maître qui les appelle sur les voies de l'Évangile.

Et que la Vierge Marie soit pour elles un constant et sublime modèle, et les guide toujours sous sa protection maternelle.

Avec ces sentiments, je vous donne bien volontiers, à vous ici présents et aux membres des Instituts séculiers du monde entier, la Bénédiction Apostolique.

Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers

Communication sur le Code

(18 janvier 1984)

Le 27 novembre 1983, le nouveau Code de droit canonique est entré en vigueur, abrogeant ainsi les précédentes lois ecclésiastiques universelles, et de même celles relatives aux Instituts séculiers.

Ceux-ci sont régis par les canons 573-602 et 606 (normes communes à tous les Instituts de vie consacrée), et par les canons 710-730.

La présente communication ne veut être ni un commentaire, ni une explication de ces canons, mais veut seulement répondre à la question: comment revoir les constitutions propres à chaque Institut à la lumière du Code?

I. PRINCIPES ÉCLAIRANTS

1. - Dans la matière qui intéresse directement les Instituts séculiers, le Code n'introduit pas d'innovations substantielles. Leur nature, telle qu'elle est définie par Provida Mater, Primo Feliciter, les documents conciliaires et les discours des Papes, est théologiquement et juridiquement confirmée: consécration avec engagements aux conseils évangéliques - situation et apostolat séculiers - souplesse d'organisation.

2. - Les traductions du Code dans les différentes langues, même si elles sont autorisées par les Conférences Épiscopales, ne sont pas le texte officiel, mais celui-ci est constitué par l'édition en latin.

3. - Les commentaires, généralement très utiles pour bien comprendre le texte, n'en constituent pas toutefois l'interprétation authentique: celle-ci peut être donnée seulement par le Siège Apostolique.

Il demeure toujours très important de se référer aux sources (c'est-à-dire aux documents précédents et au magistère ecclésial dont le Code tient compte), ainsi qu'à la praxis de la Sacrée Congrégation.

4. - Quand les canons parlent de "constitutions", il s'agit du texte fondamental de chaque Institut, même s'il est désigné par un nom différent comme: statut, règle de vie ou autre. C'est le texte approuvé par l'autorité compétente de l'Église.

Par contre, lorsqu'ils parlent de "droit propre", cela comprend aussi, outre les constitutions, d'autres textes normatifs des Instituts, comme: le directoire, les normes d'application, les normes complémentaires, le règlement.
Voir à ce sujet tout le canon 587.

II . PRÉCISIONS JURIDIQUES

Le Code donne des normes obligatoires pour tous les Instituts: ces normes sont effectives même si les constitutions ne les reprennent pas. Par exemple: les conditions d'admission, can. 721 § 1.

Les constitutions peuvent être plus exigeantes que les règles du Code; tandis qu'elle ne peuvent exiger moins, ni proposer des prescriptions contraires à celles du Code.

Souvent le Code déclare qu'il appartient à chaque Institut de fixer des normes précises sur les points particuliers. En les relevant, on peut faire la distinction suivante:

1 - Les points que doivent prescrire les constitutions:

Une claire présentation de l'institut: nature, fin, spiritualité, traits caractéristiques (can. 578, auquel renvoie le can. 587 § 1); donc tout ce qui est essentiel à la définition d'un Institut séculier, et spécialement d'un Institut déterminé.

Les engagements sacrés par lesquels sont assumés les conseils évangéliques de chasteté, pauvreté, obéissance, et les obligations qu'ils comportent en un style de vie séculier (can. 712; celui-ci renvoie aux canons 598-601, et reprend en substance l'exigence finale du can. 587 § 1 et surtout celle du can. 598 § 1). Pour les engagements, on peut choisir entre ceux qui étaient prévus par la Lex peculiaris jointe à Provida Mater: le vœu, ou le serment, ou la consécration pour la chasteté; le vœu ou la promesse pour la pauvreté et l'obéissance.

Les règles fondamentales relatives au gouvernement (can. 587 § 1), en particulier: l'autorité des responsables et des assemblées (can. 596 § 1); la forme et le mode de gouvernement, le mode de désigner les responsables, la durée des charges (can. 717 § 1).

(Note: "moderator supremus" indique le responsable général; "moderatores majores" désigne soit le responsable général, soit les responsables des plus importantes subdivisions de l'Institut, lorsque celles-ci sont prévues par les constitutions).

Si les constitutions prévoient la subdivision de l'Institut en d'autres parties, comme: zones, régions, nations... alors, qui a compétence pour les ériger, les déterminer, les supprimer (can. 581 et can. 585).

Les règles fondamentales relatives aux différentes obligations assumées par les membres (can. 587 § 1; voir par exemple can. 719 sur la prière).

Les règles fondamentales relatives à l'incorporation et à la formation (can. 587 § 1) et en particulier: quel Supérieur avec son Conseil (et les Constitutions doivent préciser si le vote du Conseil doit être délibératif ou consultatif) a le droit d'admettre: dans l'Institut, à la formation, à l'incorporation aussi bien temporaire que perpétuelle ou définitive (can. 720); quelle est la durée du temps de formation, et elle ne doit pas être inférieure à deux ans (can. 722 § 3); quelle est la durée d'incorporation temporaire, et elle ne doit pas être inférieure à cinq ans (can. 723 § 2); quels sont les effets de l'incorporation définitive (can. 723 § 4: à ce sujet, voir ci-dessous le titre IV); comment assurer la formation continue (can. 724 § 1); quels éventuels empêchements à l'admission, l'Institut veut ajouter à ceux prévus par le Code (can. 721 § 2).

Le style de vie dans les situations ordinaires (can. 714), et l'engagement de vie fraternelle (can. 602; voir can. 716).

Si l'Institut a des membres associés, quel est leur lien avec l'Institut (can. 725).

Pour concéder la dispense des engagements perpétuels contractés dans un Institut de droit diocésain, quel est l'Évêque compétent: celui du siège de l'Institut, ou celui du lieu où réside l'intéressé (can. 727 § 1). Dans un Institut de droit pontifical, est seul compétent le Siège Apostolique.

Pour le renvoi, quelles causes l'Institut croit devoir ajouter à celles prévues par le Code (can. 729).

(Canons cités ci-dessus, dans leur ordre numérique: 578,581,585,587 § 1,596 § 1,598 § 1;602,712,714,717 § 1,720,721 § 2,722 § 3,723 §§ 2 et 4, 724 § 1,725,727 § 1,729).

2 - Les points que doit exprimer le droit propre (donc: soit les constitutions, soit le directoire ou un autre texte):

Pour l'admission: les qualités éventuelles requises par l'Institut, outre celles prévues par le Code (can. 597 § 1).

Pour le conseil évangélique de pauvreté: les normes concrètes quant à la limitation dans l'usage et dans la disposition des biens (can. 600); le mode d'administration des biens de l'Institut, et les éventuelles obligations d'ordre économique entre l'Institut et les membres (can. 718). En ce qui concerne les biens de l'Institut, le canon renvoie au livre V du Code, parce que les biens appartenant à une personne publique dans l'Église, comme le sont les Instituts séculiers, sont des "biens ecclésiastiques" sujets à des normes particulières (can. 1257 § 1).

Comment doit s'entendre la participation à la vie de l'Institut (can. 716 § 1) et les précisions concernant les retraites, exercices spirituels, etc. (can. 719).

(Canons cités ci-dessus, dans leur ordre numérique: 597 § 1, 600, 716 § 1,718,719; voir aussi 598 § 2).

III. SUGGESTIONS POUR LA MISE EN APPLICATION

A la lumière de tout ce qu'on vient de dire, les Instituts séculiers n'ont pas à se préoccuper de refaire leurs constitutions, si celles-ci ont été approuvées récemment.

Mais voici ce qu'on leur demande de faire:

1. - Le gouvernement central, directement ou par l'intermédiaire d'une commission qui travaille sous sa responsabilité, doit contrôler si les constitutions (et le directoire) expriment tout ce que requiert le Code. Une vérification s'impose en particulier pour les précisions qui n'étaient pas exigées jusqu'à présent, c'est-à-dire: que la durée de la première formation ne soit pas inférieure à deux ans, et que la durée de l'incorporation temporaire ne soit pas inférieure à cinq ans.

2. - Après avoir repéré les points à préciser dans les constitutions (et dans le directoire), le gouvernement central procède aux modifications. Il n'est pas nécessaire de les soumettre au préalable à l'Assemblée générale: on le fera à la première occasion. Naturellement, on doit en informer tous les membres, et en donner communication à la Sacrée Congrégation ainsi qu'à l'Évêque si l'Institut est de droit diocésain.

3. - Ce travail doit être fait aussitôt que possible. Mais tout élément nouveau introduit dans les constitutions est valable seulement pour l'avenir, non pour le passé (les lois ne sont pas "rétroactives").

IV. L'INCORPORATION DÉFINITIVE

(Note: ce point concerne directement les seuls Instituts dans lesquels l'engagement sacré est ou peut être toujours temporaire).

Après la période de formation, un membre est incorporé à l'Institut de manière temporaire. Puis, quand il assume pour toujours ses engagements sacrés en vue d'une consécration à Dieu perpétuelle, l'incorporation à l'Institut est aussi perpétuelle.

Toutefois, certains Instituts prévoient dans leurs constitutions que la consécration à Dieu perpétuelle dans l'intention, soit ou puisse être toujours renouvelée par un engagement temporaire (habituellement annuel).

Dans ce cas où les engagements sont toujours renouvelés à échéance, le Code précise que, à partir d'un certain moment fixé par les constitutions - et qui ne peut se situer à moins de cinq ans depuis la première incorporation - l'incorporation à l'Institut devient définitive (Can. 723 § 3), assimilée à celle perpétuelle (ivi § 4) pour les effets juridiques suivants:

1. - Selon le droit commun:

- Au moment où l'incorporation devient définitive, un acte formel d'admission doit être accompli par le supérieur compétent (un "supérieur majeur" déterminé), avec le vote de son Conseil;

- après que l'incorporation est devenue définitive les supérieurs ne peuvent, à moins de motifs très graves, décider la non admission d'un membre à renouveler ses vœux: dans ce cas, en effet, la non admission équivaut à un renvoi;

- toutefois, la personne elle-même demeure toujours libre de quitter l'Institut sans demander de dispense particulière, lorsqu'elle ne renouvelle pas ses engagements à l'échéance de la période pour laquelle elle les avait contractés.

2. - Selon les propres constitutions:

- par l'incorporation définitive, le membre obtient la plénitude des droits dans l'Institut, comme celui d'être élu aux différentes charges. Mais les constitutions peuvent ajouter des conditions particulières pour assumer certaines de ces charges (un âge minimum, par exemple); ou bien elles peuvent prévoir d'admettre aussi, à d'autres charges déterminées, des membres qui n'ont pas l'incorporation définitive.

Rome, le 18 janvier 1984

par les soins de la Section Instituts séculiers

Discours d'ouverture au 3e Congrès Mondial des Instituts Séculiers
Card. Jean Jérôme Hamer
(27 août 1984)

Je suis très heureux d'être ici et d'avoir l'occasion de prendre contact avec vous, comme Pro-Préfet de la Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers, fonction que j'assure depuis quatre mois et demi.

Eh bien, avant d'aborder le thème des Instituts séculiers et surtout de la formation, je dois vous dire, que pour moi, il n'y a pas à Rome fonction plus intéressante que celle que j'occupe maintenant: être le porte-parole du Saint-Père pour la vie consacrée dans l'Église. Étant le porte-parole du Saint-Père, je suis en même temps à votre service car si le Saint-Père est "Servus servorum Dei", cela vaut a fortiori pour ses collaborateurs.

Je voudrais faire une introduction au thème de la formation en montrant qu'elle doit être nécessairement conditionnée par la nature et les exigences propres des Instituts séculiers. Le Droit Canon récemment promulgué et mis en application, a encore mieux mis en valeur la situation, le niveau si je puis dire, des Instituts séculiers dans l'Église. Ils sont une forme de vie consacrée qui, comme telle, se trouve au rang de la vie religieuse.

La définition de la vie consacrée se vérifie dans la vie religieuse et dans celle des Instituts séculiers. I1 s'agit de part et d'autre d'une forme stable de vie marquée par la profession des conseils. Une forme de vie qui cherche à suivre le Christ de plus près et conçue pour tendre à la perfection. Et d'ailleurs, la structure même du livre du Droit Canon qui traite de la vie consacrée, donne une égale valeur à la vie religieuse et aux Instituts séculiers. Ce sont en effet deux "titres", donc deux parties d'égale dignité à l'intérieur de la section dédiée aux Instituts de vie consacrée.

Les Instituts séculiers ont quatre caractéristiques et chacune d'elles agit sur la formation:

1° La consécration par la profession des conseils évangéliques;
2° La sécularité ou condition séculière;
3° L'apostolat;4° La vie fraternelle.

I) La consécration dans les Instituts séculiers est totale. Elle comprend donc:

- La chasteté pour le règne de Dieu: la continence dans le célibat et la renonciation à l'exercice légitime de la sexualité génitale.
- La pauvreté: la limitation et la dépendance dans l'usage et la disposition des biens et cela dans le cadre d'une vie réellement pauvre.
- L'obéissance: l'obligation de soumettre la volonté aux supérieurs légitimes en tant que représentants de Dieu.

Cette consécration est sanctionnée par les liens qui sont: soit des vœux, soit des serments, soit des consécrations, soit des promesses. Parmi les trois conseils évangéliques, la chasteté reçoit une attention particulière parce qu'elle doit être assumée soit par un vœu, un serment ou par une consécration alors que la promesse peut suffire pour les deux autres conseils.

2) Le point important et déterminant, celui qui a constamment été mis en valeur même s'il n'est pas toujours bien compris, c'est la sécularité. Les membres d'un Institut séculier vivent dans le monde. Ils œuvrent à la sanctification du monde et spécialement à partir du monde. I1 est assez difficile de traduire en français l'expression latine "ab intus", "qui vient de l'intérieur". Sur ce point de la sécularité, j'aime à reproduire quelques paroles du document de Pie XII - Primo feliciter - "le caractère séculier en qui se trouve leur raison d'être, doit paraître en toutes choses". "La perfection de la vie consacrée vécue dans les Instituts séculiers, doit être réalisée et professée dans le siècle". La consécration dans les Instituts séculiers ne modifie pas la condition canonique des membres, sauf les dispositions propres du droit à propos des Instituts séculiers. Le membre reste laïc ou clerc et s'appliquent à lui tous les droits et toutes les obligations de la condition dans laquelle il se trouve. Ceci met encore en évidence un aspect de la sécularité.

Un autre aspect est le mode de vivre. Les membres des Instituts séculiers vivent dans les conditions ordinaires du monde. Il y a trois possibilités: ils vivent seuls, dans leurs propres familles ou en groupes de vie fraternelle, selon les Constitutions, mais dans le plein respect de leur sécularité. De même des laïcs peuvent spontanément prendre l'initiative de vivre ensemble ne fussent que pour des raisons pratiques. Ce point est très important pour voir la différence entre les Instituts séculiers et les Instituts religieux, car la vie commune est de soi essentielle et inséparable de l'état religieux: essentiel et inséparable de vivre sous un même toit, sous les mêmes supérieurs et d'avoir des activités communes qui appartiennent à cette "vie ensemble". Cette différence est à souligner car elle marquera considérablement tout le processus de la formation.

Je rappelle donc que les membres des Instituts séculiers vivent dans les conditions ordinaires du monde.

3) L'autre caractéristique est l'apostolat. L'apostolat résulte de la consécration même. Pour reprendre les termes de Primo feliciter, "la vie tout entière des membres des Instituts séculiers doit être convertie en apostolat". Et cet apostolat doit non seulement être exercé dans le siècle - et ici je reprends Primo feliciter qui dit plus explicitement que le Droit Canon ce qui suit - "mais aussi pour ainsi dire par le moyen du siècle et par conséquent par des professions, des activités, des formes, dans des lieux et dans des circonstances répondant à cette condition séculière".

Le Droit Canon reprend ici l'image suggestive utilisée par le Concile (LG 31; cf. PC 11) pour montrer comment cet apostolat agit dans le monde, dans la condition séculière, "ad instar fermenti", à la manière d'un ferment. L'apostolat sera, bien entendu, différent suivant qu'il s'agit de membres laïcs ou de membres clercs.

Pour les laïcs ce sera le témoignage de la vie chrétienne et de la fidélité à leur propre consécration. Ce sera une contribution à ce que les réalités temporelles soient comprises et vécues selon Dieu et que le monde soit vivifié par l'Évangile. Il ne faudrait pas cependant que les laïcs membres d'Instituts séculiers soient plus laïcs que les laïcs. Comme tous les laïcs, ils collaboreront à leur communauté ecclésiale dans le style qui leur est propre, ils participeront à la préparation du culte; ils seront catéchètes; ils seront éventuellement ministres extraordinaires de l'Eucharistie, parce que ce sont des fonctions accessibles aux laïcs, même s'il s'agit parfois de fonctions de suppléance du clergé, comme c'est le cas dans le ministère extraordinaire de l'Eucharistie.

Donc l'apostolat des membres laïcs est surtout autour des réalités temporelles dans lesquelles ils doivent faire entrer une anticipation du règne de Dieu.

L'apostolat des membres clercs, des prêtres, ce sera la charité apostolique dans l'aide à leurs confrères: je pense ici en premier lieu à leurs confrères des Instituts séculiers. Ce sera le témoignage de la vie consacrée selon les constitutions de leurs Instituts; ce sera la sanctification du monde par leur propre ministère sacré. En devenant membre d'un Institut séculier le prêtre reste ministre sacré. C'est ce ministère qu'il met au service de la sanctification du monde.

4) Dernière caractéristique: la vie fraternelle. Nous avons vu que la vie commune sous un même toit n'appartient pas, de soi, à la nature d'un Institut séculier, mais la vie fraternelle lui appartient. I1 y a entre les membres d'un Institut séculier une communion spéciale. Leur consécration dans un Institut déterminé crée des liens réciproques spécifiques qui se manifestent de diverses façons. Une solidarité propre à l'Institut séculier qui se manifeste dans les relations aux supérieurs: ce sont les mêmes supérieurs pour tous; dans la vie: ce sont les mêmes normes, ce qui crée une similitude; dans les rencontres: qui seront reconnues nécessaires par les constitutions, précisément pour sauvegarder cette vie fraternelle et certains temps forts à passer ensemble. I1 y a aussi l'entraide sous ses différentes formes car il n'y a pas de communion fraternelle sans elle.

Ces quatre caractéristiques conditionnent la formation. I1 appartient donc à votre Congrès, rassemblé ici, de donner des informations, des suggestions et ainsi, collaborer à l'émulation.

Le Droit Canon a prévu pour vous des étapes dans la formation. Je dirais, les étapes dans tout le développement d'une vie consacrée dans un Institut séculier. Vous les connaissez, c'est la probation initiale, la première incorporation et puis l'incorporation perpétuelle ou éventuellement, définitive.

Cette formation portera, semble-t-il, sur trois choses:

a) elle doit porter sur la vie consacrée. La vie consacrée dans sa substance ne change pas. Elle est le résultat d'une longue tradition spirituelle dans l'Église de qui elle a reçu son cadre, sa légitimité et les conditions de sa reconnaissance canonique. Donc la formation à la vie consacrée est d'une grande importance.
b) Il y a la formation aux activités professionnelles sur laquelle le Saint-Père a attiré votre attention lors de votre dernière rencontre avec lui. Si vous vivez dans les réalités temporelles en vue du règne de Dieu, ces réalités imposent leurs exigences, elles demandent une préparation technique.
c) Il y a enfin une préparation à l'apostolat.

Ce sont les trois champs, me semble-t-il, de la formation.

Qui va faire cette formation? Vous direz, à ce sujet, votre expérience. I1 est clair que pour la formation professionnelle, le membre d'un Institut séculier ne viendra pas la demander à ses supérieurs. I1 la demandera à des organismes, à des personnes compétentes, aux universités, aux ateliers, aux écoles professionnelles. Mais il est important que les supérieurs sachent - et un article du Droit Canon y revient - qu'ils ont une responsabilité particulière pour la formation spirituelle. Quand il s'agit de la formation à la vie consacrée dans un Institut déterminé, c'est ici que le supérieur et ses collaborateurs sont irremplaçables.

Je termine en reprenant une parole déjà connue: la vie consacrée dans un Institut séculier "est un choix extrêmement difficile mais c'est aussi un choix important et de grande générosité".

Rome, le 27 août 1984

Animer l'ordre des réalites temporelles par l'esprit de l'Évangile

Le 28 août 1984 Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II
a reçu en audience à Castel Gandolfo les 350 participants
au IIIe Congrès Mondial des Instituts séculiers qui avait lieu à Rome.
Nous présentons le texte de l'Allocution que le Saint-Père a adressée
aux congressistes en langue italienne.
La traduction française est de L'Osservatore Romano.

Frères et Sœurs,

1. Je suis vraiment heureux de me retrouver avec vous à l'occasion du Congrès mondial des Instituts séculiers, réunis autour du thème: "Les objectifs et les contenus de la formation des membres des Instituts séculiers".

C'est la deuxième rencontre que j'ai avec vous et pendant les quatre ans qui se sont écoulés depuis la précédente, j'ai eu bien des occasions de m'adresser à tel ou tel Institut.

Mais il y a une circonstance particulière où j'ai parlé de vous et pour vous. L'année dernière, à la clôture de la réunion plénière pendant laquelle la Congrégation des Religieux et des Instituts Séculiers a traité de l'identité et de la mission de vos Instituts, j'ai recommandé, entre autres, aux Pasteurs de l'Église de "favoriser parmi les fidèles une compréhension qui ne soit pas approximative ou subjective mais qui soit exacte et respectueuse des caractéristiques propres" aux Instituts séculiers (AAS LXXV, n. 9, p. 687). Et j'ai aussi touché un point qui fait partie de la formation et que vous avez étudié ces jours-ci: d'une part j'exhortais les Instituts séculiers à intensifier leur communion ecclésiale; d'autre part je rappelais aux évêques qu'ils portent la responsabilité "d'offrir aux Instituts séculiers toute la richesse doctrinale dont ils ont besoin" (ibid. p. 688).

Je tiens aujourd'hui à m'adresser directement à vous, qui êtes responsables des Instituts et chargés de la formation, pour vous confirmer l'importance et la grandeur de la formation. C'est un devoir primordial, aussi bien par rapport à la formation personnelle que par rapport à la responsabilité que vous avez de contribuer à la formation de tous les membres de l'Institut, avec un soin tout particulier au cours des premières années mais avec une attention prudente également dans la suite et toujours.

2. En premier lieu et surtout je vous exhorte à tourner vos regards vers le Maître divin pour puiser la lumière nécessaire à votre charge.

On peut lire l'Évangile également comme le compte rendu du travail de Jésus sur ses disciples. Jésus proclame dès le début la "bonne nouvelle" de l'amour paternel de Dieu mais ensuite il enseigne progressivement toute la profondeur de la richesse de ce message, il se révèle progressivement lui-même ainsi que le Père, avec une infinie patience, en recommençant quand c'est nécessaire: "Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas encore?" (Jn 14,9). On pourrait aussi lire l'Évangile pour y découvrir la pédagogie de Jésus et comment il donne à ses disciples une formation de base, la première formation. La "formation permanente" - comme on dit - viendra plus tard et ce sera l'Esprit Saint qui la donnera en amenant les apôtres à la pleine compréhension de ce que Jésus leur avait enseigné, en les aidant à arriver à la vérité tout entière, à l'approfondir dans leur vie, au long de leur cheminement vers la liberté des enfants de Dieu (cf. Jn 14,26; Rm 8,14 ss).

Ce regard sur Jésus et sur son école nous donne confirmation d'une expérience que nous faisons tous: aucun de nous n'a atteint la perfection à laquelle il est appelé, chacun de nous est toujours en formation, est toujours en chemin.

Saint Paul écrit que le Christ doit être formé en nous (cf. Ga 4,19) et que nous avons la possibilité de "connaître l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance" (Ep 3,19). Mais cette compréhension ne sera totale que lorsque nous serons dans la gloire du Père (cf. I Co 13,12).

C'est un acte d'humilité, de courage et de confiance que de se savoir toujours en chemin; bien des pages de l'Écriture en parlent et l'enseignent. Par exemple la route parcourue par Abraham depuis sa terre jusqu'au but inconnu de lui auquel Dieu l'appelle (cf. Gn 12,1 ss); la marche du peuple d'Israël depuis l'Égypte jusqu'à la terre promise, de l'esclavage à la liberté (cf. Exode); la montée de Jésus lui-même vers le lieu et le moment où, élevé de terre, il attirera tout à lui (cf. Jn 12,32).

3. Je disais que c'était un acte d'humilité qui nous fait reconnaître notre imperfection; de courage pour affronter les difficultés, les déceptions, les désillusions, la monotonie de la répétition et la nouveauté de la reprise; un acte surtout de confiance, parce que c'est Dieu qui marche avec nous, car le chemin, c'est le Christ (cf. Jn 14,6), et l'artisan premier et principal de toute formation est et ne peut être que Lui. C'est Dieu le vrai formateur, même s'il se sert d'événements humains: "Seigneur, c'est toi notre Père, nous sommes l'argile et tu es celui qui nous donne forme, nous sommes tous l'œuvre de tes mains" (Is 64,7).

C'est cette conviction fondamentale qui doit guider notre effort, soit pour notre propre formation, soit pour la contribution que l'on peut être appelé à apporter pour la formation des autres. Pour se mettre dans l'attitude juste par rapport à la formation, il faut savoir que c'est Dieu qui forme, et pas nous. Nous pouvons et nous devons nous prêter à Lui et devenir son instrument, mais toujours dans le respect de l'action mystérieuse de la grâce.

Par conséquent, le travail de formation sur nous-mêmes comme sur ceux qui nous sont confiés est toujours orienté, à l'exemple de Jésus, vers la recherche de la volonté du Père: "Je ne cherche pas ma volonté mais la volonté de celui qui m'a envoyé" (Jn 5,30). Car la formation, en dernier ressort, consiste à grandir dans la capacité de nous mettre à la disposition du projet de Dieu sur chacun et sur l'histoire, à collaborer consciemment à son plan de rédemption des hommes et de la création, à réussir à découvrir et à vivre la valeur de salut dont chaque instant est porteur: "Notre Père, que ta volonté soit faite" (Mt 6,9-10).

4. Cette allusion à la volonté divine m'entraîne à vous rappeler quelque chose que je vous ai déjà dit au cours de notre rencontre de 1980: à chaque instant de votre vie et dans toutes vos activités quotidiennes, il vous faut être "totalement disponibles à la volonté du Père qui vous a placés dans le monde et pour le monde" (AAS LXXII, n. 7, p. 1021). Et ceci - avais-je ajouté - signifie pour vous: avoir une attention particulière à trois aspects qui se retrouvent dans ce qui fait la spécificité de votre vocation de membres d'Instituts séculiers.

Le premier aspect regarde le fait de se mettre plus près, à la suite du Christ, sur la voie des conseils évangéliques, par une donation totale de soi à la personne du Sauveur, pour partager sa vie et sa mission. Cette donation que l'Église reconnaît être une consécration spéciale est aussi une contestation des sécurités humaines dans 1n mesure où celles-ci sont le fruit de l'orgueil; et elle est un signe explicite du "monde nouveau" voulu par Dieu et inauguré par Jésus (cf. LG 42; PC 11).

Le deuxième aspect est celui de votre compétence dans le champ spécifique qui est le vôtre, aussi modeste et commun soit-il, avec cette "pleine conscience de votre responsabilité propre dans la vie de la société" (AA 13), qui est nécessaire pour "servir avec une générosité toujours plus grande et plus efficace" vos frères (GS 93). Votre témoignage sera ainsi plus crédible: "A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l'amour les uns pour les autres" (Jn 13,35).

Le troisième aspect a trait à votre présence transformatrice dans le monde, c'est-à-dire à "votre apport personnel à la réalisation du plan providentiel de Dieu dans l'histoire" (GS 34), en animant et en perfectionnant l'ordre des réalités temporelles par l'esprit évangélique, en agissant de l'intérieur même de ces réalités (cf. LG 3l; AA 7,16,19).

Je vous souhaite, comme fruit de ce congrès, d'approfondir votre réflexion, surtout en préparant et en mettant en pratique le matériel nécessaire pour que, dans la formation, l'accent soit mis sur ces trois aspects ainsi que sur tous les autres éléments essentiels, comme par exemple l'éducation à la foi, à la communion ecclésiale, à l'action évangélisatrice: et en unifiant le tout dans une synthèse de vie, propre à vous faire grandir dans la fidélité à votre vocation et à votre mission que l'Église estime et vous confie, parce qu'elle y reconnaît ce qui correspond à son attente et à celle de l'humanité.

5. Avant de conclure, je voudrais encore souligner un point fondamental, à savoir que votre réalité dernière, votre plénitude, c'est la charité. "Celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui" (1 Jn 4,16). La fin ultime de toute vocation chrétienne est bien d'ailleurs la charité; dans les Instituts de vie consacrée, la profession des conseils évangéliques est la route royale qui mène à Dieu aimé par-dessus tout et aux frères qui sont tous appelés à devenir les enfants de Dieu.

Or, à l'intérieur de la formation, la charité trouve son expression, son soutien et sa croissance dans la communion fraternelle, afin de devenir témoignage et action.

En raison des exigences de l'insertion dans le monde requise par votre vocation, l'Église ne demande pas à vos Instituts de mener la vie commune propre au contraire aux Instituts religieux. Cependant elle vous demande une "communion fraternelle enracinée et fondée dans la charité" qui fasse de tous les membres "une seule famille spéciale" (can. 602); elle demande que les membres d'un même Institut séculier "conservent la communion entre eux en entretenant l'unité des esprits et la vraie fraternité" (can. 716,2).

Si l'on respire cette atmosphère spirituelle qui suppose une communion ecclésiale plus large, la formation dans toute sa dimension atteindra son but.

6. Au moment de conclure, notre regard se tourne vers Jésus. Toute formation chrétienne s'ouvre sur la plénitude de la vie des enfants de Dieu, si bien que celui qui agit par notre activité, c'est, au fond, Jésus lui-même: "Ce n'est plus moi qui vis, mais c'est le Christ qui vit en moi" (Ga 2,20). Mais cela n'est vrai que si chacun de nous peut dire: "Je suis crucifié avec le Christ", ce Christ "qui s'est livré pour moi" (ibid.).

C'est la loi sublime de la sequela Christi: embrasser la Croix. Le chemin de la formation ne saurait en faire abstraction.

Que la Vierge Marie vous serve d'exemple aussi sur ce point. Elle qui - comme le rappelle le Concile Vatican II - "tandis qu'elle menait sur terre une vie semblable à celle de tous, remplie par les soins et les labeurs familiaux" (AA 4), "progressa sur le chemin de la foi, et resta fidèlement unie à son Fils jusqu'à la croix" (LG 58).

Et que la Bénédiction Apostolique que je vous donne à tous, de tout coeur, à vous et à tous les membres de vos Instituts, vous soit un gage de la protection divine.

Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers
Lettre aux Responsables Généraux des Instituts Séculier
(2 janvier 1988)

CRITERES

pour le rapport sur la situation et la vie des Instituts séculiers à envoyer périodiquement au Siège Apostolique

Le Siège Apostolique prend très à coeur la vie séculière consacrée des Instituts, leur croissante fécondité aussi bien spirituelle qu'apostolique, et il suit avec une réelle sollicitude leurs multiples nécessités.

Or, il est d'une grande importance que la communion des Instituts avec le même Siège Apostolique, selon la prescription du can. 592 §1, soit constamment favorisée grâce à des informations opportunes sur leur situa¬tion et sur leur vie. Il pourra, de cette façon, prendre part dans le Seigneur aux circonstances heureuses ou pénibles qui les touchent (cf. Rom. 12,15) et, selon les cas et les possibilités, leur offrir son aide pastorale.

A cette fin, la Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers désire proposer quelques critères pour les rapports que les Responsables généraux doivent transmettre au Siège Apostolique.

1.—Le rapport que le Modérateur suprême doit présenter à cette Congrégation, pourra être le même que celui proposé à l'Assemblée générale de l'Institut, mais de manière plus brève; on pourra y joindre les Actes de cette Assemblée. Les Responsables généraux sont priés d'envoyer ce rapport pour la première fois, après la célébration de la prochaine Assemblée générale ordinaire.

2.—De toute façon, le rapport devra comprendre les points suivants:

a) une synthèse statistique des membres;
b) l'activité déployée pour les vocations, et les espérances sur le futur accroissement de l'Institut;
c) comment se réalise l'engagement apostolique de chacun des membres;

- leur formation initiale et permanente;

- la communion fraternelle selon l'esprit de l'Institut, et les re¬lations entre Responsables et membres;

d) le sens ecclésial dans les relations avec le Siège Apostolique et avec les Evêques diocésains; la participation aux Conférences, aussi bien mondiale que celles nationales;
e) au cas où l'Institut comme tel déploie une activité, des informa¬tions sur son action apostolique, sociale, d'assistance;
f) la situation économique de l'Institut, en notant de manière gé¬nérale s'il existe des difficultés en ce domaine;
g) d'éventuelles difficultés plus urgentes concernant la vie de l'Institut;
h) tous autres aspects qui décrivent le mieux la situation réelle de l'Institut

La Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers, en de¬mandant ces informations, invoque sur tous les Instituts séculiers et leurs membres respectifs “paix, amour et foi de la part de Dieu le Père et du Seigneur Jésus Christ” (Eph. 6, 23).

Rome, le 2 janvier de l'Année mariale 1988.

fr. Hieronymus M. Card. Hamer, O.P.
Praef.

+ Vincentius Fagiolo
Archiep. em. Theat. Vasten.
Secr.

Les conclusions du synode et ses conséquences pour les instituts séculiers

Card. Jean Jerôme Hamer

(24 août 1988)




Information et réflexionsJe traite volontiers ce thème qui me permettra d'insister sur l'importance des Instituts séculiers pour l'avenir de l'Église. Je le ferai en tenant compte de la situation dans laquelle nous nous trouvons, car le processus du Synode n'est pas terminé tant que le Saint-Père ne nous aura pas donné son document sur "La vocation et la mission des laïcs dans l'Église et dans le monde", ce qui sera en réalité la conclusion du Synode. Mais en outre je voudrais pousser plus loin et analyser avec attention la situation du laïc consacré.

Le Synode

Parlant récemment (le 17 juin dernier) aux membres du Conseil du Secrétariat général du Synode des Évêques, Jean-Paul II a rappelé: "Les pères de la septième assemblée générale ont exprimé le désir que, sur la base du travail synodal, c'est-à-dire des Lineamenta, de 1'1nstrumentum laboris, des relations après les discussions en assemblée plénière, des rapports des 'cercles mineurs' et des Propositiones que le Synode m'a remises, je puisse offrir à l'Église un document pontifical" sur le thème du Synode.

Ce document n'est pas encore prêt mais je pense qu'il ne tardera pas. Pour ma part, je voudrais me limiter dans mon présent exposé à utiliser deux pièces importantes du travail synodal, 1'1nstrumentum laboris et les Propositiones.

L'Instrumentum laboris est, comme le nom l'indique, un instrument de travail, qui a recueilli les suggestions et les réflexions des évêques sur le thème proposé et les a présentées sous une forme logique. C'est en quelque sorte le fruit des réflexions et des expériences des évêques dispersés dans le monde, avant de venir à Rome pour l'assemblée du synode. Pour étendre à l'ensemble du peuple chrétien l'intérêt suscité par ce thème, le Saint-Père a permis que l'Instrumentum laboris soit mis à la disposition de tous. C'est donc un document que beaucoup d'entre vous connaissent et qu'ils ont sans doute lu avant l'ouverture du synode en octobre 1987. Voici ce que l'Instrumentum laboris dit sur le sujet que nous abordons:

"La contribution originale des Instituts séculiers à la mission de l'Église mérite une attention particulière. Leurs membres, tout en restant laïcs, sont appelés à se consacrer à Dieu en s'engageant dans la voie des conseils évangéliques; cela les établit, au sein du monde, comme des témoins du "radicalisme évangélique". Chaque Institut, selon sa manière propre, montre, par sa façon de vivre et sa présence chrétienne dans le monde d'aujourd'hui, comment des fidèles laïcs peuvent répondre généreusement à la vocation de charité parfaite adressée à tous. Vivant dans le monde leur consécration totale à Dieu, les laïcs qui appartiennent à des Instituts séculiers s'efforcent de vivre, de façon exemplaire, la dimension eschatologique de la vocation chrétienne. Ils portent ainsi témoignage à la nouveauté que le Christ a introduite en ce monde et encouragent les autres fidèles laïcs à reconnaître et à laisser agir en eux la vocation chrétienne à vivre "dans le monde" sans être "du monde". Grâce à leur disponibilité personnelle, résultant de leur type de vie, grâce à la formation spirituelle qu'ils ont reçue, bon nombre de membres des Instituts séculiers aident ainsi fortement les autres fidèles laïcs à accomplir leur propre tâche en hommes et en chrétiens, ils assument avec eux d'importantes responsabilités au sein de la communauté humaine. Ce thème mériterait d'être approfondi.

Par ailleurs on ne peut oublier qu'ils sont de plus en plus nombreux les fidèles laïcs qui, sans se sentir appelés à fonder ou à rejoindre un Institut séculier, se consacrent néanmoins à la pratique radicale des conseils évangéliques. La vie actuelle de l'Église est riche en nouvelles formes de vie laïque consacrée, don que l'Esprit Saint fait à l'Église et au monde de notre temps" (no. 61).

Je crois que ce texte a bien saisi les différents aspects de l'Institut séculier dans son unité profonde: présence vivifiante dans le monde, référence eschatologique, action dans l'Église. Il signale aussi l'existence de plus en plus manifeste, dans le monde laïc, d'autres formes d'engagement à la pratique des conseils évangéliques. Nous y reviendrons. Notons dès à présent que les membres des Instituts séculiers ne revendiquent aucun monopole mais souhaitent simplement que leur spécificité soit reconnue. Pour le reste, ils se réjouissent de découvrir de nouvelles formes d'une commune recherche. J'ajoute que dans son ensemble l'Instrumentum laboris a été très bien reçu par les pères synodaux et le texte que nous venons de citer n'a été, à ma connaissance, contesté par personne.

Au terme du synode on trouvera la même orientation dans les Propositiones qui - au nombre de cinquante-quatre - rassemblent les points les plus importants qui ont retenu l'attention des pères synodaux, au cours des débats qui ont duré près d'un mois. Voici le texte de la sixième proposition qui traite des Instituts séculiers et des autres formes du don de soi:

"Les Instituts séculiers ont une place dans la structure canonique de l'Église par la Constitution Provida Mater depuis 1947. Ainsi est donnée aux prêtres et aux laïcs une nouvelle possibilité pour professer les conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, par des vœux ou des promesses, en conservant pleinement leur statut clérical ou laïc. Ainsi le laïc peut pleinement participer au statut de vie consacrée, au milieu du monde (cf. can. 573). L'Esprit Saint continue de susciter d'autres formes de don de soi, auxquelles se consacrent des personnes qui demeurent pleinement dans la vie laïque".

Ce paragraphe dit l'essentiel. I1 est un bon point de départ pour tout développement ultérieur. Les Propositiones en effet n'entendaient pas tout dire, mais dégager simplement quelques grandes orientations du synode.

Certains diront peut-être: comment se fait-il que sur cinquante-quatre propositions il n'y en ait qu'une seule sur les Instituts séculiers? Voir les choses de cette façon serait déformer la réalité. Tout le synode intéresse et concerne les Instituts séculiers. Les membres de ces Instituts sont d'authentiques laïcs. Tout ce que le synode a dit et tout ce que le document post-synodale dira a de l'importance pour eux. C'est comme cela qu'il faut interpréter le synode par rapport aux Instituts séculiers. Cette considération est à mon avis primordiale pour une juste valorisation de ses travaux. Pour justifier cette affirmation, laissez-moi simplement citer quelques points: l'identité du laïc chrétien, l'appel à la sainteté, la multiplicité des charismes, les ministères et les services, la femme dans l'Église et dans le monde, la présence du laïc dans la paroisse, l'engagement socio-politique, un processus de formation intégrale... C'est bien dans cette perspective que je me situe pour la suite de cet exposé.
L'Institut séculierI1 est important de souligner que le membre laïc de l'Institut séculier est laïc au plein sens du terme. Mais pour ce faire, il faut d'abord placer cette question dans un cadre plus vaste.

Lorsque les associations, dont les membres font profession de pratiquer dans le monde les conseils évangéliques, trouvèrent une reconnaissance officielle et un statut canonique dans la constitution apostolique Provida Mater Ecclesia, sous le nom d'Instituts séculiers, il s'agissait à la fois d'associations de clercs et d'associations de laïcs.

Si les Instituts séculiers de laïcs sont beaucoup plus nombreux que les Instituts séculiers de clercs, il ne faut pas oublier que le statut s'applique aux uns et aux autres.

Les Instituts séculiers de prêtres et les Instituts séculiers de laïcs ont en commun, outre l'obligation de se livrer totalement à l'apostolat, celle de tendre à la perfection chrétienne par ces moyens privilégiés que sont les conseils de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, et cela dans le monde, c'est-à-dire en restant dans le monde, en agissant dans le monde.

Si les membres des Instituts séculiers se rapprochent des religieux par la profession des conseils évangéliques, ils s'en distinguent nettement par le fait que la séparation du monde est propre à l'état religieux, ainsi que la vie commune ou la vie sous le même toit.

C'est cette vie dans le monde ("in saeculo viventes", dit le can. 710) qui constitue la "sécularité", la note commune à tous les Instituts séculiers mais qui sera reçue différemment par les divers Instituts, notamment par ceux des clercs et des laïcs. Le prêtre séculier et le laïc sont l'un et l'autre dans le monde, mais leur rapport au monde est différent précisément en raison de ce qui les distingue: l'exercice de l'Ordre sacré. L'un et l'autre cependant, dans la logique de leur vie dans le monde, contribuent pour leur part à la sanctification du monde surtout de l'intérieur ("praesertim ab intus").

I1 faut bien mesurer l'innovation que représente Provida Mater Ecclesia. Jusque là, les groupes de ce genre étaient régis par un décret, Ecclesia catholica, publié le 11 août 1889, qui louait leur but - "de pratiquer fidèlement dans le siècle les conseils évangéliques et de s'acquitter avec une plus grande liberté des offices que le malheur des temps défend ou rend difficile aux familles religieuses" - mais décidait en même temps qu'ils seraient uniquement de pieuses associations (piae sodalitates). En 1947, la Constitution apostolique confère à ces groupes un statut canonique. N'oublions pas que le Code de 1917 les ignorait encore totalement. Après Provida Mater Ecclesia, les Instituts séculiers seront considérés comme "état de perfection" c'est-à-dire comme forme institutionnelle et stable de la recherche de la perfection de la charité. Cette terminologie sera encore en usage pendant la première partie de Vatican II.

Le nouveau Code, promulgué en 1983, emploie un autre vocabulaire, mais exprime la même réalité: les Instituts séculiers sont d'authentiques Instituts de vie consacrée, auxquels il ne manque rien pour appartenir à la "vie consacrée" telle que l'Église la définit dans son droit:

"La vie consacrée par la profession des conseils évangéliques est la forme de vie stable par laquelle des fidèles, suivant le Christ de plus près, sous l'action de l'Esprit Saint, se donnent totalement à Dieu aimé par-dessus tout, pour que dédiés à un titre nouveau et particulier pour l'honneur de Dieu, pour la construction de l'Église et le salut du monde, ils parviennent à la perfection de la charité dans le service du Royaume de Dieu et, devenus signe lumineux dans l'Église, ils annoncent déjà la gloire céleste" (can. 573, par. 1).

Cet état de vie consacrée n'est ni clérical ni laïque. Mais les Instituts qui le composent se distinguent en cléricaux et laïques, suivant qu'ils assument ou non l'exercice du sacrement de l'Ordre, en raison du but pour lequel ils ont été fondés. C'est ainsi qu'il y a deux grandes classes d'Instituts séculiers: les Instituts cléricaux et les Instituts laïcs. En raison du sujet que nous entendons traiter, nous parlerons des Instituts séculiers laïques, ou plutôt de leurs membres.

Les laïcs consacrés

Les laïcs consacrés sont donc bien des laïcs authentiques. Ils partagent avec les autres laïcs le fait de n'appartenir ni à l'état sacerdotal ni à l'état religieux, mais d'appartenir au contraire à ce laïcat auquel est confié particulièrement la gestion des réalités temporelles avec la mission de les ordonner selon Dieu.

Tout membre d'un Institut séculier laïc appartient à l'état laïc, sans restriction. Le fait de renoncer au droit de se marier ne le soustrait pas à cette condition, car aucun laïc n'est obligé de contracter mariage. Dans le monde laïc, on trouve des gens mariés mais aussi des célibataires. Si la plupart des laïcs se marient, on ne peut en déduire qu'il faut se marier pour être un vrai laïc. Ce serait absurde.

Mais ces laïcs, membres d'Instituts séculiers, sont également des personnes consacrées par la profession des conseils évangéliques. Ils adoptent sans réserve la vie consacrée comme leur forme de vie stable. La vie consacrée constitue ainsi pour eux un état de vie.

Alors n'y a-t-il pas contradiction à affirmer que le laïc consacré appartient également et sans restriction à deux états de vie différents, l'état laïc et l'état de vie consacrée? En aucune façon, et je tiens à l'affirmer avec vigueur pour écarter toute tentation de résoudre cette apparente opposition par un compromis.

Il y aurait opposition entre ces deux états s'ils se définissaient par rapport à la même obligation. Mais ce n'est pas le cas. Par exemple, l'état de vie de l'homme marié et celui du célibataire s'opposent et s'excluent, car ils se définissent par rapport au sacrement du mariage. L'homme marié en assume les obligations; le célibataire en est exempt.

Or, l'état laïc et l'état de vie consacrée se définissent en fonction d'obligations différentes. Le premier en fonction des obligations de la vie sacerdotale (exercice de l'Ordre sacré) et de celles de la vie religieuse (séparation du monde et vie commune), dont les laïcs sont exempts. Le second en fonction des devoirs librement contractés par la profession des conseils évangéliques. Les points de référence sont donc différents. Les deux états, loin de s'opposer, sont compatibles et le sont pleinement.

On peut citer d'autres exemples d'appartenance à deux états dans l'unité d'une même personne et d'une même vocation. Le religieux-prêtre appartient à la fois à l'état religieux et à l'état clérical, sans aucune tension mais au contraire dans une parfaite harmonie, comme la vie de tant de saints l'a démontré.

Cette même harmonie se trouve dans le statut propre des Instituts séculiers. Sans quitter leur état laïc, les personnes consacrées qui en sont membres, sauront vivre leur vie séculière selon des modalités conformes à leur totale donation au Seigneur. Cela se remarquera notamment dans leur vie de prière et leur ascèse personnelle. D'autre part, ils vivront les trois conseils évangéliques selon la situation de personnes qui demeurent dans les conditions ordinaires du monde.

Le droit canon ne dit-il pas que "chaque Institut, en tenant compte de son caractère et de ses fins propres, définira dans ses constitutions la manière d'observer les conseils évangéliques de chasteté, de pauvreté et d'obéissance selon son genre de vie" (can. 598, par. 1). Et encore: "Les constitutions détermineront les liens sacrés par lesquels sont assumés les conseils évangéliques dans l'Institut et définiront les obligations que comportent ces liens, en respectant toujours dans le mode de vie la sécularité propre de l'Institut" (can. 712).

L'apostolat

Consacrés et laïcs, les membres des Instituts séculiers sont totalement et inséparablement, l'un et l'autre. Mais ils sont consacrés pour une mission. En effet, ils font profession de pratiquer les conseils évangéliques pour "se livrer totalement à l'apostolat" (PME, art. 1); "ils expriment et exercent leur consécration dans l'activité apostolique" (can. 713, par. 1).

Comme ils sont laïcs, leur apostolat sera celui des laïcs et aura la même extension. Ils sont tenus par l'obligation générale "de travailler à ce que le message divin du salut soit connu et reçu par tous les hommes". Ils sont tenus également, chacun selon sa condition, "au devoir particulier d'imprégner d'esprit évangélique et de parfaire l'ordre temporel, et de rendre ainsi témoignage au Christ" (can. 235, par. 1.2). Cet enseignement de l'Église est repris dans la partie du Code de droit canonique qui traite des Instituts séculiers (can. 713, par. 2): "Les membres laïcs (des Instituts séculiers) participent à la tâche d'évangélisation de l'Église, dans le monde et à partir du monde". On aura remarqué que ce canon reprend, à propos de l'apostolat des Instituts séculiers laïcs, une formule ("dans le monde et à partir du monde", in saeculo et ex saeculo) tirée de la lettre Motu proprio Primo feliciter, publiée par Pie XII un an après Provida Mater Ecclesia. Voici la phrase complète: "Cet apostolat des Instituts séculiers doit être fidèlement exercé non seulement dans le siècle, mais aussi pour ainsi dire par le moyen du siècle, et par conséquent par des professions, des activités, des formes, dans des lieux, des circonstances répondant à cette condition séculière" (PF, II, 6).

Si tout Institut séculier participe à la mission apostolique de l'Église, il n'est pas nécessaire pour autant qu'il ait un apostolat propre, déterminé par ses constitutions, et encore moins des œuvres apostoliques propres. Il est important de le noter, car nombre d'Instituts séculiers forment à juste raison leurs membres à l'apostolat, sans qu'il soient dédiés à un secteur d'apostolat particulier.

La pratique des conseils évangéliques

Les membres des Instituts séculiers sont consacrés à Dieu, cela veut dire comme nous l'avons vu, qu'ils se sont donnés totalement à lui, aimé par-dessus tout, pour son honneur et son service, par la profession des conseils évangéliques (cf. LG, 44), au sein d'un Institut déterminé, érigé par l'Église. Aucun de ces éléments ne peut faire défaut et notamment les conseils évangéliques doivent être vécus conformément à la doctrine traditionnelle de l'Église. Nous avons vu que la manière d'observer ces conseils sera différente selon les Instituts et elle devra en particulier tenir compte de la sécularité propre à chacun d'eux. Mais il n'en demeure pas moins que tous les membres des Instituts de vie consacrée doivent observer fidèlement et intégralement ces conseils (fideliter integreque servare: can. 598, par. 2).

Ainsi, par exemple, le conseil évangélique de pauvreté ne postule pas seulement une vie pauvre en fait et en esprit, mais aussi "la dépendance et la limitation dans l'usage et la disposition des biens, selon le droit propre de chaque Institut" (can. 600).

Le conseil évangélique d'obéissance va au-delà de la pratique de cette vertu telle qu'elle est attendue de tout chrétien: il oblige "à la soumission de la volonté aux supérieurs légitimes qui tiennent la place de Dieu lorsqu'ils commandent suivant leurs propres constitutions" (can. 601). L'imitation du Christ obéissant jusqu'à la mort se fait donc à travers une médiation déterminée: sous la dépendance et la conduite moralement continue des supérieurs ou responsables. Pour les membres des Instituts séculiers, la pratique de l'obéissance postule même une recherche de cette médiation. Leur obéissance sera donc particulièrement active. Pourquoi? En raison de leur dispersion dans le monde et de leur immersion dans des professions séculières, leurs responsables ont une grande difficulté à discerner le moment opportun et les meilleurs circonstances d'une intervention. L'initiative de chacun des membres sera donc nécessaire pour faire connaître les situations concrètes.

L'exercice de l'autorité, nécessaire pour la pratique des conseils évangéliques, sera donc différent dans la vie religieuse et dans les Instituts séculiers. Dans le premier cas, il peut toujours s'appuyer sur les structures de la vie commune; il n'en est pas de même dans le second. Aussi, dans les Instituts séculiers, le service de l'autorité, pour être réel, sera plus difficile, plus exigeant et réclamera de la part des responsables un engagement souvent plus grand et plus généreux.

La prière

Pourquoi la législation sur les Instituts séculiers (cf. can. 719) accorde-t-elle tant d'importance à la prière et à la vie spirituelle en général? La prière n'est-elle pas un devoir de tout chrétien? Pourquoi alors cette insistance et ces prescriptions spéciales? La réponse à cette question est dans la consécration: il s'agit de cette "consécration particulière qui s'enracine intimement dans la consécration du baptême et l'exprime avec plus de plénitude" (PC 5).

Il y a entre consécration et prière, un rapport étroit, une relation réciproque. Le don total de soi par la profession des trois conseils évangéliques est tout entier en vue d'un plus grand amour de Dieu. Or la prière est à la fois l'expression et le stimulant de notre désir de Dieu. Il est donc normal qu'à l'engagement fondamental que nous avons pris sur le plan de la chasteté, de la pauvreté et de l'obéissance correspondent des exigences semblables au niveau des exercices de la vie spirituelle.

Si la prière n'est pas le privilège des personnes consacrées, mais le comportement normal - je dirais la respiration - de tous ceux qui sont fils de Dieu par grâce, elle occupe cependant une place beaucoup plus importante dans la vie de ceux qui ont fait le pas décisif de suivre le Christ de plus près (pressius, dit le can. 573, par. I ).

Jésus en effet se dérobait fréquemment à la foule pour prier et se retirait dans le désert ou sur la montagne, seul ou avec quelques disciples. La vie de Jésus est liée à sa prière. Elle en découlait. Elle anime son ministère messianique, spécialement à l'agonie et sur la croix.

"Je voudrais que vous soyez sans soucis, nous dit saint Paul. Celui qui n'est pas marié a souci des affaires du Seigneur: il cherche comment plaire au Seigneur" (1 Cor 7,32). C'est dans une volonté de plaire au Seigneur- une volonté radicale qui n'hésite pas devant le choix des moyens - que nous trouvons l'explication profonde de l'option pour la vie consacrée. Nous voulons nous donner aux "affaires du Seigneur". C'est pour cela que nous adoptons le célibat pour le règne de Dieu mais aussi une vie de pauvreté et d'obéissance. Les "affaires du Seigneur" (littéralement: "ce qui est du Seigneur") ne se limitent certes pas à la prière mais couvrent tout le champ du service du Seigneur; toutefois, il est évident que la prière y occupe une place privilégiée. Celui qui a choisi de ne pas se marier veut être entièrement au Seigneur. Et c'est pour être au Seigneur qu'il a pris cette décision. La volonté d'être au Seigneur est donc première. Il veut ne pas être "divisé" (v. 33). La vie consacrée devient ainsi un espace de disponibilité pour la prière.

L'Église y insiste dans son droit canonique et demande une attention spéciale à l'oraison, la lecture de l'Écriture Sainte, une retraite annuelle et d'autres exercices spirituels; la participation, si possible quotidienne, à l'Eucharistie, la réception fréquente du sacrement de pénitence et la direction spirituelle.

Pour illustrer ce que nous venons de dire sur le rapport entre la consécration et les exercices de vie spirituelle, je voudrais attirer l'attention sur la prescription concernant le sacrement de pénitence. A tout fidèle, il est simplement recommandé de confesser les péchés véniels (can. 988, par. 2). Aux membres des Instituts séculiers, la confession fréquente est prescrite (can. 719, par. 3).

I1 est clair aussi que les pratiques de la vie spirituelle tiendront compte des conditions d'une existence dans le monde. Toutefois, ce ne sera jamais pour en réduire l'importance, mais seulement les adapter aux personnes, aux lieux et aux circonstances. Les horaires et les lieux de prière du laïc ne seront pas nécessairement ceux des religieux qui vivent en communauté avec un oratoire propre. Les textes de prière pourront être différents. Le membre d'un Institut séculier portera tout spontanément dans sa prière les intentions du monde dans lequel il vit. Mais la prière ne changera pas de nature. La consécration particulière à Dieu gardera toutes ses exigences.

Perspectives d'avenir

Le synode sur les laïcs nous a conduit à rappeler avec clarté et avec force que les membres des Instituts séculiers sont de vrais laïcs. Mais aussi que ces laïcs sont en même temps et indissolublement des consacrés.

Ces Instituts ne sont pas une nouvelle variété, plus discrète et comme souterraine, de la vie religieuse, mais une réalité distincte, une véritable élévation de la condition des laïcs par la profession des conseils évangéliques.

Nous avons peu parlé des Instituts séculiers de prêtres. Mais beaucoup de choses que nous avons dites s'appliquent également à eux. En effet, l'appartenance à un Institut séculier ne change pas la condition canonique dans le peuple de Dieu. Cela ne vaut pas seulement pour les laïcs, mais aussi les prêtres séculiers (et les diacres).

Aujourd'hui dans l'Église se propagent des groupes spirituels et apostoliques désignés en Italie par le nom de movimenti ecclesiali (mouvements ecclésiaux) et en France de "communautés nouvelles". Certains d'entre eux ont déjà adopté les structures de la vie religieuse ou des Instituts séculiers; d'autres s'orientent dans le même sens. Mais il est probable que tous ne suivront pas cette direction. Plusieurs de ces groupes ont une forte affirmation publique et communautaire. Cela les distingue des Instituts séculiers. N'est-ce pas le moment de rappeler que l'Esprit souffle où il veut et que l'unité du Corps mystique est faite d'une diversité de charismes et de fonctions? Par ailleurs, nous savons que l'Église est prête à accueillir de nouvelles formes de vie consacrée (can. 605) mais aussi, plus généralement, de nouvelles formes d'engagement chrétien.

De toute façon cette floraison ne diminue en rien le rôle propre des Instituts séculiers dans l'Église d'aujourd'hui et de demain:

- "Ils redisent que l'appel à la sainteté est inscrit dans la logique du baptême";

- "Ils multiplient la présence de chrétiens authentiques capables d'être partout des apôtres";

- "Ils répondent à la situation contemporaine en donnant la possibilité à de vrais chrétiens d'être présents dans les structures profanes du monde moderne".

J'ai emprunté ces trois phrases au Père J.M. Perrin, o.p. (DS, t. V, col. 1783). Elles sont de nature à vous donner pleine confiance en une forme de vie consacrée, que vous avez librement choisie le jour de votre incorporation dans votre Institut, et qui est manifestement une œuvre de l'Esprit.

Pour résumer et conclure: vous êtes des laïcs consacrés; vous êtes l'un et l'autre totalement et inséparablement. Je le répète ici encore une fois car il n'y a pas de compréhension profonde des Instituts séculiers en dehors de cela. Dans la constitution apostolique Provida Mater Ecclesia l'Église a voulu donner plein accès à la vie consacrée par les trois conseils évangéliques, à des laïcs qui demeurent et opèrent en plein monde. Tout Institut séculier est donc une école de sainteté, qui a reçu la garantie de l'Église. C'est là l'essentiel qu'il faut dire et redire, et qu'il faudra méditer toujours plus.

Rome, le 24 août 1988

Le sacrifice du Christ constitue la force et l'espérance de l'Église

Le Saint-Père recevait, vendredi le 26 août 1988,
les 350 participants au IVème Congrès Mondial des Instituts séculiers,
dans la cour du Palais pontifical de Castel Gandolfo.
Les congressistes, provenant de nombreux pays,

représentaient environ 130 Instituts, et étaient accompagnés par le Cardinal Jean Jérôme Hamer,
Préfet de la Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers.

Très chers Frères et Sœurs des Instituts séculiers!

1. C'est avec une grande joie que je vous accueille à l'occasion de votre IVème Congrès Mondial et je vous remercie d'être venus si nombreux. Vous êtes les représentants qualifiés d'une réalité ecclésiale qui a été, tout particulièrement au cours de ce siècle, le signe d'une "manifestation" spéciale de l'Esprit Saint au sein de l'Église de Dieu. Les Instituts séculiers ont mis clairement en lumière la valeur de la consécration pour tous ceux qui œuvrent "dans le siècle", c'est-à-dire pour ceux qui s'insèrent dans les activités terrestres comme prêtres et surtout comme laïcs. Pour le laïcat, en particulier, l'histoire des Instituts séculiers marque une étape précieuse dans le développement de la doctrine concernant la nature particulière de l'apostolat laïc et la reconnaissance de la vocation universelle des fidèles à la sainteté et au service du Christ.

Votre mission se situe aujourd'hui dans la perspective renforcée d'une tradition théologique: il s'agit de la "consecratio mundi", qui consiste à ramener toutes choses vers le Christ, comme vers une Tête unique (cf. Ep 1,10), opérant de l'intérieur, dans la réalité terrestre.

Je me réjouis du thème choisi pour la présente Assemblée: "La mission des Instituts séculiers dans le monde de l'an 2000". C'est en réalité un argument complexe qui correspond aux espoirs et aux attentes de l'Église dans un futur proche.

Un tel programme est d'autant plus stimulant pour vous qu'il ouvre à votre vocation spécifique et à votre expérience spirituelle les horizons du troisième millénaire du Christ, pour vous aider à réaliser de manière toujours plus consciente votre appel à la sainteté vécu dans le siècle, et à collaborer, à travers la consécration vécue intérieurement et de façon authentique, à 1'œuvre de salut et d'évangélisation de tout le Peuple de Dieu.

2. Je salue le Cardinal Jean Jérôme Hamer, Préfet de la Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers qui vous a entretenus des conclusions du récent Synode des Évêques et des conséquences que ces conclusions comportent pour votre communauté. Je salue tous les collaborateurs, les organisateurs et vous tous ici présents avec les Frères et les Sœurs des Instituts que vous représentez et j'adresse à tous ce souhait très cordial: que la présente Assemblée soit l'occasion de vivre une expérience profonde de communion ecclésiale, de solidarité, de grâce et de réconfort pour votre cheminement, qu'elle illumine d'une lumière particulière votre vocation spécifique.

3. L'impact du troisième millénaire de l'ère chrétienne est indubitablement stimulant pour tous ceux qui entendent dédier leur vie au bien et au progrès de l'humanité. Nous voudrions tous que l'ère nouvelle corresponde à l'image que le Créateur a voulu donner à l'humanité C'est Lui qui construit et fait avancer l'histoire en tant qu'histoire du salut pour les hommes de toutes les époques. C'est pourquoi chacun est appelé à s'engager pour qu'un nouveau chapitre de l'histoire de la Rédemption s'inscrive dans le nouveau millénaire.

Vous entendez contribuer à la sanctification du monde, de l'intérieur, "in saeculo viventes", agissant au plus intime des réalités terrestres, "praesertim ab intus", selon la loi de l'Église (cf. C.I.C., 710).

Bien qu'étant dans le siècle, vous êtes des consacrés. D'où l'originalité de votre tâche: vous êtes, de plein droit, des laïcs; mais vous êtes consacrés, vous êtes liés au Christ par une vocation spéciale, afin de le suivre de plus près, pour imiter sa condition de "Serviteur de Dieu", dans l'humilité des vœux de chasteté, pauvreté et obéissance.

4. Vous êtes conscients de partager avec tous les chrétiens la dignité d'être des fils de Dieu, membres vivants du Christ, incorporés à l'Église, investis par le Baptême du sacerdoce commun des fidèles. Mais vous avez aussi accueilli le message intrinsèquement connexe à cette dignité: celui de l'engagement à la sainteté, à la perfection de la charité; celui de répondre à l'appel des conseils évangéliques, dans lesquels s'accomplit le don de soi à Dieu et au Christ, d'un coeur sans réserve et dans un total abandon à la volonté et aux directives de l'Esprit. Vous réalisez cet engagement, non pas en vous séparant du monde, mais au sein des réalités complexes du travail, de la culture, des professions, des services sociaux de toute sorte. Ce qui signifie que vos activités professionnelles et les conditions dans lesquelles vous partagez le soin des réalités temporelles avec les autres laïcs seront le champ des épreuves, des défis, la croix mais aussi l'appel, la mission et le moment de grâce et de communion avec le Christ dans lequel se construit et se développe votre spiritualité.

Cela exige, comme vous le savez, un continuel progrès spirituel dans vos comportements vis-à-vis des hommes, des réalités et de l'histoire. Cela vous demande la capacité de ressentir, dans les petites comme dans les grandes vicissitudes du monde une présence, celle du Christ Sauveur qui chemine toujours près de l'homme, même quand celui-ci l'ignore ou le nie. Cela demande aussi une attention permanente pour ce qui est du domaine du salut dans la vie quotidienne afin de pouvoir les interpréter à la lumière de la foi et des principes chrétiens.

Par conséquent, cela exige de vous une union profonde avec l'Église, la fidélité à son ministère. Cela vous demande une adhésion totale, fidèle à sa pensée et à son message, résultant du lien spécial qui vous lie à elle.

Tout ceci ne signifie pas une diminution de la juste autonomie des laïcs dans l'ordre de la consécration au monde; il s'agit plutôt de la replacer dans sa lumière propre afin qu'elle ne s'affaiblisse pas en agissant isolément. La dynamique de votre mission, telle que vous l'entendez, loin d'être étrangère à la vie de l'Église, s'accomplit en union de charité avec elle.

5. Une autre exigence fondamentale est l'acceptation généreuse et consciente du mystère de la Croix. Chaque action ecclésiale est objectivement enracinée dans l'œuvre du salut, dans l'action rédemptrice du Christ et reçoit sa force du sacrifice du Seigneur, de son sang répandu sur la Croix. Le sacrifice du Christ, toujours présent dans la vie de l'Église, constitue sa force et son expérience, son don de grâce le plus mystérieux et le plus grand. L'Église sait bien que son histoire est une histoire d'abnégation et d'immolation.

Votre condition de laïcs consacrés vous fait expérimenter chaque jour combien cela est vrai dans le domaine des activités et de la mission que chacun de vous accomplit. Vous savez tout le dévouement qu'il faut pour lutter contre soi-même, contre le monde et ses concupiscences; mais c'est la seule façon d'atteindre cette vraie paix intérieure que le Christ seul peut et sait donner.

Cette vie évangélique, précisément parce qu'elle est souvent parcourue dans des conditions de solitude et de souffrance, est la voie qui vous donne l'espérance puisque, dans la Croix, vous êtes certains d'être en communion avec notre Rédempteur et Seigneur.

6. Que le contexte de la Croix ne vous décourage pas. I1 vous aidera et vous soutiendra pour propager l'œuvre de rédemption et porter la présence sanctificatrice du Christ parmi vos frères. Votre attitude en ce sens manifestera l'action providentielle de l'Esprit Saint qui "souffle où il veut" (Jn 3,8). Lui seul peut susciter les forces, les initiatives, les signes puissants par lesquels l'œuvre du Christ est réalisée.

La tâche d'étendre à toutes les œuvres de l'homme le don de la Rédemption est la mission que l'Esprit vous a donnée. C'est une mission sublime, elle exige du courage mais elle est toujours un motif de béatitude pour vous, si vous vivez en communion de charité avec le Christ et avec vos frères.

L'Église de l'an 2000 attend donc de vous une collaboration efficace tout au long du parcours difficile qui mène à la sanctification du monde.

Je souhaite que la rencontre présente fortifie profondément vos résolutions et illumine toujours plus vos cœurs.

Avec ces vœux, je vous donne à tous ma bénédiction apostolique, en l'étendant aux personnes et aux initiatives confiées à votre service ecclésial.

Christifideles laici

Exhortation apostolique de Sa Sainteté Jean-Paul II

(30 décembre 1988)


Les diverses vocations laïques

56. La riche variété de l'Église trouve sa dernière manifestation à l'intérieur de chacun des états de vie. Ainsi à l'intérieur de l'état de vie laïque se trouvent différentes "vocations", en d'autres termes, des chemins spirituels et apostoliques différents qui concernent chacun des fidèles laïcs. Dans le sillon d'une vocation laïque "commune", fleurissent des vocations laïques "particulières". A ce propos, nous pouvons mentionner ici l'expérience spirituelle qui a mûri récemment dans l'Église et a produit une floraison de différentes formes d'Instituts séculiers: aux fidèles laïcs, mais aussi aux prêtres eux-mêmes, s'est ouverte la possibilité de pratiquer les conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d'obéissance par le moyen de vœux ou de promesses, en conservant pleinement leur condition propre de laïcs et de clercs". Comme l'ont noté les Pères du Synode: "L'Esprit suscite encore d'autres formes d'offrande de soi-même auxquelles se consacrent des personnes qui restent entièrement dans la vie laïque".

Nous pouvons conclure en relisant une belle page de saint François de Sales, qui a tant promu la spiritualité des laïcs. Parlant de la "dévotion", c'est-à-dire de la perfection chrétienne ou de "la vie selon l'Esprit", il présente d'une manière simple et splendide la vocation de tous les chrétiens à la sainteté et, en même temps, la forme spécifique dans laquelle la réalise chaque chrétien: "Dieu commanda à la création, aux plantes, de porter leurs fruits, chacune selon son genre (Gn 1,11): ainsi commande-t-il aux chrétiens, qui sont les plantes vivantes de son Église, qu'ils produisent des fruits de dévotion, un chacun selon sa qualité et vocation. La dévotion doit être différemment exercée par le gentilhomme, par l'artisan, par le valet, par le prince, par la veuve, par la fille, par la mariée; et non seulement cela, mais il faut accommoder la pratique de la dévotion aux forces, aux affaires et aux devoirs de chaque particulier... C'est une erreur, même une hérésie, de vouloir bannir la vie dévote de la compagnie des soldats, de la boutique des artisans, de la cour des princes, du ménage des gens mariés. I1 est vrai, Philothée, que la dévotion purement contemplative, monastique et religieuse, ne peut être exercée en ces vocations-là; mais aussi, outre ces trois sortes de dévotion, il y en a plusieurs autres, propres à perfectionner ceux qui vivent en états séculiers... Où que nous soyons, nous pouvons et devons aspirer à vie parfaite".

Se situant dans la même ligne, le Concile Vatican II écrit: "Cette spiritualité des laïcs doit revêtir des caractéristiques particulières suivant les conditions de vie de chacun: vie conjugale et familiale, célibat et veuvage, état de maladie, activité professionnelle et sociale. Chacun doit donc développer sans cesse les qualités et les dons reçus et en particulier ceux qui sont adaptés à ses conditions de vie et se servir des dons personnels de l'Esprit Saint". Ce qui vaut des vocations spirituelles vaut aussi, et en un certain sens à plus forte raison, de l'infinie variété des modalités selon lesquelles tous les membres de l'Église, et chacun d'eux, sont des ouvriers qui travaillent dans la Vigne du Seigneur, édifiant le Corps mystique du Christ. En vérité, chacun est appelé personnellement, dans l'unicité de son histoire personnelle, à apporter sa propre contribution pour l'avènement du Royaume de Dieu. Aucun talent, fût-ce le plus petit, ne peut rester caché et inutilisé (cf. Mt 25,24-27).

L'apôtre Pierre nous adresse cet avertissement: "Ce que chacun de vous a reçu comme don de la grâce, mettez-le au service des autres, comme de bons gérants de la grâce de Dieu sous toutes ses formes" (1 P 4,10).

Rome, le 30 décembre 1988

Artisans de la culture de la solidarité chrétienne

A l'occasion du Vème Congrès Mondial des Instituts séculiers, S.Em. le Card. Angelo Sodano, Secrétaire d'État,
a envoyé, au nom du Saint-Père, un message à S.Em. le Card. Eduardo Martinez Somalo, Préfet de la Congrégation
pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique.
Donné le 24 juillet 1992.
(De L'Osservatore Romano du 25.8.92)

Le Saint-Père, ayant pris connaissance du déroulement du Vème Congrès mondial des Instituts séculiers, m'a chargé de faire parvenir ses salutations cordiales aux organisateurs et à tous les participants à la rencontre.

Sa Sainteté exprime avant tout son appréciation pour le choix du thème, "Les Instituts séculiers et l'évangélisation aujourd'hui", qui s'intègre de manière opportune dans le cadre du plus ample engagement de l'Église pour la promotion de la nouvelle évangélisation. Il s'agit d'un processus de grâce, qui atteint le sommet dans la conversion du coeur, toujours nécessaire, entendue comme un retour à Dieu, Père charitable et miséricordieux, et de disponibilité envers nos frères, qui attendent notre compréhension, notre amour et l'annonce solidaire de la Parole révélée.

Aujourd'hui la mission évangélisatrice de l'Église doit tenir compte des profondes transformations culturelles et sociales de notre temps, qui peuvent souvent constituer un obstacle à l'action missionnaire au lieu de la favoriser. Les membres des Instituts séculiers sont bien conscients de ces défis, auxquels ils sont appelés à faire face, parce qu'ils ont reçu le don d'une "forme de consécration nouvelle et originale, suggérée par l'Esprit Saint pour être vécue au milieu des réalités temporelles, et pour introduire la force des conseils évangéliques - c'est-à-dire des valeurs divines et éternelles - au milieu des valeurs humaines et temporelles" (cf. Insegnamenti di Paolo VI, X, 1972, p. 943).

L'Esprit Saint leur a accordé la grâce de se conformer de manière plus radicale à Jésus sur le chemin qu'il a parcouru pour réconcilier les hommes, pour abattre la barrière de haine (cf. Eph 2,14) et pour recréer la Nouvelle Humanité. Pour réaliser pleinement tout ceci, il faut une "nouvelle ardeur": l'on demande que les Instituts séculiers s'engagent de manière extraordinaire dans le témoignage de la nouveauté de l'Évangile. Sans une réponse plus ardente à l'appel à la sainteté pour communiquer l'Évangile de la Paix au monde qui va entrer dans le nouveau millénaire, tout effort se réduirait à une tentative sans aucune efficacité apostolique. Les méthodes pour communiquer la nouveauté de l'Évangile au monde doivent être également nouvelles. A cette fin les membres des Instituts séculiers doivent s'ouvrir aux nouvelles formes de communication qui leur sont offertes par le progrès de la technique. Mais il ne faut pas oublier que la communication doit s'adapter aussi à la nouveauté qu'elle est appelée à diffuser. Elle doit se distinguer par sa simplicité évangélique et par sa proposition gratuite (cf. Mt 10,8), afin de favoriser une réponse libre, responsable et joyeuse.

L'expérience de la recherche et de la rencontre personnelle avec le Dieu vivant est ce que nous avons de plus précieux à offrir aux hommes. Il ne fait aucun doute que l'appel à la sainteté est à l'origine de l'appel à la nouvelle évangélisation. Celle-ci requiert une profonde communion ecclésiale, qui commence au sein de chaque Institut et s'accroît en une communion affective et effective avec tout le peuple de Dieu. La relation étroite qui existe entre la construction de la communauté chrétienne et le service au monde a été clairement exprimée par le Saint-Père, Jean-Paul II, dans l'Exhortation apostolique Christifideles laici, où il affirme qu'il "est urgent de refaire partout le tissu chrétien de la société humaine. Mais il faut refaire le tissu chrétien des communautés ecclésiales elles-mêmes" (n. 34).

Mais la nouvelle évangélisation requiert aussi un service au monde. Les modalités de réalisation, selon les vocations particulières et les nécessités concrètes, sont nombreuses: le témoignage de vie, le dialogue et la participation active, le contact personnel, le service caché, la présence individuelle et communautaire, l'annonce et la dénonciation prophétique, la défense de la vérité et le témoignage de 1'amour. Il est important que dans un monde marqué par la "culture de la mort", mais qui aspire également aux valeurs de l'Esprit, les Instituts séculiers soient capables d'être des signes du Dieu vivant et des bâtisseurs de la "culture de la solidarité chrétienne".

Le Saint-Père exhorte donc tout le monde à continuer de suivre ce chemin, à étendre les nombreuses initiatives d'animation chrétienne et à ne pas craindre d'être présents dans les différents "aréopages modernes" pour y proclamer en paroles et en actes la bonne nouvelle de l'Évangile. L'engagement pour la paix et le développement des peuples, la défense des droits de l'homme, la promotion de la femme et l'éducation des jeunes sont quelques-uns de ces "aréopages" du monde moderne, dans lesquels les Instituts séculiers doivent se sentir engagés.

Avec ces vœux, en invoquant sur tous les participants au Congrès et sur tous les membres des Instituts séculiers la protection de la Très Sainte Vierge Marie, Reine des Apôtres et Étoile de l'évangélisation, le Souverain Pontife accorde volontiers sa bénédiction apostolique, propitiatoire des plus abondantes faveurs célestes.

Je saisis volontiers cette occasion pour vous renouveler, avec mes plus profonds respects, l'expression de mon fraternel dévouement.

Angelo Cardinal Sodano
Secrétaire d'État

Vita Consecrata
Exhortation apostolique de Sa Sainteté Jean-Paul II
(25 mars 1996)

Les Instituts séculiers 10. L'Esprit Saint, admirable artisan de la variété des charismes, a suscité en notre temps de nouvelles expressions de la vie consacrée; cela paraît répondre, selon un dessein providentiel, aux besoins nouveaux que rencontre aujourd'hui l'Église pour accomplir sa mission dans le monde.

On pense d'abord aux Instituts séculiers, dont les membres entendent vivre la consécration à Dieu dans le monde par la profession des conseils évangéliques dans le cadre des structures temporelles, pour être ainsi levain de la sagesse et témoins de la grâce à l'intérieur de la vie culturelle, économique et politique. Par la synthèse de la vie séculière et de la consécration qui leur est propre, ils entendent introduire dans la société les énergies nouvelles du Règne du Christ, en cherchant à transfigurer le monde de l'intérieur par la force des Béatitudes. De cette façon, tandis que leur totale appartenance à Dieu les consacre pleinement à son service, leur activité dans les conditions laïques ordinaires aide, sous l'action de l'Esprit, à donner une âme évangélique aux réalités séculières. Les Instituts séculiers contribuent ainsi à assurer à l'Église, selon le caractère propre de chaque Institut, une présence efficace dans la société. Les Instituts séculiers cléricaux exercent eux aussi une fonction très utile: des prêtres appartenant au presbytérium diocésain, même lorsque certains d'entre eux sont autorisés à être incardinés dans leur Institut, s'y consacrent au Christ par la pratique des conseils évangéliques selon un charisme spécifique. Ils trouvent dans les richesses spirituelles de l'Institut dont ils font partie une aide importante pour vivre intensément la spiritualité propre au sacerdoce et être ainsi des ferments de communion et de générosité apostolique parmi leurs confrères.

Un dialogue constant animé par la charité

50. Pour promouvoir la connaissance mutuelle, condition nécessaire d'une coopération efficace, surtout dans le domaine pastoral, il est des plus opportuns que les Supérieurs et Supérieures des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique restent en dialogue constant avec les Évêques. Grâce à ces contacts habituels, les Supérieurs et les Supérieures pourront informer les Évêques des initiatives apostoliques qu'ils envisagent de prendre dans leurs diocèses, pour parvenir avec eux aux accords nécessaires à leur mise en œuvre. De la même façon, il convient que des personnes déléguées par les Conférences des Supérieurs et des Supérieures majeurs soient invitées à assister aux assemblées des Conférences des Évêques et, inversement, que des délégués des Conférences épiscopales soient invités aux Conférences des Supérieurs et des Supérieures majeurs, selon des modalités à déterminer. Dans cette perspective, on pourra tirer un grand avantage, là où elles n'existeraient pas encore, de la constitution et des travaux, au niveau national, de commissions mixtes d'Évêques et de Supérieurs et Supérieures majeurs, qui examineront ensemble les questions d'intérêt commun. Introduire la théologie et la spiritualité de la vie consacrée dans le programme des études théologiques des prêtres diocésains, de même que prévoir, dans la formation des personnes consacrées, de traiter suffisamment la théologie de l'Église particulière et la spiritualité du clergé diocésain […].

Communion entre les divers Instituts

52. Les relations spirituelles fraternelles et la collaboration mutuelle entre les divers Instituts de vie consacrée et les diverses Sociétés de vie apostolique sont renforcées et nourries par le sens ecclésial de la communion. Des personnes unies par un engagement commun dans la sequela Christi et animées par le même Esprit Saint ne peuvent que manifester visiblement la plénitude de l'Évangile de l'amour, comme des sarments de l'unique Vigne. Se souvenant de l'amitié spirituelle qui a souvent lié sur la terre les divers fondateurs et fondatrices, tout en “ restant fidèles à la nature de leur Institut, ces personnes sont appelées à vivre une fraternité exemplaire qui soit stimulante pour les autres composantes de l'Église, dans l'engagement quotidien à témoigner de l'Évangile. […]

Organismes de coordination

53. Les Conférences des Supérieurs et Supérieures majeurs et les Conférences des Instituts séculiers peuvent apporter une contribution notable à la communion. Encouragés et dotés de normes par le Concile Vatican II et par des documents ultérieurs, ces organismes ont pour but principal la promotion de la vie consacrée intégrée dans l'ensemble de la mission ecclésiale.

Par leur intermédiaire, les Instituts expriment leur communion et cherchent les moyens de la renforcer, dans le respect et la mise en valeur des particularités des différents charismes où se reflètent le mystère de l'Église et la sagesse multiforme de Dieu. J'encourage les Instituts de vie consacrée à collaborer entre eux, surtout dans les pays où, en raison de difficultés particulières, la tentation du repli sur soi peut être forte, au détriment de la vie consacrée elle-même et de l'Église. I1 faut au contraire qu'ils s'aident mutuellement à chercher à comprendre le dessein de Dieu dans les vicissitudes actuelles de l'histoire pour mieux y répondre par des initiative apostoliques appropriées. Dans cette perspective de communion et d'ouverture aux défis de notre temps, les Supérieurs et les Supérieures, "œuvrant en harmonie avec l'épiscopat ", chercheront à “ recourir aux services des meilleurs collaborateurs de chaque Institut et à proposer des contributions qui n'aident pas seulement à surmonter d'éventuelles limites, mais créent un style valable de formation à la vie consacrée ”. J'invite les Conférences des Supérieurs et Supérieures majeurs à prendre des contacts fréquents et réguliers avec la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, afin de manifester leur communion avec le Saint-Siège. I1 faudra aussi entretenir des relations actives et confiantes avec les Conférences épiscopales de chaque pays. Dans l'esprit du document Mutuœ relationes, il conviendra que ces relations prennent une forme stable, pour rendre possible une coordination constante et opportune, au fur et à mesure des initiatives. Si tout cela est mis en œuvre avec persévérance et dans un esprit de fidèle adhésion aux directives du Magistère, les organismes de coordination et de communion se révèleront particulièrement utiles pour des solutions qui évitent les incompréhensions et les tensions aussi bien sur le plan théorique que pratique; ils contribueront alors au développement de la communion entre les Instituts de vie consacrée et les Évêques, ainsi qu'à l'accomplissement de la mission même des Églises particulières.

Communion et collaboration avec les laïcs

54. […] Les membres des Instituts séculiers, laïcs ou clercs, entretiennent des relations avec les autres fidèles dans les formes ordinaires de la vie quotidienne. Aujourd'hui, beaucoup d'Instituts, souvent en raison de situations nouvelles, sont parvenus à la conviction que leur charisme peut être partagé avec les laïcs, qui, par conséquent, sont invités à participer de façon plus intense à la spiritualité et à la mission de l'Institut lui-même. On peut dire que, dans le sillage des expériences historiques comme celles des divers Ordres séculiers ou Tiers-Ordres, un nouveau chapitre, riche d'espérance, s'ouvre dans l'histoire des relations entre les personnes consacrées et le laïcat.

Pour un dynamisme spirituel et apostolique renouvelé

55. Ces nouvelles expériences de communion et de collaboration méritent d'être encouragées, pour divers motifs. En effet, il pourra en résulter, avant tout, le rayonnement d'une spiritualité qui porte à l'action au-delà des frontières de l'Institut; ce dernier comptera ainsi sur de nouvelles forces pour assurer dans l'Église la continuité de certaines de ses activités caractéristiques. Une autre conséquence positive pourra aussi être de faciliter une entente approfondie entre personnes consacrées et laïcs, en vue de la mission: inspirés par les exemples de sainteté des personnes consacrées, les laïcs seront introduits à l'expérience directe de l'esprit des conseils évangéliques et, en vue de la transformation du monde selon le coeur de Dieu, seront ainsi encouragés à vivre l'esprit des Béatitudes et à en témoigner. La participation des laïcs suscite souvent des approfondissements inattendus et féconds de certains aspects du charisme, en leur donnant une interprétation plus spirituelle et en incitant à en tirer des suggestions pour de nouveaux dynamismes apostoliques. Dans toutes les activités ou ministères où elles sont engagées, les personnes consacrées se souviendront donc qu'elles doivent être, avant tout, des guides compétents de vie spirituelle, et, dans cette perspective, elles feront fructifier "le talent le plus précieux: l'esprit".

Laïcs volontaires et associés

56. Une expression significative de la participation des laïcs aux richesses de la vie consacrée se voit dans l'adhésion de fidèles laïcs aux divers Instituts, sous la forme nouvelle de ce qu'on appelle "membres associés" ou bien, suivant les besoins actuels dans certains contextes culturels, sous la forme d'un partage temporaire de la vie communautaire et l'engagement particulier de l'Institut dans la contemplation ou dans l'apostolat, à condition évidemment que la nature de sa vie interne n'en souffre pas. Il est juste d'avoir une grande estime pour ce genre de volontariat qui s'inspire des richesses de la vie consacrée; il faut cependant veiller à 1a formation des volontaires, pour que, en plus de la compétence, ils aient toujours des motivations spirituelles profondes dans leurs intentions et un vif sens communautaire et ecclésial dans leurs projets. Il faut ensuite se rappeler que, pour être considérées comme oeuvres d'un Institut déterminé, les initiatives dans lesquelles sont impliqués des laïcs à un niveau de décision doivent en poursuivre les fins et être réalisées sous sa responsabilité. Donc, si des laïcs en assurent la direction, ils rendront compte de leur responsabilité aux Supérieurs et Supérieures compétents. I1 est opportun que tout cela soit précisé et organisé selon des directives propres à chaque Institut, approuvées par l'autorité supérieure, en précisant les compétences respectives de l'Institut lui-même, celles de la communauté et celles des membres associés ou des volontaires.

Les personnes consacrées, envoyées par leurs Supérieurs et Supérieures, tout en restant sous “ leur dépendance, peuvent collaborer selon des modalités appropriées à des initiatives laïques, particulièrement dans des organisations et des institutions qui s'occupent des marginaux et qui ont pour but de soulager la souffrance humaine. Si elle est animée et soutenue par une claire et forte identité chrétienne, et si elle respecte les caractéristiques de la vie consacrée, cette collaboration peut faire rayonner la force et la lumière de l'Évangile dans les situations 1es plus obscures de l'existence humaine. Au cours de ces dernières années, beaucoup de personnes consacrées sont entrées dans l'un des mouvements ecclésiaux qui se développent actuellement. En général, les intéressés tirent profit de telles expériences, particulièrement pour leur renouveau spirituel. Toutefois, on ne peut nier que, dans certains cas, cela risque de gêner ou de désorienter au niveau personnel et communautaire, notamment quand ces expériences entrent en conflit avec les exigences de la vie communautaire et de la spiritualité de l'Institut. Il faudra donc prendre soin que l'adhésion aux mouvements ecclésiaux se fasse dans le respect du charisme et de la discipline de l'Institut, avec la permission des Supérieurs ou des Supérieures, et en étant pleinement disposé à accueillir leurs décisions.

La dignité et le rôle de la femme consacrée

57. L'Église montre les multiples formes de sa richesse spirituelle quand, ayant surmonté les discriminations, elle accueille comme une véritable bénédiction les dons de Dieu répandus aussi bien sur les hommes que sur les femmes, tous mis en valeur dans leur égale dignité. Les femmes consacrées sont appelées de façon tout à fait spéciale à être, par le don d'elles-mêmes vécu en plénitude et avec joie, un signe de la tendresse de Dieu pour le genre humain et un témoignage particulier du mystère de l'Église, vierge, épouse et mère. Leur mission n'a pas manqué d'être mise en relief au Synode; elles ont été nombreuses à y participer et à pouvoir faire entendre leur voix, écoutée et appréciée de tous. Grâce aussi à leurs contributions, on a vu se dégager des indications utiles pour la vie de l'Église et pour sa mission évangélisatrice. Certes, on ne peut nier le bien-fondé de beaucoup de revendications concernant la position de la femme dans divers milieux sociaux et ecclésiaux. I1 convient également de remarquer que la nouvelle conscience que les femmes ont d'elles-mêmes aide aussi les hommes à revoir 1eurs “ schémas mentaux, leur façon de se comprendre eux-mêmes, de se situer dans l'histoire et de l'interpréter, d'organiser la vie sociale, politique, économique, religieuse et ecclésiale.

L'Église, qui a reçu du Christ un message de libération, a la mission prophétique de le répandre, en encourageant des états d'esprit et des conduites conformes aux intentions du Seigneur. Dans ce contexte, la femme consacrée peut, à partir de son expérience de l'Église et de sa vie de femme dans l'Église, contribuer à éliminer certaines conceptions unilatérales, qui entravent la pleine reconnaissance de sa dignité, de son apport spécifique à la vie et à l'action pastorale et missionnaire de l'Église. De la sorte, il est légitime que la femme consacrée aspire à voir reconnaître plus clairement son identité, sa compétence, sa mission et sa responsabilité, aussi bien dans la conscience ecclésiale que dans la vie quotidienne. L'avenir même de la nouvelle évangélisation, comme du reste de toutes les autres formes d'action missionnaire, est impensable sans une contribution renouvelée des femmes, spécialement des femmes consacrées.

Présents en tout point de la terre

78. […] La mission ad gentes offre des occasions privilégiées d'exercer une action apostolique très intense aux femmes consacrées, aux religieux frères et aux membres des Instituts séculiers. Ces derniers, par leur présence dans les divers domaines propres à la vocation laïque, peuvent accomplir une œuvre précieuse d'évangélisation des milieux, des structures et même des lois qui règlent la vie en société. En outre, ils peuvent témoigner des valeurs évangéliques aux côtés de personnes qui ne connaissent pas encore Jésus, apportant ainsi une contribution spécifique à la mission. […]

La nécessité d 'un engagement renouvelé dans le domaine éducatif:

97. […] Étant donné l'importance que représentent les universités et les facultés catholiques et ecclésiastique dans les domaines de l'éducation et de l'évangélisation, les Instituts qui en ont la charge doivent être conscients de leur responsabilité et faire en sorte que, dans ces institutions, tout en menant un dialogue actif avec la culture actuelle, soit préservé leur caractère catholique propre, en toute fidélité au magistère de l'Église. En outre, selon les circonstances, les membres de ces Instituts et de ces Sociétés devront être prêts à entrer dans les structures éducatives de l'État. De par leur vocation spécifique, les membres des Instituts séculiers sont spécialement appelés à ce genre d'interventions.

Présence dans le monde des communications sociales
99. […] En outre, les personnes consacrées, en particulier les membres des Instituts séculiers, auront à cœur de prendre part, en fonction des besoins de la pastorale, à la formation religieuse des responsables et des agents des communications sociales publiques ou privées, tant pour limiter les dommages provoqués par l'usage dévoyé des médias que pour promouvoir une meilleure qualité des émissions, dont le contenu sera respectueux de la morale et riche des valeurs humaines et chrétiennes.

Préfet de la CIVCSVA
Allocution D'ouverture au Symposium a l'occasion du 50e anniversaire de Provida Mater Ecclesia
Cardinal Eduardo Martinez Somalo
(31 janvier 1997)

Très chers participants à ce Symposium,

Je rends grâce au Seigneur qui m'a donné cette occasion providentielle de rencontrer une représentation si importante de divers Instituts séculiers, réunis dans cette Université Pontificale qui, depuis plus de 400 ans, est une des protagonistes les plus prestigieuses et qualifiées de la recherche et de la culture théologiques.

Je remercie tous ceux qui ont fortement désiré ce Symposium: la Conférence Mondiale des Instituts Séculiers qui, par l'intermédiaire de son Conseil Exécutif, a organisé cette rencontre pour commémorer comme il se doit une date si importante dans la vie de tous les Instituts séculiers: le cinquantenaire de la Constitution Apostolique Provida Mater, promulguée précisément le 2 février 1947 par le Pape Pie XII, dont nous vénérons la mémoire. Et cela fait aussi 50 ans que le Ministère auquel Mgr Dorronsoro et moi-même prêtons service est responsable de cette forme particulière de vie consacrée, qui a désormais consolidé et précisé sa physionomie et sa mission spécifique dans la grande famille de l'Église.

Notre joie et notre gratitude envers la Sainte Trinité sont certainement partagées par ceux qui, dans le mystère consolateur de la Communion des Saints, vivent déjà pour toujours en Dieu et participent, avec nous, à la joie de l'Église tout entière. Il faut évoquer ici l'artisan sage et éclairé de l'objet de notre célébration, le vénéré Père Arcadio Larraona, des Missionari Figli del Cuore Immacolato di Maria, futur Cardinal et, à l'époque, Sous-secrétaire de la Sacrée Congrégation des Religieux, dont beaucoup d'entre nous se souviennent avec gratitude.

C'est à lui que, en 1941, le Souverain Pontife Pie XII confia la question de ces nouveaux Instituts, créant une Commission formée de membres des Congrégations du Saint-Office et des Religieux, en vue d'établir une législation adéquate en la matière. On arriva ainsi à la promulgation du document pontifical qui illustrait le fondement théologique et juridique des Instituts séculiers ainsi que la Loi particulière qui les régit.

L'année suivante, Pie XII précisa la doctrine relative à la nouvelle forme de vie consacrée dans le Motu Proprio Primo feliciter, tandis que la Sacrée Congrégation des Religieux en souligna quelques points dans l'Instruction Cum Sanctissimus. Nous pouvons affirmer que ces documents ont beaucoup apporté à l'Église, car ils reconnaissent la possibilité d'une consécration totale à ceux qui choisissent de rester dans le monde, unissant sécularité et consécration comme éléments constitutifs des nouveaux Instituts. Ils affirment qu'une pleine consécration et une pleine sécularité sont non seulement compatibles, mais d'utilité réciproque, répondant ainsi aux exigences des temps modernes; à la référence évangélique classique de la cité placée sur la montagne et de la lumière placée sur le candélabre, vient s'ajouter l'image du sel qui donne du goût et du levain qui fait grandir.

Le Magistère Pontifical a par la suite ratifié la doctrine et la praxis des Instituts séculiers; ainsi, le Concile Vatican II leur recommande de garder leur propre physionomie, tenant beaucoup à la formation dans les choses divines et humaines (cf. PC 11); il reconnaît aussi que l'œuvre des consacrés séculiers est très utile aux missions, car elle est le signe d'une dévotion totale à l'évangélisation du monde (cf. AG 40). Et il y a vingt-cinq ans, jour pour jour, célébrant un anniversaire particulièrement solennel, le Saint-Père Paul VI vous encourageait à apporter votre témoignage de sécularité consacrée afin que l'Église puisse incarner la nouvelle attitude qu'exige le monde actuel! (cf. Discours de Paul VI au XXVème anniversaire de Provida Mater, Rome, le 2 février 1972).

Les illustres rapporteurs qui vont intervenir dans quelques instants approfondiront ces thèmes, traçant les lignes essentielles du chemin cinquantenaire qui nous a conduits jusqu'à l'Exhortation Apostolique post-synodale Vita Consecrata, dans laquelle le Saint-Père Jean-Paul II invite encore une fois tous les consacrés séculiers à apporter à la société l'énergie nouvelle du Royaume du Christ, cherchant à transfigurer le monde par la force des Béatitudes (cf. VC 10). Notre coeur déborde d'un sentiment sincère de gratitude filiale pour ce don de l'Exhortation que le Saint-Père nous a offert comme réflexion supplémentaire sur la magnifique vocation à suivre pleinement le Christ.

Il ne me reste donc qu'à vous formuler à tous des souhaits cordiaux et sincères qui se font prière afin que les Instituts séculiers restent toujours fidèles à leur charisme, visant un juste équilibre entre sécularité et consécration; qu'ils puisent aux sources de leur spiritualité et méditent avec courage, sans interprétations erronées, sur la volonté des Fondateurs. Ces derniers, répondant à une inspiration précise de l'Esprit de Vérité, se sont engagés dans un chemin de sainteté que l'Église a fait sien et à travers lequel tous ceux qui le suivent ont la certitude de répondre généreusement à l'appel divin.

Je suis sûr que la nouvelle évangélisation du troisième millénaire de l'ère chrétienne vous verra tous protagonistes convaincus et engagés de l'annonce toujours nouvelle du Salut qui ne peut venir au monde que par Jésus-Christ, qui est le même, hier, aujourd'hui et toujours, et auquel vont nos louanges et notre remerciement!

Témoins courageux et cohérents d'une vraie sainteté chrétienne
dans les conditions les plus diverses

Discours prononcé par le Pape Jean-Paul II, le 1er février 1997,
aux participants au Symposium organisé par la Conférence Mondiale des Instituts Séculiers
à l'occasion du 50e anniversaire de "Provida Mater Ecclesia".

Monsieur le Cardinal,
Vénérés frères dans l'épiscopat et le sacerdoce
Très chers frères et sœurs!

1. C'est avec une grande affection que je vous accueille à l'occasion de cette audience spéciale, à travers laquelle nous voulons rappeler et célébrer une date importante pour les Instituts séculiers. Je remercie le Cardinal Martinez Somalo pour les paroles avec lesquelles, se faisant l'interprète de vos sentiments à tous, il a situé dans sa juste perspective la signification de la rencontre d'aujourd'hui, qui rassemble symboliquement dans cette salle un grand nombre de personnes provenant du monde entier. Je remercie également votre représentant qui s'est exprimé après le Cardinal.

La sollicitude maternelle et l'affection éclairée de l'Église pour ses fils, qui consacrent leur vie au Christ sous les différentes formes de consécration spéciale, s'est exprimée il y a cinquante ans dans la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia, qui voulut donner de nouvelles bases canoniques à l'expérience chrétienne des Instituts séculiers (cf. AAS, 39 [1947]; 114-124).

Avec une heureuse intuition, anticipant certains thèmes qui devaient trouver dans le Concile Vatican II leur juste formulation, mon prédécesseur de vénérée mémoire, Pie XII, confirma par son autorité apostolique un chemin et une forme de vie qui, depuis déjà un siècle, avaient attiré de nombreux chrétiens, hommes et femmes: ils s'engageaient à la suite du Christ vierge, pauvre et obéissant, en demeurant dans la condition de vie propre à leur état séculier. II est heureux de reconnaître, dans cette première phase de l'histoire des Instituts séculiers, le dévouement et le sacrifice de tant de frères et sœurs dans la foi, qui affrontèrent avec courage le défi des temps nouveaux. Ils offrirent un témoignage cohérent de véritable sainteté chrétienne dans les conditions les plus diverses de travail, de logement, d'insertion dans la vie sociale, économique et politique des communautés humaines auxquelles ils appartenaient. Nous ne pouvons pas oublier la passion éclairée avec laquelle plusieurs grandes figures de l'Église accompagnèrent ce chemin au cours des années qui précédèrent la promulgation de Provida Mater Ecclesia. Parmi ces nombreuses figures, outre le Souverain Pontife déjà cité, j'ai plaisir à rappeler avec affection et gratitude celui qui était alors le Substitut de la Secrétairerie d'État, le futur Pape Paul VI, Mgr Giovanni Battista Montini, et celui qui à l'époque de la Constitution apostolique était Sous-Secrétaire de la Congrégation pour les Religieux, le vénéré Cardinal Arcadio Larraona, qui jouèrent un rôle important dans l'élaboration et la définition de la doctrine et des choix canoniques contenus dans le document.

2. Un demi-siècle plus tard, Provida Mater Ecclesia nous apparaît encore d'une grande actualité. Vous l'avez mis en évidence durant les travaux de votre Symposium international. Cette Exhortation se caractérise même par son souffle prophétique, qui mérite d'être souligné. En effet, la forme de vie des Instituts séculiers se révèle aujourd'hui plus que jamais comme une forme providentielle et efficace de témoignage évangélique, dans les circonstances particulières du contexte culturel et social actuel, où l'Église est appelée à vivre et à exercer sa mission. En approuvant ces Instituts et en couronnant une volonté spirituelle qui animait la vie de l'Église, au moins depuis l'époque de saint François de Sales, la Constitution reconnaissait que la perfection de la vie chrétienne pouvait et devait être vécue dans chaque circonstance et situation de l'existence, la vocation à la sainteté étant universelle (cf. PME, 118). En conséquence, elle affirmait que la vie religieuse - entendue dans sa propre forme canonique - n'épuisait pas en elle-même toutes les possibilités de suivre le Seigneur de façon totale, et elle souhaitait qu'à travers la présence et le témoignage de la consécration séculière se déterminât un renouveau chrétien de la vie familiale, professionnelle et sociale, qui fasse naître des formes d'apostolat nouvelles et efficaces, adressées à des milieux et des personnes habituellement éloignés de l'Évangile et presque impénétrables à son annonce.

3. II y a déjà quelques années, m'adressant aux participants au deuxième Congrès international des Instituts séculiers, j'affirmais qu'ils se trouvaient "pour ainsi dire, au centre du conflit qui agite et divise l'âme moderne" (Insegnamenti, vol. III/2, 1980, p. 469). A travers cette expression, je souhaitais reprendre certaines considérations de mon vénéré prédécesseur, Paul VI, qui avait parlé des Instituts séculiers comme d'une réponse à une profonde inquiétude: celle de trouver la route de la synthèse entre la pleine consécration de la vie selon les conseils évangéliques et la pleine responsabilité d'une présence et d'une action transformatrice à l'intérieur du monde, pour le modeler, le perfectionner et le sanctifier (cf. Insegnamenti di Paolo VI, vol. X, 1972 p. 102).

Nous assistons, en effet, à la diffusion rapide de formes de religiosité proposant des expériences attrayantes, qui dans certains cas sont également difficiles et exigeantes. Cependant, l'accent est placé sur le plan émotif et sensible de l'expérience, plus que sur celui ascétique et spirituel. L'on peut reconnaître que ces formes de religiosité tentent de répondre à une aspiration toujours renouvelée de communion avec Dieu, de recherche de la vérité ultime sur Lui et sur le destin de l'humanité. De plus, elles se présentent avec l'attrait de la nouveauté et d'un universalisme facile. Mais ces expériences supposent une conception ambiguë de Dieu qui s'éloigne de celle qui est présentée par la Révélation. En outre, elles se révèlent étrangères à la réalité et à l'histoire concrète de l'humanité.

A cette religiosité s'oppose une fausse conception de la dimension séculière, selon laquelle Dieu reste étranger à la construction de l'avenir de l'humanité. La relation avec Lui doit être considérée comme un choix privé et une question subjective qui peut tout au plus être tolérée, tant qu'elle ne prétend pas influer d'une façon quelconque sur la culture ou la société.

4. Comment peut-on donc affronter ce conflit épouvantable qui trouble l'âme et le cœur de l'humanité contemporaine? Il devient un défi lancé au chrétien: un défi pour devenir un artisan de toute une nouvelle synthèse entre la plus grande adhésion possible à Dieu et à sa volonté et la plus grande participation possible aux joies et aux espérances, aux inquiétudes et aux douleurs du monde, pour les orienter vers le projet de salut intégral que Dieu le Père nous a manifesté dans le Christ et qu'il met sans cesse à notre disposition à travers le don de l'Esprit Saint.
C'est précisément à cela que s'engagent les membres des Instituts séculiers en exprimant leur pleine fidélité à la profession des conseils évangéliques sous une forme séculière, remplie de risques et d'exigences souvent imprévisibles, mais riche d'un potentiel spécifique et original.

5. Humbles et fiers détenteurs de la force transformatrice du Royaume de Dieu et témoins courageux et cohérents de la tâche et de la mission d'évangélisation des cultures et des peuples, les membres des Instituts séculiers sont, dans l'histoire, le signe d'une Église amie des hommes, capable d'offrir la consolation pour tous les maux, prête à soutenir chaque véritable progrès de la coexistence humaine, mais en même temps intransigeante à l'égard de tout choix de mort, de violence, de mensonge et d'injustice. Ils représentent également le signe et le rappel, pour les chrétiens, du devoir de prendre soin, au nom de Dieu, d'une création qui reste l'objet de l'amour et de la complaisance de son Créateur même si elle est marquée par la contradiction de la rébellion et du péché, et si elle a besoin d'être libérée de la corruption et de la mort.

Faut-il s'étonner si le milieu auquel ils devront faire face est souvent peu disposé à comprendre et à accepter leur témoignage?

L'Église attend aujourd'hui des hommes et des femmes qui soient capables d'un témoignage renouvelé de l'Évangile et de ses exigences radicales, tout en se trouvant dans la même condition d'existence qu'une grande partie des créatures humaines. Le monde aussi, souvent sans en avoir conscience, désire la rencontre avec la vérité de l'Évangile pour un progrès véritable et intégral de l'humanité, selon le dessein de Dieu.

Dans de telles conditions, l'on demande aux membres des Instituts séculiers de faire preuve d'une grande détermination et d'une claire adhésion au charisme typique de leur consécration, qui est d'effectuer la synthèse entre foi et vie, entre Évangile et histoire humaine, entre dévouement complet à la gloire de Dieu et disponibilité intégrale pour servir la plénitude de la vie des frères et des sœurs, dans ce monde.

Les membres des Instituts séculiers se trouvent de par leur vocation et leur mission, au carrefour entre l'initiative de Dieu et l'attente de la création: l'initiative de Dieu, qu'ils apportent dans le monde à travers l'amour et l'union intime avec le Christ; l'attente de la création, qu'ils partagent en vivant la condition quotidienne et séculière de leurs semblables, prenant en charge les contradictions et les espérances de chaque être humain, en particulier des plus faibles et de ceux qui souffrent.

Toujours est-il que c'est aux Instituts séculiers qu'échoit la responsabilité de rappeler cette mission à tous, en en témoignant à travers une consécration spéciale, dans la radicalité des conseils évangéliques, afin que toute la communauté chrétienne accomplisse avec un engagement toujours plus grand la tâche que Dieu, dans le Christ, lui a confiée avec le don de son Esprit (Exhor. apost. Vita consecrata, nn. 17-22).

6. Le monde contemporain apparaît particulièrement sensible au témoignage de ceux qui savent assumer avec courage le risque et la responsabilité du discernement de notre époque, ainsi que du projet d'édification d'une humanité nouvelle et plus juste. Notre époque est celle de grands bouleversements culturels et sociaux.

C'est pourquoi il apparaît toujours plus clairement que la mission du chrétien dans le monde ne peut pas être réduite à un pur et simple exemple d'honnêteté, de compétence et de fidélité au devoir. Tout cela est une donnée de base. II s'agit de se revêtir des mêmes sentiments que le Christ Jésus pour devenir dans le monde des signes de son amour. Tel est le sens et le but d'une vie chrétienne séculière authentique, et donc l'objectif et la valeur de la consécration chrétienne vécue dans les Instituts séculiers.

Dans cette optique, il apparaît plus que jamais important que les membres des Instituts séculiers vivent intensément la communion fraternelle, tant à l'intérieur de leur propre Institut qu'avec les membres des divers Instituts. Précisément parce qu'ils sont dispersés comme le levain et le sel dans le monde, ils devraient se considérer des témoins privilégiés de la valeur de la fraternité et de l'amitié chrétienne, aujourd'hui si nécessaires, en particulier dans les grandes zones urbaines qui rassemblent désormais la majeure partie de la population mondiale.

Je souhaite que chaque Institut séculier devienne ce terrain d'amour fraternel, ce foyer ardent auquel de nombreux hommes et femmes peuvent puiser la lumière et la chaleur pour la vie du monde.

7. Pour finir, je demande à Marie d'apporter à tous les membres des Instituts séculiers la lucidité de son regard sur la situation du monde, la profondeur de sa foi dans la Parole de Dieu et la promptitude de sa disponibilité pour accomplir les desseins mystérieux pour une collaboration toujours plus incisive à l'œuvre du salut.

En remettant entre ses mains maternelles l'avenir des Instituts séculiers, portion élue du Peuple de Dieu, je donne à chacun de vous ici présents, ma Bénédiction apostolique, que j'étends volontiers à tous les membres des Instituts séculiers présents sur les cinq continents.

Discours du Pape Benoît XVI
aux participants à la Conférence Mondiale
des Instituts Séculiers

Salle Clémentine
Samedi 3 février 2007

Chers frères et sœurs,

Je suis heureux de me trouver aujourd'hui parmi vous, membres des Instituts séculiers, que je rencontre pour la première fois depuis mon élection sur la Chaire de l'Apôtre Pierre. Je vous salue tous avec affection. Je salue le Cardinal Franc Rodé, Préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, et je le remercie des expressions de dévotion filiale et de proximité spirituelle qu'il m'a adressées également en votre nom. Je salue le Cardinal Cottier et le Secrétaire de votre Congrégation. Je salue la Présidente de la Conférence mondiale des Instituts séculiers, qui s'est faite l'interprète des sentiments et des attentes de vous tous, qui êtes venus de divers pays, de tous les continents, pour célébrer un Symposium international sur la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia.

Soixante ans se sont écoulés, comme on l'a déjà dit, depuis le 2 février 1947, date à laquelle mon Prédécesseur Pie XII promulgua cette Constitution apostolique, donnant ainsi une configuration théologique et juridique à une expérience préparée au cours des décennies précédentes, et reconnaissant dans les Instituts séculiers l'un des innombrables dons avec lesquels l'Esprit Saint accompagne le chemin de l'Eglise et la renouvelle au cours des siècles. Cet acte juridique ne représenta pas le point d'arrivée, mais plutôt le point de départ d'un chemin visant à définir une nouvelle forme de consécration: celle de fidèles laïcs et de prêtres diocésains, appelés à vivre de manière radicalement évangélique précisément ce sécularisme dans lequel ils sont plongés en vertu de leur condition existentielle ou de leur ministère pastoral. Vous êtes ici, aujourd'hui, pour continuer à tracer ce parcours commencé il y a soixante ans, qui vous voit comme les détenteurs toujours plus passionnés, dans le Christ Jésus, du sens du monde et de l'histoire. Votre passion naît de la découverte de la beauté du Christ, de sa façon unique d'aimer, de rencontrer, de guérir la vie, de la rendre joyeuse, de la réconforter. Et telle est la beauté que vos vies veulent chanter, pour que votre présence dans le monde soit le signe de votre existence dans le Christ.

En effet, ce qui fait de votre insertion dans les événements humains un lieu théologique est le mystère de l'Incarnation ("Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique" Jn 3, 16). L'œuvre de salut s'est accomplie non pas en opposition, mais dans et à travers l'histoire des hommes. La Lettre aux Hébreux observe à ce propos: "Souvent dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variées; mais dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, il nous a parlé par ce Fils" (1, 1-2a). Le même acte rédempteur a eu lieu dans le contexte du temps et de l'histoire, et il s'est caractérisé comme obéissance au dessein de Dieu inscrit dans l'œuvre née de ses mains. C'est encore le même texte de l'Epître aux Hébreux, un texte inspiré, qui note: "Le Christ commence donc par dire: "Tu n'as pas voulu ni accepté les sacrifices et les offrandes, les holocaustes et les expiations pour le péché" que la Loi prescrit d'offrir. Puis il déclare: "Me voici, je suis venu pour faire ta volonté"" (10, 8-9a). Ces paroles du Psaume que la Lettre aux Hébreux voit exprimées dans le dialogue intratrinitaire, sont des paroles du Fils qui dit au Père: "Me voici, je suis venu pour faire ta volonté". Et ainsi se réalise l'Incarnation: "Me voici, je suis venu pour faire ta volonté". Le Seigneur nous interpelle par ses paroles qui deviennent les nôtres: voilà, je viens avec le Seigneur, avec le Fils, faire ta volonté.

Le chemin de votre sanctification est ainsi tracé avec clarté: l'adhésion oblative au dessein salvifique manifesté dans la Parole révélée, la solidarité avec l'histoire, la recherche de la volonté du Seigneur inscrite dans les événements humains gouvernés par sa providence. Et, dans le même temps, se déterminent les caractères de la mission séculière: le témoignage des vertus humaines, tels que "la justice, la paix, la joie" (Rm 14, 17), la "conduite excellente", dont parle Pierre dans sa Première Lettre (cf. 2, 12) faisant écho aux paroles du Maître: "De même que brille votre lumière devant les hommes: alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux" (Mt 5, 16). En outre, l'engagement pour l'édification d'une société reconnaissant, dans ses divers secteurs, la dignité de la personne et les valeurs incontournables pour sa pleine réalisation, appartient à la mission séculière: de la politique à l'économie, de l'éducation à l'engagement pour la santé publique; de la gestion des services à la recherche scientifique. Chaque réalité propre et spécifique vécue par le chrétien, son travail et ses intérêts concrets, tout en conservant leur consistance relative, trouvent leur fin ultime s'ils appartiennent au même objectif pour lequel le Fils de Dieu est entré dans le monde. Sentez-vous donc interpellés par chaque douleur, par chaque injustice, ainsi que par chaque recherche de la vérité, de la beauté et de la bonté, non parce que vous possédez les solutions de tous les problèmes, mais parce que chaque circonstance dans laquelle l'homme vit et meurt constitue pour vous l'occasion de témoigner de l'œuvre salvifique de Dieu. Telle est votre mission. Votre consécration souligne, d'un côté, la grâce particulière qui vient de l'Esprit pour la réalisation de la vocation; de l'autre, elle vous engage à une totale docilité d'esprit, de cœur et de volonté au projet de Dieu le Père révélé en Jésus Christ, à la suite radicale duquel vous avez été appelés.

Chaque rencontre avec le Christ exige un profond changement de mentalité, mais pour certains, comme cela a été le cas pour vous, la requête du Seigneur est particulièrement exigeante: tout quitter, car Dieu est tout et sera tout dans votre vie. Il ne s'agit pas simplement d'une façon différente de vous référer au Christ et d'exprimer votre adhésion à Lui, mais d'un choix de Dieu qui, de manière stable, exige votre confiance absolument totale en Lui. Conformer sa propre vie à celle du Christ en entrant dans ces paroles, conformer sa propre vie à celle du Christ à travers la pratique des conseils évangéliques, est une caractéristique fondamentale et exigeante qui, dans sa spécificité, requiert des engagements et des gestes concrets, d'"alpinistes de l'esprit", comme vous appela le vénéré Pape Paul VI (Discours aux participants au I Congrès international des Instituts séculiers: Insegnamenti, VIII, 1970, p. 939).

Le caractère séculier de votre consécration souligne, d'un côté, les moyens avec lesquels vous vous prodiguez pour la réaliser, c'est-à-dire ceux qui sont propres à chaque homme et femme qui vivent dans des conditions ordinaires dans le monde, et, de l'autre, la forme de son développement, c'est-à-dire celle d'une relation profonde avec les signes des temps, que vous êtes appelés à discerner, de façon personnelle et communautaire, à la lumière de l'Evangile. On a plusieurs fois précisément identifié dans ce discernement, de manière faisant autorité, votre charisme, afin que vous puissiez être des laboratoires de dialogue avec le monde, ce "laboratoire expérimental dans lequel l'Eglise vérifie les modalités concrètes de ses relations avec le monde" (Paul VI, Discours aux responsables généraux des Instituts séculiers: Insegnamenti XIV, 1976, p. 676). C'est précisément de là que dérive l'actualité persistante de votre charisme, car ce discernement doit avoir lieu non en dehors de la réalité, mais à l'intérieur, à travers une pleine participation. Cela se réalise à travers des relations quotidiennes que vous pouvez tisser dans les relations familiales et sociales, dans l'activité professionnelle, dans le tissu des communautés civile et ecclésiale. La rencontre avec le Christ, se placer à sa suite, ouvre et exhorte à la rencontre avec chacun, car si Dieu ne se réalise que dans la communion trinitaire, ce n'est que dans la communion que l'homme trouvera aussi sa plénitude.

Il ne vous est pas demandé d'instituer des formes de vie, d'engagement apostolique et d'interventions sociales particulières, si ce n'est celles qui peuvent naître dans les relations personnelles, sources de richesse prophétique. Votre vie doit être comme le levain qui fait fermenter toute la farine (cf. Mt 13, 33), parfois silencieuse et cachée, mais toujours riche de propositions et encourageante, capable d'engendrer l'espérance. Le lieu de votre apostolat est donc tout ce qui est humain, non seulement au sein de la communauté chrétienne - où la relation se nourrit de l'écoute de la Parole et de la vie sacramentelle, à laquelle vous puisez pour soutenir l'identité baptismale -, je dis que le lieu de votre apostolat est tout ce qui est humain, que ce soit au sein de la communauté chrétienne, ou dans la communauté civile, où la relation se réalise dans la recherche du bien commun, dans le dialogue avec tous, appelés à témoigner de cette anthropologie chrétienne qui constitue une proposition de sens dans une société désorientée et confuse par le climat multiculturel et multireligieux qui la caractérise.

Vous venez de divers pays, et les situations culturelles, politiques et également religieuses dans lesquelles vous vivez, vous travaillez et avancez dans l'âge sont différentes. Dans toutes ces situations, soyez des chercheurs de la Vérité, de la révélation humaine de Dieu dans la vie. Il s'agit, nous le savons, d'une longue route, dont le présent est tourmenté, mais dont l'issue est certaine. Annoncez la beauté de Dieu et de sa création. A l'exemple du Christ, soyez obéissants à l'amour, soyez des hommes et des femmes doux et miséricordieux, capables de parcourir les routes du monde en ne faisant que le bien. Que vos vies placent les Béatitudes en leur centre, contredisant la logique humaine, pour exprimer une confiance inconditionnée en Dieu qui désire le bonheur de l'homme. L'Eglise a également besoin de vous pour que sa mission soit complète. Soyez des semences de sainteté, jetées à pleines mains dans les sillons de l'histoire. Enracinés dans l'action gratuite et efficace avec laquelle l'Esprit du Seigneur guide les événements humains, puissiez-vous donner des fruits de foi authentique, en écrivant avec votre vie et avec votre témoignage des paraboles d'espérance, en les écrivant avec les œuvres suggérées par l'"imagination de la charité" (Jean-Paul II, Lett. ap. Novo millennio ineunte, n. 50).

Avec ces vœux, en vous assurant de ma prière constante, je vous donne une Bénédiction apostolique spéciale pour soutenir vos initiatives d'apostolat et de charité.

S. S. BENEDICTO XVI, 3 DE FEBRERO DE 2007

SECRÉTAIRE D’ÉTAT

Cité du Vatican, le 18.07.2012

+Tarcisio Cardinal Bertone
Secrétaire d’État

Mademoiselle,

J’ai le plaisir d’envoyer aux membres des Instituts séculiers le présent Message du Saint-Père à l’occasion du Congrès qui se tient à Assise, organisé par la Conférence Mondiale des Instituts Séculiers sur le thème « A l’écoute de Dieu "dans les sillons de l’histoire": la sécularité parle à la consécration ».

Cette thématique importante met l’accent sur votre identité de consacrés qui, en vivant dans le monde la liberté intérieure et la plénitude de l’amour qui procèdent des conseils évangéliques, voit en vous des hommes et des femmes capables d’un regard profond et d’un bon témoignage de l’histoire. Le temps présent pose à la vie et à la foi des questions profondes, mais manifeste aussi le mystère de la nuptialité de Dieu. En effet, le Verbe qui s’est fait chair célèbre les noces de Dieu avec l’humanité de chaque époque. Le mystère caché depuis des siècles dans l’esprit du Créateur de l’univers (cf. Ep 3,9) et manifesté par l’Incarnation, est projeté vers l’accomplissement futur, mais déjà enraciné dans l’aujourd’hui, telle une force rédemptrice et unificatrice.

Au sein de l’humanité en chemin, animés par l’Esprit Saint, vous pouvez discerner les signes discrets et parfois cachés qui indiquent la présence de Dieu. Ce n’est que par la grâce, don de l’Esprit, que vous pouvez trouver sur les sentiers parfois tortueux des vicissitudes humaines la voie vers la plénitude de la vie surabondante. C’est un dynamisme qui contient, au-delà des apparences, le véritable sens de l’histoire selon le dessein de Dieu. Votre vocation consiste à habiter dans le monde en en assumant tous les poids et tous les désirs, avec un regard humain qui coïncide toujours plus avec celui de Dieu, dont naît un engagement original, particulier, basé sur la certitude que Dieu écrit son histoire de salut sur la trame des vicissitudes de notre histoire.

En ce sens, votre identité montre aussi un aspect important de votre mission dans l’Église: l’aider à réaliser son existence dans le monde, à la lumière des paroles du Concile Vatican II: « Aucune ambition terrestre ne pousse l’Église; elle ne vise qu’un seul but: continuer, sous l’impulsion de l’Esprit Consolateur, l’œuvre même du Christ, venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour sauver non pour condamner, pour servir non pour être servi.» (Gaudium et Spes, 3). La théologie de l’histoire est une partie essentielle de la nouvelle évangélisation, parce que les hommes du temps présent ont besoin de retrouver un regard d’ensemble sur le monde et sur le temps, un regard vraiment libre et pacifique (cf. Benoît XVI, Homélie prononcée pendant la messe pour la nouvelle évangélisation, 16 octobre 2011). Et le Concile nous rappelle que la relation entre l’Église et le monde doit être vécue sous le signe de la réciprocité, car ce n’est pas seulement l’Église qui donne au monde, contribuant à rendre plus humains les hommes et leur histoire, mais c’est aussi le monde qui donne à l’Église, de façon qu’elle puisse se comprendre mieux elle-même et mieux vivre sa mission. (cf. Gaudium et Spes, 40-45).

Au cours de votre session vous allez examiner l’aspect spécifique de la consécration séculière afin de comprendre comment la sécularité parle à la consécration, comment les traits caractéristiques de Jésus – chaste, pauvre et obéissant – revêtent dans votre vie une « visibilité » exemplaire et permanente dans le monde (cf. Exhortation apostolique Vita Consecrata, 1). Sa Sainteté souhaite indiquer trois domaines méritant votre attention.

En premier lieu, le don total de votre vie en réponse à une rencontre personnelle et vitale avec l’amour de Dieu. Vous qui avez découvert que Dieu est tout pour vous, vous avez décidé de tout donner à Dieu et de le faire d’une manière particulière : en restant laïcs parmi les laïcs, prêtres parmi les prêtres. Cela requiert une vigilance toute particulière afin que vos styles de vie manifestent la richesse, la beauté et la radicalité des conseils évangéliques.

En deuxième lieu, la vie spirituelle. Point ferme et indispensable, point de repère solide pour alimenter ce désir de vous unir en Christ, qui est le but de l’existence tout entière de chaque chrétien et en particulier de celui qui répond à l’appel de se donner entièrement. La mesure de la profondeur de votre vie spirituelle ne réside pas tant dans vos activités, bien que nécessaires à votre engagement, mais dans la capacité de rechercher Dieu dans le cœur de tout événement et de rapporter toute chose au Christ. Cela signifie « récapituler » toutes choses dans le Christ, comme le dit l’apôtre Paul (cf. Ep 1,10). L’histoire tout entière et toutes les histoires ne trouvent un sens et une unité que dans le Christ, Seigneur de l’histoire.

C’est donc dans la prière et dans l’écoute de la Parole de Dieu que ce désir peut se fortifier. C’est dans la célébration eucharistique que vous pouvez retrouver la racine vous permettant d’être le pain de l’Amour, rompu pour les hommes. C’est dans la contemplation, dans le regard de la foi éclairé par la grâce, que vous devez enraciner votre engagement à partager avec chaque homme et chaque femme les questions profondes que chacun se pose, pour édifier l’espérance et la confiance.

En troisième lieu, la formation. Celle-ci n’omet aucun âge, parce qu’il s’agit de vivre sa vie dans la plénitude, s’éduquant à la sagesse qui est toujours consciente de la centralité humaine et de la grandeur du Créateur. Vous devez rechercher les contenus et les modalités d’une formation qui fasse de vous des laïcs et des prêtres capables de se laisser interroger par les complexités du monde, de rester ouverts aux sollicitations venant de vos relations avec les frères qui croisent votre chemin, de s’engager dans un discernement de l’histoire à la lumière de la Parole de vie. Vous devez être disponibles pour construire, avec tous ceux qui recherchent la vérité, des parcours de bien commun, sans recourir à des solutions toutes faites et sans avoir peur des questions qui restent telles, mais toujours prêts à remettre votre vie en jeu, certains que si le grain de blé qui tombe en terre meurt, il porte du fruit en abondance (cf. Jn 12,24). Vous devez être créatifs, parce que l’Esprit apporte sans cesse des nouveautés; vous devez avoir des regards capables de construire l’avenir et d’enfoncer des racines solides dans le Christ notre Seigneur, pour pouvoir dire aux hommes du temps présent l’expérience d’amour qui est à la base de la vie de chaque homme. Vous devez embrasser avec charité les blessures du monde et de l’Église. Et vous devez surtout vivre une vie joyeuse et pleine, accueillante et capable de pardon, parce que fondée sur Jésus-Christ, Parole définitive d’Amour de Dieu pour l’homme.

En vous faisant part de ces réflexions, le Souverain Pontife assure votre Congrès et votre Assemblée de sa prière, invoquant l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, qui a vécu dans le monde la parfaite consécration à Dieu dans le Christ, et accorde sa Bénédiction apostolique de grand cœur, à vous-même et à tous les participants.

En vous formulant mes meilleurs vœux, je profite de cette occasion pour vous exprimer ma profonde estime.


Note de la CMIS: le texte original est en italien.


CMIS – CONFÉRENCE MONDIALE DES INSTITUTS SÉCULIERS

CONGRÈS ET ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

ASSISE – 23-28 juillet 2012

(Domus Pacis – Santa Maria degli Angeli, Assise – Italie)

A L’ÉCOUTE DE DIEU «DANS LES SILLONS DE L’HISTOIRE»:

LA SÉCULARITÉ PARLE À LA CONSÉCRATION

LES INSTITUTS SÉCULIERS ET LA COMMUNION ECCLÉSIALE

João Braz Cardinal DE AVIZ
Préfet de la CIVCSVA

Chers Consacrées et Consacrés laïcs et prêtres des Instituts séculiers,

Je suis heureux d’être parmi vous pour ouvrir ces journées pleines d’attente. Des journées où vous tiendrez d’abord votre Congrès, lieu d’écoute, de confrontation et d’élaboration, puis votre Assemblée. C’est un rendez-vous particulièrement important cette année puisque vous allez approuver vos nouveaux Statuts. Je souhaite, à ce propos, que le fait d’examiner de près les normes qui règlent votre parcours commun pour en dessiner les formes vous aide à vivre pleinement la communion, non pas pour effacer les différences, mais pour cheminer ensemble, chacun selon son rythme, dans le même sillon : celui de la sécularité consacrée. Ce n’est qu’à ce prix, parce qu’il s’agit certainement d’un parcours complexe, que des fruits pourront naître.

Ma présence ici exprime la communion qui lie la Conférence mondiale des Instituts séculiers au Saint-Père à travers la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique. Il s’agit de ce Sentire cum Ecclesia auquel l’Exhortation apostolique Vita Consecrata a consacré son paragraphe 46 dont je vais relire avec vous les premiers mots: « Une tâche importante est confiée à la vie consacrée, notamment à la lumière de la doctrine de l'Église comme communion, proposée par le Concile Vatican II avec tant de vigueur. Aux personnes consacrées, il est demandé d'être vraiment expertes en communion et d'en pratiquer la spiritualité, comme "témoins et artisans du projet de communion qui est au sommet de l'histoire de l'homme selon Dieu". Le sens de la communion ecclésiale, qui devient une spiritualité de la communion, encourage une façon de penser, de parler et d'agir qui fait progresser l'Église en profondeur et en extension. En effet, la vie de communion "devient un signe pour le monde et une force d'attraction qui conduit à croire au Christ [...]. De cette manière, la communion s'ouvre à la mission, elle se fait elle-même mission", ou plutôt "la communion engendre la communion et se présente essentiellement comme communion missionnaire».

Et je cite ici les paroles du Saint-Père Benoît XVI adressées à Mademoiselle Ewa Kusz, présidente du Conseil exécutif, envoyées par l’intermédiaire du Secrétaire d’État +Tarcisio Cardinal Bertone, et qui viennent d’être lues :

« Au cours de votre session vous allez examiner l’aspect spécifique de la consécration séculière afin de comprendre comment la sécularité parle à la consécration, comment les traits caractéristiques de Jésus – chaste, pauvre et obéissant – revêtent dans votre vie une « visibilité » exemplaire et permanente dans le monde (cf. Exhortation apostolique Vita Consecrata, 1). Sa Sainteté souhaite indiquer trois domaines méritant votre attention.


En premier lieu, le don total de votre vie en réponse à une rencontre personnelle et vitale avec l’amour de Dieu. Vous qui avez découvert que Dieu est tout pour vous, vous avez décidé de tout donner à Dieu et de le faire d’une manière particulière : en restant laïcs parmi les laïcs, prêtres parmi les prêtres. Cela requiert une vigilance toute particulière afin que vos styles de vie manifestent la richesse, la beauté et la radicalité des conseils évangéliques.


En deuxième lieu, la vie spirituelle. Point ferme et indispensable, point de repère solide pour alimenter ce désir de vous unir en Christ, qui est le but de l’existence tout entière de chaque chrétien et en particulier de celui qui répond à l’appel de se donner entièrement. La mesure de la profondeur de votre vie spirituelle ne réside pas tant dans vos activités, bien que nécessaires à votre engagement, mais dans la capacité de rechercher Dieu dans le cœur de tout événement et de rapporter toute chose au Christ. Cela signifie « récapituler » toutes choses dans le Christ, comme le dit l’apôtre Paul (cf. Ep 1,10). L’histoire tout entière et toutes les histoires ne trouvent un sens et une unité que dans le Christ, Seigneur de l’histoire.


C’est donc dans la prière et dans l’écoute de la Parole de Dieu que ce désir peut se fortifier. C’est dans la célébration eucharistique que vous pouvez retrouver la racine vous permettant d’être le pain de l’Amour, rompu pour les hommes. C’est dans la contemplation, dans le regard de la foi éclairé par la grâce, que vous devez enraciner votre engagement à partager avec chaque homme et chaque femme les questions profondes que chacun se pose, pour édifier l’espérance et la confiance.


En troisième lieu, la formation. Celle-ci n’omet aucun âge, parce qu’il s’agit de vivre sa vie dans la plénitude, s’éduquant à la sagesse qui est toujours consciente de la centralité humaine et de la grandeur du Créateur. Vous devez rechercher les contenus et les modalités d’une formation qui fasse de vous des laïcs et des prêtres capables de se laisser interroger par les complexités du monde, de rester ouverts aux sollicitations venant de vos relations avec les frères qui croisent votre chemin, de s’engager dans un discernement de l’histoire à la lumière de la Parole de vie. Vous devez être disponibles pour construire, avec tous ceux qui recherchent la vérité, des parcours de bien commun, sans recourir à des solutions toutes faites et sans avoir peur des questions qui restent telles, mais toujours prêts à remettre votre vie en jeu, certains que si le grain de blé qui tombe en terre meurt, il porte du fruit en abondance (cf. Jn 12,24). Vous devez être créatifs, parce que l’Esprit apporte sans cesse des nouveautés; vous devez avoir des regards capables de construire l’avenir et d’enfoncer des racines solides dans le Christ notre Seigneur, pour pouvoir dire aux hommes du temps présent l’expérience d’amour qui est à la base de la vie de chaque homme. Vous devez embrasser avec charité les blessures du monde et de l’Église. Et vous devez surtout vivre une vie joyeuse et pleine, accueillante et capable de pardon, parce que fondée sur Jésus-Christ, Parole définitive d’Amour de Dieu pour l’homme»
. (Secrétairerie d’État, lettre du 18.07.2012, n° 201.643).

C’est précisément sur la communion ecclésiale que j’aimerais m’attarder aujourd’hui avec vous. Non pas pour minimiser l’importance du thème spécifique de votre Congrès sur lequel vous allez réfléchir ces jours prochains, mais en quelque sorte pour dessiner le cadre, l’horizon dans lequel vous pourrez insérer vos réflexions.

Votre vocation n’a de sens que si elle part de son enracinement dans l’Église, parce que votre mission est la mission de l’Église. Dans la prière sacerdotale contenue dans l’Évangile de Jean, l’intensité de la relation entre le Père et le Fils ne fait qu’une avec la force de la mission d’amour. C’est en réalisant cette communion d’amour que l’Église devient un signe et un moyen d’opérer l’union intime avec Dieu et l’unité de tout le genre humain (cf. Lumen Gentium 1).

C’est en ce sens que Paul VI vous exhortait: « Ne vous laissez jamais surprendre ni même effleurer par la tentation, aujourd’hui trop facile, de croire qu’une authentique communion avec le Christ est possible sans une réelle harmonie avec la communauté ecclésiale gouvernée par les pasteurs légitimes. Vous vous tromperiez et vous vous feriez illusion. Que pourrait signifier un individu ou un groupe, même avec les intentions subjectivement les plus nobles et les plus parfaites, sans cette communion? Le Christ nous l’a demandée comme une garantie pour nous admettre à la communion avec Lui, de la même façon qu’il nous a demandé d’aimer notre prochain pour témoigner de notre amour pour Lui » (Paul VI, Allocution « Encore une fois » aux Supérieurs des Instituts séculiers, le 20 septembre 1972).

Et Benoît XVI vous a dit avec force: « L’Église a besoin aussi de vous pour parfaire sa mission... Soyez des semences de sainteté jetées à pleines mains dans les sillons de l’histoire ». Il n’y a pas de communion possible sans une ouverture continue à la mission, il n’y a pas de mission possible sans la communion. Ces deux aspects touchent le cœur vivant et palpitant de l’Église tout entière, lui permettant d’avoir une nouvelle lecture de la réalité, une recherche de sens, voire de solutions pour apporter une réponse, certes partielle, mais avec un cœur de plus en plus authentiquement évangélique.


Une autre considération m’a poussé à choisir ce thème, et c’est celle-ci: une des premières préoccupations dont on m’a fait part en tant que Préfet lors des rencontres avec les Instituts séculiers, c’est que « nous sommes peu ou mal connus au sein de l’Église ».

Le lien profond existant entre la connaissance et la communion me semble fondamental dans un double sens. Ce n’est que par la connaissance, qui signifie écoute, attention, syntonie du cœur, que peut naître la communion qui, à son tour et précisément parce qu’elle va au cœur de l’essentiel et améliore la capacité de rencontre, engendre une connaissance authentique.

Voilà pourquoi, sans m’arrêter sur la communion à l’intérieur de chaque Institut (argument qui mériterait une réflexion à part), je vais parler de plusieurs points inhérents à la communion ecclésiale. Et je le fais en partant du Document que la Sacrée Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers avait envoyé aux Conférences épiscopales après la réunion plénière tenue au mois de mai 1983.

En remontant aux origines de cette vocation, j’ai pu constater que dès le début, sous la nouvelle forme reconnue juridiquement par la Constitution apostolique Provida Mater, des réalités profondément différentes entre elles, surtout en raison de leur finalité apostolique différente, se sont fondues. Ce furent précisément les rencontres organisées par ce qui allait devenir la Conférence mondiale des Instituts séculiers qui permirent une connaissance réciproque – peut-on lire dans le document en question – amenant les Instituts à accepter la diversité (ce que l’on appelle le pluralisme), mais avec l’exigence d’établir les limites de cette diversité (Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers, Gli Istituti secolari: la loro identità e la loro missione [Les Instituts séculiers : leur identité et leur mission], 3-6 mai 1983 n. 4).

Cela me semble être un point fondamental. Je pense que cette œuvre d’accueil réciproque est toujours en cours et qu’il ne faut pas perdre de vue l’importance d’un approfondissement continu de ce parcours. Il en est de même pour une compréhension accrue de ce que ce document, comme nous venons de l’entendre, appelle les limites de cette diversité. Limites, ou aussi frontières, qui plongent leurs racines tant dans l’essence de l’Esprit qui renouvelle sans cesse la terre par des dons nouveaux, que dans la phase que traverse l’Église. Dans le contexte où nous vivons aujourd’hui, notamment dans la perspective de l’Année de la Foi décrétée par Benoît XVI à l’occasion du 50e anniversaire du Concile Vatican II, le peuple de Dieu, consacrés, prêtres, mais aussi pastoralistes, canonistes, tous sont appelés à collaborer pour construire ensemble des parcours nouveaux d’évangélisation et d’accompagnement pour l’homme du temps présent.

Vous comprenez bien qu’un tel discernement exige de vous une attitude fondamentale: ne pas avoir la prétention de connaître la véritable (et donc unique) identité d’un Institut séculier. Vous devez au contraire être disponibles pour pouvoir découvrir comment l’autre, avec sa propre spiritualité, sa propre mission et modalité de vie, décline la synthèse entre la consécration et la sécularité; comment, dans des milieux socioculturels et ecclésiaux différents, il est possible de manifester, d’une autre manière, l’originalité et l’unicité de votre vocation.

Ce n’est que par cette dynamique d’écoute et d’accueil, qui requiert un bon discernement, que vous vous sentirez plus riches parce que vous pourrez faire l’expérience de la grandeur de Dieu qui, pour manifester son grand amour au monde, ne s’enferme pas dans nos petits parcours, mais sait au contraire susciter des réponses. Celles-ci peuvent parfois nous paraître extravagantes, mais elles ont certainement quelque chose à dire et à donner à la vie de chacun. C’est donc en partant de ce qui vous unit que vous pourrez vous confronter non seulement sur les différences, mais aussi sur les défis sans cesse nouveaux que le monde vous lance, vous qui êtes appelés à vivre votre vie sur une « terre de frontière ». Face à des problématiques nouvelles vous êtes appelés à rechercher des parcours nouveaux exprimant l’actualité de votre mission, toujours prêts à les remettre en discussion, dans la confrontation, quand les temps et les lieux exigent des élaborations nouvelles.

Je pense à une des questions qui m’ont été posées lors de ma rencontre avec la Conférence polonaise des Instituts séculiers tenue au mois de novembre 2011. Cette question concernait le besoin, pour le membre d’un Institut séculier, d’être discret au sujet de sa vocation. Plus qu’une réponse, c’est une invitation que j’ai faite aux Instituts séculiers à se confronter, au sein de chaque Institut et entre eux, sur les motivations d’une telle discrétion et à se demander ceci : « Pourquoi en a-t-on ressenti le besoin ? Que veut-on dire à l’Église et au monde ? » Les réponses peuvent être différentes d’un Institut à l’autre, d’une nation à l’autre et d’une époque à l’autre, mais pour vérifier l’actualité et l’efficacité d’un outil il faut toujours partir du fondement, de la valeur qu’il veut réaliser et exprimer.

Je crois que c’est là une méthode à envisager pour acquérir une connaissance capable de conduire vers la communion et qui naît de la communion.

Il faut donc s’écouter réciproquement, sans idées préconçues, tant à l’intérieur des Instituts que sur les lieux propres à la confrontation, pour atteindre un but qui, vous le savez très bien, n’est qu’une étape sur le chemin de l’Esprit !

Sachez que, pour ce faire, vous n’êtes pas seuls: l’Église, à travers les paroles des Souverains Pontifes et le service de la Congrégation que je représente ici, vous accompagne.

Et je voudrais vous parler d’un autre aspect, à savoir la communion avec l’Église locale. Je cite les paroles du bienheureux Jean-Paul II, prononcées à la fin de la réunion plénière susmentionnée : « Si les Instituts séculiers se développent et se fortifient, même les Églises locales en tireront profit ».

S’ensuit une double invitation adressée aux Instituts et aux Pasteurs: tout en respectant leurs caractéristiques, les Instituts séculiers doivent comprendre et assumer les urgences pastorales des Églises locales, et encourager leurs membres à participer avec attention aux espoirs et aux difficultés, aux projets et aux préoccupations, aux richesses spirituelles et aux limites, en un mot : à la communion de leur Église concrète.

En outre, les Pasteurs doivent veiller à reconnaître et à demander leur apport conformément à leur nature propre. Une autre responsabilité incombe aux Pasteurs: offrir aux Instituts séculiers toute la richesse doctrinale dont ils ont besoin. Ils veulent faire partie du monde et anoblir les réalités temporelles en les ordonnant et les élevant afin que tout conduise vers le Christ en tant que chef (cf. Ep l, l0). C’est pourquoi il faut donner à ces Instituts toute la richesse de la doctrine catholique sur la création, l’incarnation et la rédemption afin qu’ils puissent embrasser les desseins savants et mystérieux de Dieu sur l’homme, sur l’histoire et sur le monde.

Il faut impérativement se poser aujourd’hui cette question: où en est ce parcours ?

Naturellement je m’adresse ici à vous en vous invitant à faire une réflexion sur le chemin que vous avez parcouru. Mais c’est une question qu’il faut poser aussi aux Pasteurs, invités à favoriser parmi les fidèles une compréhension non pas approximative ou accommodante, mais exacte et respectant les caractéristiques qui qualifient … cette vocation difficile, mais belle (ce sont encore des paroles adressées par le bienheureux Jean-Paul II à la réunion plénière).

La communion dont nous parlons, ne l’oublions jamais, est un don de l’Esprit Saint, qui crée l’unité dans l’amour et dans l’acceptation réciproque des différences. Avant de programmer des initiatives concrètes au niveau de la communication et des structures, il faut promouvoir une spiritualité de la communion car sans cheminement – réitérait clairement le bienheureux Jean-Paul II – ne nous faisons pas d’illusions, les moyens extérieurs de la communion serviraient à bien peu de chose. Ils deviendraient des façades sans âmes, des masques de communion plus que ses expressions et ses chemins de croissance. (Novo millennio ineunte, n° 43).

Chacun d’entre vous doit se sentir interpellé, en tant qu’individu, en tant qu’Institut et en tant que Conférence, à trouver les outils et les modalités nécessaires pour réaliser dans l’histoire l’idéal de la pleine communion ecclésiale exposée dans de nombreux documents de l’Église.

Là aussi, une attitude est prioritaire: ne cédez jamais à la tentation de renoncer. Il peut parfois arriver que vos tentatives ne portent pas de fruits et que vous n’avanciez pas : même dans ce cas, n’abandonnez pas votre objectif ! Ne vous arrêtez pas devant les échecs, mais tirez-en une force nouvelle pour développer votre créativité ; sachez passer du ressentiment à la disponibilité, de la méfiance à l’accueil ! Portez les blessures infligées à la communion ecclésiale dans votre prière, assumez vos responsabilités avec vérité, tentez l’impossible et, dans le discernement, reprenez le chemin escarpé qui conduit vers la communion !

Au mois de mars de cette année, nous avons tenu au siège de la Congrégation une réunion entre les Supérieurs et le Conseil de la CMIS, au cours de laquelle le Conseil a soumis quelques sujets à affronter ensemble concernant trois thématiques subdivisées comme suit : la connaissance réciproque ; les critères de discernement de l’identité des Instituts séculiers ; le rôle de la CMIS.

En tant que Dicastère, nous avons écouté très volontiers la proposition concernant une modalité possible de mise en place: que cette Assemblée choisisse le premier aspect devant faire l’objet d’une réflexion commune; qu’elle désigne les interlocuteurs avec le Dicastère, et surtout qu’elle décide de la manière dont les Instituts peuvent participer à la réflexion. Voilà un exemple de communion ecclésiale que nous sommes en train de construire!

Je vous adresse enfin une autre invitation: soyez les promoteurs de la communion avec les autres expressions de la vie consacrée et les autres réalités ecclésiales qui partagent certains côtés de votre identité ou de votre mission. Je pense aux autres formes de vie consacrée qui, comme vous, observent les conseils évangéliques dans le sens canonique. Je pense aux associations et aux mouvements qui, comme vous, exercent une présence évangélique dans le monde, tout en conservant une mission et un style de vie profondément différents. C’est une proposition qui pourrait vous sembler audacieuse, mais qui est suggérée par votre vocation même, qui vous amène à faire l’expérience de la diversité au sein de vos Instituts et qui fait de votre existence un laboratoire de dialogue.

Préparez-vous à connaître ces réalités et surtout à vous faire connaître d’elles: vous n’avez rien à prouver, vous devez seulement montrer la beauté de la vocation qui, conjointement avec celle de nombre de vos frères et sœurs, est l’expression de la richesse et de la vivacité de l’Amour trinitaire. Cet Amour surprenant et créatif, qui dépasse notre capacité d’imagination et qui fait de l’Église un merveilleux jardin où la multitude de fleurs et de plantes permet à chaque homme de trouver et d’expérimenter, dans la variété des parfums et des couleurs, la profondeur et la joie d’une vie pleine et bonne.

NB.: Je remercie Daniela Leggio, officiel de la CICSVA, qui m’a aidé dans la recherche de documents sur les Instituts séculiers.


Note de la CMIS: le texte original est en italien.

Audience du Pape François aux participants
à la rencontre organisée par la
Conférence Italienne des Instituts Séculiers

Salle du Consistoire
Samedi 10 mai 2014

Le Saint-Père a improvisé le discours suivant:

J’ai écrit un discours pour vous, mais aujourd’hui il s’est passé quelque chose. C’est ma faute parce que j’ai accordé deux audiences, je ne dis pas en même temps, mais presque. C’est pourquoi j’ai préféré vous remettre le discours, car le lire est ennuyeux, et vous dire deux ou trois petites choses qui vous aideront peut-être.

Depuis l’époque où Pie XII l’a imaginé, et ensuite la promulgation de Provida Mater Ecclesia, cela a été un geste révolutionnaire dans l’Eglise. Les instituts séculiers sont véritablement un geste de courage qui a fait l’Eglise à ce moment-là; donner une structure, reconnaître leur existence institutionnelle aux instituts séculiers. Et depuis cette époque, jusqu’à maintenant, le bien que vous faites avec courage, car il y a besoin de courage pour vivre dans le monde à l’Eglise est très grand. Beaucoup d’entre vous, seuls, dans leur appartement, vont et viennent; certains dans de petites communautés. Mener tous les jours la vie d’une personne qui vit dans le monde, et dans le même temps conserver la contemplation, cette dimension contemplative à l’égard du Seigneur et également à l’égard du monde, contempler la réalité, ainsi que contempler les beautés du monde et aussi les graves péchés de la société, les déviations, toutes ces choses, et toujours dans une tension spirituelle... C’est pourquoi votre vocation est fascinante, car c’est une vocation qui est précisément là, où se joue le salut non seulement des personnes, mais des institutions. Et de tant d’institutions laïques nécessaires au monde. C’est pourquoi je pense ainsi, qu’avec Provida Mater Ecclesia l’Eglise a fait un geste vraiment révolutionnaire!

Je vous souhaite de toujours conserver cette attitude d’aller au- delà, pas seulement au-delà, mais au-delà et au milieu, là où tout se joue: la politique, l’économie, l’éducation, la famille... là! Il se peut que vous ayez la tentation de penser: «Mais moi, que puis-je faire?». Quand cette tentation se présente, rappelez-vous que le Seigneur nous a parlé du grain de blé! Et votre vie est comme le grain de blé... là; elle est comme le levain... là. Et faire tout votre possible pour le Règne vienne, croisse et soit grand, et aussi qu’il conserve de nombreuses personnes, comme l’arbre de sénevé. Pensez à cela. Petite vie, petit geste; vie normale, mais levain, semence, qui fait grandir. Et cela vous apporte le réconfort. Les résultats de ce bilan sur le Règne de Dieu ne se voient pas. Seul le Seigneur nous fait percevoir quelque chose... Nous verrons les résultats là-haut.

C’est pourquoi il est important que vous ayez tant d’espérance! C’est une grâce que vous devez demander au Seigneur, toujours: l’espérance qui ne déçoit jamais. Elle ne déçoit jamais! Une espérance qui va de l’avant. Je vous conseillerais de lire très souvent le chapitre 11 de la Lettre aux Hébreux, ce chapitre de l’espérance. Et apprendre que tant de nos pères ont suivi ce chemin et n’ont pas vu les résultats, mais les ont salués de loin. L’espérance... C’est ce que je vous souhaite. Merci beaucoup pour ce que vous accomplissez dans l’Eglise; merci beaucoup pour votre prière et pour vos actions. Merci pour votre espérance. Et n’oubliez pas: soyez révolutionnaires!

Voici le texte du discours préparé et remis par le Pape.

Chers frères et sœurs,

Je vous accueille à l’occasion de votre assemblée et je vous salue en vous disant: je connais et j’apprécie votre vocation! Celle-ci est l’une des formes les plus récentes de vie consacrée reconnues et approuvées par l’Eglise, et peut-être pour cette raison n’est-elle pas encore entièrement comprise. Ne vous découragez pas: vous faites partie de cette Eglise pauvre et qui sort dont je rêve!

Par vocation, vous êtes des laïcs et des prêtres comme les autres et parmi les autres, vous conduisez une vie ordinaire, privée de signes extérieurs, sans le soutien d’une vie communautaire, sans la visibilité d’un apostolat organisé ou d’œuvres spécifiques. Vous êtes seulement riches de l’expérience totalisante de l’amour de Dieu et c’est pourquoi vous êtes capables de connaître et de partager la difficulté de la vie dans ses multiples expressions, en étant un levain avec la lumière et la force de l’Evangile.

Soyez le signe de cette Eglise en dialogue dont parle Paul VI dans l’encyclique Ecclesiam suam: «On ne sauve pas le monde du dehors — affirme-t-il —; il faut, comme le Verbe de Dieu qui s’est fait homme, assimiler, en une certaine mesure, les formes de vie de ceux à qui on veut porter le message du Christ; sans revendiquer de privilèges qui éloignent, sans maintenir la barrière d'un langage incompréhensible, il faut partager les usages communs, pourvu qu’ils soient humains et honnêtes, spécialement ceux des plus petits, si on veut être écouté et compris. Il faut, avant même de parler, écouter la voix et plus encore le cœur de l’homme; le comprendre et, autant que possible, le respecter et, là où il le mérite, aller dans son sens. Il faut se faire les frères des hommes du fait même qu’on veut être leurs pasteurs, leurs pères et leurs maîtres. Le climat du dialogue, c'est l’amitié. Bien mieux, le service» (n. 90).

Le thème de votre assemblée, «Au cœur des événements humains: les défis d’une société complexe», indique le domaine de votre mission et de votre prophétie. Soyez dans le monde, mais non du monde, en portant en vous l’essentiel du message chrétien: l’amour du Père qui sauve. Soyez au cœur du monde, avec le cœur de Dieu.

Votre vocation vous conduit à vous intéresser à chaque homme et à ses nécessités les plus profondes, qui restent souvent inexprimées ou masquées. En vertu de l’amour de Dieu que vous avez rencontré et connu, soyez capables de proximité et de tendresse. Ainsi, vous pourrez être proches au point de toucher l’autre, ses blessures et ses attentes, ses demandes et ses besoins, avec cette tendresse qui est l’expression d’un soin qui efface toute distance. Comme le Samaritain qui passa à côté et vit et eut compassion. C’est là que se trouve le mouvement auquel vous engage votre vocation: passer à côté de chaque homme et vous faire le prochain de toute personne que vous rencontrez; car votre présence dans le monde n’est pas simplement une condition sociologique, mais elle est une réalité théologale qui vous appelle à une manière d’être consciente, attentive, qui sait apercevoir, voir et toucher la chair de son frère.

Si cela n’arrive pas, si vous êtes devenus distraits, ou pire encore vous ne connaissez pas ce monde contemporain, mais que vous connaissez et fréquentez seulement le monde qui vous arrange le plus, ou qui vous réjouit le plus, alors la conversion est urgente! Votre vocation est par sa nature en sortie, non seulement parce qu’elle vous conduit vers l’autre, mais aussi et surtout parce qu’elle vous demande d’habiter là où habite chaque homme.

L’Italie est le pays ayant le plus grand nombre d’instituts séculiers et de membres. Soyez un levain qui peut produire du bon pain pour tant de personnes, ce pain dont tant de personnes ont faim: l’écoute des besoins, des désirs, des déceptions, de l’espérance. Comme ceux qui vous ont précédés dans votre vocation, vous pouvez redonner l’espérance aux jeunes, aider les personnes âgées, ouvrir des voies vers l’avenir, diffuser l’amour en chaque lieu et dans chaque situation. Si cela ne se produit pas, si votre vie ordinaire manque de témoignage et de prophétie, alors je vous le répète à nouveau, une conversion est urgente!

Ne perdez jamais l’élan de marcher sur les routes du monde, la conscience que marcher, même d’un pas incertain ou en boitant, est toujours mieux que d’être immobiles, enfermés dans ses propres interrogations ou dans ses propres certitudes. La passion missionnaire, la joie de la rencontre avec le Christ vous pousse à partager avec les autres la beauté de la foi, elle éloigne le risque de rester bloqués dans l’individualisme. La pensée qui propose l’homme comme artisan de lui-même, uniquement par ses propres choix et par ses propres désirs, souvent revêtus de l’habit apparemment beau de la liberté et du respect, risque de miner les fondements de la vie consacrée, en particulier séculière. Il est urgent de réévaluer le sens d’appartenance à votre communauté vocationnelle qui, précisément parce qu’elle ne se fonde pas sur une vie commune, trouve ses points de force dans le charisme. C’est pourquoi, si chacun de vous est pour les autres une possibilité précieuse de rencontre avec Dieu, il s’agit de redécouvrir la responsabilité d’être prophétie comme communauté, de rechercher ensemble, avec humilité et patience, une parole ayant un sens qui peut être un don pour le pays et pour l’Eglise, et de la témoigner avec simplicité. Vous êtes comme des antennes prêtes à saisir les germes de nouveauté suscités par l’Esprit Saint, et vous pouvez aider la communauté ecclésiale à assumer ce regard de bien et à trouver de nouvelles voies courageuses pour rejoindre chacun.

Pauvres parmi les pauvres, mais avec un cœur ardent. Jamais immobiles, toujours en chemin. Ensemble et envoyés, également quand vous êtes seuls, car la consécration fait de vous une étincelle vivante d’Eglise. Toujours en chemin avec cette vertu qui est une vertu en pèlerinage: la joie!

Merci, très chers amis, de ce que vous êtes. Que le Seigneur vous bénisse et que la Vierge vous protège. Et priez pour moi!

CONGRÉGATION POUR LES INSTITUTS

DE VIE CONSACRÉE ET LES SOCIÉTÉS

DE VIE APOSTOLIQUE

ANNÉE DE LA VIE CONSACRÉE

RÉJOUISSEZ-VOUS

Lettre circulaire
destinée aux consacrés et consacrées

Paroles du magistère du Pape François

«Je voulais vous dire un mot,
et ce mot, c’est la joie.
Partout où il y a les consacrés,
il y a toujours de la joie!».

Pape FRANÇOIS


Sommaire

Chers frères et sœurs

Réjouissez-vous, exultez, soyez dans l’allégresse


A l’écoute

Voilà la beauté
En vous appelant

Trouvés, rejoints, transformés

Dans la joie du
Oui fidèle

Consolez, consolez mon peuple
A l’écoute

Porter l’étreinte de Dieu

La tendresse nous fait du bien

La proximité comme compagnie

L’inquiétude de l’amour

Pour la réflexion

Les demandes du Pape François
Ave, Mère de la joie


 

Chers frères et sœurs,

1. « La joie de l’Evangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Avec Jésus Christ, la joie naît et renaît toujours ».[1]

Dans le magistère du Pape François, l’incipit d’Evangelii gaudium résonne avec une vitalité surprenante : il nous tourne vers ce mystère merveilleux de la Bonne Nouvelle qui, accueilli dans le cœur de la personne, en transforme la vie. C’est la parabole de la joie qui nous est racontée : la rencontre avec Jésus allume en nous la beauté de l’origine, celle du visage sur lequel resplendit la gloire du Père (cf. 2Co 4,6), source de la joie.

La Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique propose de réfléchir sur le temps de grâce qu’il nous est donné de vivre, cette invitation spéciale que le Pape adresse à la vie consacrée.

Accueillir ce magistère, c’est renouveler son existence suivant l’Evangile, non selon une radicalité comprise comme modèle de perfection et souvent de séparation, mais dans l’adhésion toto corde à l’événement de la rencontre salvifique qui transforme la vie. « Il s’agit de tout quitter pour suivre le Seigneur. Non, je ne veux pas dire radical. La radicalité évangélique n’appartient pas seulement aux religieux: elle est demandée à tous. Mais les religieux suivent le Seigneur de manière spéciale, sur un mode prophétique. Moi, j’attends de vous ce témoignage-là. Les religieux doivent être des hommes et des femmes capables de réveiller le monde ».[2]

Dans la finitude humaine, les limites et les soucis quotidiens, les consacrés et consacrées vivent la fidélité. Lorsqu’ils donnent raison de la joie qui les habite, ils deviennent un splendide témoignage, une annonce efficace, une compagnie et une proximité pour les femmes et les hommes qui habitent avec eux l’histoire et cherchent l’Église comme la maison paternelle.[3] François d’Assise, en choisissant l’Evangile comme forme de vie, « a fait grandir la foi, a renouvelé l’Église; et, dans le même temps, il a renouvelé la société, l’a rendue plus fraternelle, mais toujours avec l’Evangile, avec le témoignage. Prêchez toujours l’Evangile et, si nécessaire, même avec les paroles! ».[4]

Les suggestions qui nous viennent de l’écoute de la parole du Pape sont nombreuses, mais ce qui nous interpelle particulièrement, c’est l’absolue simplicité avec laquelle il propose son magistère, se conformant à l’authenticité désarmante de l’Evangile. Parole sans glose, répandue avec le geste large du bon semeur qui, confiant, ne fait pas de discrimination entre les terrains.

Une invitation donnée avec autorité et avec la légèreté de la confiance, un appel à abandonner les argumentations institutionnelles et les justifications personnelles, une parole provocante qui parvient à interroger nos modes de vie parfois engourdis et somnolents, souvent vécus à la marge du défi: si vous aviez autant de foi qu’un grain de moutarde (Lc 17,5). Un appel qui nous encourage à nous mettre en mouvement pour donner raison du Verbe qui demeure parmi nous, de l’Esprit qui crée et qui renouvelle constamment son Église.

Cette Lettre trouve sa raison d’être dans cette invitation et souhaite entamer une réflexion partagée, tout en s’offrant comme simple moyen pour une confrontation loyale entre Evangile et Vie. Le Dicastère introduit ainsi un itinéraire commun, lieu de réflexion personnelle, fraternelle, en institut, et en chemin vers 2015, année que l’Église dédie à la vie consacrée. Avec le désir et l’intention d’oser les décisions évangéliques qui porteront des fruits de renaissance et seront source de joie: « La primauté de Dieu apporte à l’existence humaine une plénitude de sens et de joie, car l’homme est fait pour Dieu et il est sans repos tant qu’il ne repose en Lui ».[5]


 

RÉJOUISSEZ-VOUS, EXULTEZ, SOYEZ DANS L’ALLÉGRESSE

Réjouissez-vous avec Jérusalem, exultez en elle, vous tous qui l’aimez, soyez avec elle dans l’allégresse, vous tous qui avez pris le deuil sur elle.


Car ainsi parle le Seigneur: « Voici que je fais couler vers elle la paix comme un fleuve et, comme un torrent débordant, la gloire des nations; vous serez allaités, on vous portera sur la hanche, on vous caressera en vous tenant sur les genoux.


Comme celui que sa mère console, moi aussi, je vous consolerai; à Jérusalem, vous serez consolés.


A cette vue, votre cœur sera dans la joie et vos membres reprendront vigueur comme l’herbe. La main du Seigneur se fera connaître à ses serviteurs ».


Isaïe 66,10-14


 

A l’écoute

2. Avec ce mot joie (en hébreu: śimḥâ/śamḥ,gyl), l’Ecriture sainte veut exprimer une multiplicité d’expériences collectives et personnelles, liées en particulier au culte religieux et aux fêtes, pour reconnaître le sens de la présence de Dieu dans l’histoire d’Israël. On trouve dans la Bible au moins treize verbes et substantifs différents pour décrire la joie de Dieu, celle des personnes et même celle de la création, dans le dialogue du salut.

Pour l’Ancien Testament, c’est dans les Psaumes et le livre du prophète Isaïe que se trouvent les occurrences les plus fréquentes. Avec une diversité linguistique créative et originale, on y est invité à la joie, joie de la proximité de Dieu, joie pour tout ce qu’il a créé, joie pour toute son œuvre. Dans les Psaumes, c’est par centaines que se trouvent les expressions indiquant la joie comme fruit de la présence bienveillante de Dieu et les retentissements d’allégresse qu’elle provoque, ou comme attestation de la grande promesse qui habite l’horizon futur du peuple. Quant au livre du prophète Isaïe, la seconde et la troisième partie du rouleau sont rythmées par ce fréquent rappel à la joie, qui s’oriente vers l’avenir: elle sera surabondante (cf. Is 9,2), le ciel, le désert et la terre exulteront de joie (Is 35,1; 44,23; 49,13), les prisonniers libérés arriveront à Jérusalem en criant de joie (Is 35,9 et sv; 51,11).

Dans le Nouveau Testament, le mot privilégié est lié à la racine kar (kàirein, karà), mais on trouve aussi d’autres termes, comme ‘agalliáomai, euphrosýnē’. Ils visent d’habitude une exultation totale, qui embrasse le passé et le futur. La joie est le don messianique par excellence, comme Jésus lui-même le promet: pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète (Jn 15,11; 16,24; 17,13). C’est Luc qui, depuis les événements qui précèdent la naissance du Sauveur, souligne la diffusion exultante de la joie (cf. Lc 1,14.44.47; 2,10; cf. Mt 2,10). Il montre comment l’expansion de la Bonne Nouvelle sème l’allégresse dans son sillage (cf. Lc 10,17; 24,41.52) et que celle-ci est un signe typique de la présence et de la croissance du Royaume (cf. Lc 15,7.10.32; Ac 8,39; 11,23; 15,3; 16,34; cf. Rm 15,10-13, etc.).

Selon Paul, la joie est un fruit de l’Esprit (cf. Ga 5,22) et une note typique et stable du Royaume (cf. Rm 14,17), qui se renforce encore à travers la tribulation et les épreuves (cf. 1Th 1,6). Dans la prière, la charité, l’action de grâce incessante se trouve la source de la joie (cf. 1Th 5,16; Ph 3,1; Co 1,11sv.). Dans les tribulations, l’apôtre des nations se sent plein de joie et partage la gloire que tous, nous attendons (cf. 2Co 6,10; 7,4; Col 1,24). Le triomphe final de Dieu et les noces de l’Agneau combleront toute joie et exultation (cf. Ap 19,7), faisant exploser un Alleluia universel (Ap 19,6).

Pour percevoir le sens plénier du texte cité, donnons à présent une brève explication de la phrase de Isaïe 66,10: Réjouissez-vous avec Jérusalem, exultez en elle vous tous qui l’aimez, soyez avec elle dans l’allégresse. Il s’agit de la finale de la troisième partie du prophète Isaïe. Il faut se souvenir que les chapitres 65 et 66 du livre d’Isaïe sont strictement unis et se complètent réciproquement, comme cela était déjà évident dans la conclusion de la seconde partie d’Isaïe (ch. 54-55).

Dans les deux chapitres, le thème du passé est évoqué, parfois même avec des images rudes, mais pour inviter à l’oublier, parce que Dieu veut faire briller une lumière nouvelle, une confiance qui guérira les infidélités et les cruautés subies. La malédiction, fruit de l’inobservance de l’Alliance, disparaîtra parce que Dieu est en train de faire de Jérusalem une exultation et de son peuple une allégresse (cf. Is 65,18). La preuve en sera dans l’expérience que la réponse de Dieu arrivera avant même que soit formulée la supplication (cf. Is 65,24). Tel est le contexte qui se prolonge encore dans les premiers versets du chapitre 66 d’Isaïe, affleurant ci et là par des signes encore plus loin, montrant les cœurs bornés et sourds face à la bonté du Seigneur et à sa Parole d’espérance.

Comme est alors évocatrice la comparaison de Jérusalem à une mère ! Elle s’inspire des promesses d’Isaïe (49,18-29; 54,1-3): le pays de Juda se remplit soudain de ceux qui reviennent de la dispersion, après l’humiliation. C’est comme si l’on disait que les bruits de « libération » avaient mis Sion enceinte de vie nouvelle et d’espérance. Et Dieu, maître de la vie, portera la gestation jusqu’à son terme, faisant naître sans peine de nouveaux enfants. Sion-mère se voit ainsi entourée de nouveau-nés et devient pour tous nourrice généreuse et tendre. La douceur de cette image a fasciné sainte Thérèse de Lisieux et lui a donné une clé d’interprétation décisive pour sa spiritualité.[6]

Une accumulation de paroles intenses: réjouissez-vous, exultez, soyez dans l’allégresse, mais également consoler, délices, débordant, caresses, etc. La fidélité et l’amour s’étaient évanouis et tout s’achevait dans la tristesse et la stérilité. Mais désormais, la puissance et la sainteté de Dieu redonnent sens, plénitude de vie et de bonheur, en s’exprimant avec des termes qui appartiennent aux racines affectives de tout être humain et qui réveillent des sensations uniques de tendresse et de sécurité.

Portrait délicat mais vrai d’un Dieu qui vibre comme une mère et dont les émotions intenses sont contagieuses. Une joie du cœur (cf. Is 66,14) qui naît de Dieu – visage maternel et bras qui soulève – et se répand au milieu d’un peuple estropié par mille humiliations et dont les os sont devenus fragiles. C’est une transformation gratuite qui s’élargit dans la fête aux cieux nouveaux et à la terre nouvelle (cf. Is 66,22), pour que tous les peuples connaissent la gloire du Seigneur, fidèle et rédempteur.

Voilà la beauté

3. « C’est cela, la beauté de la consécration: c’est la joie, la joie... ».[7] La joie de porter à tous la consolation de Dieu. Ce sont les paroles du Pape François pendant la rencontre avec les Séminaristes et les Novices. « Il n’y a pas de sainteté dans la tristesse! »,[8] poursuit le Saint-Père, il ne faut pas que vous vous désoliez comme les autres, qui n’ont pas d’espérance, écrivait Saint Paul (1Th 4,13).

La joie n’est pas un ornement inutile, elle est exigence et fondement de la vie humaine. Dans les soucis quotidiens, chaque homme et chaque femme aspire de tout son être à atteindre la joie et à y demeurer.

Dans le monde, il y a souvent un déficit de joie. Nous ne sommes pas appelés à accomplir des gestes épiques ni à proclamer des paroles retentissantes mais à témoigner de la joie qui vient de la certitude de se sentir aimés, de la confiance d’être sauvés.

Notre courte mémoire et notre expérience faible nous empêchent souvent de rechercher les « terres de la joie » dans lesquelles goûter le reflet de Dieu. Nous avons pourtant mille motifs de demeurer dans la joie. Sa racine se nourrit de l’écoute croyante et persévérante de la Parole de Dieu. A l’école du Maître, on entend: que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète! (Jn 15,11) et il nous entraîne à nous exercer à la joie parfaite.

« La tristesse et la peur doivent céder la place à la joie: Réjouissez-vous... exultez... soyez pleins d’allégresse, dit le Prophète (66,10). C’est une grande invitation à la joie […]. Tout chrétien, et nous-mêmes surtout, est appelé à porter ce message d’espérance qui donne sérénité et joie: la consolation de Dieu, sa tendresse envers tous. Mais nous ne pouvons pas en être porteurs si nous n’expérimentons pas nous-mêmes en premier la joie d’être consolés par Lui, d’être aimés de Lui. […] J’ai rencontré quelques fois des personnes consacrées qui ont peur de la consolation de Dieu et... les pauvres, ils se tourmentent, parce qu’ils ont peur de cette tendresse de Dieu. Mais n’ayez pas peur. N’ayez pas peur, le Seigneur est le Seigneur de la consolation, le Seigneur de la tendresse. Le Seigneur est père et Lui, il dit qu’il fera avec nous comme une maman avec son enfant, avec tendresse. N’ayez pas peur de la consolation du Seigneur ».[9]

En vous appelant

4. « En vous appelant, Dieu vous dit: ‘Tu es important pour moi, je t’aime, je compte sur toi’. Jésus dit ceci à chacun de nous! C’est de là que naît la joie! La joie du moment où Jésus m’a regardé. Comprendre et sentir cela est le secret de notre joie. Se sentir aimé de Dieu, sentir que pour Lui nous ne sommes pas des numéros mais des personnes; et sentir que c’est Lui qui nous appelle ».[10]

Le Pape François dirige notre regard vers le fondement spirituel de notre humanité pour voir ce qui nous est donné gratuitement, par une libre disposition divine et une libre réponse humaine. Alors Jésus fixa son regard sur lui et l’aima. Et il lui dit: « Une seule chose te manque: va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; puis, viens, suis-moi » (Mc 10, 21).

Le Pape nous rappelle: « Jésus, au cours de la dernière Cène, s’adresse aux apôtres à travers ces paroles: Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis (Jn 15,16), qui rappellent à tous, non seulement à nous prêtres, que la vocation est toujours une initiative de Dieu. C’est le Christ qui vous a appelées à le suivre dans la vie consacrée et cela signifie accomplir continuellement un ‘exode’ de vous-mêmes pour centrer votre existence sur le Christ et sur son Evangile, sur la volonté de Dieu, en vous dépouillant de vos projets, pour pouvoir dire avec Saint Paul: Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi (Ga 2,20) ».[11]

Le Pape nous invite à un pèlerinage à reculons, un chemin sapientiel pour nous retrouver sur les chemins de Palestine ou tout près de la barque de l’humble pêcheur de Galilée. Il nous invite à contempler les débuts d’un chemin ou mieux, d’un événement qui, inauguré par le Christ, fait laisser les filets sur la rive, le banc des impôts sur le bord de la rue, les velléités du zélote parmi les projets du passé. Autant de moyens inadaptés pour demeurer avec lui.

Il nous invite à nous arrêter longuement, comme en un pèlerinage intérieur, devant l’aube de la première heure, là où les espaces sont chauds de relation amicale, l’intelligence est menée à s’ouvrir au mystère, la décision détermine qu’il est bon de se mettre à la suite du Maître qui seul a les paroles de la vie éternelle (cf. Jn 6,68). Il nous invite à faire de toute notre existence « un pèlerinage de transformation dans l’amour ».[12]

Le Pape François nous appelle à nous arrêter en esprit sur l’image du départ: « La joie du moment où Jésus m’a regardé »,[13] et à évoquer le sens et l’exigence qui sous-tendent notre vocation: « C’est la réponse à un appel et à un appel d’amour ».[14] Demeurer avec le Christ exige d’en partager la vie, les choix, l’obéissance de la foi, la béatitude des pauvres, la radicalité de l’amour.

Il s’agit d’une vocation à renaître. « J’invite chaque chrétien […] à renouveler, aujourd’hui même, sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par Lui, de le chercher chaque jour sans cesse ».[15]

Paul nous replace devant cette vision fondamentale: De fondement, en effet, nul n’en peut poser d’autre que celui qui s’y trouve (1Co 3,11). Le mot ‘vocation’ indique ce don gratuit, qui, comme un réservoir de vie, ne cesse pas de renouveler l’humanité et l’Église dans le plus profond de leur être.

Dans l’expérience de la vocation, c’est Dieu lui-même qui est l’auteur de l’appel. Nous, nous écoutons une voix qui nous appelle à la vie et à être disciple pour le Royaume. Lorsque le Pape François le rappelle – ‘Tu es important pour moi’ –, il utilise le dialogue direct, à la première personne, pour que la conscience soit touchée. Il y appelle ma réflexion, mon jugement pour susciter des comportements cohérents avec l’appel dont je sens qu’il m’est adressé, avec mon appel personnel. « Je voudrais dire à ceux qui se sentent indifférents à l’égard de Dieu, de la foi, à ceux qui sont éloignés de Dieu ou qui l’ont abandonné, et à nous aussi, avec nos ‘éloignements’ et nos ‘abandons’ à l’égard de Dieu, petits, sans doute, mais qui sont si nombreux dans la vie quotidienne, regarde au plus profond de ton cœur, regarde au plus profond de toi, et demande-toi: as-tu un cœur qui désire quelque chose de grand ou un cœur endormi par les choses? Ton cœur a-t-il conservé l’inquiétude de la recherche ou l’as-tu laisser s’étouffer par les choses, qui finissent par l’atrophier? ».[16]

La relation avec Jésus demande d’être alimentée par l’inquiétude de la recherche. C’est elle qui nous rend conscients de la gratuité du don de la vocation et qui nous aide à revenir aux motivations qui ont causé le choix initial et demeurent dans la persévérance. « Se laisser conquérir par le Christ signifie être toujours tendus vers ce qui se trouve devant moi, vers l’objectif du Christ (cf. Ph 3,14) ».[17] Demeurer constamment à l’écoute de Dieu requiert que ces demandes deviennent les repères rythmant notre vie quotidienne.

Ce mystère indicible que nous portons en nous et qui participe à l’ineffable mystère de Dieu trouve son unique possibilité d’interprétation dans la foi. « La foi est la réponse à une Parole qui interpelle personnellement, à un Toi qui nous appelle par notre nom »[18] et « en tant que réponse à une Parole qui précède, la foi d’Abraham sera toujours un acte de mémoire. Toutefois, cette mémoire ne fixe pas dans le passé mais, étant mémoire d’une promesse, elle devient capable d’ouvrir vers l’avenir, d’éclairer les pas au long de la route »[19]. « La foi contient vraiment la mémoire de l’histoire de Dieu avec nous, la mémoire de la rencontre avec Dieu qui, le premier, se met en mouvement, qui crée et sauve, qui nous transforme; la foi est mémoire de sa Parole qui réchauffe le cœur, de ses actions de salut par lesquelles il nous donne vie, nous purifie, prend soin de nous, nous nourrit. […] Celui qui porte en lui la mémoire de Dieu se laisse guider par la mémoire de Dieu dans toute sa vie et sait l’éveiller dans le cœur des autres ».[20] Mémoire d’être appelé ici et maintenant.

Trouvés, rejoints, transformés

5. Le Pape nous demande de relire notre histoire personnelle et de la vérifier dans le regard d’amour de Dieu parce que, si la vocation relève toujours de son initiative, il nous revient d’adhérer librement à l’économie divino-humaine, comme relation de vie dans l’agape, chemin du disciple, « lumière sur le chemin de l’Église ».[21] La vie dans l’Esprit n’a pas de temps achevés, elle s’ouvre constamment au mystère quand elle discerne pour connaître le Seigneur et percevoir la réalité à partir de lui. En nous appelant, Dieu nous fait entrer dans son repos et nous demande de reposer en lui, comme processus continu de connaissance d’amour. La Parole résonne pour nous: tu te soucies et t’agites pour beaucoup de choses (Lc 10,41). Sur la via amoris, nous avançons dans la renaissance: le vieil homme renaît à une forme nouvelle. Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle (2Co 5,17).

Le Pape François donne le nom de cette renaissance: « Cette voie a un nom, un visage: le visage de Jésus Christ. Il nous enseigne à devenir saints. Dans l’Evangile, il nous montre la route: celle des Béatitudes (cf. Mt 5,1-12). Telle est la vie des saints: des personnes qui, par amour de Dieu, ne lui ont pas posé de conditions dans leur vie ».[22]

La vie consacrée est appelée à incarner la Bonne Nouvelle, à la sequela du Christ, le Crucifié Ressuscité, à constituer « en vérité une mémoire vivante du mode d’existence et d’action de Jésus comme Verbe incarné par rapport à son Père et à ses frères ».[23] Concrètement, il s’agit d’assumer son style de vie, d’adopter ses attitudes intérieures, de se laisser envahir par son esprit, d’assimiler sa surprenante logique et son échelle des valeurs, de partager ses risques et ses espérances: « Guidés par l’humble et heureuse certitude de celui qui a été trouvé, rejoint et transformé par la Vérité qui est le Christ et qui ne peut pas ne pas l’annoncer ».[24]

Le fait de demeurer dans le Christ nous permet d’accueillir la présence du Mystère qui nous habite et dilate notre cœur à la mesure de son cœur de Fils. Celui qui demeure dans son amour est attaché à la vigne comme le sarment (cf. Jn 15,1-8), entre dans la familiarité du Christ et porte du fruit: « Demeurer en Jésus! C’est demeurer attachés à Lui, à l’intérieur de Lui, avec Lui, parlant avec Lui: demeurer en Jésus ».[25]

« Le Christ est le sceau sur le front, il est le sceau sur le cœur: sur le front, pour que nous le professions toujours; sur le cœur, pour que nous l’aimions toujours; il est le sceau sur le bras, pour que nous agissions toujours ».[26] La vie consacrée en effet est un appel continu à suivre Jésus et à être conformé à lui. « Toute la vie de Jésus, sa manière d’agir avec les pauvres, ses gestes, sa cohérence, sa générosité quotidienne et simple, et finalement son dévouement total, tout est précieux et parle à notre propre vie ».[27]

La rencontre avec le Seigneur nous met en mouvement, nous pousse à sortir de l’auto-référentialité.[28] La relation avec lui n’est ni statique ni intimiste: « Celui qui met le Christ au centre de sa vie se décentre! Plus tu t’unis à Jésus et Lui devient le centre de ta vie, plus Lui te fait sortir de toi-même, te décentre et t’ouvre aux autres ».[29] « Nous ne sommes pas au centre, nous sommes, pour ainsi dire, ‘déplacés’, nous sommes au service du Christ et de l’Église »[30].

La vie chrétienne est déterminée par des verbes de mouvement, même quand elle est vécue dans la dimension monastique et cloîtrée: elle est une recherche perpétuelle.

« On ne peut persévérer dans une évangélisation fervente si on n’est pas convaincu, en vertu de sa propre expérience, qu’avoir connu Jésus n’est pas la même chose que de ne pas le connaître, que marcher avec lui n’est pas la même chose que marcher à tâtons, que pouvoir l’écouter ou ignorer sa Parole n’est pas la même chose, que pouvoir le contempler, l’adorer, se reposer en lui, ou ne pas pouvoir le faire n’est pas la même chose. Essayer de construire le monde avec son Évangile n’est pas la même chose que de le faire seulement par sa propre raison. Nous savons bien qu’avec lui la vie devient beaucoup plus pleine et qu’avec lui, il est plus facile de trouver un sens à tout ».[31]

Le Pape François exhorte à l’inquiétude de la recherche, comme l’a vécue Augustin d’Hippone: une « inquiétude du cœur qui le porte à la rencontre personnelle avec le Christ, qui le conduit à comprendre que ce Dieu qu’il cherchait loin de lui, est le Dieu proche de tout être humain, le Dieu proche de notre cœur, plus proche de nous que nous-mêmes ». C’est une recherche qui se poursuit: « Augustin ne s’arrête pas, ne se repose pas, ne se renferme pas sur lui-même comme celui qui est déjà arrivé, mais il poursuit le chemin. L’inquiétude de la recherche de la vérité, de la recherche de Dieu, devient inquiétude de le connaître toujours plus et de sortir de soi pour le faire connaître aux autres. C’est précisément l’inquiétude de l’amour ».[32]

Dans la joie du Oui fidèle

6. Celui qui a rencontré le Seigneur et le suit avec fidélité est un messager de la joie de l’Esprit.

« C’est seulement grâce à cette rencontre – ou nouvelle rencontre – avec l’amour de Dieu, qui se convertit en heureuse amitié, que nous sommes délivrés de notre conscience isolée et de l’autoréférence ».[33] La personne appelée est convoquée à elle-même, c’est-à-dire à son pouvoir être. Il n’est peut-être pas gratuit de dire que la crise de la vie consacrée passe aussi par l’incapacité à reconnaître la profondeur de cet appel, même en ceux qui vivent déjà cette vocation.

Nous vivons une crise de la fidélité, entendue comme une adhésion consciente à un appel qui est un parcours, un chemin, depuis son mystérieux début jusqu’à sa fin mystérieuse.

Peut-être sommes nous également dans une crise d’humanisation. Nous éprouvons les limites de notre cohérence, étant blessés par l’incapacité de mener notre vie comme une vocation unifiée et un chemin fidèle.

Un chemin quotidien, personnel et fraternel, marqué par le mécontentement et l’amertume, qui nous enferme dans le regret, quasiment en une nostalgie permanente de voies inexplorées et de rêves inaccomplis, devient un chemin solitaire. Notre vie, appelée à la relation dans l’accomplissement de l’amour, peut se transformer en lande inhabitée. Nous sommes invités à chaque âge à revisiter le centre profond de notre vie personnelle, là où les motivations pour vivre avec le Maître en tant que ses disciples trouvent sens et vérité.

La fidélité est conscience de l’amour qui nous oriente vers le Tu de Dieu et vers toute autre personne, de façon constante et dynamique, alors que nous expérimentons en nous la vie du Ressuscité: « Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement ».[34]

Le fait d’être disciple est grâce et exercice d’amour, exercice de charité oblative: « Quand nous marchons sans la Croix, quand nous édifions sans la Croix et quand nous confessons un Christ sans Croix, nous ne sommes pas disciples du Seigneur: nous sommes mondains, nous sommes des Evêques, des Prêtres, des Cardinaux, des Papes, mais pas des disciples du Seigneur ».[35]

Persévérer jusqu’au Golgotha, expérimenter les déchirures des doutes et du reniement, se réjouir de l’émerveillement et de la stupeur de Pâques jusqu’à la manifestation de la Pentecôte et à l’évangélisation des nations: telles sont les étapes de la fidélité joyeuse parce que kénotique, expérimentée tout au long de la vie, jusqu’au signe du martyre et également participant à la vie ressuscitée du Christ: « Et c’est de la Croix, acte suprême de miséricorde et d’amour, que l’on renaît comme créature nouvelle (Ga 6,15) ».[36]

Dans le lieu théologal dans lequel Dieu, en se révélant, nous révèle à nous-mêmes, le Seigneur nous demande donc de revenir à la recherche, fides quaerens: Recherche la justice, la foi, la charité, la paix, en union avec ceux qui d’un cœur pur invoquent le Seigneur (2Tim 2,22).

Le pèlerinage intérieur commence dans la prière. « Pour un disciple, la première chose est de rester avec le Maître, l’écouter, apprendre de Lui. Et cela vaut toujours, c’est un cheminement qui dure toute la vie. […] Si dans notre cœur, il n’y a pas la chaleur de Dieu, de son amour, de sa tendresse, comment pouvons-nous, nous, pauvres pécheurs, réchauffer le cœur des autres? ».[37] Cet itinéraire dure toute la vie, au cours de laquelle l’Esprit Saint nous convainc, dans l’humilité de la prière, de la Seigneurie du Christ en nous: « Le Seigneur nous appelle chaque jour à le suivre avec courage et fidélité; il nous a fait le grand don de nous choisir comme ses disciples; il nous invite à l’annoncer avec joie comme le Ressuscité, mais il nous demande de le faire par la parole et par le témoignage de notre vie, dans le quotidien. Le Seigneur est l’unique, l’unique Dieu de notre vie et il nous invite à nous dépouiller des nombreuses idoles et à l’adorer lui seul ».[38]

Le Pape indique l’oraison comme source de fécondité de la mission: « Cultivons la dimension contemplative, y compris dans le tourbillon des engagements les plus urgents et pesants. Et plus la mission vous appelle à aller vers les périphéries existentielles, plus votre cœur doit être uni à celui du Christ, plein de miséricorde et d’amour ».[39]

Le fait de demeurer avec Jésus nous forme à porter un regard contemplatif sur l’histoire, qui sait voir et écouter partout la présence de l’Esprit et, de façon privilégiée, discerner sa présence pour vivre le temps comme le temps de Dieu. Quand ce regard de foi manque, « la vie perd progressivement son sens, le visage des frères devient terne et il est impossible d’y découvrir le visage du Christ, les événements de l’histoire demeurent ambigus, voire privés d’espérance ».[40]

La contemplation ouvre à l’attitude prophétique. Le prophète est un homme « qui a le regard pénétrant et qui écoute et dit les paroles de Dieu; […] un homme de trois temps: la promesse du passé, la contemplation du présent, le courage pour indiquer le chemin vers l’avenir ».[41]

La fidélité à être disciple passe enfin, et elle y est éprouvée, par l’expérience de la fraternité, lieu théologique, dans lequel nous sommes appelés à nous soutenir dans le oui joyeux à l’Evangile: « C’est la Parole de Dieu qui suscite la foi, la nourrit, la régénère. C’est la Parole de Dieu qui touche les cœurs, les convertit à Dieu et à sa logique qui est si différente de la nôtre; c’est la Parole de Dieu qui renouvelle constamment nos communautés ».[42]

Le Pape nous invite donc à renouveler et à définir notre vocation avec joie et passion parce que l’acte d’un amour total est un processus continu, qui « mûrit, mûrit, mûrit »,[43] en un développement permanent dans lequel le oui de notre volonté à la sienne unit volonté, intellect et sentiment. « L’amour n’est jamais ‘achevé’ ni complet; il se transforme au cours de l’existence, il mûrit et c’est justement pour cela qu’il demeure fidèle à lui-même ».[44]


 

CONSOLEZ, CONSOLEZ MON PEUPLE

Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu.
Parlez au cœur de Jérusalem.


Isaïe 40,1-2


 

A l’écoute

7. Avec un style particulier, que l’on retrouve également plus loin (cf. Is 51,17; 52,1: Réveille-toi, réveille-toi!), les oracles de la seconde partie d’Isaïe (Is 40-55) lancent un appel à venir en aide à Israël en exil, qui tend à s’enfermer dans le vide d’une mémoire défaillante. Le contexte historique est clairement celui de la longue déportation du peuple à Babylone (587-538 a.C.), avec toute l’humiliation qui s’en est suivie et le sentiment d’impuissance à en sortir. Toutefois, la désagrégation de l’empire assyrien sous la pression de la nouvelle puissance émergente, la Perse, guidée par Cyrus, l’étoile naissante, donne l’intuition au prophète qu’une libération inattendue pourrait s’accomplir. Et il en sera ainsi. Le prophète, sous l’inspiration de Dieu, donne voix à cette possibilité en interprétant les bouleversements politiques et militaires comme action mystérieusement guidée par Dieu à travers Cyrus. Il proclame que la libération est proche et que le retour sur la terre des ancêtres est sur le point de s’accomplir.

Les paroles utilisées par Isaïe: Consolez... parlez au cœur, se retrouvent assez fréquemment dans l’Ancien Testament et les passages où il s’agit de dialogues de tendresse et d’affection ont une valeur particulière. Tel est le cas quand Ruth reconnait que Booz l’a consolée et a parlé à son cœur (cf. Rt 2,12); ou quand, dans une page célèbre, Osée annonce à son épouse, Gomer, qu’il l’attirera au désert et qu’il y parlera à son cœur (cf. Os 2,16-17) pour une nouvelle saison de fidélité. Il y a cependant encore d’autres parallèles semblables: le dialogue de Sichem, fils de Hamor, amoureux de Dina (cf. Gn 34,1-5), ou celui du lévite d’Ephraïm qui parle à la concubine qui l’a abandonné (cf. Jg 19,3).

Il s’agit donc d’un langage à interpréter sur la toile de fond de l’amour, et non sur celle de l’encouragement: ensemble d’actions et de paroles, délicates et encourageantes, mais qui rappellent les intenses liens d’affection de Dieu « époux » d’Israël. Et la consolation doit être épiphanie d’une appartenance réciproque, jeu d’intense empathie, d’émotions et de liens vitaux. Non des paroles superficielles ou douceâtres mais la miséricorde, l’inquiétude qui prend aux entrailles, l’étreinte qui donne force et proximité patiente pour retrouver les voies de la confiance.

Porter l’étreinte de Dieu

8. « Les gens aujourd’hui ont besoin, certainement de paroles, mais ils ont besoin surtout que nous témoignions la miséricorde, la tendresse du Seigneur qui réchauffe le cœur, qui réveille l’espérance, qui attire vers le bien. La joie de porter la consolation de Dieu ».[45]

Le Pape François confie cette mission aux consacrés et consacrées: trouver le Seigneur qui nous console comme une mère et consoler le peuple de Dieu. C’est de la joie de la rencontre avec le Seigneur et de son appel que jaillit le service de l’Église, la mission: porter aux hommes et aux femmes de notre temps la consolation de Dieu, témoigner de sa miséricorde.[46]

Jésus nous présente la consolation comme don de l’Esprit, le Paraclet, le Consolateur qui nous console dans les épreuves et allume une espérance qui ne déçoit pas. C’est ainsi que la consolation chrétienne devient réconfort, encouragement, espérance: elle est la présence opérante de l’Esprit (cf. Jn 14,16-17), fruit de l’Esprit: le fruit de l’Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi (Ga 5,22).

Dans un monde où règnent la méfiance, le découragement, la dépression, dans une culture dans laquelle les hommes et les femmes se laissent envelopper par la fragilité et la faiblesse, par l’individualisme et les intérêts personnels, il nous est demandé d’introduire la confiance dans la possibilité d’un bonheur véritable, d’une espérance possible, qui ne s’appuie pas seulement sur les talents, les qualités, le savoir, mais sur Dieu. La possibilité est donnée à tous de le rencontrer, il suffit de le chercher avec un cœur sincère.

Jésus nous présente la consolation comme don de l’Esprit, le Paraclet, le Consolateur qui nous console dans les épreuves et allume une espérance qui ne déçoit pas. C’est ainsi que la consolation chrétienne devient réconfort, encouragement, espérance: elle est la présence opérante de l’Esprit (cf. Jn 14,16-17), fruit de l’Esprit: le fruit de l’Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi (Ga 5,22).

Dans un monde où règnent la méfiance, le découragement, la dépression, dans une culture dans laquelle les hommes et les femmes se laissent envelopper par la fragilité et la faiblesse, par l’individualisme et les intérêts personnels, il nous est demandé d’introduire la confiance dans la possibilité d’un bonheur véritable, d’une espérance possible, qui ne s’appuie pas seulement sur les talents, les qualités, le savoir, mais sur Dieu. La possibilité est donnée à tous de le rencontrer, il suffit de le chercher avec un cœur sincère.

Les hommes et les femmes de notre temps attendent des paroles de consolation, la proximité du pardon et de la joie véritable. Nous sommes appelés à porter à tous l’étreinte de Dieu, qui se penche vers nous avec la tendresse d’une mère: consacrés, signe d’une humanité accomplie, facilitateurs et non contrôleurs de la grâce,[47] courbés dans un geste de consolation.

La tendresse nous fait du bien

9. Témoins de communion au-delà de ce que nous voyons et de nos limites, nous sommes donc appelés à porter le sourire de Dieu. La fraternité est le premier évangile et le plus crédible que nous puissions raconter. Il nous est demandé d’humaniser nos communautés: « Prendre soin de l’amitié entre vous, de la vie de famille, de l’amour entre vous. Et il faut que le monastère ne soit pas un Purgatoire, mais qu’il soit une famille. Les problèmes existent, il y en aura, mais, comme on fait dans une famille, avec amour, il faut chercher la solution avec amour; il ne faut pas détruire celle-ci pour résoudre cela; il ne faut pas qu’il y ait de la compétition. Toujours avec un cœur grand. Laisser passer, ne pas se vanter, tout supporter, sourire avec le cœur. Et le signe en est la joie ».[48]

La joie se consolide dans l’expérience de la fraternité, ce lieu théologique où chacun est responsable de la fidélité à l’Evangile et de la croissance de chacun. Quand une fraternité se nourrit du même Corps et Sang de Jésus, elle se réunit autour du Fils de Dieu pour partager le chemin de foi sous la conduite de la Parole, elle devient une avec lui, elle est une fraternité de communion qui expérimente l’amour gratuit et vit en fête, libre, joyeuse, pleine de courage.

« Une fraternité sans joie est une fraternité qui s’éteint. […] Une communauté riche de joie est un véritable don du Très-Haut, accordé aux frères et sœurs qui savent le demander, et qui s’acceptent mutuellement en s’engageant dans la vie fraternelle avec confiance en l’action de l’Esprit ».[49]

Dans un temps où la fragmentation donne raison à un individualisme stérile et de masse et où la faiblesse des relations désagrège et détruit, nous sommes invités à humaniser les relations fraternelles pour favoriser la communion des esprits et des cœurs à la façon de l’Evangile. En effet, « il existe une communion de vie entre tous ceux qui appartiennent au Christ. Une communion qui naît de la foi » et qui rend « l’Église, dans sa vérité la plus profonde, communion avec Dieu, familiarité avec Dieu, communion d’amour avec le Christ et avec le Père dans le Saint-Esprit, qui se prolonge en une communion fraternelle ».[50]

Pour le Pape François, la marque de la fraternité est la tendresse, une « tendresse eucharistique », parce que « la tendresse nous fait du bien ». La fraternité a « une force de convocation énorme. […] la fraternité, même avec toutes les différences possibles, est une expérience d’amour qui va au-delà des conflits ».[51]

La proximité comme compagnie

10. Nous sommes appelés à accomplir un exode de nous-mêmes sur un chemin d’adoration et de service.[52] « Sortir par la porte pour chercher et rencontrer! Ayez le courage d’aller à contre-courant de cette culture maniaque de l’efficacité, de cette culture du rebut. La rencontre et l’accueil de tous, la solidarité et la fraternité, sont les éléments qui rendent notre civilisation vraiment humaine. Etre serviteurs de la communion et de la culture de la rencontre ! Je veux que vous soyez comme obsédés en ce sens. Et soyez-le sans être présomptueux ».[53]

« Le fantasme à combattre est l’image de la vie religieuse entendue comme refuge et consolation face à un monde extérieur difficile et complexe ».[54] Le Pape nous exhorte à « sortir du nid »,[55] pour habiter la vie des hommes et des femmes de notre temps, et nous livrer nous mêmes à Dieu et au prochain.

« La joie naît de la gratuité d’une rencontre! […] Et la joie de la rencontre avec lui et de son appel pousse à ne pas se renfermer, mais à s’ouvrir. Elle nous conduit au service dans l’Église. Saint Thomas disait: bonum est diffusivum sui – le bien se diffuse. Et la joie aussi se diffuse. N’ayez pas peur de montrer votre joie d’avoir répondu à l’appel du Seigneur, à son choix d’amour, et de témoigner de son Evangile dans le service de l’Église. Et la joie, la vraie, est contagieuse, elle contamine... elle fait avancer ».[56]

Devant le témoignage contagieux de la joie, de la sérénité, de la fécondité, devant le témoignage de la tendresse et de l’amour, de la charité humble, sans violence, beaucoup sentent le besoin de venir pour voir.[57]

Le Pape François a désigné plus d’une fois le chemin de l’attraction, de la contamination, comme la voie pour faire grandir l’Église, la voie de l’évangélisation. « L’Église doit être attractive. Réveillez le monde! Soyez témoins d’une autre façon de faire, d’agir, de vivre! Il est possible de vivre autrement en ce monde. […] J’attends de vous ce témoignage ».[58]

En nous confiant le devoir de réveiller le monde, le Pape nous pousse à rencontrer les histoires des hommes et des femmes d’aujourd’hui à la lumière de deux catégories pastorales qui trouvent leurs racines dans la nouveauté de l’Evangile: la proximité et la rencontre, deux façons par lesquelles Dieu lui-même s’est révélé dans l’histoire, allant jusqu’à l’Incarnation.

Sur le chemin d’Emmaüs, comme Jésus avec les disciples, nous accueillons dans la vie quotidienne les joies et les douleurs des gens, en « réchauffant le cœur »[59], en attendant avec tendresse ceux qui sont fatigués, les faibles, pour que le chemin commun ait, dans le Christ, lumière et sens.

Notre chemin « mûrit jusqu’à la paternité pastorale, jusqu’à la maternité pastorale, et quand un prêtre n’est pas père de sa communauté, quand une sœur n’est pas mère de tous ceux avec lesquels elle travaille, ils deviennent tristes. Voilà le problème. C’est pourquoi je vous le dis: la racine de la tristesse dans la vie pastorale réside précisément dans l’absence de paternité et de maternité qui vient de ce que l’on vit mal cette consécration, qui doit au contraire nous amener à la fécondité ».[60]

L’inquiétude de l’amour

11. Icônes vivantes de la maternité et de la proximité de l’Église, nous allons vers ceux qui attendent la Parole de la consolation en nous penchant avec amour maternel et esprit paternel vers les pauvres et les faibles.

Le Pape nous invite à ne pas privatiser l’amour mais, avec l’inquiétude de l’amour, à « chercher toujours, sans répit, le bien de l’autre, de la personne aimée ».[61]

La crise de sens de l’homme moderne et celle économique et morale de la société occidentale et de ses institutions ne sont pas un événement passager des temps dans lesquels nous vivons mais marquent un moment de l’histoire d’une importance exceptionnelle. Nous sommes alors appelés, comme Église, à sortir pour nous diriger vers les périphéries géographiques, urbaines et existentielles – celles du mystère du péché, de la souffrance, des injustices, de la misère –, vers les lieux cachés de l’âme où chaque personne expérimente la joie et la souffrance de vivre.[62]

« Nous vivons une culture de l’affrontement, une culture de la fragmentation, la culture du déchet […] aujourd’hui, trouver un clochard mort de froid n’est pas une nouvelle ». Et pour tant, la pauvreté « est une catégorie théologale parce que le Fils de Dieu s’est abaissé, s’est fait pauvre pour marcher avec nous sur la route. […] Une Église pauvre pour les pauvres commence par aller vers la chair du Christ. Si nous allons vers la chair du Christ, nous commençons à comprendre quelque chose, à comprendre ce qu’est cette pauvreté, la pauvreté du Seigneur ».[63] Vivre la béatitude des pauvres vent dire être signe que l’angoisse de la solitude et de la limite est vaincue par la joie de celui qui est vraiment libre en Christ et qui a appris à aimer.

Au cours de sa visite pastorale à Assise, le Pape François s’est interrogé sur ce dont l’Église devait se dépouiller. Et il a répondu ainsi: « Se dépouiller de toute action qui n’est pas pour Dieu, qui n’est pas de Dieu; de la peur d’ouvrir les portes et d’aller à la rencontre de tous, en particulier des plus pauvres, des personnes dans le besoin, éloignées, sans attendre; certainement pas pour se perdre dans le naufrage du monde, mais pour apporter avec courage la lumière du Christ, la lumière de l’Evangile, même dans l’obscurité, là où on ne voit pas, où il peut arriver de trébucher; se dépouiller de la tranquillité apparente que donnent les structures, certainement nécessaires et importantes, mais qui ne doivent jamais obscurcir l’unique force véritable: celle de Dieu. C’est Lui notre force! ».[64]

Ceci résonne en nous comme une invitation à « ne pas avoir peur de la nouveauté que l’Esprit Saint accomplit en nous, à ne pas avoir peur du renouvellement des structures. L’Église est libre. C’est l’Esprit Saint qui la fait avancer. C’est ce que Jésus nous enseigne dans l’Evangile: la liberté nécessaire pour trouver toujours la nouveauté de l’Evangile dans notre vie et également dans les structures. La liberté de choisir des outres neuves pour cette nouveauté ».[65] Nous sommes invités à être des hommes et des femmes audacieux, de frontière: « Ce qui est nôtre n’est pas une foi de laboratoire, mais une foi en chemin, une foi historique. Dieu s’est révélé comme histoire, non comme un compedium de vérités abstraites. […] Il ne faut pas construire la frontière chez soi, mais vivre à la frontière et être audacieux ».[66]

A côté du défi de la béatitude des pauvres, le Pape invite à visiter les frontières de la pensée et de la culture, à favoriser le dialogue, également au niveau intellectuel, pour donner raison de l’espérance sur le fondement de critères éthiques et spirituels, en s’interrogeant sur ce qui est bon. La foi ne réduit jamais l’espace de la raison mais l’ouvre à une vision intégrale de l’homme et de la réalité. Elle préserve du danger de réduire l’homme à du « matériel humain ».[67]

La culture, appelée à servir constamment l’humanité dans toutes les circonstances, ouvre, si elle est authentique, des itinéraires inexplorés, des passages qui font respirer l’espérance, renforcent le sens de la vie, protègent le bien commun. Un authentique processus culturel « fait croître l’humanisation intégrale et la culture de la rencontre et de la relation; c’est la façon chrétienne de promouvoir le bien commun, la joie de vivre. Et ici convergent foi et raison, la dimension religieuse avec les divers aspects de la culture humaine: art, science, travail, littérature ».[68] Une recherche culturelle authentique rencontre l’histoire et ouvre des chemins pour rechercher le visage de Dieu.

Les lieux dans lesquels s’élabore et se communique le savoir sont également les lieux dans lesquels se crée une culture de la proximité, de la rencontre et du dialogue, en baissant les défenses, en ouvrant les portes, en bâtissant des ponts.[69]


 

POUR LA RÉFLEXION

12. Le monde, en tant que réseau global dans lequel tous sont connectés, où nulle tradition locale ne peut prétendre au monopole du vrai, où les technologies ont des effets qui touchent chacun, lance un défi continuel à l’Evangile et à celui qui suit la vie dans la forme de l’Evangile.

En ce moment de l’histoire, le Pape François construit, à travers des choix et des modalités de vie, une herméneutique vivante du dialogue Dieu-monde. Il nous introduit au style d’une sagesse qui, enracinée dans l’Evangile et l’eschatologie de l’humain, relit le pluralisme, recherche l’équilibre, invite à reconnaître la capacité d’être responsable du changement pour que la vérité de l’Evangile soit toujours mieux communiquée, alors que nous nous trouvons « dans les limites du langage et des circonstances »[70] et que, conscient de ces limites, chacun de nous se fasse faible avec les faibles... tout à tous (1Co 9,22). Nous sommes invités à soigner une dynamique génératrice et non simplement administrative, pour accueillir les événements spirituels présents dans nos communautés et dans le monde, mouvements et grâce que l’Esprit opère en chaque personne singulière, regardée comme personne. Nous sommes invités à nous engager à déstructurer les modèles sans vie pour raconter l’humain marqué par le Christ et jamais totalement révélé dans les langages et les expressions.

Le Pape François nous invite à une sagesse qui soit signe d’une consistance souple, capacité des consacrés d’agir et de choisir selon l’Evangile, sans se perdre entre les différentes sphères de vie, langages, relations, en conservant le sens des responsabilités, de ce qui nous relie, de nos limites, de l’infinité des façons dont la vie s’exprime. Un cœur missionnaire est un cœur qui a connu la joie du salut du Christ et la partage comme consolation, conscient des limites humaines. « Il sait que lui-même doit croître dans la compréhension de l’Evangile et dans le discernement des sentiers de l’Esprit et alors, il ne renonce pas au bien possible, même s’il court le risque de se salir avec la boue de la route ».[71]

Accueillons les sollicitations que le Pape nous propose pour regarder le monde et nous-mêmes avec les yeux du Christ et en rester inquiets.

Les demandes du Pape François

Je voulais vous dire un mot et ce mot, c’est la joie. Partout où il y a les consacrés, les séminaristes, les religieuses et les religieux, il y a de la joie, il y a toujours de la joie! C’est la joie de la fraîcheur, c’est la joie de suivre Jésus, la joie que nous donne le Saint-Esprit, pas la joie du monde. Il y a de la joie! Mais où naît la joie? [72]

Regarde au plus profond de ton cœur, regarde au plus profond de toi, et demande-toi: as-tu un cœur qui désire quelque chose de grand ou un cœur endormi par les choses? Ton cœur a-t-il conservé l’inquiétude de la recherche ou l’as-tu laissé s’étouffer par les choses, qui finissent par l’atrophier? Dieu t’attend, il te cherche, que lui réponds tu? Te rends-tu compte de cette situation de ton âme? Ou bien dors-tu? Crois-tu que Dieu t’attend ou bien pour toi cette vérité ne représente-t-elle que « des mots »? [73]

Nous sommes victimes de cette culture du provisoire. Je voudrais que vous réfléchissiez à cela: comment puis-je être libre par rapport à cette culture du provisoire? [74]

C’est une responsabilité avant tout des adultes, des formateurs: donner un exemple de cohérence aux plus jeunes. Nous voulons des jeunes cohérents? Soyons cohérents nous-mêmes! Sinon, le Seigneur nous dira ce qu’il disait des pharisiens au peuple de Dieu: « Faites ce qu’ils disent, mais pas ce qu’ils font! ». Cohérence et authenticité.[75]

Nous pouvons nous demander, suis-je inquiet pour Dieu, pour l’annoncer, pour le faire connaître? Ou est-ce que je me laisse séduire par cette mondanité spirituelle qui pousse à tout faire par amour de soi-même? Nous, consacrés, pensons aux intérêts personnels, à l’efficacité des œuvres, au carriérisme. Tant de choses auxquelles nous pouvons penser... Est-ce que je me suis pour ainsi dire « installé » dans ma vie chrétienne, dans ma vie sacerdotale, dans ma vie religieuse, dans ma vie de communauté aussi, ou bien est-ce que je conserve la force de l’inquiétude pour Dieu, pour sa Parole, qui me porte à « aller à l’extérieur », vers les autres? [76]

Comment nous comportons-nous face à l’inquiétude de l’amour? Croyons-nous à l’amour envers Dieu et envers les autres? Ou sommes-nous nominalistes à ce sujet? Non pas de façon abstraite, pas seulement en paroles, mais le frère concret que nous rencontrons, le frère qui est à côté de nous! Nous laissons-nous inquiéter par leurs nécessités ou bien restons-nous enfermés en nous-mêmes, dans nos communautés, qui sont souvent pour nous une « communauté-confort »? [77]

Ca, c’est un beau chemin, un beau chemin vers la sainteté! Ne jamais dire du mal des autres. « Mais, Père, il y a des problèmes... ». Dis-le au supérieur, dis-le à la supérieure, dis-le à l’évêque, qui peut trouver une solution. Ne le dis pas à celui qui ne peut pas aider. C’est important: la fraternité! Mais dis-moi, dirais-tu du mal de ta mère, de ton père, de tes frères? Jamais. Alors pourquoi le fais-tu dans la vie consacrée, au séminaire, dans la vie entre prêtres? Uniquement cela: réfléchissez, réfléchissez... La fraternité! Cet amour fraternel! [78]

Au pied de la croix, Marie est la femme de la douleur et dans le même temps de l’attente vigilante d’un mystère plus grand que la doueur, sur le point de s’accomplir. Tout semble vraiment fini; toute espérance pourrait se dire éteinte. Elle aussi, à ce moment-là, en se souvenant des promesses de l’annonciation, aurait pu dire: elles ne sont pas avérées, j’ai été trompée. Mais elle ne l’a pas dit. Et pourtant, bienheureuse parce qu’elle a cru, elle voit bourgeonner de cette foi un avenir nouveau et attend avec espérance le demain de Dieu. Je pense parfois: savons-nous attendre le demain de Dieu? Ou voulons-nous l’aujourd’hui? Le demain de Dieu, pour elle, c’est l’aube du matin de la Pâque, de ce premier jour de la semaine. Cela nous fera du bien de penser, dans la contemplation, à l’accolade du fils avec la mère. La seule lampe allumée au sépulcre de Jésus est l’espérance de la mère qui, à ce moment-là, est l’espérance de toute l’humanité. Je me demande et je vous demande: dans les monastères, cette lampe est-elle encore allumée? Dans les monastères, attend-on le demain de Dieu? [79]

L’inquiétude de l’amour pousse toujours à aller à la rencontre de l’autre, sans attendre que l’autre manifeste son besoin. L’inquiétude de l’amour nous offre le don de la fécondité pastorale, et nous devons nous demander, chacun de nous, comment se porte ma fécondité spirituelle, ma fécondité pastorale? [80]

Une foi authentique implique toujours un désir profond de changer le monde. Voilà la question que nous devons nous poser: avons-nous nous aussi de grandes visions et un grand élan? Sommes-nous nous aussi audacieux? Avons-nous de grands rêves? Le zèle nous dévore-t-il (cf. Ps 69,10)? Ou bien sommes-nous médiocres et nous contentons-nous de nos programmations apostoliques de laboratoire? [81]

Ave, Mère de la joie

13. Réjouis-toi, pleine de grâce (Lc 1,28). « Le salut de l’ange à Marie est donc une invitation à la joie, à une joie profonde, il annonce la fin de la tristesse […]. C’est un salut qui marque le début de l’Évangile, de la Bonne Nouvelle ».[82]

A côté de Marie, la joie se répand: le Fils qu’elle porte en son sein est le Dieu de la joie, de l’allégresse contagieuse. Marie ouvre largement les portes de son cœur et court vers Elisabeth.

« Joyeuse d’accomplir son désir, délicate dans son devoir, empressée dans sa joie, elle se hâte vers la montagne. Vers où pouvait-elle donc tendre avec empressement, Celle qui était déjà pleine de Dieu, si ce n’est vers les sommets? ».[83]

Elle se dirige en hâte (Lc 1,39) pour porter au monde la joyeuse annonce, pour apporter à tous la joie irrésistible qu’elle accueille en son sein: Jésus, le Seigneur. En hâte : il ne s’agit pas seulement de la rapidité avec laquelle se dirige Marie, l’expression nous dit sa diligence, l’attention empressée avec laquelle elle affronte le voyage, son enthousiasme.

Voici la servante du Seigneur (Lc 1,38). La servante du Seigneur court en hâte pour se faire servante des hommes.

En Marie, c’est toute l’Église qui chemine: dans la charité de celui qui se dirige vers le plus fragile, dans l’espérance de celui qui sait qu’il sera accompagné et dans la foi de celui qui a un don particulier à partager. En Marie, que chacun de nous, poussé par le vent de l’Esprit, vive sa propre vocation à aller de l’avant!

Étoile de la nouvelle évangélisation,

aide-nous à rayonner
par le témoignage de la communion,

du service, de la foi ardente et généreuse,

de la justice et de l’amour pour les pauvres,
pour que la joie de l’Évangile
parvienne
jusqu’aux confins de la terre
et qu’aucune périphérie
ne soit privée de sa lumière.
Mère de l’Évangile vivant,

source de joie pour les petits,
prie pour nous.

Amen. Alleluia! [84]

Rome, 2 février 2014
Fête de la Présentation du Seigneur

João Braz Card. de Aviz

Préfet

+ José Rodríguez Carballo, O.F.M.

Archevêque Secrétaire


 

[1] FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, n. 1.

[2] ANTONIO SPADARO, « Svegliate il mondo! ». Colloquio di Papa Francesco con i Superiori Generali, in: La Civiltà Cattolica, 165 (2014/I), 5.

[3] Cf. FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, n. 47.

[4] FRANÇOIS, Rencontre avec les jeunes d’Ombrie, Assise, 4 octobre 2013.

[5] JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata, 25 mars 1996, n. 27.

[6] Cf., avec de nombreuses citations, THÉRÈSE DE LISIEUX, Œuvres complètes, Cerf/DDB, 1998, Manuscrits B, 1rº; C, 3rº; Lettre 196.

[7] FRANÇOIS, Rencontre avec les séminaristes et les novices, Rome, 6 juillet 2013.

[8] Ibidem.

[9] FRANÇOIS, Homélie pour la Messe avec les séminaristes et les novices, Rome, 7 juillet 2013.

[10] FRANÇOIS, Rencontre avec les séminaristes et les novices, Rome, 6 juillet 2013.

[11] FRANÇOIS, Discours aux participants à l’Assemblée plénière de l’Union internationale des Supérieures générales, Salle Paul VI, Rome, 8 mai 2013.

[12] FRANÇOIS, Message au Prieur général de l’Ordre des Frères de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel à l’occasion du Chapitre général, Rome, 22 août 2013.

[13] FRANÇOIS, Rencontre avec les séminaristes et les novices, Rome, 6 juillet 2013.

[14] Ibidem.

[15] FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, n. 3.

[16] FRANÇOIS, Homélie pour la Messe d’ouverture du Chapitre général de l’Ordre de Saint Augustin, Rome, 28 août 2013.

[17] FRANÇOIS, Homélie à l’occasion de la fête de Saint Ignace de Loyola, Rome, 31 juillet 2013.

[18] FRANÇOIS, Lettre encyclique Lumen Fidei, 29 juin 2013.

[19] Ibidem, n. 9.

[20] FRANÇOIS, Homélie à l’occasion de la journée des catéchistes en l’Année de la Foi, Rome, 29 septembre 2013.

[21] FRANÇOIS, Discours aux participants à l’Assemblée plénière de l’Union internationale des Supérieures générales, Salle Paul VI, Rome, 8 mai 2013.

[22] FRANÇOIS, Angelus, Rome, 1er novembre 2013.

[23] JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata, 25 mars 1996, n. 22.

[24] FRANÇOIS, Homélie pour la Messe avec les évêques de la XXVIIIe JMJ et avec les prêtres, les religieux et les séminaristes, Rio de Janeiro, 27 juillet 2013.

[25] FRANÇOIS, Discours aux catéchistes en pèlerinage à Rome à l’occasion de l’Année de la Foi et du Congrès international des catéchistes, Rome, 27 septembre 2013.

[26] Cf. AMBROISE, De Isaac et anima, 75: PL 14, 556-557.

[27] FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, n. 265.

[28] FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, n. 8.

[29] FRANÇOIS, Discours aux catéchistes en pèlerinage à Rome à l’occasion de l’Année de la Foi et du Congrès international des catéchistes, Rome, 27 septembre 2013.

[30] FRANÇOIS, Homélie à l’occasion de la fête de Saint Ignace de Loyola, Rome, 31 juillet 2013.

[31] FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, n. 266.

[32] FRANÇOIS, Homélie pour la Messe d’ouverture du Chapitre général de l’Ordre de Saint Augustin, Rome, 28 août 2013.

[33] FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, n. 8.

[34] FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, n. 1.

[35] FRANÇOIS, Homélie à la Messe avec les Cardinaux, Rome, 14 mars 2013.

[36] FRANÇOIS, Homélie pour la Messe avec les séminaristes et les novices, Rome, 7 juillet 2013.

[37] FRANÇOIS, Discours aux catéchistes en pèlerinage à Rome à l’occasion de l’Année de la Foi et du Congrès international des catéchistes, Rome, 27 septembre 2013.

[38] FRANÇOIS, Homélie à la Messe du IIIe dimanche de Pâques, Rome, 14 avril 2013.

[39] FRANÇOIS, Homélie pour la Messe avec les séminaristes et les novices, Rome, 7 juillet 2013.

[40] CONGRÉGATION POUR LES INSTITUTS DE VIE CONSACRÉE ET LES SOCIÉTÉS DE VIE APOSTOLIQUE, Instruction Repartir du Christ. Un engagement renouvelé de la vie consacrée au troisième millénaire, 19 mai 2002, n. 25.

[41] FRANÇOIS, Méditation matinale en la Chapelle de la Domus Sanctae Marthae, Rome, 16 décembre 2013.

[42] FRANÇOIS, Rencontre avec le clergé, les consacrés et les membres de conseils pastoraux, Assise, 4 octobre 2013.

[43] FRANÇOIS, Rencontre avec les séminaristes et les novices, Rome, 6 juillet 2013.

[44] BENOÎT XVI, Lettre encyclique Deus caritas est, 25 décembre 2005, n. 11.

[45] FRANÇOIS, Homélie pour la Messe avec les séminaristes et les novices, Rome, 7 juillet 2013.

[46] FRANÇOIS, Rencontre avec les séminaristes et les novices, Rome, 6 juillet 2013.

[47] Cf. FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, n. 47.

[48] FRANÇOIS, Paroles aux Clarisses, Assise, 4 octobre 2013.

[49] CONGRÉGATION POUR LES INSTITUTS DE VIE CONSACRÉE ET LES SOCIÉTÉS DE VIE APOSTOLIQUE, Instruction La vie fraternelle en communauté. « Congregavit nos in unum Christi amor », 2 février 1994, n. 28.

[50] FRANÇOIS, Audience générale, Rome, 30 octobre 2013.

[51] ANTONIO SPADARO, « Svegliate il mondo! ». Colloquio di Papa Francesco con i Superiori Generali, in: La Civiltà Cattolica, 165 (2014/I), 5.

[52] Cf. FRANÇOIS, Discours aux participants à l’Assemblée plénière de l’Union internationale des Supérieures générales, Rome, 8 mai 2013.

[53] FRANÇOIS, Homélie pour la Messe avec les évêques de la XXVIIIe JMJ et avec les prêtres, les religieux et les séminaristes, Rio de Janeiro, 27 juillet 2013.

[54] Cf. ANTONIO SPADARO, « Svegliate il mondo! ». Colloquio di Papa Francesco con i Superiori Generali, in: La Civiltà Cattolica, 165 (2014/I), 10.

[55] Cf. ibidem, 6.

[56] FRANÇOIS, Rencontre avec les séminaristes et les novices, Rome, 6 juillet 2013.

[57] Cf. FRANÇOIS, Méditation matinale en la Chapelle de la Domus Sanctae Marthae, 1er octobre 2013.

[58] Cf. ANTONIO SPADARO, « Svegliate il mondo! ». Colloquio di Papa Francesco con i Superiori Generali, in: La Civiltà Cattolica, 165 (2014/I), 5

[59] Cf. FRANÇOIS, Rencontre avec les évêques du Brésil, Rio de Janeiro, 27 juillet 2013.

[60] FRANÇOIS, Rencontre avec les séminaristes et les novices, Rome, 6 juillet 2013.

[61] FRANÇOIS, Homélie pour la Messe d’ouverture du Chapitre général de l’Ordre de Saint Augustin, Rome, 28 août 2013.

[62] Cf. FRANÇOIS, Veillée de Pentecôte avec les Mouvements, les nouvelles Communautés, les Associations, les Agrégations de laïcs, Rome, 18 mai 2013.

[63] Ibidem.

[64] FRANÇOIS, Rencontre avec les pauvres, les chômeurs et les émigrés assistés par la Caritas, Assise, 4 octobre 2013.

[65] Cf. FRANÇOIS, Méditation matinale en la Chapelle de la Domus Sanctae Marthae, 6 juillet 2013.

[66] Cf. ANTONIO SPADARO, Intervista a Papa Francesco, in: La Civiltà Cattolica, 164 (2013/III), 474.

[67] Cf. FRANÇOIS, Discours au monde académique et culturel, Cagliari, 22 septembre 2013.

[68] FRANÇOIS, Discours à la classe dirigeante du Brésil, Rio de Janeiro, 27 juillet 2013.

[69] Cf. FRANÇOIS, Discours à la communauté de la Civiltà Cattolica, Rome, 14 juin 2013.

[70] FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, n. 45.

[71] Ibidem.

[72] FRANÇOIS, Rencontre avec les séminaristes et les novices, Rome, 6 juillet 2013.

[73] FRANÇOIS, Homélie pour la Messe d’ouverture du Chapitre général de l’Ordre de Saint Augustin, Rome, 28 août 2013.

[74] FRANÇOIS, Rencontre avec les séminaristes et les novices, Rome, 6 juillet 2013.

[75] Ibidem.

[76] FRANÇOIS, Homélie pour la Messe d’ouverture du Chapitre général de l’Ordre de Saint Augustin, Rome, 28 août 2013.

[77] Ibidem.

[78] FRANÇOIS, Rencontre avec les séminaristes et les novices, Rome, 6 juillet 2013.

[79] FRANÇOIS, Paroles aux Sœurs Bénédictines Camalduldes, Rome, 21 novembre 2013.

[80] FRANÇOIS, Homélie pour la Messe d’ouverture du Chapitre général de l’Ordre de Saint Augustin, Rome, 28 août 2013.

[81] FRANÇOIS, Homélie pour la Messe en mémoire du Saint Nom de Jésus, Rome, 3 janvier 2014.

[82] BENOÎT XVI, Audience générale, Rome, 19 décembre 2012.

[83] AMBROISE, Expositio Evangelii secundum Lucam, II, 19: CCL 14, p. 39.

[84] FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, n. 288.

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